Mère
l'Agenda
Volume 11
18 février 1970
(Mère n'était pas bien portante et n'a pas pu recevoir le disciple la dernière fois, le 14. La conversation qui suit est très importante, car elle marque le début visible d'un conflit que nous pourrions appeler «médical», qui allait prendre des proportions aiguës avec les années.)
De ma vie, je n'ai eu un rhume pareil! (Mère tousse beaucoup depuis le début de février). Et cette nuit, j'ai eu une espèce de cauchemar physique!... Jamais de ma vie, je n'avais eu des choses pareilles... Je ne peux pas dire que je dormais tout à fait, mais... Comment dire? C'est un mélange entre quelque chose qui essaye de trouver son vrai remède intérieur, et le Docteur qui dit que, si je ne prends pas de médecines, j'en aurais «pour des mois»!
Oui, ils disent toujours ça.
Alors...
Oh! mais il faudrait des heures pour raconter tout cela. C'est sûrement dans le monde matériel. Et alors (riant), cette nuit, tout d'un coup, j'ai vu deux grandes figures avec des formes d'homme, mais tout gris, et on ne voyait pas d'yeux, de nez, etc. Ça avait la forme d'homme et c'était tout gris, et c'étaient les deux «docteurs» (quels docteurs, je ne sais pas?) et ils discutaient. Mon corps était sur le lit (mais je crois que je n'étais pas assise, et pourtant je n'étais pas debout!), et ils discutaient entre eux mais sans parler. Ça avait l'air d'espèces d'êtres d'un monde vital inférieur, huge [énormes], de grands êtres – grands, forts, formidables. Alors il y en a un qui, dans sa démonstration, a montré mon cœur avec son doigt, et son doigt a touché – mais j'ai poussé un hurlement! Un hurlement physique!
Je n'étais pas contente.
Jamais-jamais-jamais touchée, jamais. Une fois, j'avais eu une très forte fièvre, j'avais 42 de fièvre et c'était formidable (ça n'a pas duré longtemps mais quelques heures), j'avais attrapé cela en allant à une réunion des ouvriers qui faisaient un poudja1 ou je ne sais quoi. J'avais attrapé la fièvre. Mais Sri Aurobindo était là. Mais alors, je voyais, je voyais tous les êtres du vital le plus matériel qui venaient à l'assaut (geste montant sur le corps). Je me souviens de cela, c'était du temps de Sri Aurobindo (il y a fort longtemps). Et alors, je les ai vus et je disais à Sri Aurobindo: «Voilà, c'est cela qui donne des cauchemars épouvantables aux gens.» Mais ils approchaient (ils essayaient d'approcher), puis, quand ils touchaient la présence de Sri Aurobindo autour de moi, ils reculaient, et puis ils revenaient et ils étaient repoussés – ça a duré toute la nuit. Mais la nuit dernière, ce n'était pas cela... Naturellement, Sri Aurobindo n'était pas là physiquement, et... j'ai vu ces êtres. Mais ce qu'il y a surtout, c'est que, quand cet être qui faisait sa démonstration, m'a touchée avec son doigt, ça m'a fait hurler – j'ai hurlé matériellement.
Oui, il t'a touchée.
Ah! oui – il a pu me toucher.
Tout cela, à cause des «docteurs».
Oui, ils prétendaient être les docteurs.
Ah! matériellement, on n'est pas très protégé, autrement ce ne serait pas comme cela... Matériellement, je ne suis protégée que quand je ne suis pas endormie, tout à fait concentrée, absolument immobile, sans parler à personne, en contact avec rien autour et seulement comme enveloppée de la Présence divine. Alors là, ça va. Mais c'est loin d'être comme cela! (Mère tousse)
(silence)
Tu peux le mettre dans l'Agenda, mais il ne faut pas en parler.
Dans l'Agenda, oui, mais pas autrement.
(long silence)
Mais tu sais, douce Mère, plusieurs fois, j'ai eu cette espèce de «rêve médical», d'une sorte de médecin qui vient sous prétexte de vous soigner et qui vous fait terriblement mal, ou bien qui essaye de vous opérer, qui veut vous torturer le corps pour vous opérer; alors, au début, vous êtes tout soumis, vous dites: «Bon, il faut que je me fasse opérer», et puis finalement, la conscience revient et vous rejetez ce soi-disant docteur. Mais ça m'est arrivé souvent. Un être qui vient soi-disant pour vous soigner: un «docteur».
Je crois que c'est cela, je crois qu'il y a des êtres du vital qui se servent... qui se servent de ce qui reste d'inconscience dans les docteurs.
(silence)
Mais c'est arrivé une fois à Sri Aurobindo: dans la nuit – une nuit comme cela –, il avait crié. Et il a dit, après, que c'était dans le monde matériel: des êtres du vital le plus matériel, mais qui sont dans l'atmosphère terrestre, pas dans l'atmosphère vitale.
Ce peut être des entités vitales qui sont des résidus de gens morts – c'est possible. Mais ce peut être aussi des espèces de semi-matérialisations d'êtres du vital lui-même: des êtres du vital.
Mais toute ma vie, j'ai eu cette espèce de lumière blanche – pas blanche transparente: blanche comme du... BLANC, n'est-ce pas. Cette lumière-là qui est extrêmement intense. Jamais-jamais, ils n'approchaient – pouvaient pas approcher de ça. Il n'y a eu que cette nuit-là, quand j'ai eu la fièvre (c'était... je crois que c'était en 1918, quelque chose comme cela... non, en 1920),2 mais là, j'avais attrapé la fièvre avec les gens. Autrement, jamais-jamais, ils ne pouvaient approcher.
1 Ayoudh poudja ou «fête des armes». Lors d'une occasion semblable à celle-ci où Mère avait été sérieusement attaquée, Sri Aurobindo avait dû écrire une lettre aux disciples, où il disait ceci: «La Mère a été très sérieusement touchée et il faut absolument qu'elle rassemble ses forces... Il est tout à fait hors de question qu'elle recommence à voir tout le monde et à recevoir les gens – une seule matinée de ce genre suffirait à l'épuiser tout à fait. Il faut vous souvenir que, pour elle, un contact physique avec les autres n'est pas simplement une rencontre sociale ou familière agrémentée de quelques mouvements superficiels qui ne font pas grande différence dans un sens ou dans l'autre. Pour elle, cela veut dire un échange: elle déverse ses forces et reçoit des choses, tantôt bonnes, tantôt mauvaises ou mélangées, qui nécessitent un gros travail d'ajustement et d'élimination, et, dans bien des cas, bien que pas toujours, c'est une grande tension pour son corps.» (12 novembre 1931)
2 Mère confond peut-être avec l'épidémie du Japon, au cours de laquelle elle a failli mourir, en janvier 1919, tandis que cette fièvre attrapée lors du «poudja des armes» remonte à 1931.