Mère
l'Agenda
Volume 13
Il n’y a plus rien, mon petit, tu vas devenir maigre comme tout!
Non-non!
(Mère donne des fleurs puis sa dernière note)
La première chose que l’on apprend sur le chemin est que la joie de donner est bien plus grande que celle de prendre.
Puis, peu à peu, on apprend que l’oubli de soi est la source d’une paix immuable. Plus tard, dans cet oubli de soi, on trouve le Divin; et cela est la source d’une béatitude croissante...
Sri Aurobindo m’a dit un jour que si les hommes savaient cela et en étaient convaincus, tous voudraient faire le yoga.
(silence)
Il faut un message pour le 21... Tu as quelque chose?
Il y a plusieurs textes possibles, mais si tu as quelque chose de toi?
Des textes que tu as trouvés où?
De Sri Aurobindo.
Ce serait bien.
Pour le 21, c’est bien que ce soit de toi aussi?
Pas indispensable... Si tu crois que ça (Mère tend un papier), c’est bien?
L’unification complète de tout l’être autour du centre psychique est la condition essentielle pour réaliser une sincérité parfaite.
Oui, je me suis aperçue que les gens sont insincères simplement parce qu’une partie de l’être dit une chose et une autre partie de l’être dit une autre. C’est cela qui fait l’insincérité. C’est venu clairement: tu comprends, une vision – une vision intérieure. Alors j’ai essayé de mettre ça sur le papier, je ne sais pas si c’est clair.
Mais il est très difficile d’avoir un état de conscience permanent: que ce soit toujours la même conscience qui domine tout le temps.
Mais ça, c’est quand on n’est pas unifié, mon petit. Pour moi, il y a des années et des années que c’est t-o-u-j-o-u-r-s (Mère fait un geste rectiligne) la même chose. Ça vient de là, c’est la conscience psychique, et c’est CONSTANT.
J’ai eu ces temps derniers pendant quelques instants, l’expérience [de la conscience non unifiée], mais il y a des années que ce n’est plus comme cela – des années, au moins trente ans.1 Dès que l’être psychique est devenu le maître, a gouverné l’être, c’était FINI – c’est fini, et c’est comme cela (même geste rectiligne). Ça, c’est le signe certain. Toujours comme cela, toujours le même. Et c’est toujours la même chose: «Ce que Tu veux, ce que Tu veux.» Et pas un «Tu» qui est là-haut au diable vauvert et qu’on ne connaît pas: Il est partout, Il est en tout, Il est constamment là, Il est au-dedans de l’être – et on est accroché. C’est la seule solution.
Si tu crois que ça se comprend?
Ah! oui, ça se comprend!
Relis ça.
(le disciple relit le message)
On comprend?
Moi, je comprends en tout cas!
Qu’est-ce que tu crois?... Parce que c’est une découverte que j’ai faite ces temps derniers. C’est la découverte de pourquoi les gens (même quand ils essayent), pourquoi ils sont insincères: parce que c’est tantôt l’un, tantôt l’autre, tantôt une autre partie; et alors celle-là est très sincère dans sa revendication, mais elle n’est pas en accord avec les autres.
Oui, mais cela veut dire que la conscience psychique rentre dans la conscience physique.
Oui.
Parce que c’est là seulement qu’il y a une permanence.
Oui...
Que la conscience psychique rentre dans la conscience physique ordinaire.
Oui.
C’est ça qui est difficile!
Mais mon petit, c’est cela qui m’est arrivé il y a, je te dis, au moins trente ans.
C’était la conscience psychique qui était là toujours, dominant l’être et le conduisant. Et toutes les impressions, tout était mis devant lui comme cela (geste comme devant un phare), pour qu’il donne l’orientation vraie. Et le physique, lui, il est tout le temps comme ça, comme s’il écoutait tout le temps l’Ordre du Divin.
Mais ça, c’était constant-constant – avant de venir ici. Je suis arrivée ici comme cela (il y a longtemps). Et ça n’a pas bougé. Et c’est seulement dernièrement que j’ai eu l’expérience (de la conscience non unifiée) une nuit pendant quelques heures, deux ou trois heures – c’était horrible, n’est-ce pas, ça m’a paru infernal. Et c’était pour que je sache, pour que je comprenne la condition des autres. Et alors quand ce n’est plus le psychique qui est là...
Dans le corps – dans le corps: le corps est comme cela à écouter-écouter, toujours écouter (geste vers le haut ou le dedans) – écouter. Mais ça ne s’exprime pas avec des mots [l’ordre du Divin], ça s’exprime justement comme une volonté qui s’affirme (geste de descente en ligne droite, imperturbable).
Est-ce qu’il faut que j’ajoute quelque chose pour préciser?
Tu as dit: «L’unification complète de tout l’être.»
Alors, ça veut dire le physique aussi.
Les gens ne comprennent jamais. Mais ça dit ce que ça veut dire.
Ah! oui.
Alors, tu crois que ça va?
Mais sûrement, douce Mère, sûrement!
Je crois que c’est important, parce que justement c’est venu comme une expérience pour que je comprenne son importance.
Il faut écrire ici: «Message du 21».
Oui, douce Mère. Il en faudra un pour le 29 aussi.
29 février, qu’est-ce que c’est?
C’est le quatrième anniversaire de la descente supramentale, de 56.
Ah! c’était le 29.
C’était le 29, en 1956... il y a seize ans.
(Mère sourit et reste absorbée)
Est-ce que ce serait bon à dire:
C’est seulement quand le Supramental se manifeste dans le mental physique que sa présence est permanente.
Tu crois que ça va?
Oui, douce Mère!
Il faudrait dire «dans le mental corporel».
On peut rajouter «et corporel» (dans le mental physique et corporel)?
Ah! mais alors c’est comme s’il y en avait deux – il n’y en a pas deux.2
Alors, «le mental corporel» simplement.
Ça va comme cela?
Oui, on a les deux messages, douce Mère.
Alors ils s’attendent à ce que j’aille au balcon. Je ne vais au balcon que le 21... Qu’est-ce que l’on t’a dit? À quoi s’attend-on?
On s’attend à te voir le plus possible!
(Rires) Je ne sais pas. Le 29 est juste une semaine après... C’est une grosse fatigue – pas fatigue, mais difficulté pour moi.
Et si tout le monde passait devant toi, ce serait encore plus difficile?
Ooh!... deux étages à monter. Quand c’était en bas dans le jardin, c’était possible, mais deux étages..
Mais les gens peuvent circuler facilement, on a fait des escaliers maintenant. Non, c’est pour toi: est-ce que ce n’est pas plus fatigant de rester là pendant que tant de gens défilent?
Non, je crois que ce serait trop.
Oui, douce Mère, ce serait trop long.
Parce que, ici, ce n’est pas commode: ils sortent par le même endroit où ils entrent. Il faut sortir par un autre endroit, alors on peut tourner autour.
Mais tu donneras une méditation le 29?
Bon, je veux bien. Il n’y a qu’à donner une méditation le matin à 10h.
Mais tu ne veux pas sortir une deuxième fois au balcon? (rires)
Ça me paraît un peu trop.
N’est-ce pas, le corps n’est plus tout à fait ça et il n’est pas encore ça, et alors il est dans une espèce d’équilibre instable, ce qui fait que s’il y a la moindre chose, fini, je ne peux plus avaler, ou je ne peux même plus respirer... On a l’impression d’une vie qui s’apprête à dépendre d’autre chose que des conditions ordinaires. Et les autres conditions ne sont pas encore là, il n’est pas habitué, et alors c’est ce transfert de l’un à l’autre qui crée une difficulté perpétuelle. Quand je suis très tranquille – très tranquille – ça va bien, mais s’il y a le moindre effort, ça ne va plus.
(Mère halète)
Voilà, c’est comme cela.
(silence)
Je crois que... J’ai l’impression que si tout va bien, dans quelques années je pourrai faire beaucoup de choses... mais pas encore. J’ai l’impression que si tout va bien, à 100 ans – à cent ans, je serai forte. Le corps lui-même a cette conviction que s’il dure jusqu’à cent ans, à cent ans il aura une force et une vie nouvelles. Mais... nous sommes juste dans les années difficiles.
Alors les années de transition... (Mère prend sa tête entre ses mains).
(bref silence)
C’est intéressant. Quand je reste tranquille, c’est comme s’il y avait un grand chant – un chant presque collectif, pourrais-je dire: OM Namo Bhagavaté... C’est comme si toute la nature (geste de soulèvement vers le haut): OM Namo Bhagavaté3...
(Mère entre en contemplation)
This text will be replaced |
1 Soixante.
2 C’est-à-dire, nous le supposons, il n’y en a plus deux pour Mère.
3 Il existe un enregistrement de cette conversation.