Mère
l'Agenda
Volume 3
(Le disciple demande une explication sur cette phrase du 4 août: «Il est plus facile de se sentir plus grand, plus haut, plus vaste que le monde, qu'un individu. Parce qu'il est plus aisé de prendre tout, de l'envelopper et de le changer en restant dehors qu'en restant dedans.»)
Oui, il est plus facile de se sentir (c'est un Être, ou une Force, ou une Conscience) plus grand que la terre, qu'un individu.1
Qu'un individu?
(Mère rit) Pour moi, c'est très clair!...
C'est une sorte de réponse à quelque chose que je suis en train de traduire dans La Synthèse. N'est-ce pas, il y a ces trois Aspects qu'il faut toujours garder unis dans sa conscience: le jiva (l'individu), la Shakti et l'Ishwara (le Suprême). Il décrit merveilleusement comment on a les trois ensemble, comme dans une sorte de hiérarchie intérieure. Et alors, moi (quand je traduis, j'ai toutes les expériences: elles viennent comme ça), alors pendant que je voyais ça, je me disais toujours: «Non, ce jiva, il me gêne; ce jiva me rapetisse! ce n'est pas naturel pour moi.» – Pour moi, le naturel, c'est... probablement c'est la Mahashakti. Il y a toujours cette sensation de la Puissance créatrice et puis du Seigneur. Et cette joie, n'est-ce pas, infinie, merveilleuse, innombrable, du Seigneur, et puis ça se mélange tellement – on sent bien, on sent bien qu'il y a le Seigneur, mais on ne peut pas les distinguer ni les différencier. Mais ça fait un jeu délectable. Alors introduire l'individu, le jiva là-dedans, ça gâte tout, ça fait tout petit!
C'est tout cela que je voulais dire avec ma phrase.
Et je l'ai dit parce que, tout naturellement, ceux qui lisent avec leur propre expérience, ils ont l'impression d'un être individuel qui est uni à Ça – ça ne marche pas avec moi, je ne peux pas! Je ne peux pas. Le reste, c'est naturel, c'est spontané, c'est admirable – c'est la joie d'être et la joie de vivre. Dès que ça [le jiva], ça vient, oh! on se sent tout petit.2
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(Puis Mère commente un passage de cette même conversation du 4 août où Elle parlait de «cette espèce d'immense universel tamis, qui donne des précisions.»)
C'est très intéressant! C'est comme si ça filtrait à travers l'étoffe du tamis, et c'est ça qui donne la précision.
Et la Lumière qui descend... (n'est-ce pas, je VOIS ça comme – comme de dehors, de dedans, de dessus, de dessous, de partout à la fois: cette Vibration, éternelle, universelle, immense, merveilleuse), et puis alors à un endroit, c'est fin, c'est léger! c'est d'un gris argenté (c'est une chose qui est répandue autour du monde, de la création), et à travers ça, l'a Vibration passe et... ça devient les idées. Pas les idées: plus haut que les idées – l'origine des idées. Ça prend une forme. Et le tamis, fin-fin-fin, si fin, si ténu, mais partout comme ça (geste qui enveloppe la terre).
Et tout le temps! Je le voyais l'autre jour, je le vois maintenant – c'est une chose qui paraît être permanente. Et c'est l'origine de toutes les formulations intellectuelles (les plus proches de la Vérité, n'est-ce pas, pas de déformation). Très intéressant.
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(Mère avait parlé de l'inter-êchange constant des vibrations, si bien que l'idée de solitude pour faciliter le Yoga est «un enfantillage», et Elle avait ajouté: «La seule chose possible, c'est une telle perfection dans l'union avec la Vibration suprême, qu'automatiquement tout est mis sous Son influence.»)
J'ai eu cette expérience ce matin pendant plusieurs heures. Ça a commencé au milieu de la nuit, et ça a duré pendant des heures ce matin, jusqu'au moment où... j'ai été envahie par les gens. Et quand ça a commencé la nuit, c'était d'une façon assez colossale, pourrait-on dire, dans le corps (tout ça, c'est dans le corps), avec un sentiment de puissance formidable (même, pendant que j'avais l'expérience, tout d'un coup je me suis dit: «Tiens, il faut que je dise ça demain à Satprem – en pleine expérience!). Et alors cette impression que LA Vibration était si complètement présente («présente», j'ai l'impression qu'elle est toujours là, mais perçue; perçue, ce qui lui donne un genre d'efficacité – un genre qui nous est accessible). Toute la matinée jusqu'à huit heures, huit heures et demie, c'était comme cela; après huit heures, l'expérience s'est lentement estompée. Ça a commencé vers onze heures de la nuit et ça a duré jusque là. Et alors... Oui, c'est exactement ce que je dis là: automatiquement ça met chaque chose à sa place.
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(Un peu plus tard, à propos de la conversation du 8 août où Mère disait qu'avec cette joie intérieure de la Présence, «toute souffrance devient négligeable»:)
Oh! ce matin, pendant ces heures de la Présence, c'était devenu si évident ce que je dis là, si évident! Tu sais, c'est absolument comme le (il n'y a plus que le Seigneur, n'est-ce pas), comme le Seigneur qui voit toutes choses – ça [le corps], ça fait partie de toutes les choses qu'il voit! – qui voit toutes choses et qui rit! Qui rit comme cela – toujours ce rire de toute cette tragédie... cette tragédie de l'existence. Mais c'était là, je Le voyais, n'est-ce pas il n'y avait plus que Lui – immense, merveilleux, et en même temps à la dimension de la terre; presque, on pourrait dire, à la dimension de cette chambre! Et II était là – tout-tout, dans tout le passé, tout l'avenir, toutes les places, tout; c'était tout comme ça. Et II souriait, Il souriait, avec la conscience de cette joie – ce n'est pas joie (joie c'est pauvre). Mais il n'y a pas d'excitation, il n'y a pas tout ce que la conscience humaine met dans ces choses, mais... cette certitude éternelle, cette vision si claire du MOINDRE détail. Et tout ça en même temps, comme ça, avec un sourire. Et... je ne peux plus dire ce qui est Lui, ce qui est moi, et pourtant j'ai cette joie de Le percevoir – ça, ce n'est pas aboli – et je ne suis nulle part! Mais j'ai la joie, je sens la joie de Le percevoir.
C'est difficile à décrire. Ça a duré depuis minuit jusqu'à huit heures.
Et tout ce qui se passait, ça se passait naturellement, comme ça; on ne pouvait même pas dire que c'était «quelque part»: ça se passait. C'est un autre... c'est une autre manière d'être.
Sans doute, un jour, ce sera comme ça: rien n'aura le pouvoir de faire retomber l'être dans le vieux mouvement.
Parce que je me suis levée, j'ai marché, j'ai fait ma toilette – rien ne bougeait Ça; tout se passait très bien, ça3 n'occupait pas de place, (riant) c'était quelque part et ça ne dérangeait rien!
Et je ne vois que Ça – cette Conscience. C'est une Conscience, une Présence. Et tout-tout est là, n'est-ce pas, tout est là, le Pouvoir, la Présence, la Conscience, cette joie, un Amour... Et tout ça donne l'impression de... presque d'une Forme, cette Vibration de lumière dorée – doré-carminé, qui est la lumière la plus matérielle du Supra-mental –, une Forme. Une Forme et pas de forme – mais c'est une Forme!
(silence)
Bien, mon petit.
Il y a des choses intéressantes là-dedans.
Tout ensemble, ça va être quelque chose d'intéressant [cet Agenda].
Je pense bien! C'est une mine, c'est un monde!
Bon.
C'est bien, mon petit. Et de plus en plus, je sais que je t'ai donné ton vrai nom (ça a l'air de venir comme des cheveux sur la soupe, mais...) De plus en plus, à mesure que j'entre en contact conscient avec l'avenir – qui est LÀ, n'est-ce pas, qui simplement, comme nous poussons pour aller, ça pousse pour descendre –, eh bien... c'est bien. C'est bien.
Ne te fais pas de soucis – ne te fais pas de soucis, laisse-toi être tout simplement ce que tu es vraiment.4
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1 En fait, Mère voulait sans doute dire: «que de se sentir un individu».
2 Rappelons Sri Aurobindo (The Cosmic Spirit):
I have broken the limits of embodied mind
And am no more the figure of a soul
The burning galaxies are in me outlined...
(Cent. Ed. V. 151)
J'ai brisé les limites du mental dans un corps
Et ne suis plus une image de l'âme
Les galaxies brûlantes se profilent en moi...
3 Les trois «ça» qui suivent se rapportent aux occupations de Mère.
4 Il existe un enregistrement de cette conversation, à part le petit fragment qui précède la fin, effacé par erreur.