SITE OF SRI AUROBINDO & THE MOTHER
      
Home Page | Workings | Works of the Mother | Entretiens: Tape records

Mère

Entretiens

 

Le 5 juin 1957

L'enregistrement   

This text will be replaced

Tu as des questions? Non?

Douce Mère, est-ce que l’on doit poser des questions qui ne viennent pas spontanément?

Qu’est-ce que tu entends par une question qui ne vient pas spontanément?

Parce que, généralement, pour la classe, bien des fois, on pense que si l’on ne pose pas de questions, tu ne nous diras rien, alors on pense et on pense, et il faut que l’on pose des questions!

Cela dépend de ce que l’on trouve! Si la question est intéressante... Ce n’est pas parce que l’on fait un effort pour la trouver qu’elle est nécessairement mauvaise.

Tu as une question comme cela?

Non.

Alors!...

(long silence)

En fait, si on lisait attentivement ce que Sri Aurobindo a écrit, tout ce qu’il a écrit, on aurait la réponse à toutes les questions. Mais il y a certains moments et certaines présentations d’idée qui ont un effet dynamique sur la conscience et qui aident à faire un progrès spirituel. La présentation, pour qu’elle soit efficace, exige d’être l’expression spontanée d’une expérience immédiate. Si l’on répète des choses qui ont été déjà dites, de la même manière, et qui appartiennent à des expériences du passé, cela devient une sorte d’enseignement, ce que l’on pourrait appeler un bavardage didactique, et cela fait marcher quelques cellules du cerveau, mais en fait ce n’est pas très utile.

Pour moi, pour ce que j’essaye de faire, l’action dans le silence est toujours beaucoup plus importante... La force qui travaille n’est pas limitée par des mots, ce qui lui donne infiniment plus de puissance, et puis elle s’exprime dans chaque conscience selon le mode propre à cette conscience, ce qui lui donne infiniment plus d’efficacité. Une certaine vibration est émise dans le silence, dans un but spécial, pour obtenir un résultat défini, mais selon la réceptivité mentale de chacun, elle se traduit dans chaque conscience individuelle exactement sous la forme qui peut être la plus efficace, la plus active, la plus immédiatement utile pour chaque individu; tandis que si l’on formule avec des mots, il faut que cette formule soit reçue par chacun dans sa fixité — la fixité des mots qui lui sont donnés — et elle perd da sa puissance et de sa richesse d’action parce que, d’abord, les mots ne sont pas toujours compris comme ils sont dits et qu’ensuite ils ne sont pas toujours adaptés à la capacité de compréhension de chacun.

Alors, à moins qu’une question ne produise tout d’un coup une expérience qui puisse s’exprimer comme une formule nouvelle, à mon avis il est toujours mieux de se taire. Ce n’est que quand la question est vivante qu’elle peut produire une expérience qui donnera lieu à un enseignement vivant. Et pour qu’une question soit vivante, il faut qu’elle réponde à un besoin intérieur de faire un progrès, un besoin spontané de faire un progrès sur un plan quelconque — sur le plan mental, c’est la façon la plus ordinaire, mais si par hasard cela répond à une aspiration intérieure, à un problème que l’on s’est posé et que l’on veut résoudre, alors la question devient intéressante et vivante et vraiment utile, et elle peut donner lieu à une vision, une perception sur un plan supérieur, à une expérience de la conscience, qui fait que la formule peut être nouvelle et porter une puissance nouvelle de réalisation.

En dehors de ces cas-là, j’ai toujours l’impression qu’il vaut mieux ne rien dire et que quelques minutes de méditation sont toujours plus utiles.

La lecture que je fais au début doit servir à canaliser la pensée, l’orienter et la fixer sur un problème spécial, ou un ensemble d’idées ou une possibilité de compréhension nouvelle provenant de la lecture; et en fait, c’est presque comme un sujet de méditation qui est proposé pour le silence qui suit la lecture.

Parler pour parler n’est pas du tout intéressant — il y a les écoles pour cela. Pas ici.

Mais quand tu parles, c’est différent, Douce Mère!

(silence)

(Un autre enfant) Mère, quand tu parles, nous essayons de comprendre avec notre mental, mais quand tu communies en silence, sur quelle partie de l’être doit-on se concentrer?

Il vaut toujours mieux, pour la méditation (n’est-ce pas, nous employons le mot méditation, cela ne veut pas nécessairement dire «faire bouger des idées dans la tête», au contraire), il vaut toujours mieux tâcher de se concentrer dans un centre, le centre de l’aspiration si l’on peut dire, le lieu où brûle la flamme de l’aspiration, ramener toutes les énergies là, au centre du plexus solaire et, si possible, obtenir un silence attentif comme si l’on voulait écouter quelque chose d’extrêmement subtil, quelque chose qui nécessite une attention complète, une concentration complète et un silence total. Et puis ne plus bouger. Ne plus penser, ne plus bouger, et faire ce mouvement d’ouverture de façon à recevoir tout ce qui peut être reçu, mais en prenant bien soin de ne pas essayer de savoir ce qui se passe pendant que ça se passe, parce que, si l’on veut comprendre ou même observer activement, cela maintient une sorte d’activité cérébrale qui est défavorable à la plénitude de la réceptivité — se taire, se taire aussi totalement que possible, dans une concentration attentive et puis ne plus bouger.

Si l’on réussit cela, alors, quand tout est fini, quand on est sorti de la méditation, quelque temps après (généralement pas immédiatement), surgit du dedans de l’être quelque chose de nouveau dans la conscience: une nouvelle compréhension, une nouvelle appréciation des choses, une nouvelle attitude dans la vie — en somme, une nouvelle manière d’être. Cela peut être fugitif, mais à ce moment-là, si on le note, on s’aperçoit qu’il y a quelque chose qui a avancé d’un pas sur le chemin de la compréhension ou de la transformation. Ce peut être une illumination, une compréhension plus vraie ou plus proche de la vérité, ou un pouvoir de transformation qui vous fait faire un progrès psychologique, ou une augmentation de conscience ou une augmentation de maîtrise sur les mouvements, sur les activités de l’être.

Et ces résultats-là ne sont jamais immédiats. Parce que, si l’on essaye de les avoir immédiatement, on se maintient dans un état d’activité tout à fait contraire à la vraie réceptivité. Il faut être aussi neutre, aussi immobile, aussi passif que l’on peut l’être, avec un arrière-plan d’aspiration silencieuse, pas formulée avec des mots ni des idées, ni même des sentiments; quelque chose qui fait comme cela (geste, comme une flamme qui monte) dans une vibration ardente, mais qui ne formule pas, et surtout qui n’essaye pas de comprendre.

On arrive (avec un peu de pratique) à un état que l’on obtient à volonté, en quelques secondes, c’est-à-dire que l’on ne perd aucun temps de la méditation. Naturellement, au début, il faut lentement calmer son esprit, rassembler sa conscience, se concentrer; on perd les trois quarts du temps à se préparer. Mais quand on a la pratique de la chose, en deux, trois secondes on peut l’obtenir, et alors on bénéficie de tout le temps de la réceptivité.

Naturellement, il y a des conditions encore plus avancées ou perfectionnées, mais ça vient plus tard. Mais si l’on obtient cela déjà, on a le plein profit de la méditation.

Nous allons essayer.

(méditation)