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Mère

Entretiens

 

Le 22 janvier 1958

L'enregistrement   

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Mère continue la lecture de La Vie Divine et termine l’exposé des arguments intellectuels contre l’apparition d’une espèce supérieure.

La prochaine fois, nous commençons l’argument. Tous ces arguments se passent quelque part où d’habitude vous n’allez pas, n’est-ce pas? C’est un domaine qui ne vous est pas familier.

C’est en effet un domaine très particulier et très étranger à l’action ou à toute réalisation pratique. Il m’a toujours semblé que l’on pouvait prendre n’importe quelle idée et s’en servir comme point de départ d’un argument et, avec la logique intellectuelle, arriver à prouver que cette idée est tout à fait vraie, simplement par le pouvoir de l’argumentation.

Il est assez remarquable que ce sont deux domaines de l’activité humaine — l’action et la spéculation — qui généralement ont de la difficulté à se trouver ensemble au même moment dans la conscience; et même il est rare que celui qui a un esprit spéculatif très développé soit jamais un homme d’action et, de l’autre côté, qu’un homme d’action se trouve jamais à l’aise dans l’intellect spéculatif.

Quand on a une tendance essentiellement pratique et réalisatrice, on a toujours l’impression que toutes ces spéculations, ces arguments et ces déductions sont une occupation plus ou moins intéressante pour des gens oisifs. Mais... je n’ose pas le dire très haut parce que ce n’est pas apprécié des gens intellectuels... cela m’a toujours paru une gymnastique, qui est très intéressante au point de vue du développement mental, mais qui n’a pas beaucoup de résultats pratiques. Maintenant, si vous écoutez les gens à l’esprit abstrait, ils vous diront que la gymnastique physique est une occupation tout à fait inutile qui ne donne aucun résultat pratique: «À quoi cela vous sert-il de faire de la gymnastique? C’est simplement pour faire marcher les muscles. Et pourquoi ne ferions-nous pas marcher nos muscles de l’esprit comme vous faites marcher vos muscles du corps?» Et les deux arguments ont une valeur égale.

Pour moi, la solution est ailleurs.

(long silence)

Dès que l’on est convaincu qu’il y a une Vérité vivante et réelle qui cherche à s’exprimer dans un univers objectif, la seule chose qui paraisse avoir de l’importance et de la valeur, c’est de se mettre en rapport avec cette Vérité, de s’identifier à elle aussi parfaitement que possible, et de ne plus être qu’un moyen de l’exprimer, de la rendre de plus en plus vivante et tangible de façon qu’elle soit manifestée de plus en plus parfaitement. Toutes les théories, tous les principes, tous les moyens sont plus ou moins bons suivant leur capacité d’expression de cette Vérité; et à mesure que l’on avance sur ce chemin, si l’on dépasse toutes les limites de l’Ignorance, on s’aperçoit que c’est la totalité de cette manifestation, son ensemble, son intégralité qui est nécessaire à l’expression de cette Vérité, que rien ne peut être retranché, et peut-être que rien n’est plus important ou n’est moins important. La seule chose qui paraisse nécessaire, c’est une harmonisation du tout qui fasse que chaque chose soit à sa place dans sa vraie relation avec toutes les autres, afin que l’Unité totale puisse se manifester harmonieusement.

Si l’on descend de ce niveau, pour moi, on ne comprend plus rien et tous les arguments se valent dans une étroitesse et une limitation qui leur enlèvent toute valeur réelle.

Chaque chose à sa place, en harmonie avec tout le reste, et alors on peut commencer à comprendre et à vivre.

(silence)

On a l’impression qu’un seul mouvement, si petit qu’il soit, si peu important qu’il paraisse, qui est en accord avec cette Vérité, a plus de valeur que les arguments les plus merveilleux.

Qu’une seule goutte de lumière brille en vous, et elle aura plus d’effet pour dissoudre l’obscurité que les plus beaux discours du monde sur ce qu’est la lumière ou ce qu’elle peut faire.