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Mère

Entretiens

 

Le 15 mai 1957

L'enregistrement   

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Mère, pourquoi, depuis le commencement de la création, existe-t-il cette différence entre le mâle et la femelle?

Depuis le commencement de quelle création? de quelle création parles-tu?... De la Terre?

Oui.

D’abord, ce n’est pas exact. Il y a des espèces où il n’y a pas de différence; et au commencement il n’y en avait pas, primo. Secundo, la création terrestre est une création purement matérielle et c’est une sorte d’aboutissement et de condensation de la création universelle, mais dans la création universelle, cette différence n’existe pas forcément. Il y a toutes les possibilités, et toutes les choses possibles ont existé et existent encore, et cette différenciation n’est pas du tout à la base de la création.

Alors ta question ne tient pas, parce qu’elle est incorrecte.

Mais pourquoi dans la création matérielle?

Je te dis, ce n’est pas comme cela depuis le début. Un zoologiste pourrait te dire qu’il y a des espèces qui ne sont pas comme cela du tout. C’est la Nature qui a essayé ce moyen-là — elle essaye beaucoup de choses, elle a fait toutes les espèces possibles, elle a fait les deux-en-un, elle a fait toutes les choses possibles... Elle essaye comme cela parce que probablement cela lui a paru plus pratique! Je ne sais pas. C’est tout.

Mais dans les autres plans, même dans le monde terrestre, les plans plus subtils du monde terrestre, même dans le physique subtil et dans le vital et dans le mental, il y a des êtres qui sont divisés comme cela en deux, mais il y a aussi des êtres qui ne sont ni mâles ni femelles. Cela existe. Par exemple, dans le monde vital, il est extrêmement rare de rencontrer des différenciations de sexe, ce sont généralement des êtres insexués. Et je soupçonne beaucoup que le monde des dieux tel qu’il nous est décrit par les hommes a été largement influencé par la pensée humaine. En tout cas, il y a beaucoup de divinités qui sont insexuées. Dans toutes les histoires que l’on nous raconte dans les panthéons de tous les pays, il y a une bonne part qui a été très influencée par la pensée humaine. Par conséquent, cette différence est tout simplement un moyen de la Nature pour arriver à son but, c’est tout, pas autre chose que cela. Il faut le prendre comme cela. Ce n’est pas un symbole éternel — du tout.

Maintenant, il y a beaucoup de gens qui tiennent énormément à cette différenciation — qu’ils la gardent si cela leur fait plaisir (!), mais ce n’est pas du tout une chose ni finale, ni éternelle... ni parfaite en soi. C’était peut-être l’idéal de la création du Surmental, c’est possible... et encore, même pas totalement, seulement partiellement. Mais enfin, ceux qui sont très amoureux de cette différenciation, qu’ils la gardent si cela leur fait plaisir! Si ça les amuse... Cela a ses avantages, cela a ses inconvénients, beaucoup d’inconvénients.

Mère, pourquoi donc les forces du monde vital échappent- elles à cette condition?

Quoi?

Vous dites que dans le monde vital cette différenciation n’existe pas.

Je ne dis pas qu’elle n’existe pas, je dis que ce n’est pas une règle générale et qu’au contraire, on rencontre plus souvent des êtres insexués que des êtres sexués. Et il est probable aussi que dans le monde vital cette différenciation est venue beaucoup de l’influence de la Terre.

Et puis alors? La raison de ces questions et à quoi voulezvous en venir? C’est cela que je vous demande. Qui est-ce qui vous a dit que dès le début de l’univers c’était comme cela?... Des gens qui tiennent essentiellement à ce que cela continue à être comme cela? Je dis, si cela leur fait plaisir, qu’ils continuent, personne ne les dérangera. Si cela les amuse!

«À mesure que nous montons, nous devons ouvrir les parties inférieures de notre être à ces plans supérieurs et les remplir de ces dynamismes de lumière et de pouvoir, supérieurs et suprêmes; nous devons faire du corps une forme et un instrument de plus en plus conscient et même entièrement conscient: un signe conscient, un sceau et un pouvoir de l’esprit. À mesure qu’il grandit en perfection, la force et l’étendue de son action dynamique, sa réceptivité et son service de l’esprit, doivent augmenter; la maîtrise de l’esprit sur le corps doit croître également, et aussi la plasticité de son fonctionnement, non seulement dans ses pouvoirs naturels et acquis, mais dans ses réactions automatiques, jusqu’à celles qui maintenant sont purement organiques et semblent être les mouvements d’un inconscient mécanique. Ceci ne peut se faire sans une véritable transformation, et en effet, la transformation du mental, de la vie et du corps même est le changement vers lequel notre évolution se dirige secrètement. Sans cette transformation, la plénitude complète d’une vie divine sur la terre ne peut pas émerger. Avec cette transformation, le corps lui-même peut devenir un agent et un partenaire. Certes, l’esprit pourrait arriver à une manifestation considérable avec un corps seulement passif et imparfaitement conscient comme moyen de fonctionnement matériel tout en bas, mais ceci ne serait ni parfait ni complet. Un corps pleinement conscient pourrait même découvrir et élaborer la vraie méthode matérielle et le vrai processus de la transformation matérielle. Mais pour cela, sans aucun doute, la lumière suprême de l’esprit, son pouvoir et sa joie créatrice suprêmes doivent s’être manifestés au sommet de la conscience individuelle et avoir fait descendre leur fiat jusque dans le corps.» (La Manifestation Supramentale, chap. I)

Mère, la transformation du corps viendra-t-elle après la transformation du mental et du vital, ou est-ce qu’elle suit spontanément?

Généralement, ce genre de transformation vient du haut en bas, pas de bas en haut.

Évidemment, si vous êtes un matérialiste à tout crin, vous direz que c’est l’ascension de la forme qui fait naître des capacités nouvelles; mais enfin, ce n’est pas très exact, ce n’est pas tout à fait comme cela que les choses se passent généralement, et je vous défie bien de transformer votre corps si votre mental ne l’est pas. Essayez un peu, qu’on voie!

Vous ne pouvez pas remuer un doigt, dire un mot, marcher un pas sans que le mental intervienne, alors avec quel instrument voulez-vous transformer votre corps si votre mental n’est pas déjà transformé?

Si vous restez dans l’état d’ignorance — parfaite, je pourrais dire — dans lequel votre mental se trouve, comment voulezvous que votre corps se transforme?

Quelquefois, on trouve une grande résistance dans le corps. Quelle en est la raison? Le mental n’intervient pas, mais il y a une résistance. La plus grande résistance vient du physique, il y a une résistance spéciale du physique.

Où est la plus grande résistance?... Dans votre tête. (rires) Et ce n’est pas un cas particulier. La chose qui le plus généralement refuse le plus de se changer, c’est le mental physique — obstiné, n’est-ce pas, dans la certitude de sa compétence, hou!... Dans l’amour qu’il a pour son ignorance, sa manière de penser, sa manière de voir, sa manière de ne pas savoir.

C’est tout?... Bon! Alors nous ne dirons plus rien.

Je demande le remède...

Oh! oh!... (long silence)... Ça, c’est le remède.