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Mère

Pensées et Aphorismes de Sri Aurobindo

Traduction et commentaires. Tape recordings (1958)

 

3 — Quand je parle, la raison dit: «Voici ce que je vais dire», mais Dieu se saisit des mots dans ma bouche, et les lèvres disent autre chose devant quoi la raison tremble.

Quand Sri Aurobindo dit «je», il parle de lui-même et de sa propre expérience. Nous aimerions bien pouvoir dire que c’est symbolique et que cela pourrait s’appliquer à beaucoup de personnes, mais malheureusement il n’en est rien.

Cette expérience, quand on parle, de ne pas dire ce que l’on voulait mais autre chose, est très fréquente, mais elle est au rebours de celle-ci; c’est-à-dire que quand on est tranquillement assis chez soi, avec le maximum de raison dont on dispose, on décide qu’on va dire ceci ou cela, que c’est la chose raisonnable, mais trop souvent, quand on se met à parler, ce sont les impulsions d’en bas, les émotions déraisonnables et les réactions vitales qui se saisissent de la langue et vous font dire des choses que l’on ne devrait pas dire.

Ici c’est le même phénomène mais, comme je le disais, à rebours. Au lieu que ce soient les impulsions infrarationnelles qui vous font parler dans l’excitation et la passion, c’est au contraire une inspiration venant d’en haut, une lumière et une connaissance plus grandes que celles de la raison, qui se saisissent de la parole et vous font dire des choses que l’on n’aurait pas pu dire, même avec la raison la plus éclairée.

Sri Aurobindo nous dit «la raison tremble», parce que ces vérités supérieures apparaissent toujours, dans le domaine humain, comme des paradoxes, des révélations en contradiction avec la raison; non parce que la raison n’est pas capable de comprendre ce qui vient des régions supérieures, mais parce que ces révélations sont toujours en avant, beaucoup en avant sur ce que la raison a compris et admis. Ce que la raison humaine d’aujourd’hui trouve raisonnable, a été paradoxal et fou dans le temps passé; et probablement — on peut dire sûrement —, ces révélations inattendues, paradoxales, révolutionnaires, qui s’expriment maintenant et font trembler la raison, seront dans les temps à venir une connaissance très raisonnable, qui elle-même tremblera devant les révélations nouvelles.

C’est cette sensation de quelque chose qui est toujours en mouvement, toujours en progrès, toujours en transformation, que Sri Aurobindo essaye de nous donner quand il nous dit ces courtes phrases qui font vaciller pendant un temps notre compréhension des choses, c’est pour nous précipiter en avant, pour nous donner le sens de cette relativité complète de tout ce qui s’exprime dans le monde, et nous faire sentir que cet univers est en marche, toujours en marche, vers une Vérité plus haute et plus grande.

Pour nous, maintenant, la transformation supramentale est l’expression de la Vérité la plus haute, c’est la révolution qu’il nous faut accomplir sur la terre; et certainement, pour la majorité des êtres humains, il faut qu’ils aient le sentiment d’un absolu dans cette révolution, autrement ils ne pourraient pas l’accomplir. Mais Sri Aurobindo insiste pour que nous n’oubliions pas que cet absolu est encore un relatif, et que la manifestation sera toujours relative par rapport à un Absolu encore plus absolu, qui est le Non-Manifesté qui se manifestera plus tard.

26 septembre 1958