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Sri Aurobindo

Le Secret du Véda
Suivi de hymnes choisis du Rig-Véda

Avec commentaires

12. Vishnu, la Divinité Omniprésente (1.154)

1.154.1

विष्णो॒र्नु कं॑ वी॒र्या॑णि॒ प्र वो॑चं॒ यः पार्थि॑वानि विम॒मे रजां॑सि ।

यो अस्क॑भाय॒दुत्त॑रं स॒धस्थं॑ विचक्रमा॒णस्त्रे॒धोरु॑गा॒यः ॥१॥

viṣṇoḥ nu kam vīryāṇi pra vocam yaḥ pārthivāni vi-mame rajāṃsi

yaḥ askabhāyat ut-taram sadha-stham vi-cakramāṇaḥ tredhā ūru-gāyaḥ

De Vishnu maintenant je dirai les nobles exploits qui a délimité les mondes terrestres et fonde plus haut le siège de notre accomplissement par la triple enjambée de son mouvement universel, Lui qui arpente le Vaste.

1.154.2

प्र तद्विष्णु॑: स्तवते वी॒र्ये॑ण मृ॒गो न भी॒मः कु॑च॒रो गि॑रि॒ष्ठाः ।

यस्यो॒रुषु॑ त्रि॒षु वि॒क्रम॑णेष्वधिक्षि॒यन्ति॒ भुव॑नानि॒ विश्वा॑ ॥२॥

pra tat viṣṇuḥ stavate vīryeṇa mṛgaḥ na bhīmaḥ kucaraḥ giri-sthāḥ

yasya uruṣu triṣu vi-kramaṇeṣu adhi-kṣiyanti bhuvanāni viśvā

Cela, Vishnu l’affirme hautement par sa puissance, pareil au lion terrible qui hante les régions dangereuses et se fixe sur les sommets; en Lui, dans ses trois immenses foulées résident tous les mondes [du devenir],

1.154.3

प्र विष्ण॑वे शू॒षमे॑तु॒ मन्म॑ गिरि॒क्षित॑ उरुगा॒याय॒ वृष्णे॑ ।

य इ॒दं दी॒र्घं प्रय॑तं स॒धस्थ॒मेको॑ विम॒मे त्रि॒भिरित्प॒देभि॑: ॥३॥

pra viṣṇave śūṣam etu manma giri-kṣite uru-gāyāya vṛṣṇe

yaḥ idam dīrgham pra-yatam sadha-stham ekaḥ vi-mame tribhiḥ it padebhiḥ

Que notre force et notre pensée s’élancent vers Vishnu, l’habitant des montagnes, le Taureau qui arpente le Vaste; Il est le Un qui en trois enjambées seulement a mesuré dans l’espace ce grand et vaste domaine de notre accomplissement.

1.154.4

यस्य॒ त्री पू॒र्णा मधु॑ना प॒दान्यक्षी॑यमाणा स्व॒धया॒ मद॑न्ति ।

य उ॑ त्रि॒धातु॑ पृथि॒वीमु॒त द्यामेको॑ दा॒धार॒ भुव॑नानि॒ विश्वा॑ ॥४॥

yasya trī pūrṇā madhunā padāni akṣīyamāṇā svadhayā madanti

yaḥ ūm̐ iti tri-dhātu pṛthivīm uta dyām ekaḥ dādhāra bhuvanāni viśvā

C’est Lui dont les trois pas, pleins de la liqueur miellée, goûtent à jamais l’extase grâce à l’harmonie innée de leur nature; Lui, le Un, il soutient le triple principe, et la terre et le ciel et tous les mondes.

1.154.5

तद॑स्य प्रि॒यम॒भि पाथो॑ अश्यां॒ नरो॒ यत्र॑ देव॒यवो॒ मद॑न्ति ।

उ॒रु॒क्र॒मस्य॒ स हि बन्धु॑रि॒त्था विष्णो॑: प॒दे प॑र॒मे मध्व॒ उत्स॑: ॥५॥

tat asya priyam abhi pāthaḥ aśyām naraḥ yatra devayavaḥ madanti

uru-kramasya saḥ hi bandhuḥ itthā viṣṇoḥ pade parame madhvaḥ utsaḥ

Puisse-je atteindre et savourer ce but de son mouvement, le Délice, où connaissent l’extase les âmes en quête de divinité; là en vérité, sur la Marche suprême de Vishnu qui arpente le Vaste, vit cet Ami lui-même, fontaine du nectar.

1.154.6

ता वां॒ वास्तू॑न्युश्मसि॒ गम॑ध्यै॒ यत्र॒ गावो॒ भूरि॑शृङ्गा अ॒यासः॑ ।

अत्राह॒ तदु॑रुगा॒यस्य॒ वृष्ण॑: पर॒मं प॒दमव॑ भाति॒ भूरि॑ ॥६॥

tā vām vāstūni uśmasi gamadhyai yatra gāvaḥ bhūri-śṛṅgāḥ ayāsaḥ

atra aha tat uru-gāyasya vṛṣṇaḥ paramam padam ava bhāti bhūri

Telles sont de Vous Deux les demeures que nous voulons pour but, où se rendent les troupeaux multicornes de lumière; car ici en bas resplendit sur nous de ce séjour suprême du Taureau qui arpente le Vaste la foisonnante immensité.

Commentaire

Cet hymne est consacré au dieu Vishnu, l’Omniprésent, qui dans le Rig-Véda entretient une relation étroite quoique secrète – et va jusqu’à se confondre presque – avec cette autre divinité glorifiée plus tard par la religion, Rudra. Dieu farouche et violent, Rudra possède néanmoins un aspect bienveillant voisin de la réalité béatifique suprême de Vishnu; la perpétuelle complaisance de Vishnu envers l’homme et ses auxiliaires divins s’accompagne d’une ombre, d’une projection obscure de violence formidable – “comme le lion terrible qui rôde dans les lieux dangereux et inaccessibles” – vocabulaire employé d’habitude pour qualifier Rudra. Rudra est le père des Maruts, véhéments dans la bataille; Vishnu est appelé Évaya Marut dans le dernier Sukta du cinquième Mandala (5.87.1), qui célèbre en lui l’origine d’où jaillissent les Maruts et ce qu’ils deviennent, étant lui-même identique à l’unité et à la totalité de leurs forces de combat. Rudra est le Déva ascendant, la divinité qui s’élève dans le cosmos, Vishnu ce même Déva, cette même divinité aidant et suscitant les pouvoirs de l’ascension.

Les érudits européens ont longtemps fait circuler l’idée selon laquelle l’importance dont jouissent Vishnu et Shiva dans les théogonies puraniques était une invention tardive, et que, inférieurs à Indra et Agni, ils ne jouaient dans le Véda qu’un rôle tout à fait accessoire. Une opinion largement répandue chez de nombreux spécialistes veut même que Shiva corresponde à une conception postérieure empruntée aux Dravidiens, témoignage d’une conquête partielle de la religion védique par la culture indigène qu’elle avait envahie. Ces erreurs sont le produit inévitable de cette méconnaissance totale de la pensée védique dont est responsable le ritualisme brahmanique traditionnel et que l’exégèse européenne, en exagérant un élément secondaire et superficiel de la mythologie védique, n’a fait que prolonger sous une forme nouvelle et encore plus trompeuse.

L’importance des dieux védiques ne doit pas se mesurer au nombre d’hymnes qui leur sont consacrés, ni à la fréquence avec laquelle les Rishis les invoquent dans leurs pensées, mais aux fonctions qu’ils remplissent. Agni et Indra, auxquels sont adressés la majorité des hymnes védiques, ne sont pas meilleurs que Vishnu et Rudra, mais les services qu’ils rendent dans le monde intérieur et extérieur possédaient un dynamisme, une autorité et une efficacité instantanée parfaitement adaptés à la discipline psychologique des anciens Mystiques, et cela seul explique leur prépondérance. Les Maruts, enfants de Rudra, ne sont pas des divinités supérieures à leur farouche et auguste père; un grand nombre d’hymnes néanmoins les célèbrent et ils sont beaucoup plus fréquemment cités en compagnie d’autres dieux, parce que leurs attributions dans la discipline védique jouissaient d’une importance constante et immédiate. Vishnu, Rudra, Brahmanaspati par contre, les divinités védiques qui servirent de modèle à la future Triade puranique Vishnu-Shiva-Brahma, fournissent les conditions du travail védique et l’assistent, dissimulés derrière d’autres dieux plus présents et actifs, mais y sont moins intimement associés et semblent moins constamment préoccupés par ses progrès quotidiens.

Brahmanaspati est celui qui se sert du Verbe pour créer; il invite la lumière et le cosmos visible à sortir de l’obscurité de l’Océan inconscient, et accélère l’ascension des formations de l’être conscient vers leur but suprême. C’est cette dimension créatrice de Brahmanaspati qui donnera plus tard naissance au concept de Brahma le Créateur.

Au mouvement ascendant des formations de Brahmanaspati, Rudra supplée la force. Nommé dans le Véda le “Puissant du Ciel”, il commence cependant son œuvre sur terre et fait aboutir le sacrifice sur les cinq plans de notre ascension. Il est le Violent qui conduit vers le haut l’évolution de l’être conscient; sa force bataille contre tous les maux, frappe le pécheur et l’ennemi; ne tolérant ni imperfection ni défaillance, c’est le plus terrible des dieux, le seul que les Rishis védiques craignaient vraiment.

Agni, le Kumara, prototype du Skanda puranique, est sur terre l’enfant de cette force de Rudra. Les Maruts, pouvoirs vitaux qui s’arrogent la lumière, sont les fils de Rudra. Agni et les Maruts guident cette lutte farouche pour s’élever, depuis la première création terrestre obscure de Rudra, jusqu’aux cieux de la pensée, les mondes lumineux. Mais ce Rudra, emporté et puissant, qui démolit toutes les formations et combinaisons défectueuses de la vie extérieure et intérieure, sait aussi se montrer plus clément. C’est la panacée suprême. Contrecarré, il détruit; sollicité et rendu complaisant, il guérit toutes les blessures, tous les maux et toutes les souffrances. Il donne la force de combattre, mais aussi la paix et la joie finales. Ces différents aspects du dieu védique contiennent en germe la matière première nécessaire à la future évolution du Rudra-Shiva puranique, destructeur et guérisseur, indulgent et terrible, le maître de la Force agissant dans les mondes et le Yogi goûtant la liberté et la paix suprêmes.

Aux formations du Verbe de Brahmanaspati, aux exploits de la force de Rudra, Vishnu apporte les éléments statiques indispensables – l’Espace, le mouvement régulier des mondes, les étapes de l’ascension, le but suprême. Il a fait trois enjambées et dans l’intervalle ainsi créé a établi tous les mondes. Dans ces mondes il habite, lui l’Omniprésent, et donne plus ou moins libre cours à l’action et aux projets des dieux. Quand Indra décide de tuer Vritra, il prie d’abord Vishnu, son ami et partenaire (1-22-19) dans la grande lutte, “Que ton mouvement, ô Vishnu, arpente toute l’étendue” (4.18.11), et avec cette étendue il détruit Vritra qui limite, Vritra qui recouvre et cache. La Marche suprême de Vishnu, son siège le plus haut, est le triple monde de béatitude et de lumière, priyaṃ padam, que les sages contemplent déployé dans le ciel comme un splendide œil de vision (1-22-20); c’est ce séjour culminant de Vishnu qui est le but du périple védique. Ici encore le Vishnu védique annonce directement et justifie à lui seul le Narayana puranique, Protecteur et Seigneur de l’Amour.

La conception initiale du Véda interdit du reste une répartition de type puranique entre une Trinité suprême et des dieux subalternes. Pour les Rishis védiques il n’existait en effet qu’un seul Déva universel, dont Vishnu, Rudra, Brahmanaspati, Agni, Indra, Vayu, Mitra, Varuna sont tous également des formes et des aspects cosmiques. Chacun d’eux est lui-même le Déva tout entier et contient tous les autres dieux. Ce furent, d’abord, l’émergence complète dans les Upanishads de cette notion d’un Déva suprême et un – volontairement flou et imprécis dans les Riks et quelquefois même mentionné au neutre comme “Cela” ou la seule et unique existence –, puis la réduction du rôle des autres dieux dans le rituel et, enfin, l’assertion progressive de leurs aspects humains ou personnels sous l’influence d’une mythologie en plein essor – qui conduisirent à leur dépréciation et à la glorification, dans la formulation puranique finale de la théogonie hindoue, de noms et formes moins utilisés mais plus généraux, Brahma, Vishnu et Rudra.

Ce que célèbre cet hymne de Dirghatamas Aucathya à Vishnu l’Omniprésent, c’est son acte majeur, c’est la grandeur des trois pas de Vishnu. Nous devons bannir de notre esprit toute notion appartenant à la mythologie qui suivit. Il ne s’agit nullement ici du nain Vishnu, de Bali le Titan et des trois enjambées divines qui s’emparèrent de la Terre, du Ciel et, sous terre, des mondes aveugles du Patala. Les trois pas de Vishnu représentent dans le Véda, comme l’explique Dirghatamas, la terre, le ciel et le triple principe, tridhātu. C’est ce principe triple situé au-delà du Ciel, ou venant le coiffer et formant son point culminant, nākasya pṛṣṭhe (1-125-5), qui est la marche ou le domaine suprême de la divinité omniprésente.

(rik 1 ) – Vishnu est celui dont l’ample foulée arpente le vaste, celui qui circule partout. C’est celui qui est parti en voyage, a pris le large – comme le dit l’Isha Upanishad, sa paryagāt –, se propageant triplement, en tant que Voyant, Penseur et Formateur, dans la Béatitude superconsciente, dans le ciel du mental, dans la terre de la conscience physique, tredhā vicakramāṇaḥ. Avec ces trois enjambées, il a mesuré entièrement et délimité, il a conçu dans toute leur extension les mondes terrestres; car, selon l’idée védique, le monde matériel que nous habitons n’est qu’un des nombreux pas ou degrés conduisant et servant de support aux mondes vitaux et mentaux au-delà. Ces enjambées lui permettent de fonder au-dessus de la terre et du monde intermédiaire – la terre figurant les provinces matérielles, le monde intermédiaire les provinces vitales de Vayu, maître du principe de Vie dynamique –, le triple ciel et ses trois sommets lumineux, trīṇi rocanā. Le Rishi en fait le siège supérieur de l’accomplissement. La terre, le monde médian et le ciel constituent le lieu triple où l’être conscient s’accomplit progressivement, triṣadhastha (1-156-5, IV-50-1), la terre, le monde vital et le ciel étant respectivement les séjours inférieur, intermédiaire et supérieur. Le mouvement triple de Vishnu les contient tous les trois.1

(rik 2) – Mais ce n’est pas tout, car il faut y ajouter le monde où l’accomplissement de soi se réalise, le Pas ou la Marche suprême de Vishnu. Au second vers, le voyant l’appelle simplement “Cela”. “Cela”, Vishnu, en faisant dans la foulée son troisième pas, l’affirme ou l’établit fermement, pra stavate, par sa puissance divine. Vishnu est alors décrit en termes qui suggèrent son identité essentielle avec l’implacable Rudra, il est comparé au Lion féroce et dangereux des mondes, celui qui. Maître de l’animal, Pashupati, au début de l’évolution, gravit la montagne de l’être où il loge, traversant des régions de plus en plus sauvages et difficiles d’accès, pour se fixer enfin sur les sommets. Ainsi, dans les trois grands mouvements de Vishnu résident tous les cinq mondes et leurs créatures. La terre, le ciel et “cela”, le monde de béatitude, forment les trois pas. Entre la terre et le ciel se situe l’Antariksha, les mondes vitaux, littéralement “le séjour intermédiaire”. Le ciel et le monde de béatitude sont séparés à leur tour par un autre vaste Antariksha ou séjour intermédiaire, Maharloka, le monde de la Vérité superconsciente des choses2.

(rik 3) – La force et la pensée de l’homme, la force issue de Rudra, le Puissant, et la pensée issue de Brahmanaspati, le Maître et Inventeur du Verbe, doivent poursuivre le grand périple pour ou vers ce Vishnu qui se tient au terme du voyage, tout en haut, sur le pic de la montagne. Ce vaste mouvement universel lui appartient; il est le Taureau du monde qui possède et fertilise toutes les énergies de la force et tout le long défilé des troupeaux de la pensée. Trois pas seulement ont suffi à cet Infini tout-puissant pour prendre la mesure, pour constituer ainsi cet espace largement déployé qui figure pour nous le monde de notre propre accomplissement, le triple autel du grand sacrifice3.

(rik 4) – Tous les trois baignent dans le vin miellé du délice de l’existence. Ce Vishnu les remplit tous de sa divine joie d’être. C’est elle qui, éternellement, les maintient et, empêchant qu’ils déclinent ou périssent, fait que dans l’harmonie spontanée de leur mouvement naturel ils continuent de goûter l’extase intarissable, l’inépuisable ivresse de leur existence vaste et illimitée. Vishnu les maintient sans faillir, les préserve sans périr. Il est cet “Un”, Lui seul existe, c’est Lui l’unique Divinité, et il contient dans son être le triple principe divin qui est nôtre quand nous atteignons le monde de béatitude, la terre qui nous sert de piédestal et le ciel aussi que touche la personne mentale en nous. Il soutient tous les cinq mondes. Le tridhātu, le principe triple ou matériau triple de l’existence, correspond au Sat-Cit-Ananda du Védanta, communément appelés dans le Véda vásu, la substance, ūrj, la force foisonnante de notre être, priyám ou máyas, le délice et l’amour au cœur même de notre existence. Ces trois éléments servent à former tout ce qui existe, et nous atteignons leur plénitude quand nous parvenons au terme de notre voyage.4

(rik 5) – Ce but est le Délice, le dernier des trois pas de Vishnu. Le Rishi reprend ici le terme flou “tat” dont il s’était d’abord servi pour suggérer sans préciser le délice auquel aboutit le mouvement de Vishnu. Il s’agit de l’Ananda qui, à mesure que l’homme s’élève, devient pour lui un monde où il goûte le délice divin, possède l’énergie complète de la conscience infinie, réalise son existence infinie. Là trône cette source du vin miellé de l’existence qui alimente les trois pas de Vishnu. Là vivent les âmes en quête de divinité dans l’extase intégrale que procure ce vin de douceur. Là, sur l’ultime marche, au siège suprême de Vishnu à l’immense foulée, coule la fontaine du vin miellé, la source de la divine douceur – car là réside la Divinité, le Déva, l’Ami et Amant parfait des âmes qui aspirent vers lui, la réalité immuable et absolue de Vishnu où monte le dieu qui voyage loin dans le cosmos.5

(rik 6) – Tel est le couple: d’un côté Vishnu et son mouvement, de l’autre le Déva qui, stable éternellement, goûte la béatitude; et ce sont les demeures suprêmes de ces Deux, c’est le monde triple de Sat-Cit-Ananda dont nous voulons faire le but de ce long voyage, de cette grande ascension. C’est là que se rendent les troupeaux multicornes de la Pensée consciente, de la Force consciente – là ils s’en vont, là est le repos. Là, dans ces mondes ne jetant sur nous ici-bas qu’une timide lueur, règne la splendeur vaste, totale, irréductible du Pas suprême, le séjour sublime du Taureau qui arpente le Vaste, maître et conducteur de tous ces troupeaux multicornes – Vishnu, l’Omniprésent, la Divinité cosmique, l’Amant et Ami de nos âmes, le Seigneur de l’existence transcendante et du transcendant délice.6

 

1 viṣṇor nu kaṃ vīryāṇi pra vocaṃ yaḥ pārthivāni vimame rajāṃsi

   yo askabhāyad uttaraṃ sadhasthaṃ vicakramāṇas tredhorugāyaḥ

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2 pra tad viṣṇuḥ stavate vīryeṇa mṛgo na bhīmaḥ kucaro giriṣṭhāḥ

   yasyoruṣu triṣu vikramaṇeṣv adhikṣiyanti bhuvanāni viśvā

En arrière

3 pra viṣṇave śūṣam etu manma girikṣita urugāyāya vṛṣṇe

   ya idaṃ dīrghaṃ prayataṃ sadhastham eko vimame tribhir it padebhiḥ

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4 yasya trī pūrṇā madhunā padāny akṣīyamāṇā svadhayā madanti

   ya u tridhātu pṛthivīm uta dyām eko dādhāra bhuvanāni viśvā

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5 tad asya priyam abhi pātho aśyāṃ naro yatra devayavo madanti

   urukramasya sa hi bandhur itthā viṣṇoḥ pade parame madhva utsaḥ

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6 tā vāṃ vāstūny uśmasi gamadhyai yatra gāvo bhūriśṛṅgā ayāsaḥ

   atrāha tad urugāyasya vṛṣṇaḥ paramaṃ padam ava bhāti bhūri

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