SITE DE SRI AUROBINDO ET LA MÈRE
      
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Mère

l'Agenda

Volume 7

17 septembre 1966

Ton livre? Ça marche?

Tu trouves que cela va trop lentement? Tu voudrais que ça aille plus vite?

Non, je te demande parce que j'étais encore occupée avec lui hier soir dans la nuit. C'est pour cela que je te demande. Dans la nuit, je vois, et puis j'entends des phrases, je vois des scènes, et puis... Alors je me dis que ça doit marcher!1

(silence)

Il y a une nouvelle activité... Je suis en train (je m'attrape en train de faire quelque chose, pour être exacte), je suis en train de parler à des gens que la plupart du temps je ne connais pas, puis de décrire une scène: ils peuvent faire faire telle et telle chose, et on peut leur suggérer telle ou telle chose, et ça finira par telle et telle chose. Ce sont comme des scènes de livre ou des scènes de cinéma. Puis, tout d'un coup, dans la journée ou le lendemain, quelqu'un me dit: j'ai reçu un message de vous et vous m'avez dit qu'il fallait écrire à telle personne et lui dire telle chose!... Et je ne le fais pas mentalement, ce n'est pas que je pense: «Il faut écrire à telle personne et faire telle chose», pas du tout: je vis – je vis une scène ou je raconte une scène, et c'est reçu par quelqu'un d'autre (et je ne pense pas du tout à cette autre personne), c'est reçu par «quelqu'un», celui-ci ou celui-là ou celui-là, comme une communication où je lui dis de faire telle ou telle chose. Et ça se passe ici, en France, en Amérique, partout.

Cela devient amusant!

Quelqu'un m'écrit: «Vous m'avez dit ça», et c'est l'une de mes «scènes»! Une des scènes que j'ai vécue – pas vécue: à la fois vécue et fabriquée! Je ne sais pas comment expliquer cela. C'est comme un travail de... (Mère semble palper une invisible substance entre ses doigts, comme si Elle la modelait).

Et ce n'est pas moi, n'est-ce pas! Ça (Mère touche son front), Dieu merci, Seigneur, j'espère que ça continuera toujours: tranquille, calme, si calme, si tranquille, si paisible. Mais ça vient de tous les côtés! (geste de communications innombrables qui se déversent dans ce silence).

Et il y a des histoires de pays, il y a des histoires de gouvernements; et là, je ne sais pas le résultat – peut-être que dans quelque temps on verra.

Et dans ce genre d'activité, j'ai toutes sortes de connaissances que je n'ai pas! même quelquefois des connaissances médicales ou des connaissances techniques que je n'ai pas du tout – et que j'ai, n'est-ce pas, puisque je dis: «C'est comme ça, c'est comme ça...» C'est assez amusant.

Et ce n'est pas moi! Moi, où est-il, le moi?... Ce n'est pas ça, en tout cas (Mère pince la peau de ses mains entre ses doigts), pauvre ça – pauvre ça! il continue son aspiration et il a le sens, à la fois, de son incapacité, de sa misère, de son impuissance à exprimer ce qu'il devrait exprimer et de son indignité d'être un instrument du Divin. Et en même temps, d'abord il a une sorte de certitude qui va croissant, de... (comment dire?) la magnaminité de la Présence divine, qui est si merveilleuse dans ses effets malgré l'imbécillité presque totale de tout ça (Mère désigne son propre corps) qui est pétri vraiment, extérieurement pétri, de stupidité, mais avec l'ardeur d'une aspiration si intense, si constante, et avec quelque chose de touchant dans son humilité et sa confiance, et qui a le sens de son impuissance, et en même temps de cette Puissance merveilleuse qui est là et qui ne demande qu'à agir – si on la laisse faire. Ça se traduit par une sorte de révision cinématographique de toutes ses difficultés, toutes ses impuissances, toutes ses incapacités, toutes ses obscurités, tout ça qui vient comme sur un écran, pour être dissous. Et alors on assiste à la dissolution à la Lumière. C'est fantastique.

Et l'impression d'être suspendue par un fil si ténu, le fil... pas de la foi, ce n'est pas une foi: c'est une certitude, mais qui est en même temps une aspiration, et alors qui sent – qui sent – que c'est quelque chose de si nouveau, si jeune, dans une atmosphère absolument pourrie, d'incrédulité, de futilité, de mauvaise volonté. Et alors c'est cela, c'est un fil ténu et c'est un miracle que...

(silence)

Même ceux qui croient avoir la foi veulent que tout soit fait pour eux; ils veulent que la Puissance suprême, le Suprême fasse tout pour eux en dépit de leur incrédulité, de leur stupidité, de leur incapacité; et c'est cela qu'ils appellent toute-puissance. Et ils ne comprennent même pas que cette Vibration de la Vérité, si elle s'imposait, ce serait la destruction de tout ça, c'est-à-dire d'eux-mêmes! de ce qu'ils croient être eux-mêmes.

La merveille – la merveille –, c'est cette Compassion infinie qui fait que ça ne détruit rien: ça attend. C'est là, c'est là avec son plein pouvoir, sa pleine force, et... simplement ça affirme sa présence sans l'imposer, afin de réduire au minimum... les dégâts.

C'est une Compassion merveilleuse, merveilleuse!

Et tous ces idiots, ils appellent cela de l'impuissance!

*
*   *

(Un peu plus tard, le disciple propose de publier dans le Bulletin de l'Ashram le dernier commentaire de Mère sur les Aphorismes, y compris la vision des oiseaux qui deviennent les «opinions» humaines, en faisant seulement quelques coupures personnelles.)

Les gens vont dire que je retombe en enfance.

Mais pas du tout!... C'est très expressif.

(Riant) L'image était jolie (je viens de la revoir), l'image était très jolie.

Bien.

Ça ne se répète pas trop? Il y a quatre-cinq fois la même chose.

Non-non. Chaque fois tu rajoutes un élément. Ça coule. Ça coule.

Alors tu n'as rien qui puisse servir de «Notes sur le chemin»?

Peut-être. Il faudra que je regarde encore. Mais en principe, non.

N'est-ce pas, ça a l'air de bavardages d'enfant parce que2... L'expression de ces expériences de maintenant n'est pas du tout une expression intellectuelle, et pour ceux qui ne comprennent pas que c'est l'expérience faite par la substance physique, les cellules, la forme la plus matérielle, ça a tout simplement l'air d'un bavardage d'enfant. C'est l'expérience comme peut en avoir un enfant, sans les complications et les explications que donne le développement intellectuel.

Et c'est cette simplicité-là, ce manque de complication et d'élaboration, qui donne la grande valeur à ces choses, en ce sens que c'est d'une sincérité et d'une simplicité parfaites. Dans tout ce qui s'exprime mentalement, vitalement, intellectuellement, il y a toujours PLUS dans la forme, dans le mot, dans l'expression; il y a PLUS que dans l'expérience – ça se complète et ça s'arrondit (!) Ce qui est dit est plus que ce qui veut se dire. Tandis que là, c'est l'expérience tout à fait pure et qui sent les mots comme une sorte d'amoindrissement, de diminution, en même temps que cela donne une complication qui n'existe pas dans l'expérience – l'expérience est très simple, très simple: elle est vraiment pure. Et tout ce qu'on dit, c'est comme si l'on y ajoutait quelque chose qui diminue sa pureté et sa simplicité.

Alors dire ces choses, c'est bon pour soi-même, c'est bon pour quelqu'un qui est dans le même «état d'âme», mais pour le public... (Mère hoche la tête) C'est voué à l'incompréhension.

Voilà.

L'enregistrement du son fait par Satprem    

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1 L'enregistrement de ce début n'a pas été conservé.

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2 La phrase suivante a été rajoutée par Mère plus tard.

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