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Sri Aurobindo

Le Secret du Véda
Suivi de hymnes choisis du Rig-Véda

Avec commentaires

4. Agni, la volonté illuminée (1.77)

1.77.1

क॒था दा॑शेमा॒ग्नये॒ कास्मै॑ दे॒वजु॑ष्टोच्यते भा॒मिने॒ गीः ।

यो मर्त्ये॑ष्व॒मृत॑ ऋ॒तावा॒ होता॒ यजि॑ष्ठ॒ इत्कृ॒णोति॑ दे॒वान् ॥१॥

kathā dāśema agnaye kā asmai deva-juṣṭā ucyate bhāmine gīḥ

yaḥ martyeṣu amṛtaḥ ṛta-vā hotā yajiṣṭhaḥ it kṛṇoti devān

Comment faire pour donner à Agni? Quelle Parole agréable aux dieux proférer, au Seigneur de la flamme brillante, l’Immortel dans les mortels, le détenteur de la Vérité, le prêtre de l’oblation [ou: de l’invocation], qui, lui le plus puissant pour le sacrifice, crée en nous les dieux?

1.77.2

यो अ॑ध्व॒रेषु॒ शंत॑म ऋ॒तावा॒ होता॒ तमू॒ नमो॑भि॒रा कृ॑णुध्वम् ।

अ॒ग्निर्यद्वेर्मर्ता॑य दे॒वान्स चा॒ बोधा॑ति॒ मन॑सा यजाति ॥२॥

yaḥ adhvareṣu śam-tamaḥ ṛta-vā hotā tam ūm̐ iti namaḥbhiḥ ā kṛṇudhvam

agniḥ yat veḥ martāya devān saḥ ca bodhāti manasā yajāti

Lui qui dans les sacrifices itinérants est plein de paix, possède la Vérité, prêtre de l’oblation, créez-le réellement en vous par vos soumissions; quand Agni manifeste (ou: entre dans) les dieux pour le mortel, il en prend lui aussi conscience et offre le sacrifice avec le mental.

1.77.3

स हि क्रतु॒: स मर्य॒: स सा॒धुर्मि॒त्रो न भू॒दद्भु॑तस्य र॒थीः ।

तं मेधे॑षु प्रथ॒मं दे॑व॒यन्ती॒र्विश॒ उप॑ ब्रुवते द॒स्ममारी॑: ॥३॥

saḥ hi kratuḥ saḥ maryaḥ saḥ sādhuḥ mitraḥ na bhūt adbhutasya rathīḥ

tam medheṣu prathamam deva-yantīḥ viśaḥ upa bruvate dasmam ārīḥ

Car il est la volonté, il est la force, il est celui qui réalise la perfection, il devient comme Mitra l’aurige du Suprême et Admirable; c’est à lui, le premier, l’Accomplisseur, que s’adressent les peuples aryens, gens en quête du Divin, dans les offrandes de leurs richesses [ou: dans leurs sacrifices].

1.77.4

स नो॑ नृ॒णां नृत॑मो रि॒शादा॑ अ॒ग्निर्गिरोऽव॑सा वेतु धी॒तिम् ।

तना॑ च॒ ये म॒घवा॑न॒: शवि॑ष्ठा॒ वाज॑प्रसूता इ॒षय॑न्त॒ मन्म॑ ॥४॥

saḥ naḥ nṛṇām nṛ-tamaḥ riśādāḥ agniḥ giraḥ avasā vetu dhītim

tanā ca ye magha-vānaḥ śaviṣṭhāḥ vāja-prasūtāḥ iṣayanta manma

Que lui alors, Agni, le plus fort des Pouvoirs, le dévoreur des destructeurs, par sa présence [ou: protection] manifeste les paroles et leur compréhension (ou: entre dans les mots et leur conception); et ceux qui par l’étendue de leur grandeur sont les Seigneurs de plénitude, les plus resplendissants d’énergie, répandant leur abondance, qu’ils impulsent la pensée.

1.77.5

ए॒वाग्निर्गोत॑मेभिरृ॒तावा॒ विप्रे॑भिरस्तोष्ट जा॒तवे॑दाः ।

स ए॑षु द्यु॒म्नं पी॑पय॒त्स वाजं॒ स पु॒ष्टिं या॑ति॒ जोष॒मा चि॑कि॒त्वान् ॥५॥

eva agniḥ gotamebhiḥ ṛta-vā viprebhiḥ astoṣṭa jāta-vedāḥ

saḥ eṣu dyumnam pīpayat saḥ vājam saḥ puṣṭim yāti joṣam ā cikitvān

Ainsi Agni, le détenteur de la Vérité, a-t-il été affirmé par les Gotamas, les maîtres de la lumière1, celui qui sait la naissance des mondes par les sages illuminés; lui nourrira en eux la force d’illumination, en eux la plénitude, lui dans sa perception consciente atteindra en eux la croissance et l’harmonie.

Commentaire

Le voyant Gotama Rahugana a rédigé cet hymne, qui est un stoma à la louange d’Agni, la Volonté divine à l’œuvre dans l’univers.

Le plus important, le plus universel des dieux védiques, Agni est en général, dans le monde matériel, celui qui dévore et se régale, mais aussi le purificateur, qui nettoie alors même qu’il engloutit et jouit. Flamme qui prépare et rend parfait, feu qui assimile et ardeur de l’énergie formatrice, chaleur de la vie, il crée la sève, le rasa dans les choses, l’essence de leur être substantiel et l’essence de leur délice.

C’est également la Volonté dans le Prana, l’Énergie de Vie dynamique, et avec cette énergie il remplit les mêmes fonctions. Tandis qu’il dévore et se régale, purifie, prépare, assimile, donne forme, il ne cesse de monter et transfigure ses pouvoirs en Maruts, les énergies du Mental. Nos passions et émotions obscures sont la fumée d’Agni qui brûle. L’action de toutes nos forces nerveuses ne se maintient que grâce à son soutien.

Volonté dans notre être nerveux qu’il purifie par l’action, il est aussi Volonté dans le mental et le clarifie par l’aspiration. Quand il pénètre dans l’intellect, il se rapproche de son origine, de sa patrie divine. Il guide les pensées vers le pouvoir effectif; il guide les énergies actives vers la lumière.

Sa divine patrie – bien qu’il naisse partout et demeure en toutes choses – est la Vérité, l’Infini, la vaste Intelligence cosmique où Connaissance et Force vont de pair. Car là, toute volonté vit en harmonie avec la vérité des choses et produit donc un effet, toute pensée fait partie de la Sagesse, qui est la Loi divine, et régit donc parfaitement une action divine. Une fois accompli, Agni devient puissant dans sa propre maison – dans le Vrai, le Juste, le Vaste. C’est là-haut qu’il conduit l’aspiration de l’humanité, lui, l’âme de l’Aryen, le guide du sacrifice cosmique.

C’est au moment où pour la première fois devient possible le grand passage, la transition du mental au supramental, la transfiguration de l’intelligence (qui jusqu’ici régente l’être mental) en une Lumière divine – c’est à cet instant suprême et crucial dans le Yoga védique que le Rishi Gotama Rahugana cherche en lui-même la Parole inspirée. Elle l’aidera à réaliser, pour lui-même et pour les autres, le Pouvoir qui doit effectuer la transition et l’état de lumineuse plénitude où devra commencer la transfiguration.

Le sacrifice védique symbolise, psychologiquement, l’activité cosmique et individuelle illuminée devenue consciente de soi et de son but. Le processus entier de l’univers est de par sa nature même un sacrifice, volontaire ou involontaire. S’accomplir en s’immolant, croître en donnant est la loi universelle. Ce qui refuse de se donner sert néanmoins d’aliment aux Pouvoirs cosmiques. “Le mangeur mangeant est mangé”, c’est ainsi que l’Upanishad résume en une formule riche de sens et terrible cette dimension de l’univers, tandis qu’ailleurs les hommes sont dépeints comme le bétail des dieux. Seule la reconnaissance et l’acceptation volontaire de cette loi fait que l’on peut transcender ce royaume de mort, le travail du sacrifice rendant possible et permettant d’atteindre l’Immortalité. Tous les pouvoirs réels et potentiels de la vie humaine sont offerts sans réserve, en un sacrifice symbolique, à la Vie divine dans le Cosmos.

Connaissance, Force et Délice sont les trois pouvoirs de la Vie divine; la pensée et ses formations, la volonté et ses opérations, l’amour et ses harmonisations sont les activités humaines correspondantes qu’il faut élever au niveau divin. Les dichotomies vérité et fausseté, lumière et obscurité, les notions contraires de justice et d’injustice, c’est la Connaissance qui se brouille, conséquence des divisions pratiquées par l’ego; les oppositions amour et haine, joie et peine, plaisir et douleur égoïstes, c’est l’Amour qui se trouble, les perversions de l’Ananda; les alternances force et faiblesse, péché et vertu, action et inaction, c’est la Volonté qui s’égare, le gaspillage de la Force divine. Et confusions, troubles, égarements naissent tous et deviennent même des modes nécessaires de notre action, parce que les pouvoirs tri-un de la Vie divine sont dissociés l’un de l’autre, la Connaissance d’avec la Force, l’Amour d’avec les deux autres, par l’Ignorance qui sépare. C’est l’Ignorance, le règne du Mensonge cosmique, qu’il faut éliminer. Par la Vérité, donc, passe la route vers l’harmonie vraie, la félicité parfaite, l’accomplissement ultime de l’amour dans le Délice divin. Par conséquent, c’est seulement quand la volonté en l’homme deviendra divine et détiendra la Vérité, amṛto ṛtāvā, que pourra être réalisée dans l’humanité la perfection vers laquelle nous tendons.

(rik 1) – Agni, donc, est le dieu qui doit devenir conscient dans le mortel. C’est lui que le Verbe inspiré doit exprimer, confirmer dans cette demeure percée de portes, sur l’aire où siège l’autel de ce sacrifice.

“Comment faire pour donner à Agni?” demande le Rishi. Le terme désignant le don sacrificiel, dāśema, veut dire littéralement distribution; il a un rapport subtil avec la racine daś, au sens de discernement. Le sacrifice est essentiellement un aménagement, une répartition des activités et plaisirs humains entre les différents Pouvoirs cosmiques à la province desquels ils appartiennent de droit. C’est pourquoi les hymnes font fréquemment allusion à la part des dieux. Comment arranger et distribuer de façon juste ce qu’il fait, tel est le problème qui se pose à celui qui sacrifie; car le sacrifice doit toujours obéir à la Loi et à l’organisation divine (ṛtú, plus tard, vidhi). Vouloir tout bien disposer est capital pour préparer le règne de la Loi et de la Vérité suprêmes dans le mortel.

La solution du problème passe par une réalisation juste, et la réalisation juste commence avec le Verbe illuminateur juste, expression de la Pensée inspirée qui, depuis le Vaste, est communiquée au voyant. C’est pourquoi le Rishi demande aussitôt après: “Quelle Parole proférer pour Agni?” Quelle parole d’affirmation, quelle parole de réalisation? Deux conditions doivent être satisfaites. Le Verbe doit être accepté par les autres Pouvoirs divins, autrement dit il doit faire apparaître un pouvoir existant potentiellement dans la nature, ou y faire entrer une lumière de réalisation, qui poussera les Artisans divins à se manifester en surface dans la conscience de l’humanité et à assumer ouvertement leurs fonctions respectives. Et il doit ensuite révéler clairement la double nature d’Agni, ce Seigneur de la flamme éclatante. Bhāma signifie aussi bien lumière de connaissance qu’ardeur dans l’action. Agni est autant Lumière que Force.

Le Verbe arrive: Yo martyeṣu amṛto ṛtāvā. Agni est avant tout l’ “Immortel dans les mortels”. C’est cet Agni qui permet aux autres brillants fils de l’Infini de faire que le Divin se manifeste et s’étende, devavīti, devatāti, ce qui est à la fois le but et le processus du sacrifice cosmique et humain. Car il est cette Volonté divine qui, présente constamment en toutes choses, détruit et construit sans cesse, édifie et perfectionne sans cesse, soutient sans cesse la marche complexe de l’univers. C’est elle qui survit à toute mort et à tout changement. Elle est éternellement et inaliénablement “en possession de la Vérité”. Au plus obscur de la Nature, tout au fond de l’inintelligence de la Matière, c’est cette Volonté qui, telle une connaissance cachée, contraint tous ces mouvements aveugles à obéir, comme mécaniquement, à la Loi divine et à respecter la vérité de leur nature. C’est elle encore qui fait correspondre l’arbre à la graine et le résultat à l’action. Dans la sombre ignorance de l’homme – obscurité moindre que celle de la Nature matérielle et plus grande pourtant –, c’est cette Volonté divine qui gouverne et qui guide, connaît les raisons de son aveuglement et le but de son aberration et, partant des manœuvres tortueuses de la Fausseté cosmique en lui, manifeste progressivement la Vérité cosmique. De tous les dieux étincelants, Agni est le seul à brûler avec un tel éclat, le seul à posséder une vision totale, dans l’ombre de la nuit comme dans les splendeurs du jour. Les autres dieux sont, uṣarbudhaḥ ceux qui s’éveillent avec l’Aurore (4.45.4).

Agni est donc le prêtre de l’offrande, le plus fort ou le plus compétent pour le sacrifice, celui qui, tout-puissant, suit constamment la loi de la Vérité. Il faut se rappeler que l’oblation, havya, signifie toujours action, karma, et que chaque action du mental ou du corps est considérée comme une façon de transmettre notre richesse à l’être cosmique et au dessein cosmique. Agni, la Volonté divine, est ce qui se tient derrière la volonté humaine agissante. Dès que l’offrande devient consciente, il passe au premier plan; il est le prêtre qui est mis en avant, puro-hita, guide l’oblation et détermine son succès.

Grâce à cette Vérité spontanément guidée, cette connaissance qui agit comme une Volonté infaillible dans le Cosmos, il façonne les dieux dans les mortels. Agni manifeste les potentialités divines dans un corps assiégé par la mort; Agni les actualise, les rend effectivement parfaites. Il crée en nous les formes lumineuses des Immortels.

(rik 2) – Ce travail, lui Pouvoir cosmique, il l’accomplit laborieusement sur le matériau humain rebelle, même quand dans notre ignorance nous résistons à la poussée ascensionnelle et, habitués à offrir nos actions à la vie centrée dans l’ego, ne pouvons ou ne voulons encore faire la divine soumission. Mais plus nous apprenons à assujettir l’ego et le forçons dans chacun de nos actes à s’incliner devant l’Être universel et à servir consciemment dans ses moindres mouvements la Volonté suprême, plus Agni lui-même prend forme en nous. La Volonté divine devient présente et consciente dans un mental humain et lui apporte l’illumination de la Connaissance divine. C’est ce qui permet de dire que l’homme par son labeur forme les grandes Divinités.

L’expression sanskrite est ici ā kṛṇudhvam. La préposition suggère le fait de tirer à soi quelque chose d’externe qu’ensuite on élabore ou façonne dans sa propre conscience. Ā kṛ correspond à l’expression contraire ā bhū, utilisée pour parler des divinités qui approchent le mortel pour le mettre en contact avec l’Immortalité et, forme divine d’un dieu épousant la forme d’un homme, “deviennent”, s’incarnent pour ainsi dire en lui (5.19.5). Les Pouvoirs cosmiques agissent et existent dans l’univers; l’homme se les applique, en fait une image dans sa propre conscience et investit cette image de la vie et du pouvoir que l’Être Suprême a insufflés dans Ses propres formes divines et Ses propres divines énergies œuvrant dans le monde2.

Dès qu’il est ainsi présent et conscient dans le mortel, tel un “propriétaire”, maître en sa demeure3, ce qu’il y a de véritablement divin chez Agni se révèle. Tant qu’on est dans le noir et se révolte contre la Vérité et la Loi, on semble trébucher d’ignorance en ignorance, le progrès est douloureux et souvent contrarié. Par une soumission constante à la Vérité, par nos “prosternations”, namobhiḥ, nous créons en nous-mêmes cette image de la Volonté divine qui est au contraire pleine de paix, parce qu’elle est certaine de la Vérité et de la Loi. L’égalité d’âme (samatā dans la Gita), créée par le don de soi à la Sagesse universelle, apporte une paix et un calme suprêmes. Et puisque cette Sagesse guide tous nos pas sur les chemins menant directement à la Vérité, elle nous libère de toute défaillance, de toute misère, duritāni.

Et comme Agni est désormais conscient dans notre nature d’homme, la création des dieux cesse de croître en secret pour devenir une véritable manifestation. La volonté au-dedans prend conscience de cette divinité grandissante, se rend compte du processus, perçoit le schéma de la croissance. L’action humaine, intelligemment guidée et consacrée aux Pouvoirs universels, cesse d’être une offrande mécanique, involontaire ou imparfaite; le mental pensant, le mental témoin participe et devient l’instrument de la volonté de sacrifice.

(rik 3) – Agni est le pouvoir de l’Être conscient, ce que nous appelons “volonté”, qui agit secrètement derrière les opérations du mental et du corps. Agni est le dieu puissant au-dedans, (maryaḥ le fort, le viril), qui lance sa force contre tous les pouvoirs hostiles, proscrit l’inertie, repousse toute défaillance du cœur et de la force, rejette avec mépris tout manque de virilité. Agni actualise ce qui resterait autrement pensée ou aspiration virtuelle. Il est celui qui fait le Yoga (sādhu, le “réalisateur de la perfection”, celui qui atteint le but); forgeron divin travaillant sur sa forge, il martèle notre perfection. Il devient, comme on le dit ici, l’ “aurige du Suprême”. “Le Suprême et Admirable, qui Se meut et S’accomplit dans la conscience de l’autre” (1-170-1), (nous retrouvons le mot adbhuta déjà employé dans le Colloque d’Indra et d’Agastya), effectue ce mouvement sous la conduite de ce Pouvoir qui tient les rênes de l’activité. Mitra, seigneur de l’Amour et de la Lumière, est lui aussi conducteur de char. L’Amour illuminé réalise l’harmonie, but du mouvement divin. Mais le pouvoir de ce seigneur de la Volonté et de la Lumière est également nécessaire. Force et Amour, unis et tous deux éclairés par la Connaissance, accomplissent Dieu dans le monde.

La Volonté est la nécessité première, la principale force d’actualisation. Quand, par conséquent, la race des mortels se tourne consciemment vers le grand projet et, offrant aux Fils du Ciel ses capacités enrichies, cherche à constituer le Divin en; elle-même, c’est vers Agni, d’abord et avant tout, qu’elle élève la pensée qui réalise, qu’elle formule la Parole créatrice. Car eux, ce sont les Aryens qui exécutent la tâche (1-4-6) et acceptent l’effort – la plus vaste de toutes les tâches, le plus sublime de tous les efforts – et lui, c’est le pouvoir qui choisit l’Action et par l’Action accomplit l’oeuvre. Que serait l’Aryen, sans la Volonté divine qui accepte le labeur et la bataille, travaille et conquiert, souffre et triomphe?

(rik 4) – C’est cette Volonté donc – elle qui anéantit toutes les forces chargées de détruire l’effort, la plus puissante de toutes les Puissances divines en qui le Purusha suprême S’est représenté – qui doit gratifier de sa présence ces réceptacles humains. Là, elle utilisera le mental comme instrument du sacrifice et, par sa seule présence, manifestera ces Paroles inspirées et fondatrices, ce char conçu pour le mouvement des dieux donnant à la Pensée en méditation la compréhension illuminatrice qui permettra aux formes des Pouvoirs divins de se dessiner dans notre conscience d’éveil.

Que ces autres Puissants, qui apportent avec eux les plénitudes de la vie supérieure, Indra et les Ashvins, Usha et Surya, Varuna et Mitra et Aryaman, revêtent alors, dès qu’ils se forment et s’étendent dans l’être humain, leurs plus brillantes énergies. Qu’ils créent en nous leur richesse, la répandant depuis les recoins secrets de notre être pour que ses régions éclairées puissent elles aussi en profiter, et que leurs impulsions incitent la pensée divinisante du Mental à s’élever, jusqu’à ce qu’elle se transfigure dans les suprêmes splendeurs.

(rik 5) – L’hymne s’achève. Voilà comment les paroles inspirées du chant sacré des Gotamas ont affirmé Agni, la Volonté divine. Le Rishi fait de son nom et de celui de sa maison un mot-symbole; on y trouve le védique go, au sens de “lumineux”, et Gotama signifie “en pleine possession de la lumière”. Car seuls ceux qui jouissent pleinement de l’intelligence lumineuse peuvent pleinement recevoir et affirmer le maître de la Vérité divine dans ce monde de moindre clarté – gotamebhir ṛtāvā. Et c’est sur ceux dont le mental est pur, clair et ouvert, vipra, que peut poindre comme une aurore la connaissance juste des grandes Naissances, situées derrière le monde matériel et où ce monde puise le soutien de ses énergies – viprebhir jātavedāḥ.

Agni est Jatavédas, Celui qui sait les naissances, les mondes. Il a la connaissance parfaite des cinq mondes4 et sa conscience n’est pas prisonnière de cette harmonie matérielle limitée et relative. Il a même accès aux trois états5 suprêmes, au pis de la Vache mystique6, à l’abondance du Taureau7 quadricorne. Il utilisera cette abondance pour nourrir l’illumination chez ces chercheurs aryens, pour gonfler la richesse de leurs facultés divines. Il utilisera la pleine opulence de ses perceptions illuminées pour relier l’une à l’autre les pensées, les mots, jusqu’à ce que l’intelligence humaine soit assez riche et harmonieuse pour soutenir et devenir l’Idée divine.

 

1 Gotamebhiḥ. Le sens exotérique étant “par les Gotamas”, la famille du Rishi Gotama Rahugana, le voyant auteur de cet hymne. Mais chaque fois que les Rishis utilisent des noms propres, ils font secrètement allusion à leur signification profonde. Ce passage accorde une importance indéniable au choix et à l’ordre des mots dans les locutions,gotamebhir ṛtāvā, viprebhir jātavedāḥ comme au vers 3 avec dasmam ārīḥ.

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2 Tel est le vrai sens et la vraie théorie du culte des images chez les hindous, qui est ainsi une traduction concrète des grands symboles védiques.

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3 Gṛhapati ou encore viśpati, seigneur ou roi dans la créature

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4 Les mondes, nommés respectivement Bhur, Bhuvar, Svar, Mahas et Jana ou Mayas, qui ont pour énergie essentielle la Matière, l’Énergie de Vie, le Mental, la Vérité et la Béatitude.

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5 Sat-cit-ananda, – le divin Être-Conscience-Béatitude.

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6 Aditi, la Conscience infinie. Mère des mondes.

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7 Le Purusha divin; Sat-cit-ananda (les trois états suprêmes) et la Vérité constituent ses quatre cornes.

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