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Mère

l'Agenda

Volume 1

9 avril 1957

(Lettre de Satprem à Mère)

Pondichéry, 9 avril 1957

Mère,

Je voudrais me jeter à tes pieds et t’ouvrir mon cœur – mais je ne peux pas. Je ne peux pas.

Et ceci parce que je vois que si je m’abandonne maintenant, alors c’en est fait de moi et je n’ai plus qu’à finir mes jours à l’Ashram. Et tout se révolte à cette idée. L’idée de finir comme Secrétaire Général de l’Ashram, comme Pavitra, me donne simplement la chair de poule. C’est absurde et je m’excuse de ce langage Mère, car j’admire Pavitra – mais c’est plus fort que moi, je ne peux pas, je ne veux pas finir comme ça.

Depuis un an je suis hypnotisé par cette idée que si je cède, je suis «condamné» à rester ici. Encore une fois, je m’excuse de cet absurde langage, car je sais bien que ce n’est pas une «condamnation»; mais une partie de moi-même sent comme ça.

Alors je suis si tendu que je ne veux même plus fermer les yeux pour méditer, de peur de céder. Et je tombe dans toutes sortes d’erreurs qui me font horreur, mais simplement parce que la pression est trop forte par moment et que j’étouffe littéralement. Mère, je suis un misérable disciple.

Je me rends compte que j’ai perdu tout le progrès que j’avais pu faire les deux premières années, et que je suis comme avant, pire qu’avant – comme si toutes mes forces étaient ruinées, toutes ma foi en moi-même désagrégée –, si bien que parfois je me maudis d’être venu ici.

Voilà Mère. Je ressens profondément mon indignité. Je suis le contraire de Satprem, incapable d’aimer et de me donner. Tout est scellé.

Que faire? J’ai l’intention de te demander la permission de partir, aussitôt que ce livre sera fini (je ne m’acharne à le finir que parce qu’il me débarasse du passé qu’il représente). Je n’attends rien du monde, sinon un peu d’espace extérieur, à défaut d’un autre espace.

Signé: Bernard

P.S. Et pourtant, si je pars, je sais qu’il faudra que je revienne ici... Tout est contradictoire et je ne peux pas sortir de cette contradiction.

 

(Réponse de Mère)

11 avril 1957

Mon cher enfant,

J’ai lu ta lettre hier et voici la réponse qui m’est venue immédiatement. J’y ajoute l’assurance que rien n’est changé, et ne peut changer, à ma relation avec toi et que tu es et seras toujours mon enfant – car c’est la vérité de ton être.

Voici ce que j’ai écrit:

Dans ton ignorance, tu as imaginé un fantôme de ton destin, et puis, de ce fantôme sans réalité, tu as fait un épouvantail autour duquel s’est cristallisée toute la résistance de ta nature extérieure.

L’ignorance est double:

— dans l’univers il n’est pas – il ne peut y avoir deux destins semblables;

— c’est inévitablement le destin de chaque être qui s’accomplit pour lui, et, plus on est proche du Divin, plus ce destin revêt des qualités divines.

Ceci dit pour que tu ne t’hypnotises plus sur une possibilité imaginaire et sans fondement. Je suis toujours avec toi.

Signé: Mère

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