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Mère

Entretiens

 

Le 3 avril 1957

L'enregistrement   

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«Tout changerait si seulement l’homme consentait à être spiritualisé. Mais sa nature mentale, vitale et physique se révolte contre la loi supérieure. Il aime son imperfection.

«L’Esprit est la vérité de notre être. Dans leur imperfection, le mental, la vie et le corps sont ses masques, mais dans leur perfection, ils seraient ses formes. Être spirituel ne suffit pas; cela prépare un certain nombre d’âmes au ciel, mais laisse la terre exactement où elle est. Un compromis n’est pas non plus le chemin du salut.

«Le monde connaît trois sortes de révolutions. Les révolutions matérielles ont de puissants résultats; les révolutions morales et intellectuelles sont infiniment plus vastes dans leur horizon et plus riches dans leurs fruits; mais les révolutions spirituelles sont les grandes semailles.

«Si ces trois changements pouvaient coïncider en un parfait accord, une oeuvre sans défaut serait accomplie. Mais le mental et le corps de l’homme ne peuvent pas contenir parfaitement la puissance du flot spirituel; la plus grande partie en est gaspillée et beaucoup du reste, perverti. Dans notre sol, de nombreux labours intellectuels et physiques sont nécessaires pour obtenir une maigre récolte à partir de vastes semailles spirituelles.

«Chaque religion a aidé l’humanité. Le paganisme a augmenté dans l’homme la lumière de la beauté, la largeur et la grandeur de la vie, la tendance à une perfection multiforme. Le christianisme lui a donné quelque vision de charité et d’amour divins. Le bouddhisme lui a montré un noble moyen d’être plus sage, plus doux, plus pur; le judaïsme et l’islamisme, comment être religieusement fidèle en action et zélé dans sa dévotion pour Dieu. L’hindouisme lui a ouvert les plus vastes et les plus profondes possibilités spirituelles. Ce serait une grande chose si toutes ces vues de Dieu pouvaient s’embrasser et se fondre l’une en l’autre; mais les dogmes intellectuels et l’égoïsme des cultes barrent le chemin.

«Toutes les religions ont sauvé un certain nombre d’âmes, mais aucune n’a encore été capable de spiritualiser l’humanité. Pour cela, ce ne sont pas les cultes ni les credo qui sont nécessaires, mais un effort soutenu d’évolution spirituelle individuelle qui englobe tout.

«Les changements que nous voyons dans le monde aujourd’hui sont intellectuels, moraux, physiques dans leur idéal et leur intention. La révolution spirituelle attend son heure et, pendant ce temps, fait surgir ses vagues ici et là. Jusqu’à ce qu’elle vienne, le sens des autres changements ne peut pas être compris; et jusqu’à ce moment-là, toutes les interprétations des événements présents et toutes les prévisions de l’avenir humain sont choses vaines. Car la nature de cette révolution, sa puissance et son issue sont ce qui déterminera le prochain cycle de notre humanité.» (Aperçus et Pensées, «Et Pensées»)

Mère, ici Sri Aurobindo écrit: «Ce serait une grande chose si toutes ces vues de Dieu pouvaient s’embrasser et se fondre l’une en l’autre; mais les dogmes intellectuels et l’égoïsme des cultes barrent le chemin.»

Comment est-il possible de «fondre» ces vues?

Ce n’est pas dans la conscience mentale que les choses peuvent s’harmoniser et se synthétiser. Il faut pour cela monter au-dessus, trouver l’idée derrière la pensée. Sri Aurobindo montre ici, par exemple, ce que chacune de ces religions représente comme effort, aspiration et réalisation humaine. Au lieu de prendre ces religions dans leurs formes extérieures, qui sont justement des dogmes et des conceptions intellectuelles, si on les prend dans leur esprit, dans le principe qu’elles représentent, il n’y aucun obstacle à les unifier. Ce sont tout simplement des aspects du progrès humain, qui se complètent parfaitement bien et qui devraient s’unir avec beaucoup d’autres encore pour former un progrès plus total, plus complet, une compréhension plus parfaite de la vie, une approche plus intégrale du Divin. Et même cette unification, qui nécessite déjà un retour vers l’Esprit derrière les choses, ne suffit pas; il faut y ajouter une vision de l’avenir, le but vers lequel tend l’humanité, la réalisation future du monde, cette dernière «révolution spirituelle» dont il parle, qui ouvrira l’ère nouvelle, c’est-à-dire la révolution supramentale.

Dans la conscience supramentale, toutes ces choses ne sont plus contradictoires ni exclusives. Elles deviennent toutes complémentaires. C’est seulement la forme mentale qui divise. Ce que cette forme mentale représente devrait s’unir à ce que toutes les autres formes mentales représentent pour former un tout harmonieux. Et c’est cela, la différence essentielle entre une religion et la vraie vie spirituelle.

La religion existe presque exclusivement dans sa forme, dans son culte, dans un certain ensemble d’idées, et elle ne devient grande que par la spiritualité de quelques individus exceptionnels. Tandis que la vie spirituelle vraie, et surtout ce que sera la réalisation supramentale, est indépendante de toute forme intellectuelle précise, de toute forme de vie limitée. Elle embrasse toutes les possibilités et toutes les manifestations et en fait l’expression, le véhicule d’une vérité plus haute et plus universelle.

Une religion nouvelle serait une chose non seulement inutile mais néfaste. C’est une vie nouvelle qui doit être créée; c’est une conscience nouvelle qui doit être exprimée. C’est quelque chose qui est au-delà des limites intellectuelles et des formules mentales. C’est une vérité vivante qui doit se manifester.

Il faut que toute chose dans son essence et sa vérité puisse être contenue dans cette réalisation. Il faut que ce soit une expression aussi totale, aussi complète, aussi universelle que possible de la Réalité divine. C’est seulement cela qui est capable de sauver l’humanité et le monde. C’est cela, la grande révolution spirituelle dont Sri Aurobindo parle. Et c’est cela qu’il a voulu que nous réalisions.

Il en a tracé les grandes lignes, justement, dans le livre que nous commencerons à lire mercredi prochain: La Manifestation Supramentale.

Et cette première phrase que j’ai lue aujourd’hui, reste la clef de tout le problème, non seulement individuel, mais collectif: Tout changerait si l’homme consentait une fois à être spiritualisé, mais sa nature mentale, vitale et physique se révolte contre la loi supérieure. Il aime son imperfection.

Je voudrais que nous prenions cela comme sujet de notre méditation.

(méditation)