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Mère

Entretiens

 

Le 10 avril 1957

L'enregistrement   

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«Un autre résultat précieux de ces activités [sportives] est le développement de ce que l’on a appelé l’esprit sportif. Ceci comprend la bonne humeur, la tolérance et la considération pour tous, une attitude correcte et amicale envers les adversaires et les rivaux, la maîtrise de soi et la stricte observance des règles du jeu, la loyauté et l’abstention de toute tricherie, une acceptation égale de la victoire et de la défaite sans mauvaise humeur, sans ressentiment ni malveillance envers l’adversaire heureux, l’acceptation loyale des décisions du juge ou de l’arbitre désigné. Et ces qualités ont leur valeur non seulement dans les sports mais dans la vie en général, mais l’aide que le sport peut apporter à leur développement est directe et inappréciable. Si elles pouvaient se généraliser, non seulement dans la vie des individus mais dans la vie nationale et internationale où à présent des tendances opposées sévissent avec excès, l’existence dans notre monde tourmenté serait plus aisée et pourrait s’ouvrir à une plus grande possibilité de concorde et d’amitié dont ce monde a tant besoin. [...] même la plus haute et la plus complète éducation de l’esprit n’est pas suffisante sans l’éducation du corps. [...] La nation qui possède ces qualités au plus haut degré sera probablement la plus forte dans la victoire, dans le succès et la grandeur, et aussi dans la contribution qu’elle peut apporter à l’accomplissement de l’unité et d’un ordre mondial plus harmonieux, car tel est notre espoir pour l’avenir de l’humanité.» (Sri Aurobindo, Message du 30 décembre 19481)

Douce Mère, pendant nos tournois, il y en a beaucoup qui jouent avec un esprit très mauvais. Ils essayent de faire mal aux autres pour gagner. Et on a observé que même les petits apprennent cela. Comment peut-on l’éviter?

Pour les enfants, c’est surtout l’ignorance et le mauvais exemple qui font du mal. Alors il serait bon, avant qu’ils ne commencent leur jeux, que tous les chefs de groupe, les capitaines, assemblent ceux qui dépendent d’eux et leur répètent et expliquent justement ce que Sri Aurobindo dit ici, avec des explications de détail comme celles que nous avons exprimées dans ces deux petits livres: Le Code du Parfait Sportsman et puis Ce qu’un enfant idéal doit être. Ce sont des choses qu’il faut répéter souvent aux enfants. Et puis, les mettre en garde contre la mauvaise compagnie, les mauvais camarades, comme je l’ai dit à une autre classe.

Et surtout leur donner le bon exemple... Être soi-même ce que l’on voudrait qu’ils soient. Leur donner l’exemple du désintéressement, de la patience, de la maîtrise de soi, d’une bonne humeur constante, surmonter ses petits désagréments personnels, une sorte de bienveillance constante, une compréhension des difficultés des autres. Et cette égalité d’humeur qui fait que les enfants n’ont pas peur, parce que ce qui rend les enfants dissimulés et menteurs, et même vicieux, c’est la peur d’être punis. S’ils se sentent en confiance, ils ne cacheront rien et on pourra les aider justement à être loyaux, honnêtes. De toutes choses, la plus importante est le bon exemple. Sri Aurobindo parle de cela, de cette invariable bonne humeur qu’il faut avoir en toutes circonstances, cet oubli de soi: ne pas jeter ses petits inconvénients sur les autres; quand on est fatigué ou mal à l’aise, ne pas devenir désagréable, impatient. Cela demande toute une perfection, une maîtrise de soi qui est un grand pas sur le chemin de la réalisation. Si l’on remplissait les conditions nécessaires pour être un vrai chef, ne serait-ce qu’un chef d’un petit groupe d’enfants, eh bien, on serait déjà très en avant dans la discipline nécessaire pour l’accomplissement du yoga.

C’est sous cet aspect-là qu’il faut regarder le problème, l’aspect de la maîtrise de soi, du contrôle, de cette endurance qui fait que votre condition personnelle ne réagit pas sur votre action de groupe ou de collectivité. S’oublier soi-même est l’une des conditions les plus essentielles pour être un vrai chef: ne rien rapporter à soi, ne rien vouloir pour soi, ne considérer que le bien du groupe, de l’ensemble, de la totalité qui dépend de vous; n’agir que dans ce but, sans vouloir aucun profit personnel de son action.

Un chef de petit groupe peut devenir ainsi un chef parfait pour un grand groupe, pour une nation, et se préparer à un rôle collectif. C’est une école d’une importance capitale, et c’est vraiment ce que nous avons essayé et que nous continuons à essayer ici: c’est de donner aussitôt que possible, à chacun, une responsabilité, petite ou grande, afin qu’il apprenne à devenir un vrai chef.

Pour être un vrai chef, il faut être complètement désintéressé et annuler en soi, autant qu’il est possible, tout retour sur soi et toute action égoïste. Pour être un chef, il faut maîtriser son ego, et maîtriser son ego est le premier pas indispensable pour faire le yoga. Et c’est cela qui peut faire des sports une aide puissante pour la réalisation du Divin.

Peu de personnes le comprennent, et généralement ceux qui sont contre cette discipline extérieure qu’est le sport, cette concentration sur la réalisation matérielle, sont des gens qui manquent totalement de contrôle sur leur être physique. Et pour réaliser le yoga intégral de Sri Aurobindo, le contrôle de son corps est un premier pas in-dis-pen-sable. Ceux qui méprisent les activités physiques sont des gens qui ne pourront pas faire un seul pas sur le vrai chemin du yoga intégral, à moins qu’ils ne se débarrassent d’abord de leur mépris. Le contrôle du corps sous toutes ses formes est une base indispensable. Un corps qui vous gouverne est un ennemi, c’est un désordre qui est inacceptable. C’est la volonté éclairée de l’esprit qui doit gouverner le corps, et non le corps qui doit imposer sa loi à l’esprit. Quand on sait qu’une chose est mauvaise, il faut être capable de ne pas la faire. Quand on veut qu’une chose se réalise, il faut être capable de la faire, et il ne faut pas à chaque pas être arrêté par une incapacité, ou une mauvaise volonté ou un manque de collaboration du corps; et pour cela, il faut suivre une discipline physique et être le maître dans sa propre maison.

C’est très joli de s’évader dans des méditations et de regarder du haut de sa soi-disant grandeur les choses matérielles, mais celui qui n’est pas le maître chez lui est un esclave.

(silence)

Pas de question, là, non?

Mère, pour les activités physiques, l’un des problèmes qui se pose est que, pour pouvoir se perfectionner dans un jeu ou dans une activité quelconque, on a besoin de se concentrer seulement sur ce jeu ou sur cette activité.

C’est tout à fait inexact. Dans ce même premier numéro du Bulletin, j’ai expliqué cela tout en détail2. C’est tout à fait inexact. Celui qui, justement, a obtenu le contrôle de lui-même et a fait croître le pouvoir de concentration peut appliquer ce pouvoir de concentration à des choses en apparence extrêmement différentes, même quelquefois opposées, et doit pouvoir les faire sans que l’une nuise à l’autre.

Il y a une question de temps, seulement, qui se pose, mais cette question peut se résoudre par deux choses: d’abord, par une organisation éclairée et méthodique de sa vie, puis par l’abolition du gaspillage de temps, que la majorité des humains pratiquent par des activités inutiles — si elles disparaissaient, ce serait une bénédiction pour tout le monde —, et en première ligne, je mets le bavardage, c’est-à-dire parler inutilement, entre camarades, entre collègues... dans toutes les activités. Le temps que l’on peut perdre à parler est formidable! Quand un mot serait suffisant, on en dit cinquante. Et ce n’est pas la seule perte de temps... Au fond, quand on est à court de temps, c’est que l’on ne sait pas organiser sa vie. Naturellement, il y a ceux qui font trop de choses, mais cela aussi, c’est un manque d’organisation dans la vie.

Une vraie organisation donne place à chaque chose dans la mesure où c’est nécessaire. Vous savez tous très bien qu’avec dix ou quinze minutes d’exercices bien coordonnés, vous pouvez donner à votre corps tout le dressage nécessaire. Cela, on vous l’a appris ici, et on vous l’a prouvé. Pour l’équilibre du corps, cela suffit. Naturellement, il y a toutes sortes d’autres qualités que donnent les jeux, mais vous ne jouez pas plus d’une heure par jour au maximum, autant que je sache, et cela ne fait pas beaucoup de temps dans la journée.

C’est une excuse! Organisez votre vie et vous verrez que vous avez place pour tout... même pour être un bon élève.

 

1 Il s’agit du «Message» de Sri Aurobindo à l’occasion du premier numéro du Bulletin d’Éducation Physique de l’Ashram (février 1949). Ce message constitue l’introduction de La Manifestation Supramentale.

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2 Bulletin d’avril 1949, «Concentration et Dispersion».

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