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Mère

Commentaires sur Le Dhammapada

Tape records

 

Ceux qui connaissent le vrai pour être vrai et le faux pour être faux atteignent le but suprême, car ils poursuivent de justes désirs, des vues correctes.

Nous avons vu la dernière fois qu’il ne suffit pas de savoir distinguer ce qui est juste de ce qui ne l’est pas. À première vue, cela paraît le point le plus difficile. Il est de toute évidence que si chacun doit trouver par lui-même, c’est un très long travail; vous pouvez passer toute votre vie à faire des expériences innombrables qui, petit à petit, vous éclaireront sur ce qui est juste et ce qui ne l’est pas.

C’est pourquoi il est plus facile de s’en remettre à quelqu’un qui a fait le travail avant vous et à qui il suffit de demander: «Est-ce que ça, c’est vrai? Est-ce que ça, c’est faux?» Cela présente évidemment un grand avantage, mais malheureusement ce n’est pas toujours suffisant, parce que si on a le désir que les choses soient d’une certaine manière et que ce que l’on préfère soit juste, on n’est pas toujours prêt à écouter le bon conseil.

Et cette dernière phrase, «et ils poursuivent de justes désirs», qui semble presque un lieu commun, est peut-être la partie la plus difficile du problème.

Dans ce livre, dans cet enseignement, on vous dit des petites phrases qui paraissent si simples! Si on lit sans réfléchir suffisamment, on se dit: «Mais enfin c’est évident, on reconnaît pour vrai ce qui est vrai et pour faux ce qui est faux, qu’est-ce que cela veut dire?» Mais d’abord, il n’est pas si facile de distinguer ce qui est vrai de ce qui ne l’est pas, puis de reconnaître, c’est-à-dire d’admettre, que telle chose est vraie; et surtout, peut-être plus difficile encore, de reconnaître que telle chose est fausse.

Au fond, pouvoir discerner exactement ce qui est faux, cela implique une telle sincérité dans l’aspiration, une telle volonté de vouloir être vrai, que rien que cette toute petite phrase «connaître le vrai pour être vrai et le faux pour être faux» est une réalisation très considérable. Et la conclusion, «ils atteignent le but suprême», est une grande promesse.

Certains enseignements disent qu’il ne faut pas avoir de désir du tout — ce sont ceux qui tendent au retrait total de la vie pour entrer dans l’immobilité de l’Esprit: l’absence de toute activité, de tout mouvement, de toute forme, de toute réalité extérieure. Pour atteindre à cela, il ne faut plus avoir de désir du tout, c’est-à-dire qu’il faut complètement sortir de toute volonté de progrès; le progrès lui-même devient quelque chose d’irréel et d’extérieur. Mais si, dans votre conception du yoga, vous gardez cette idée de progrès et si vous admettez que l’univers tout entier suit une progression, alors ce qu’il faut, c’est déplacer l’objectif du désir: au lieu de le tourner vers les choses extérieures, artificielles, superficielles et égoïstes, il faut l’ajouter comme une force de réalisation à l’aspiration orientée vers la vérité.

Ces quelques mots «et ils poursuivent de justes désirs» sont une preuve que, essentiellement, l’enseignement du Bouddha ne détournait pas de la réalisation dans le monde, mais de ce qu’il y a de faux dans la conception du monde et dans les activités telles qu’elles se poursuivent dans le monde. Ainsi, quand il enseigne qu’il faut échapper à la vie, ce n’est pas échapper à une vie qui serait l’expression de la vérité mais à la vie illusoire telle qu’elle est vécue ordinairement dans le monde.

Sri Aurobindo nous dit que pour atteindre à la Vérité et avoir le pouvoir de réaliser cette Vérité, il est nécessaire d’associer la conscience spirituelle à la conscience mentale progressive.

Et certainement, ces quelques mots prouvent que telle était aussi la conception originelle de l’enseignement bouddhique.

6 décembre 1957