Mère
l'Agenda
Volume 6
Mère semble absorbée
...Enfin, tant que l'on ne peut pas tout, on ne sait rien.
C'est mon expérience de ces jours-ci, de plus en plus claire.
Tant que l'on ne peut pas tout, c'est-à-dire que l'on n'a pas le Pouvoir suprême, on ne sait rien. Et le Pouvoir suprême, c'est... Je vais m'expliquer plus clairement (Mère sourit). Quelqu'un est en train de mourir d'un cancer en Amérique. J'ai dit à ce quelqu'un que ce qui arriverait serait le mieux pour son âme; je l'ai dit à un moment où, encore, la soi-disant connaissance humaine s'imaginait qu'elle pouvait le guérir. Il a perdu la parole mais pas la conscience – ni l'ouïe ni la conscience (c'est un cancer du cerveau). Le docteur (l'éminence même, n'est-ce pas, ce qu'il y a de mieux) dit que c'est seulement à force de volonté qu'il vit – et lui ne veut pas vivre! (pourtant il persiste, la vie persiste). Lui ne veut pas vivre, il veut mourir. Mais il ne peut pas le dire évidemment, il ne peut plus parler. Et le docteur, lui, dans son ignorance, ahuri par le phénomène, dit que c'est par sa volonté qu'il vit.
J'ai reçu tout cela ce matin; j'ai vécu pendant plusieurs heures à travers les consciences, avec ce problème: qu'il vivait. Et il y a toujours (pour des consciences comme celles-là) la «Mort» avec un grand point d'interrogation – qu'est-ce que c'est exactement? Que se passe-t-il exactement? Quel est le changement dans la conscience? Y a-t-il un changement dans la conscience? Qu'est-ce qui se passe?... Parce que mon travail consiste (la promesse que j'ai faite) à ce qu'avant de quitter son corps, il devienne conscient de la Vérité éternelle. Alors, pendant au moins trois heures ce matin, j'étais en face de ce problème (c'est pour cela que j'étais tout à fait au-dedans quand je suis venue), et je me suis dit: «Mais... tant que l'on n'est pas le maître de la vie et de la mort, on ne sait rien!»
C'est pour cela que j'étais un peu absorbée.
(silence)
J'ai eu toutes sortes d'expériences depuis tant-tant-tant d'années. Depuis à peu près soixante ans, constamment je m'occupe de gens dont on dit qu'ils «meurent», constamment. Eh bien, il y a presque autant de cas que de personnes – il y a des catégories, mais les cas sont innombrables (et je ne parle pas des cas extérieurs, de l'événement matériel: je parle du cas intérieur). C'est-à-dire que j'ai été mise en rapport presque constant avec le phénomène, et c'est encore, pourtant, un problème... Il m'est arrivé au moins deux fois, dans cette existence-ci, ce que les gens appellent de «mourir» – et les deux fois, l'expérience était différente. L'expérience était différente, et pourtant le fait apparent était le même.
Et si je regarde d'une certaine manière (n'est-ce pas, les explications ne veulent rien dire), si je regarde d'une certaine manière, ce qui veut dire avoir vraiment la clef... on ne l'a qu'avec le Pouvoir. Eh bien, ce Pouvoir-là... (Mère hoche négativement la tête).
C'est difficile à expliquer si je veux me faire comprendre. Par exemple, beaucoup de fois (beaucoup de fois, très souvent), des gens m'ont demandé de mourir pour une raison ou pour une autre; et en faisant certaine chose, c'est arrivé. La «chose» n'était pas toujours la même, mais le résultat était en apparence toujours le même: la personne quittait son corps. J'ai eu même près de moi, au moins deux fois d'une façon tout à fait claire et précise, des personnes qui étaient ce que l'on appelle «mortes», qui avaient quitté leur corps de cette façon-là, et elles n'en savaient rien! Par conséquent, pour cette partie de leur être, ça ne faisait aucune différence.1 Et il m'est arrivé aussi de soi-disant «ressusciter» quelqu'un que l'on avait déclaré mort. C'est-à-dire que toutes les diversités, toutes les possibilités (pas toutes, mais beaucoup), tout cela s'est présenté à moi.
Naturellement, c'est toujours un mouvement de la conscience (la «chose» qui amène la mort) et un certain mouvement de la volonté, mais-Ce que je me demandais aujourd'hui (ce n'est pas «demandais» – les mots sont toujours mauvais –, parce que ce n'est pas mental, je ne me demandais pas mentalement), mais tout d'un coup est venu devant moi, comme cela (geste comme sur un écran de cinéma): est-ce que, par hasard, ce ne serait pas une multitude de choses différentes que l'on appelle «mort»?... Nous disons «la vie», «la mort», et nous opposons cette mort à la vie – est-ce que, par hasard, ce ne seraient pas d'innombrables choses, possibilités différentes, que les hommes appellent «mort»?
(silence)
Qu'est-ce que c'est?
La science humaine répond: il y a un phénomène analogue, c'est la décomposition. Mais ça...
Nous sommes en constant état de décomposition – tout, toute la vie tout le temps est en état de décomposition et de transformation; toute cette nourriture que nous absorbons, c'est tout le temps en état de décomposition. Alors...
Peut-être est-ce simplement la partialité, je veux dire la limitation de la vision, de la perception: on voit trop les détails au lieu de voir l'ensemble. N'est-ce pas, j'ai tout d'un coup eu l'impression avec cette tension de la concentration: quelle est la perception physique de la totalité du monde physique? Quelle est la conscience de la totalité du monde physique? Est-ce que, pour elle, tout cela que nous appelons mort et vie, est-ce que ce n'est pas un phénomène analogue au phénomène de décomposition, assimilation, transformation qui se produit dans chaque être vivant?
C'est à vous abrutir complètement!
C'est la transformation cellulaire, la transformation progressive cellulaire qui est, à l'échelle de l'être humain (de l'être humain, de l'animal, etc.) ce que nous appelons la «mort».
Nous en reparlerons.
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1 Agenda III, juillet 4, 1962.