Mère
l'Agenda
Volume 3
La dernière fois, tu disais: «On les a brûlés, ou bien on les a enfermés dans une boîte, sans air, sans lumière – tout à fait conscients...»
Et c'est effroyablement vrai.
Mais qu'est-ce qu'il faudrait faire? Il faudrait attendre, ou quoi faire?
J'ai beaucoup regardé mais... au point de vue social c'est impossible, on ne peut pas faire autrement. N'est-ce pas, les vivants se placent au point de vue des vivants. Alors la seule chose que j'ai vue, c'est qu'il doit y avoir une grâce d'état, comme toujours, et que probablement ils ne voient QUE ce qu'ils peuvent voir sans être troublés.
Je sais cela parce que quand le corps était devenu comme ça – il était plus qu'aux trois quarts mort1 –, et que les gens me soignaient (ils me soignaient, ils faisaient tout pour moi), j'étais tout à fait consciente, TOUT À FAIT CONSCIENTE, mais je ne pouvais pas... J'étais comme une morte. Et ce n'est pas que je ne pouvais pas bouger, mais je ne pouvais pas manifester – je ne voulais pas! J'étais dans un état tout à fait béatifique et je me moquais absolument de ce qui pouvait arriver. Eh bien, c'est ça. Je pense que c'est ça qui doit arriver pour ceux qui sont... ceux qui sont morts en état de grâce – c'est vrai, cette chose, qu'il y a des gens qui meurent bien et d'autres qui ne meurent pas bien. Et que tout dépend de l'état de conscience dans lequel on est.
Si on meurt en s'abstrayant de la vie physique, de la conscience physique ordinaire et en s'unissant ou bien à la grande Force universelle ou à la Présence divine, alors toutes ces petites choses... Ce n'est pas que l'on n'est pas conscient – on est très conscient –, on est très conscient de ce que les autres font, très conscient de tout, mais... ça n'a pas d'importance.
Seulement ceux qui meurent en étant attachés aux gens et attachés aux choses, ce doit être un tourment infernal.
Infernal.
Mais est-ce qu'il vaut mieux se faire enterrer ou se faire brûler dans ce cas-là?
Tu m'aurais posé cette question il y a une semaine, je t'aurais dit sans hésitation: «Il faut se faire enterrer», en recommandant aux gens de ne pas le faire trop vite! d'attendre le signe extérieur de la décomposition.
Maintenant, à cause de ça, je ne peux plus dire. Je ne peux plus dire.
Il me semble que je suis en train d'apprendre beaucoup de choses, justement sur cette transition qu'on appelle la mort. Ça commence à devenir de plus en plus mince et de plus en plus irréel. C'est très intéressant.
(silence)
On peut être dans l'état de conscience où le corps n'est plus qu'un fardeau, parce qu'il n'est pas responsif, ou qu'il est trop détérioré, qu'il n'y a plus rien à en faire, ou que l'on n'a pas été créé pour essayer de le rendre immortel (ça, c'est une chose très exceptionnelle). Dans la grande masse humaine, beaucoup de corps ne sont plus bons à rien, et dans ce cas-là, ce peut très bien être un soulagement qu'on vous sépare de lui brusquement au lieu d'avoir à attendre une lente décomposition. Alors... je me suis dit encore une fois: «Un jugement hâtif et téméraire – le jugement de l'Ignorance.»
Je ne peux pas dire. Il faut que chacun le SENTE et le dise lui-même s'il est suffisamment conscient.
Mais chaque fois que je demande à mon corps ce que lui voudrait, toutes les cellules disent: «Non-non! nous sommes immortelles, nous voulons être immortelles. Nous ne sommes pas fatiguées, nous sommes prêtes à lutter pendant des siècles s'il le faut; nous avons été créées pour l'immortalité et nous voulons l'immortalité.»
C'est très intéressant.
C'est très intéressant. Et justement, Pavitra m'a dit ces jours-ci qu'on est en train d'étudier très sérieusement et d'une façon très approfondie les causes du vieillissement et de la déchéance, et qu'on est en train d'arriver à des découvertes tout à fait intéressantes: c'est que la cellule est immortelle. Et que c'est seulement un concours de circonstances qui fait qu'il y a ce vieillissement; les recherches tendent à cette conclusion que c'est seulement une mauvaise habitude – ce qui paraît être vrai. C'est-à-dire que si on vit dans la Conscience-de-Vérité, cette Matière n'est pas contraire à cette Conscience.
Et justement, je m'aperçois de cela (je ne crois pas que ce soit une chose unique, exceptionnelle), que plus on va vers la cellule même, plus la cellule dit: «Mais moi, je suis immortelle!» Mais il faut qu'elle soit consciente. Ça se fait presque automatiquement: les cellules du cerveau sont très conscientes; les cellules des mains, des bras du musicien sont très conscientes; les cellules de l'athlète ou du gymnaste dans le corps tout entier sont merveilleusement conscientes. Alors ces cellules, étant conscientes, deviennent conscientes de leur principe d'immortalité et disent: «Mais pourquoi! Non, mais je ne veux pas vieillir!» Elles ne veulent pas vieillir. C'est très intéressant.
Alors toutes ces idées que j'avais sur la mort, toutes les choses que j'ai dites de la mort, presque toutes les choses que j'ai faites consciemment2 – oh! je me suis aperçue: «Ça encore, ça appartient au passé, et au passé d'Ignorance.» Là aussi, j'aurai probablement d'autres choses à dire plus tard.
Si jamais je dis.
Dès qu'on parle, la grande majorité de la connaissance échappe. Ça devient ce que Sri Aurobindo appelle une «représentation», une image – ce n'est pas la chose.3
This text will be replaced |
1 En avril dernier.
2 Pour les gens qui étaient morts.
3 Il existe un enregistrement de cette conversation.