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Mère

Entretiens

 

Le 8 octobre 1958

L'enregistrement   

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Douce Mère, est-ce qu’il ne peut pas y avoir des états intermédiaires entre l’homme et le surhomme?

Il y en aura probablement beaucoup.

Homme et surhomme? Tu ne parles pas de la nouvelle espèce supramentale? Tu parles vraiment de ce que nous appelons, nous, le surhomme, c’est-à-dire l’homme qui est né de la manière humaine et qui essaye de transformer son être physique tel qu’il l’a reçu par sa naissance humaine ordinaire? S’il y a des échelons? Il y aura certainement une quantité innombrable de réalisations partielles. Suivant la capacité de chacun, le degré de la transformation différera, et il est certain qu’il y aura un nombre considérable d’essais plus ou moins infructueux, ou plus ou moins fructueux, avant d’arriver à quelque chose qui ressemblera au surhomme, et ceux-là mêmes seront des tentatives plus ou moins réussies.

Tous ceux qui s’efforcent de surmonter la nature ordinaire, tous ceux qui essayent de réaliser matériellement l’expérience profonde qui les a mis en rapport avec la Vérité divine, tous ceux qui, au lieu de tourner le regard vers l’Au-delà ou le Haut, essayent de réaliser physiquement, extérieurement, le changement de conscience qu’ils ont réalisé au-dedans d’euxmêmes, sont tous des apprentis-surhommes... Et là, il est des différences innombrables dans le succès de leur effort. Chaque fois que nous essayons de ne pas être un homme ordinaire, de ne pas vivre la vie ordinaire, d’exprimer dans nos mouvements, nos actions, nos réactions, la Vérité divine; quand nous sommes gouvernés par cette Vérité au lieu d’être gouvernés par l’ignorance générale, nous sommes des apprentis- surhommes, et suivant le succès de nos efforts, eh bien, nous sommes des apprentis plus ou moins bons ou plus ou moins avancés sur le chemin.

Tout cela ce sont des étapes, alors... Au fond, la question est de savoir, dans cette course vers la Transformation, lequel des deux arrivera le premier: celui qui veut transformer son corps à l’image de la Vérité divine ou la vieille habitude de ce corps d’aller en se décomposant jusqu’à ce qu’il soit tellement déformé qu’il ne puisse plus continuer à vivre dans son intégralité extérieure. C’est une course entre la Transformation et la Déchéance. Parce qu’il n’y a que deux choses qui puissent être des points d’arrêt et dire jusqu’à quel point on a réussi: ou le succès, c’est-à-dire devenir un surhomme (alors naturellement on peut dire: maintenant je suis arrivé au résultat)... ou bien la mort. Jusque-là, normalement, on est «en route».

C’est l’une de ces deux choses — ou le but atteint ou la rupture brusque de la vie — qui met une fin provisoire à la marche en avant. Et sur la route, chacun est plus ou moins loin, mais jusqu’à ce qu’on arrive au bout, on ne pourra pas dire à quel échelon on est. C’est l’échelon final qui comptera. Alors c’est seulement celui qui viendra dans quelques centaines ou quelques milliers d’années et qui regardera en arrière, qui pourra dire: «Il y a eu tel échelon, tel autre échelon, telle réalisation, telle autre réalisation.» C’est de l’Histoire, cela, ce sera une perception historique de l’événement. Jusque-là, nous sommes tous dans le mouvement et dans le travail.

Où en sommes-nous et jusqu’où arriverons-nous?... Il vaut mieux ne pas trop y penser parce que ça vous coupe les jarrets et on ne peut pas bien courir. Il vaut mieux penser seulement à courir, et pas à autre chose. C’est la seule manière de bien courir. On regarde là où on veut aller et on met tout son effort dans le mouvement pour avancer. Où on en est, ça ne nous regarde pas. Je dis «c’est de l’Histoire», ça viendra après. Les historiens de notre effort nous diront (parce que peut-être nous serons là encore), nous diront ce que nous avons fait, comment nous l’avons fait... Pour le moment, ce qu’il faut, c’est le faire — c’est la seule chose importante.