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Mère

Entretiens

 

Le 17 juillet 1957

L'enregistrement   

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Personne n’a de questions sur le texte?... Je n’ai rien de particulier à vous dire ce soir, et si vous n’avez pas de curiosité sur ce que peuvent être les perfections nouvelles du corps...

Mère, dans l’éducation physique que nous pratiquons ici, notre but est «un contrôle de plus en plus grand sur le corps», n’est-ce pas? Alors, comme Sri Aurobindo a dit la dernière fois, dans ce que nous avons lu, que les méthodes de Hatha-yoga et les méthodes tantriques donnent un très grand contrôle sur le corps1, pourquoi n’introduit-on pas ces méthodes dans notre système?

Ce sont des procédés occultes pour agir sur le corps (les tantriques, en tout cas), tandis que les méthodes modernes de développement suivent le procédé physique ordinaire pour donner au corps toute la perfection dont il est capable dans son état actuel... Je ne saisis pas bien ta question. Les procédés sont tout à fait différents.

La base de toutes ces méthodes est le pouvoir qu’exerce la volonté consciente sur la matière. C’est généralement une méthode que quelqu’un a employée avec un certain succès, qu’il a érigée en principe d’action, qu’il a enseignée à d’autres qui, eux-mêmes, ont continué et perfectionné la méthode, jusqu’à ce qu’elle ait pris une forme assez fixe de discipline d’un genre ou d’un autre. Mais toute la base est l’effet de la volonté consciente sur le corps. La forme précise de la méthode n’est pas d’une importante capitale. Suivant les pays, suivant les époques, on s’est servi d’une méthode ou d’une autre, mais ce qu’il y a derrière, toujours, c’est un pouvoir mental canalisé agissant d’une façon méthodique. Naturellement, certaines méthodes essayent d’employer un pouvoir supérieur qui luimême passerait sa capacité au pouvoir mental: si l’on infuse dans une méthode mentale un pouvoir d’ordre supérieur, cette méthode mentale devient plus efficace et plus puissante, naturellement. Mais au fond, toutes ces disciplines dépendent surtout de celui qui les pratique et de la façon dont il s’en sert. On peut, même dans les procédés ordinaires les plus matériels, se servir de cette base tout à fait extérieure pour y infuser des pouvoirs d’ordre supérieur. Et toutes les méthodes, quelles qu’elles soient, dépendent presque exclusivement de celui qui les emploie, de ce qu’il met dedans.

N’est-ce pas, si l’on prend la question sous sa forme la plus moderne et la plus extérieure, comment se fait-il que les mouvements que l’on fait dans la vie courante, presque constamment, ou que l’on doit faire dans son travail si c’est un travail matériel, n’aident pas, ou aident très peu, infiniment peu, à développer les muscles et à créer une harmonie dans le corps? Tandis que ces mêmes mouvements, si on les fait consciemment, volontairement, avec un but précis, voilà tout d’un coup qu’ils vous aident à vous former des muscles et à vous bâtir un corps? Il y a des métiers, par exemple, où les gens ont à porter des poids extrêmement lourds, comme des sacs de ciment, ou bien des sacs de blé ou des sacs de charbon, et ils font des efforts considérables; ils le font, dans une certaine mesure, avec une facilité acquise, mais cela ne leur donne pas une harmonie du corps, parce qu’ils ne le font pas avec l’idée d’augmenter leurs muscles, ils le font «comme ça». Et quelqu’un qui suit une méthode, ou qui l’a apprise ou s’est donné une méthode à lui-même, et qui fait ces mêmes mouvements avec la volonté de développer ce muscle-ci et de développer celui-là, de produire une harmonie d’ensemble dans son corps, celui-là réussit. Par conséquent, dans la volonté consciente, il y a quelque chose qui ajoute considérablement au mouvement lui-même. Ceux qui veulent vraiment pratiquer la culture physique telle qu’on la conçoit maintenant, tout ce qu’ils font, ils le font consciemment. Ils descendent un escalier consciemment, ils font les mouvements de la vie ordinaire consciemment, pas mécaniquement. Pour un oeil attentif, peut-être y a-t-il une petite différence, mais la plus grande différence, c’est la volonté qu’ils y mettent, c’est la conscience qu’ils y mettent. Marcher pour aller quelque part ou marcher pour faire un exercice, ce n’est pas la même marche. C’est la volonté consciente dans toutes ces choses qui est importante, c’est elle qui fait faire le progrès et qui obtient le résultat. Par conséquent, ce que je veux dire, c’est que la méthode qu’on emploie n’a en soi qu’une importance très relative; c’est la volonté d’obtenir un certain effet qui est importante.

Le yogi ou l’aspirant yogi qui fait des âsanas pour obtenir un résultat spirituel, ou même simplement une maîtrise de son corps, obtient ces résultats parce que c’est dans ce but qu’il les fait, tandis que je connais des gens qui font exactement les mêmes choses, mais qui les font pour toutes sortes de raisons sans rapport avec le développement spirituel, et qui n’ont même pas obtenu que cela leur donne une bonne santé! Et pourtant, ils font exactement la même chose, ils le font même quelquefois beaucoup mieux que le yogi, mais cela ne leur a pas donné un équilibre de santé... parce qu’ils n’y ont pas pensé, parce que ce n’est pas dans ce but qu’ils l’ont fait. Moi-même, je leur ai demandé, j’ai dit: «Mais comment se fait-il que vous soyez malade après avoir fait tout cela?» — «Oh! mais je n’y ai jamais pensé, ce n’est pas pour cela que je le fais.» Ceci revient à dire que c’est la volonté consciente qui agit sur la matière, ce n’est pas le fait matériel.

Mais il n’y a qu’à essayer, vous comprendrez très bien ce que je veux dire. Par exemple, tous les gestes que vous faites pour vous habiller, pour prendre votre bain, pour ranger votre chambre, pour... n’importe quoi, faites-les consciemment, avec la volonté que ce muscle-là travaille, que celui-ci travaille. Vous verrez, vous obtiendrez un résultat tout à fait étonnant.

Monter, descendre les escaliers, vous ne pouvez pas vous imaginer comme cela peut être utile au point de vue de la culture physique, si vous savez vous en servir. Au lieu de monter parce que vous montez et de descendre parce que vous descendez, comme un homme ordinaire, vous montez avec la conscience de tous les muscles qui travaillent et de les faire travailler harmonieusement. Vous verrez. Essayez un peu, vous verrez! C’est-à-dire que vous pouvez utiliser tous les gestes de votre vie pour un développement harmonieux de votre corps.

Vous vous penchez pour ramasser quelque chose, vous vous dressez pour trouver quelque chose tout en haut d’une armoire, vous ouvrez une porte, vous la fermez, vous avez à tourner autour d’un obstacle, il y a cent choses que vous faites constamment et que vous pouvez utiliser pour votre culture physique, et qui vous démontreront que c’est la conscience que vous y mettez qui a de l’effet, cent fois plus que le fait, juste matériel, de le faire. Alors, vous choisissez la méthode qui vous plaît le mieux, mais vous pouvez utiliser toute votre vie quotidienne comme cela...

Penser constamment à l’harmonie du corps, à la beauté des mouvements, à ne rien faire qui soit disgracieux, maladroit. Vous pouvez obtenir un rythme de mouvements et de gestes qui est très exceptionnel.

Nous allons méditer sur tout cela.

 

1 Il y a quelque chose en nous qui doit être développé, peut-être une partie centrale mais encore occulte de notre être, qui contient des forces dont les pouvoirs ne sont encore, dans notre constitution actuelle, qu’une petite fraction de ce qu’ils pourraient être; s’ils devenaient complets et maîtres, ils seraient vraiment capables, avec l’aide de la lumière et de la force de l’âme, et avec la Conscience-de-Vérité supramentale, d’amener la transformation physique nécessaire et ses conséquences. On pourrait trouver certaines indications dans le système des chakras révélé par la connaissance tantrique et reconnu par les systèmes de yoga; ces chakras, ou centres de conscience, sont la source de tous les pouvoirs dynamiques de notre être et ils organisent leur action à travers les divers plexus qui s’échelonnent depuis le centre physique le plus bas jusqu’au centre mental le plus haut et au centre spirituel appelé «lotus aux mille pétales» où la Nature ascendante, le Pouvoir symbolisé par le Serpent des Tantriques, rencontre le Brahman et se libère en l’Être divin. Ces centres sont fermés ou à demi fermés en nous et il faut les ouvrir pour que leurs potentialités complètes puissent se manifester dans notre nature physique; mais une fois qu’ils sont ouverts et complètement actifs, on ne peut guère fixer de limite au développement de leurs puissances et à la possibilité d’une transformation totale. [...] Mais ces changements eux-mêmes laisseraient encore un résidu de processus matériels qui garderaient leurs vieilles habitudes et ne se laisseraient pas soumettre au contrôle supérieur, et si ceux-ci ne pouvaient être changés, tout le reste de la transformation risquerait d’être mis en échec et incomplet. Une transformation totale du corps exige un changement suffisant dans la partie la plus matérielle de l’organisme, dans sa constitution, ses processus et dans la structure de sa nature.» (La Manifestation Supramentale, chap. II)

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