SITE DE SRI AUROBINDO ET LA MÈRE
      
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Mère

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Volume 6

26 juin 1965

(Sujata montre à Mère une sorte de kyste qui s'est développé dans son cou. Ce banal incident est le point de départ d'une découverte capitale: «l'enroulement cellulaire».)

C'est une tumeur. Probablement un cheveu qui s'est enroulé et que l'organisme a enveloppé d'une couche de peau, et par habitude, il a continué à fabriquer de la peau autour: une couche, puis une autre couche, puis... C'est une bonne volonté imbécile. Et c'est comme cela pour presque toutes les maladies.

*
*   *

Peu après

J'aurais un petit problème à te poser. J'aimerais bien que tu me donnes une indication ou que tu demandes une indication à Sri Aurobindo. Il s'agit de la traduction de certains mots en allemand: le mot «mental» et le mot «esprit».

Et alors?

Tous les traducteurs allemands se disputent, ils sont tous en désaccord.

Oui, je sais!

Depuis longtemps, je suis en rapport avec C.S. pour la traduction allemande de ce livre [L'Aventure de la Conscience], Il a beaucoup pensé (moi aussi) et finalement P a fait une suggestion. Le mot employé pour «esprit» en allemand, «geist», est employé n'importe comment, surtout pour désigner le mental, bien entendu -- comme en français, c'est employé d'une façon très vague. Alors P suggérait que l'on garde le mot «geist» pour le mental, en le qualifiant: mental pensant, mental illuminé, etc. Mais resterait à traduire le mot «esprit», pour lequel il n'y a pas de mot en allemand. Il existe quelques adjectifs dérivés du mot latin «spiritus» mais rien pour «esprit». P suggérait d'employer «der Spirit», dérivé du latin. C.S. est hésitant. Alors je voulais te demander si tu avais une impression quelconque. Peut-on introduire en allemand «der Spirit»? C'est ce genre de choses qui oppose tous les traducteurs allemands.

Mais il n'est pas dit qu'ils accepteront.

Si, déjà, le mot entre dans la traduction de ce livre, et que ce livre soit assez lu, cela fera une base d'acceptation. Je ne sais pas.

Quel est le mot sanscrit pour «esprit»?

C'est le Pourousha, par opposition à la Nature, Prakriti.

Mais tu dis que C.S. ne veut pas de ce «Spirit»?

Il est réticent. Il objecte que c'est un mot latin et non un mot allemand.

Quel est le mot dont ils se servent? Le même que pour «mental»?

Oui: «geist».

Ça ne va pas. «Geist» ne va pas du tout. Pour le mental, ça va bien.

Oui, c'est ce que j'avais senti, d'autant que ce serait très bien de dire pour le supramental, «Übergeist».

(Mère approuve de la tête) Qu'est-ce qu'ils parleront, les gens futurs!... Tout cela est très pauvre. Toutes ces langues sont pauvres. Rien que dans l'Inde, d'une province à l'autre on ne se comprend pas – sans l'anglais, on ne se comprendrait pas du tout.

Il n'y a pas mieux que ce «Spirit»?... Pourousha ne va pas du tout, c'est trop long, trois syllabes... Il n'y a qu'à dire cela à C.S. Seulement s'il n'aime pas cela, ça va l'embêter beaucoup...

C'est un pis-aller.

Mais en français aussi, tout ce que l'on dit est à peu près! C'est-à-dire que l'on adopte son propre langage, c'est très bien, mais on est seul à le comprendre vraiment.

Si l'on prend un mot nouveau, il faut que ce soit un mot qui ait une force, c'est cela qui est important

Des mots comme Tat, Sat, Chit, c'est fort, mais Pourousha... Il n'y a qu'à proposer «Spirit».

*
*   *

(Mère demande au disciple de lui lire une lettre qui vient d'arriver d'Amérique. Cette lettre annonce que certaine personne mourante a miraculeusement recouvré l'usage de la raison et de la parole:)

Ça, c'est très intéressant, mes enfants! parce que quand j'ai reçu le télégramme annonçant qu'il était mourant...

Il faut dire d'abord que quand il a eu son cancer, E m'a demandé d'intervenir; je lui ai répondu: «J'accepte, mais il lui arrivera ce qui sera le mieux pour lui au point de vue spirituel (pas du tout selon la conception humaine).» Il a refusé les traitements des docteurs, il a été de mal en pis; puis ce télégramme que j'avais là encore jusqu'à avant-hier. Et quand j'ai reçu ce télégramme m'annonçant que c'était la fin, tout d'un coup j'ai dit: «Bien, il va commencer à se guérir.» Et je n'ai rien dit à personne. E m'a écrit une lettre, après, me demandant ce qu'il fallait qu'elle fasse de toutes les choses qui allaient lui revenir de droit. Mais avec persistance, il y avait: «Maintenant, ça va aller de mieux en mieux...», et tout le monde attendait le télégramme annonçant que c'était fini. Et puis voilà!

C'est intéressant.

C'était un cancer dans le cerveau.

(silence)

Il a recommencé à parler, à penser... C'est vraiment intéressant.

Seulement l'idée (pas «l'idée» – tiens, tu vois, c'est impossible de parler, mon petit!)... Ce que l'on voyait était ainsi: cet homme n'a jamais cru à une force divine ni à une réalité supérieure à ce qui se manifeste dans l'homme, à rien, et «l'idée» était qu'il devait sentir une intervention (qu'il appellerait du nom qu'il voudrait) supérieure à tout ce que l'on connaît sur la terre.

Est-ce qu'il l'a reconnue?... Que dit-elle?

Non-non! «Does this patient give to You any credit for his marked and miraculous improvement? I have put the question to him specifically – "No, I do not", such is his reply. Nor does the doc, nor does anyone else observing the case. So be it.»1

Alors que pensent-ils que ce soit?

C'est curieux.

(silence)

C'est la précision avec laquelle je l'ai su qui est remarquable, seulement je n'ai rien dit – je ne dis jamais rien, n'est-ce pas. Je ne dis rien pour une raison occulte, c'est que de parler, de prononcer, dérange beaucoup l'action.

C'était basé sur une action DE LA NATURE – de la Nature répondant à une pression d'en haut. Et c'était visible, n'est-ce pas: ce n'était pas pensé mais visible.

C'est drôle, la vie, tu ne peux pas savoir! Je trouve cela intéressant.

C'est clairement un Ordre supérieur donné à la Nature matérielle, qui a obéi.

Je ne sais pas s'il guérira – ce n'est pas sûr. Mais ce qui était important, c'est qu'il recouvre l'entendement et la parole.

 

1 «Est-ce que ce malade vous accorde le crédit de cette amélioration nettement miraculeuse? Je lui ai posé clairement la question – "Non, je ne le reconnais pas", telle est sa réponse. Ni le médecin, ni aucun de ceux qui ont suivi le cas. Ainsi soit-il.»

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