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Sri Aurobindo

Le Secret du Véda
Suivi de hymnes choisis du Rig-Véda

Avec commentaires

10. L’image des Océans et des Fleuves

Les trois Riks du troisième hymne de Madhucchandaś invoquant Saraśvati se présentent comme suit:

pāvakā naḥ sarasvatī vājebhir vājinīvatī

yajñaṃ vaṣṭu dhiyāvasuḥ (1.3.10)

codayitrī sūnṛtānāṃ cetantī sumatīnām

yajñaṃ dadhe sarasvatī (1.3.11)

maho arṇaḥ sarasvatī pra cetayati ketunā

dhiyo viśvā vi rājati (1.3.12)

Le sens des deux premiers vers se comprend assez bien si l’on sait que Saraśvati est ce pouvoir de la Vérité que nous appelons inspiration. L’inspiration en provenance de la Vérité “purifie” en débarrassant de toute fausseté, car pour les Indiens tout péché est simplement fausseté, émotion mal inspirée, volonté et action mal dirigées. Notre conception initiale de la vie et de nous-mêmes est fondamentalement mensongère, et falsifie tout le reste. La Vérité nous arrive comme une lumière, une voix, obligeant à un changement de pensée, imposant une perception nouvelle de nous-mêmes et de tout ce qui nous entoure. La vérité de pensée crée la vérité de vision, et la vérité de vision forme en nous la vérité de l’être, et de cette vérité d’être, satyam, découle naturellement la vérité d’émotion, de volonté et d’action. Telle est en fait la notion centrale du Véda.

Saraśvati, l’inspiration, est “pleine de ses lumineuses plénitudes, riche en substance de pensée”. Elle “soutient le sacrifice”, l’offrande au divin des activités de l’être mortel, d’une part “en éveillant sa conscience”, afin que celle-ci accepte “des états justes d’émotion et des mouvements justes de pensée”, en accord avec la Vérité d’où elle répand ses illuminations, et d’autre part “en incitant ces vérités à émerger dans la conscience”, vérités qui, selon les Rishis védiques, libèrent la vie et l’être de la fausseté, de la faiblesse et de la limitation, et lui ouvrent les portes de la félicité suprême.

Par cette “impulsion d’éveil” constante, que résume le mot ketu, perception, souvent appelée la perception divine, daiva ketu, pour la distinguer de la vision erronée des choses chez le mortel – Saraśvati apporte dans la conscience active de l’être humain “le grand flot” ou grand mouvement, la conscience-de-Vérité elle-même, et s’en sert pour “illuminer toutes nos pensées”. Cette conscience-de-Vérité des Rishis védiques correspond, ne l’oublions pas, à un plan supramental, un niveau de la montagne de l’être, adreḥ sānu, qui se situe hors de notre portée ordinaire et auquel nous devons péniblement nous hisser. Il n’appartient pas à notre être de veille, il nous est caché dans le sommeil du superconscient. Nous réalisons alors ce que veut dire Madhucchandas quand il déclare que Saraśvati “par l’action constante de l’inspiration nous fait prendre conscience de la Vérité dans les pensées”.

Mais on peut interpréter ce vers tout à fait différemment si l’on se contente d’une lecture purement grammaticale; on peut faire de maho arṇas une apposition à Saraśvati et traduire, “Sarasvati, le grand fleuve, nous éveille à la connaissance par la perception et brille en toutes nos pensées”. Si l’expression “le grand fleuve” signifie pour nous, comme cela semble être le cas chez Sayana, le fleuve réel du Punjab, il en résulte une incohérence de pensée et d’expression qui n’a sa place que dans un cauchemar ou un asile d’aliénés. On peut toutefois aussi supposer que cette formule désigne le grand flot de l’inspiration, sans référence aucune au vaste océan de la conscience-de-Vérité. Ailleurs cependant, il est constamment question des dieux opérant par le vaste pouvoir du grand flot, mahnā mahato arṇavasya (10.67.12), Saraśvati n’est pas mentionnée, et il est peu probable qu’elle soit visée. Dans les écrits védiques on dit de Saraśvati, il est vrai, qu’elle est le moi secret d’Indra – expression, notons-le, parfaitement absurde si Saraśvati représente un simple fleuve qui coule au Nord et Indra le dieu du ciel, mais qui revêt une signification très profonde et saisissante si Indra figure le Mental illuminé et Saraśvati l’inspiration émanant du plan caché de la Vérité supramentale. Il est impossible cependant d’accorder à Saraśvati une place aussi considérable parmi les autres dieux, ce qui serait le cas si l’on donnait à mahnā mahato arṇavasya le sens de “par la grandeur de Sarasvati”. Les dieux agissent, se plaît-on à répéter, en se servant du pouvoir de la Vérité, ṛtena, et Saraśvati n’est qu’une des divinités de la Vérité, et pas même la plus importante ni la plus universelle d’entre elles. Mon interprétation est par conséquent la seule traduction qui s’accorde avec l’emploi de la formule dans d’autres passages.

Partons donc de ce fait décisif, rendu indéniable par ce passage – que “grand courant” désigne Saraśvati elle-même ou l’océan de Vérité –, à savoir que les Rishis védiques employaient les images de l’eau, du fleuve ou de l’océan, au sens figuré de façon psychologiquement symbolique, et voyons où cela va nous mener. On s’aperçoit d’emblée que les textes hindous, le Véda, les Puranas tout comme la dialectique et l’exégèse philosophiques comparent constamment l’existence à un océan. Le Véda en mentionne deux, les eaux supérieures et les eaux inférieures, l’océan du subconscient, sombre et inexpressif, et l’océan du superconscient, expression lumineuse et éternelle mais située par-delà le mental humain. Dans le dernier hymne du quatrième Mandala, Vamadéva dit en parlant d’eux “qu’une vague de miel a surgi de l’Océan et, grâce à cette vague ascendante qui est le Soma, aṃśu, on touche à l’Immortalité parfaite; cette vague, ou ce Soma, est le Nom secret de la clarté (ghṛtasya, symbole du beurre clarifié); c’est la langue des dieux; c’est le point nodal, le lieu de jonction, nābhi, de l’Immortalité ‘” (4.58.1).

samudrād ūrmir madhumāṁ ud ārad upāṃśunā sam amṛtatvam ānaṭ

ghṛtasya nāma guhyaṃ yad asti jihvā devānām amṛtasya nābhiḥ (4.58.1)

Il ne fait aucun doute, je présume, que la mer, le miel, le Soma, le beurre clarifié sont, dans ce passage en tout cas, des symboles psychologiques. Vamadéva ne veut certainement pas dire qu’une vague ou un flot de vin a surgi de l’eau salée de l’océan Indien ou du golfe du Bengale, voire même de l’eau douce de l’Indus ou du Gange, et que ce vin désigne secrètement le beurre clarifié. Ce qu’il cherche à exprimer, en clair, c’est que des profondeurs de notre subconscient monte une vague du miel de l’Ananda ou pur délice de l’existence, et que cet Ananda est ce qui nous permet d’atteindre à l’immortalité; cet Ananda est l’être secret, la réalité secrète derrière l’action du mental empli de brillantes clartés. Soma, le dieu de l’Ananda, ajoute le Védanta, est ce qui est devenu le mental ou perception des sens; autrement dit, toute sensation mentale porte en elle un délice caché d’existence et s’efforce d’exprimer ce secret de son être propre. L’Ananda est donc cette langue divine qui permet aux dieux de savourer le délice de l’existence, c’est le lieu de rassemblement où convergent toutes les activités de l’état immortel ou existence divine. Vamadéva poursuit: “Exprimons ce Nom secret de la clarté”, c’est-à-dire, extrayons ce vin de Soma, ce délice caché de l’existence; maintenons-le fermement dans ce monde devenu sacrifice en nous abandonnant ou en nous soumettant “à Agni, la Volonté divine ou Pouvoir conscient divin qui est le Maître de l’être. Il est le Taureau quadricorne des mondes et, quand il écoute la pensée d’âme de l’homme qui s’exprime, il expulse de sa cachette ce Nom Secret du délice”.

vayaṃ nāma pra bravāmā ghṛtasyāsmin yajñe dhārayāmā namobhiḥ

upa brahmā śṛṇavac chasyamānaṃ catuḥśṛṅgo ‘vamīd gaura etat (4.58.2)

Puisque le vin et le beurre clarifié sont symboliques, le sacrifice, incidemment, doit l’être aussi. Dans des hymnes comme celui de Vamadéva, le voile ritualiste si minutieusement tissé par les Mystiques védiques s’évanouit, tel un brouillard qui se dissipe sous nos yeux, et surgit alors la vérité védantique, le secret du Véda.

Vamadéva ne laisse planer aucun doute sur la nature de l’Océan en question; car au cinquième vers il le décrit expressément comme l’océan du cœur, hṛdyāt samudrāt, d’où montent les eaux de la clarté, ghṛtasya dhārāḥ, le flot, dit-il, “se purifiant progressivement à l’aide du mental et du cœur au-dedans”, antar hṛdā manasā pūyamānāḥ. Et au dernier vers, il parle de “l’existence entière triplement établie, d’abord au siège d’Agni” – la conscience-de-Vérité, la demeure personnelle d’Agni, svaṃ damam ṛtaṃ bṛhat, comme nous l’ont appris d’autres Riks –, ensuite “dans le cœur, l’océan”, identique évidemment à l’océan du cœur, enfin dans la vie de l’homme

dhāman te viśvam bhuvanam adhi śritam antaḥ samudre hṛdy antar āyuṣi (4.58.11:a)

Le superconscient, la mer du subconscient, la vie de l’être animé entre les deux – telle est la conception védique de l’existence.

La mer du superconscient est la destination des fleuves de la clarté, de la vague de miel, tout comme la mer du subconscient dans le cœur au-dedans est leur lieu d’origine. Cette mer supérieure s’appelle le Sindhu, terme qui désigne soit un fleuve, soit un océan; mais dans cet hymne il signifie évidemment océan. Notons le langage remarquable dont Vamadéva se sert pour parler de ces fleuves de la clarté. Il commence par dire que, Les dieux ont cherché et trouvé la clarté, le ghṛtam, triplement logée et cachée par les Panis dans la Vache, gavi (4.58.4). Le Véda donne incontestablement à go le double sens de Vache et de Lumière, Vache étant le symbole extérieur, et Lumière le sens profond. La parabole des vaches volées et cachées par les Panis se retrouve constamment dans le Véda. La mer étant psychologiquement symbolique – l’océan du cœur, samudre hṛdi, – le Soma et le beurre clarifié l’étant aussi, la Vache, où les dieux découvrent le beurre clarifié dissimulé par les Panis, doit également symboliser, cela va de soi, une illumination intérieure et non la lumière matérielle. La Vache représente en fait Aditi, la Conscience infinie cachée dans le subconscient, et le triple ghṛtamfigure la triple clarté, celle de la sensation émancipée découvrant son secret de délice, du mental conceptuel atteignant à la lumière et à l’intuition, et de la vérité elle-même, la vision supramentale ultime, comme le montre clairement la deuxième moitié du vers (4.58.4), où il est dit, “Indra en a engendré une, Surya une autre, les dieux en ont façonné une troisième grâce à un développement naturel procédant du Véna”; car Indra est le Maître du mental des pensées, Surya celui de la lumière supramentale, Véna est Soma, maître du délice mental de l’existence, créateur du mental sensoriel.

Nous pouvons noter aussi au passage que les Panis doivent figurer nécessairement ici des ennemis spirituels, des puissances de l’ombre et non des dieux, des tribus ou des marchands dravidiens. Au vers suivant (4.58.5), Vamadéva dit, en parlant des coulées de ghṛtam, qu’elles “partent de l’océan du cœur, où l’en nemi les a enfermées dans une centaine de prisons (ou, enclos) pour les rendre invisibles”. Ceci ne veut certainement pas dire que des rivières de ghee – ou même d’eau – jaillies de l’océan du cœur ou de tout autre océan, ont été interceptées en chemin par de cruels Dravidiens sans scrupule et enfermées dans une centaine d’enclos, pour les dérober au regard des Aryens ou de leurs dieux. Nous percevons aussitôt que l’ennemi, Pani ou Vritra dans les hymnes, représente un concept purement psychologique, et non un effort de la part de nos ancêtres pour dissimuler à leur postérité les événements de l’histoire indienne primitive sous un fouillis de mythes brumeux inextricablement enchevêtrés. Le Rishi Vamadéva, horrifié, n’aurait jamais imaginé un tel détournement de son symbolisme rituel. Traduire ghṛtam par eau, hṛdya samudra par lac ravissant, et supposer que les Dravidiens captaient l’eau des fleuves dans une centaine de retenues pour empêcher les Aryens d’y jeter le moindre coup d’œil, ne nous avance guère non plus, Car en admettant même que les neuves du Punjab prennent tous leur source à un lac unique dont la beauté enchante le cœur, les Dravidiens, si malins et ingénieux fussent-ils, n’auraient jamais pu pour autant placer à trois reprises le cours de leurs eaux dans une vache et dissimuler la vache elle-même dans une grotte.

“Ces fleuves partent, dit Vamadéva, de l’océan du cœur, eux qui étaient enfermés par l’ennemi dans cent enclos pour qu’ils restent invisibles; je tourne mes regards vers les flots de la clarté, car en leur sein se tient le Roseau d’or. Ils ruissellent avec abondance comme des eaux vives, le cœur au-dedans et le mental les purifiant progressivement; elles avancent, les vagues de clarté, tels des animaux fuyant les traits de l’archer (ou, sous la conduite de leur maître). Comme sur une route longeant l’océan (sindhu, l’océan supérieur), ils marchent, les puissants, compacts à force de véhémence, mais limités par la force vitale (vāta, vāyu), eux les flots de la clarté; ils sont pareils au cheval qui se débat et rompt ses entraves, quand il s’est nourri de vagues” (4.58.5 à 7). La tournure, on le voit tout de suite, est celle d’un poète mystique, cachant au profane son propos sous un voile d’images qu’il consent de temps en temps à élucider pour l’œil qui sait voir. Ce qu’il veut dire est que la connaissance divine coule perpétuellement et sans interruption derrière nos pensées, mais les ennemis au-dedans se l’accaparent; ceux-ci confinent notre matériau mental à l’action et à la perception sensorielles, de sorte que, quand bien même les vagues de notre être viennent battre les rives en bordure du superconscient, à la lisière de l’infini, elles sont limitées par l’action nerveuse du mental sensoriel et ne peuvent livrer leur secret. On dirait des chevaux retenus la bride serrée; il faut attendre que les vagues de la lumière aient fait le plein de leur force pour que les coursiers fougueux brisent leurs entraves; et “elles coulent alors librement vers Cela d’où est pressé le vin de Soma et d’où naît le sacrifice”.

yatra somaḥ sūyate yatra yajño ghṛtasya dhārā abhi tat pavante (4.58.9)

On nous explique à nouveau que ce but est “Cela qui est tout miel”, ghṛtasya dhārā madhumat pavante (4.58.10), c’est-à-dire l’Ananda, la Béatitude divine. Et ce but n’est autre que le Sindhu, l’océan superconscient, comme le confirme le dernier Rik, où Vamadéva dit: “Puissions-nous goûter cette vague de miel qui est tienne” – à toi Agni, le Purusha divin, le Taureau quadricorne des mondes –, “elle qu’apporte la force des eaux à leur confluent”.

apām anīke samithe ya ābhṛtas tam aśyāma madhumantaṃ ta ūrmim (4.58.11:c)

Cette idée fondamentale des Rishis védiques nous la trouvons exposée dans l’Hymne de la Création (10.129.3 à 5), qui décrit ainsi le subconscient: “Au commencement l’obscurité cachait l’obscurité, tout ceci était un océan d’inconscience... De là naquit l’Un par l’ampleur de Son énergie. Ce fut d’abord la circulation d’un désir, semence initiale du mental. Les Voyants de la Vérité (les Maîtres de la Sagesse) ont découvert dans le non-être ce qui construit l’être, par la volonté dans le cœur et par la pensée du mental. Leur rayon de lumière s’étendait horizontalement; mais qu’y avait-il en bas, qu’y avait-il en haut?” Nous avons dans ce passage des idées identiques à celles exprimées dans l’hymne de Vamadéva, mais sans le voile des images. Quittant l’océan du subconscient, l’Un commence par émerger dans le cœur sous la forme du désir; il se meut là, dans l’océan du cœur, comme un désir inexprimé du délice de l’existence, et ce désir est l’embryon de ce qui plus tard deviendra le mental sensoriel. Les dieux découvrent ainsi un moyen de bâtir l’existant, l’être conscient, à partir de l’obscurité subconsciente; ils le découvrent dans le cœur et le manifestent par le progrès de la pensée et par l’impulsion motivée, pratīṣyā, qui désigne le désir mental, distinct du premier désir vague jailli du subconscient dans le mouvement purement vital de la Nature. L’existence consciente ainsi créée est comme étendue horizontalement entre deux autres déploiements: au-dessous le sommeil obscur du subconscient, au-dessus le secret lumineux du superconscient, les océans inférieur et supérieur.

Cette imagerie védique éclaire de façon limpide le symbolisme analogue des Puranas, et en particulier le célèbre symbole de Vishnu dormant après le pralaya sur les anneaux du serpent Ananta, suspendu au-dessus de l’océan de lait délicieux. On pourrait peut-être objecter que les Puranas furent rédigés par des prêtres ou poètes hindous superstitieux qui, estimant qu’un dragon dévorant le soleil et la lune était la cause des éclipses, n’avaient donc aucun mal à croire que, les périodes de création terminées, la Divinité suprême dans un corps physique s’endormait sur un réel serpent flottant concrètement au-dessus d’un océan fait de vrai lait, et qu’il était décidément rutile de s’ingénier à trouver dans ces fables une quelconque signification spirituelle. À cela je répondrais que rien en vérité ne nous oblige à rechercher un sens occulte; car ces poètes très superstitieux l’ont placé là, bien en évidence, à la surface même de la fable, pour que celui qui refuse d’être aveugle le voie. Ils ont en effet baptisé le serpent de Vishnu du nom d’Ananta, qui signifie l’infini, reconnaissant ainsi ouvertement que cette image est une allégorie et que Vishnu, la Divinité omniprésente, lorsqu’il n’est pas occupé à créer, dort sur les replis de l’Infini. Quant à l’océan, ce doit être, comme nous le montre le symbolisme védique, celui de l’existence éternelle, un océan de douceur absolue, autrement dit de Béatitude pure. Car ce lait suave (autre métaphore védique) désigne, c’est évident, quelque chose d’essentiellement identique au madhu, le miel ou la douceur, dans l’hymne de Vamadéva.

Nous constatons ainsi que Véda et Puranas ont recours aux mêmes images symboliques; l’océan représente chez eux l’existence infinie et éternelle. Nous constatons aussi que l’image de la rivière où du flot qui s’écoule sert à symboliser un fleuve de l’être conscient. Saraśvati, l’un des sept cours d’eau, est, nous le voyons, ce fleuve de l’inspiration jaillissant de la conscience-de-Vérité. Cela nous autorise à supposer que les six autres fleuves sont eux aussi psychologiquement symboliques.

Mais il n’est pas nécessaire de nous baser uniquement sur l’hypothèse et sur la déduction, si solides et absolument convaincantes soient-elles. Dans l’hymne de Vamadéva les fleuves, ghṛtasya dhārāḥ, ne sont pas, nous l’avons vu, des fleuves de beurre clarifié ou des fleuves d’eau ordinaire, mais symbolisent des faits psychiques. Il en va de même pour l’image des sept fleuves, comme en témoignent d’autres hymnes de façon tout aussi probante. J’examinerai à dessein un hymne supplémentaire, le premier Sukta du troisième Mandala, incantation du Rishi Vishvamitra au dieu Agni; car il y évoque les sept fleuves en se servant d’un langage aussi remarquable et explicite que celui employé par Vamadéva pour parler des neuves de clarté. Dans les chants de ces deux bardes vénérables nous verrons reprises les mêmes idées exactement dans des compositions au contenu pourtant totalement différent.

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