SITE OF SRI AUROBINDO & THE MOTHER
      
Home Page | Workings | Works of the Mother | Entretiens: Tape records

Mère

Entretiens

 

Le 8 mars 1957

L'enregistrement   

This text will be replaced

L’histoire suivante a été racontée par Mère au cours d’une «classe du vendredi», généralement réservée aux lectures pour les enfants.

Une Histoire Bouddhique

Comme je ne peux pas vous lire encore ce soir, je vais vous raconter une histoire. C’est une histoire bouddhique, que vous connaissez peut-être, et qui est moderne, mais elle a le mérite d’être authentique. Je l’ai entendue d’Alexandra David-Néel, qui est comme vous le savez peut-être une bouddhiste célèbre, surtout parce qu’elle a été la première femme européenne à entrer à Lhassa. Son voyage jusqu’au Tibet a été très périlleux et mouvementé et elle m’a raconté elle-même un des incidents de ce voyage, que je vais vous dire ce soir.

Elle était avec un certain nombre de compagnons de route formant une sorte de caravane, et l’approche du Tibet étant plus facile (relativement) par l’Indochine, ils passaient de ce côté-là. L’Indochine est couverte de grandes forêts, et ces forêts sont peuplées de tigres, dont quelques-uns deviennent des mangeurs d’hommes... dans ce cas-là, on les appelle «Monsieur Tigre».

Vers la fin d’une soirée, quand ils étaient en pleine forêt — une forêt dont ils devaient sortir pour pouvoir camper en sécurité —, elle s’est aperçue que c’était l’heure de sa méditation. Or, ses méditations, elle les faisait à heure fixe, tout à fait régulièrement, sans jamais y manquer, et comme c’était l’heure de la méditation, elle a dit à ses compagnons: «Continuez la route, moi, je m’assois, je vais faire ma méditation, et quand j’aurai fini je vous rejoindrai; pendant ce temps-là, gagnez l’étape et préparez le campement.» Un des coolies lui a dit: «Oh! non, Madame, c’est impossible, tout à fait impossible — dans son langage naturellement, mais il faut vous dire que Mme David-Néel parlait le tibétain comme une Tibétaine —, c’est tout à fait impossible, il y a Monsieur Tigre dans la forêt et c’est justement l’heure où il vient chercher son dîner. Nous ne pouvons pas vous laisser et vous ne pouvez pas vous arrêter!» Elle lui a répondu que cela lui était bien égal, que la méditation était beaucoup plus importante que la sécurité, qu’ils pouvaient tous se retirer et qu’elle resterait seule.

Très à contrecoeur, ils sont partis, puisqu’il était impossible de lui faire entendre raison — quand elle avait décidé quelque chose, rien ne pouvait l’empêcher de le faire. Ils sont partis et elle s’est assise confortablement au pied d’un arbre et elle est entrée en méditation. Au bout d’un moment, elle a eu l’impression d’une présence un peu désagréable. Elle a ouvert les yeux pour voir ce que c’était... et à trois, quatre pas en face d’elle était Monsieur Tigre! qui avait des yeux pleins de convoitise. Alors, en bonne bouddhiste, elle a dit: «Bien, si c’est le moyen par lequel j’atteindrai au Nirvâna, c’est bon. Il faut seulement me préparer à quitter ce corps comme il convient, dans l’esprit qui convient.» Et sans bouger, sans même tressaillir, elle a refermé ses yeux et elle est rentrée dans sa méditation; une méditation un peu plus profonde, un peu plus intense, en se détachant complètement de l’illusion du monde, prête à passer dans le Nirvâna... Cinq minutes se passent, dix minutes se passent, une demi-heure se passe — rien n’était arrivé. Alors, comme c’était l’heure à laquelle la méditation devait finir, elle ouvre les yeux... et il n’y avait plus de tigre! Sans doute, voyant un corps si immobile, a-t-il pensé qu’il était impropre à la nourriture! Parce que les tigres, comme tous les animaux féroces (excepté la hyène), n’attaquent pas et ne mangent pas un corps mort. Impressionné probablement par cette immobilité (je n’ose pas dire par l’intensité de la méditation, parce que je ne pense pas que le tigre soit très sensible à la méditation!), il s’était retiré et elle s’était retrouvée toute seule, hors de danger. Elle a repris le chemin tranquillement, et elle est arrivée en leur disant: «Me voilà.»

C’est mon histoire. Maintenant nous allons méditer comme elle, non pas pour nous préparer au Nirvâna (rires), mais pour augmenter notre conscience!