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Mère

Commentaires sur Le Dhammapada

Tape records

 

L’ego

Un homme est cher à soi-même s’il se surveille de près. Que le sage veille sur l’une des trois veilles de son existence (ou jeunesse, ou maturité, ou vieillesse).

Que l’on commence par s’établir dans le droit chemin, ensuite l’on pourra conseiller les autres. Alors on ne pourra rien reprocher au sage.

Si chacun met en pratique ce qu’il enseigne aux autres, étant maître de lui-même, il peut bien diriger autrui; car il est difficile, en vérité, de se maîtriser.

En vérité, on est son propre maître, car quel autre maître pourrait-il y avoir? En se maîtrisant soi-même, on acquiert une maîtrise qu’il est difficile de trouver.

Le mal fait par soi-même, engendré en soi, émanant de soi, écrase l’insensé comme le diamant pulvérise les autres gemmes dures.

Tout comme la plante grimpante s’attache à l’arbre sâl, de même celui qui est pris au piège de ses mauvaises actions se fait à lui-même le mal que lui souhaiterait un ennemi.

Il est si facile de se faire du tort et du mal; mais combien il est difficile de faire ce qui est bien et profitable!

C’est l’insensé qui, à cause de ses vues perverses, rejette l’enseignement des Méritants, des Nobles et des Justes; il oeuvre à sa propre destruction comme le fruit du bambou qui le tue.

En faisant du mal, on se fait du mal à soi-même. En évitant de faire du mal, on se purifie; pureté et impureté dépendent de nous-mêmes; nul ne peut purifier un autre.

Qu’aucun homme ne néglige son Bien suprême, pour en suivre un autre, aussi grand soit-il. Percevant clairement quelle est sa meilleure ligne de conduite, qu’il n’en dévie pas.

Il semble qu’il soit plus question d’égoïsme que d’ego ici.

L’égoïsme est une chose relativement assez facile à corriger, parce que tout le monde sait ce que c’est. C’est facile à découvrir et facile à corriger, si l’on veut vraiment le faire, si l’on y tient.

Mais l’ego est beaucoup plus difficile à saisir, parce que, au fond, pour s’apercevoir de ce qu’est l’ego, il faut déjà en être sorti, autrement on ne le trouve pas. On en est tout pétri, depuis les cheveux jusqu’aux pieds, depuis le dehors jusqu’au dedans, depuis le physique jusqu’au spirituel, tout pétri d’ego. Il est mélangé à tout et on ne se rend pas compte de ce que c’est. Il faut l’avoir vaincu déjà, en être sorti, en être libéré, au moins partiellement, même dans une toute petite partie de l’être quelque part, pour s’apercevoir de ce que c’est que l’ego.

L’ego est ce qui nous aide à nous individualiser et ce qui nous empêche de devenir divin. Voilà. Arrangez cela ensemble et vous trouverez l’ego. Sans ego, tel que le monde est organisé, il n’y aurait pas d’individu, et avec l’ego le monde ne peut pas devenir divin.

Il serait logique de conclure: «Eh bien, devenons d’abord des individus conscients, puis nous renverrons l’ego et nous deviendrons divins.» Seulement, quand nous sommes devenus des individus conscients, nous sommes tellement habitués à vivre avec notre ego que nous ne pouvons même plus le discerner, et il faut beaucoup de travail pour s’apercevoir de sa présence.

Tandis que tout le monde sait ce que c’est que l’égoïsme: quand vous voulez tout tirer pour vous et que les autres ne vous intéressent pas, cela s’appelle de l’égoïsme, quand vous vous installez au centre de l’univers et que toutes les choses n’existent que par rapport à vous, c’est de l’égoïsme. Mais c’est très évident, il faut être aveugle pour ne pas s’apercevoir qu’on est égoïste. Tout le monde l’est un peu, plus ou moins — enfin il y a une proportion d’égoïsme qui d’ordinaire est acceptable —, mais même dans la vie ordinaire, quand on l’est un peu trop, eh bien, on reçoit des tapes sur le nez, parce que, comme chacun est égoïste, on n’aime pas beaucoup l’égoïsme de l’autre.

C’est une affaire entendue, cela fait partie de la moralité publique — oh! il faut bien être un petit peu égoïste, mais pas trop, que cela ne se remarque pas! Tandis que l’ego, personne n’en parle, parce que personne ne le connaît. C’est un compagnon si intime que l’on ne connaît même pas son existence; et pourtant, tant qu’il est là, on n’aura jamais la conscience divine.

L’ego, c’est ce qui fait que l’on est conscient d’être une personne séparée des autres. S’il n’y avait pas d’ego, on ne s’apercevrait pas qu’on est une personne séparée des autres. On aurait l’impression d’être une petite partie d’un tout, une toute petite partie d’un très grand tout. Tandis que chacun de vous, très certainement, est tout à fait conscient d’être une personne séparée. Eh bien, c’est l’ego qui vous donne cette impression. Tant que vous êtes conscient de cette façon, cela veut dire que vous avez un ego.

Quand vous commencez à avoir conscience que tout est vous-même et que cela, c’est seulement un tout petit point au milieu de milliers, milliers d’autres de cette même personne que vous êtes partout, quand vous sentez que vous êtes vousmême dans toute chose, qu’il n’y a pas de séparation, alors vous savez que vous êtes en voie de n’avoir plus d’ego.

Il y a même un moment où il est impossible de se penser, de dire: «Ce n’est pas moi», car même cette façon de s’exprimer, de dire que le Tout c’est vous, ou que vous êtes le Tout, ou que vous êtes le Divin, ou que le Divin c’est vous, cela prouve qu’il y a encore quelque chose qui reste.

Il y a un moment — cela arrive par éclair, et cela a de la peine à rester — où c’est le Tout qui pense, c’est le Tout qui sait, c’est le Tout qui sent, c’est le Tout qui vit. Il n’y a même pas — même pas — l’impression que... vous en êtes arrivé là.

Alors là, c’est bon, mais jusque-là, c’est qu’il y a encore un petit coin d’ego quelque part: généralement ce qui regarde, le témoin qui regarde.

Donc, n’affirmez pas que vous n’avez plus d’ego. Ce n’est pas exact. Dites que vous êtes en voie de n’avoir plus d’ego, c’est la seule chose correcte.

Je ne crois pas que cela vous soit arrivé, n’est-ce pas — pas encore! C’est pourtant indispensable si vraiment vous avez l’intention de savoir ce que c’est que le Supramental. Si vous êtes candidat à la surhumanité, il faut que vous soyez résolu à vous passer de votre ego, à le dépasser, parce que tant que vous le garderez avec vous, le Supramental sera pour vous une chose inconnue, inaccessible.

Mais si, par un effort, par une discipline, une maîtrise progressive, vous avez surmonté votre ego et que vous l’ayez dépassé, ne serait-ce que dans une infime partie de votre être, cela fait comme une toute petite fenêtre quelque part, et par la fenêtre, en regardant attentivement, on peut apercevoir le Supramental. Et cela, c’est une promesse. Quand on l’aperçoit, on trouve que c’est si joli qu’immédiatement on a envie de se débarrasser de tout le reste... de l’ego!

Je ne dis pas, notez bien, qu’il faut être tout à fait libéré de tout ego pour avoir un aperçu du Supramental, parce que, alors, ce serait une chose presque impossible. Non, être débarrassé de l’ego un tout petit peu quelque part, dans un coin de votre être, même un petit coin mental seulement; si c’est mental et vital, c’est bien; mais si, par hasard — oh! pas par hasard —, si à la suite de nombreux efforts vous êtes entré en contact avec votre être psychique, là, la porte est grande ouverte. Par le psychique, vous pouvez tout d’un coup avoir une belle vision bien claire de ce qu’est le Supramental; une vision seulement, pas une réalisation. Cela, c’est la grande porte de sortie. Mais même sans aller jusqu’à cette jolie réalisation-là, la réalisation psychique, si vous avez réussi à libérer une partie de votre mental ou une partie de votre vital, cela fait comme un trou dans une porte, le trou d’une serrure; par le trou de la serrure, vous avez une petite, toute petite vision. Et c’est déjà très attirant, très intéressant.

2 mai 1958