Mère
l'Agenda
Volume 8
Il y a quelqu'un ici qui s'appelle S, qui est un homme de plus de quarante ans (oh! oui, beaucoup plus, je crois qu'il approche de cinquante ans) et il a appris le français, mais d'une façon si énergique qu'il l'écrit vraiment d'une façon remarquable. Il me pose régulièrement des questions en français, et à cause du soin avec lequel il écrit, je réponds. Et l'autre jour, il m'a écrit (je ne me souviens plus de ses mots, mais c'était très bien), qu'il venait de s'apercevoir que l'aspiration au progrès et le résultat de l'aspiration étaient tous deux la Grâce divine, l'effet de la Grâce divine... Alors je me suis dit: «Tiens, je vais voir s'il sait assez le français pour avoir le sens de l'humour.» Et je lui ai répondu ceci:
«On pourrait dire d'une façon humoristique que nous sommes tous divins, mais que nous ne le savons guère, et c'est ce qui, en nous, ne le sait pas, ou ne se sait pas divin, que nous appelons nous-mêmes!»
Je vais voir sa réaction.
Après, quelque chose est venu et je l'ai écrit sous sa forme définitive:
«Au regard de la Vérité, nous sommes tous divins, mais nous ne le savons guère et, en nous, c'est juste ce qui ne se sait pas divin que nous appelons nous-mêmes.»
En anglais, c'est mieux:
«For the Truth-vision all of us are divine, but we scarcely know it and in our being it is just what does not know it that we call ourselves.»
*
* *
(Peu après, à propos d'une faute d'orthographe que le disciple signale à Mère:)
C'est l'infinitif, ici, douce Mère!
(Mère rit) J'ai oublié ma grammaire!
Ça, je comprends très bien! C'est tellement artificiel.
N'est-ce pas, je n'ai plus du tout de mémoire, excepté la conscience, et dans la conscience, ça n'a pas de sens!
Dernièrement, oh! il y en a! il y a des exemples qui sont venus comme cela, qui se sont déroulés devant moi, et je me suis dit: «Mais pourquoi est-ce comme cela? Ça n'a pas de sens, ça ne correspond à rien.»
Comment cela s'est-il formé? – Par habitude? Ou ce sont des cerveaux qui ont décidé?
Ce sont des cerveaux: des grammairiens.
Il y a tout un monde de choses que l'on sait simplement par habitude, automatiquement, qui ont été tout à fait effacées (parce que toutes les habitudes sont de plus en plus effacées), et alors c'est quelquefois embarrassant! Et ça revient, toutes ces choses reviennent comme cela, comme sur un écran (mais l'écran de la conscience), et alors celles qui correspondent à une réalité, elles viennent en avant comme une image et la réalité est derrière, alors c'est très facile: on attrape la réalité et c'est fini. Mais il y en a beaucoup: il n'y a que l'image! il n'y a rien derrière. Alors comment les remplacer?
C'est très intéressant au point de vue des langues... Ce sont des choses qui viennent, qui restent une heure, deux heures et qui s'en vont; ce sont comme des leçons, des choses à apprendre; et un jour comme cela, est venue la question des langues, les différentes langues. Ces langues se sont formées petit à petit (probablement par l'usage, et puis, comme tu dis, un jour quelqu'un s'est avisé de fixer cela d'une façon logique et grammaticale), mais derrière ces langues, il y a des expériences identiques – identiques dans leur essence – et il y a des sons certainement qui correspondent à ces expériences; et ces sons se retrouvent dans les langues, les différents sons avec de toutes petites déviations. Et un jour (pendant longtemps, pendant plus d'une heure), cela s'est déroulé avec toutes les preuves à l'appui et toutes les langues. Malheureusement, je ne voyais pas clair, c'était la nuit, je ne pouvais pas noter, et alors c'est parti. Mais ça doit pouvoir revenir. C'était vraiment intéressant... (Mère cherche à se souvenir de l'expérience.) Il y avait même des langues que je n'ai jamais entendues: beaucoup de langues européennes, j'ai entendu; dans l'Inde, plusieurs langues indiennes, mais principalement le sanscrit; et puis le japonais; et il y avait des langues que je n'ai jamais entendues. Et tout cela était là. Et il y avait des sons, certains sons qui viennent de tout en haut, des sons... (comment dire?) des sons que Ton pourrait appeler essentiels, et je voyais comment ils prenaient forme et se déformaient dans les langues (Mère trace une ligne sinueuse qui descend et se ramifie en descendant). Des sons comme l'affirmative et la négation – ce qui pour nous est «oui» et «non» –, et puis l'expression de certaines relations... (Mère cherche à se rappeler). Mais ce qui était intéressant, c'est que c'était venu avec tous les mots, et des tas de mots que je ne connaissais pas! et à ce moment-là je les connaissais (ça vient d'un subconscient quelque part), je connaissais tous ces mots.
Et en même temps, il y avait une sorte de capacité ou une possibilité, un état, dans lequel on pouvait comprendre tous les langages; n'est-ce pas, chaque langage se comprenait à cause de sa jonction avec cette région (geste en haut, à la source des sons). Il semblait n'y avoir aucune difficulté pour comprendre toutes les langues. Il y avait comme une explication presque graphique (même ligne sinueuse qui descend et se ramifie) montrant comment le son s'était déformé pour faire ceci, cela, cela...
C'est un champ d'observation qui fait partie de l'étude des vibrations: comment les vibrations essentielles, à mesure qu'elles se répandent, se déforment et produisent les différents états: au point de vue psychologique, au point de vue de la pensée, au point de vue de l'action, et alors au point de vue des langues, de l'expression.
J'ai vu (cela fait partie du même domaine.), il y a deux ou trois jours, une petite qui est née en Amérique exactement au moment où, ici, nous avions la méditation, le 4.5.67. Cette petite est née en Amérique (d'une Indienne et d'un Indien, et le père était ici, la mère était là-bas), et on me l'a amenée: un bébé qui n'est pas plus grand que ça, microscopique! Les yeux fermés, toute petite: deux mois et quelque chose. La petite était endormie dans les bras de sa mère, portée par sa mère, les yeux fermés naturellement. Et alors, ploff! ils l'ont mise sur mes genoux sans préparation – toute petite, grande comme ça. Au commencement, je n'ai pas bougé, j'ai laissé qu'elle ait le temps de s'adapter à la vibration nouvelle. Elle a commencé à faire des mouvements comme si quelque chose la réveillait, probablement la différence d'atmosphère. Alors immédiatement (geste de descente), j'ai mis la conscience: la Conscience, la Présence. Et cette enfant, ses deux bras se sont ouverts comme cela (geste comme un Christ qui ouvre les bras) et elle a ouvert ses yeux, elle a regardé – des yeux! magnifiques de lumière, de conscience, c'était magnifique!... Ça a duré peut-être une minute, pas plus, même pas. Puis il y a eu comme un sursaut, alors j'ai retiré la Force parce que (riant) je me suis méfiée. Et elle s'est mise à gigoter, à... Mais ce regard et ce geste – un geste de... (même geste comme un Christ), avec une aspiration et une lumière!... C'était magnifique.
Je ne sais pas qui est là?... On le saura un jour. Cela m'a fait l'effet d'être plutôt une force ou un principe qu'une personne; ça n'avait pas ce caractère... ce caractère exigu de la personnalité.
Les yeux étaient magnifiques, d'une conscience! avec la joie d'une aspiration consciente, c'était magnifique. Et après, il y a eu presque comme une convulsion (c'était trop, n'est-ce pas), alors j'ai retiré la Force.
La matière (de l'enfant) était d'une bonne qualité, pas lourde, seulement pas beaucoup de force, pas assez de force pour tenir «ça».1
Tiens, j'aurais dû te montrer les photos de R, on me les a envoyées hier... R est un gaillard!
C'est simplement la reproduction des parents ou quelque chose d'autre?
Le jour de la naissance de l'enfant, est arrivé un télégramme d'Amérique (qui était de la veille) annonçant la mort de Paul Richard. Et les deux choses sont arrivées ensemble. J'ai été étonnée. J'avoue que je me suis dit: «Tiens!...» Parce que Paul Richard (à moins qu'il n'ait été complètement abruti depuis que je l'ai quitté, je ne sais pas!), je lui avais donné beaucoup de connaissances occultes, y compris la capacité de sortir de son corps et d'entrer dans un autre. Alors... Ce n'est pas une impossibilité.
Et je voyais depuis quelque temps (depuis à peu près une semaine), je voyais sa pensée qui venait ici, qui tournait ici, comme cela. C'est-à-dire que l'annonce de la mort n'a pas été une surprise pour moi. Mais ce qui m'a intéressée, c'est cela: la circonstance du télégramme et de la naissance.
La forme actuelle (de l'enfant) ne peut pas refléter ça (Richard): c'est quelque chose qui se développera dans ce sens-là petit à petit. On verra. Pour le moment il est vraiment le fils de son père et de sa mère!
Ce sont des enfants intéressants, ceux qui viennent maintenant.
*
* *
(Puis Mère écoute la lecture du cahier d'un disciple qui pose des questions sur l'âme ou «être psychique»:)
Il demande ceci: «De vie en vie, les vibrations de l'être développent, enrichissent et forment la personnalité psychique derrière la personnalité frontale. Alors comment le psychique, alourdi par ces vibrations et ces souvenirs, reste-t-il libre?
Quoi? Tu comprends ce que cela veut dire?
Ce sont deux choses qui n'ont pas beaucoup de rapport.
Mais pourquoi dit-il «alourdi»?
Toutes ces vibrations qui contribuent au développement de l'être, cela «alourdit» le psychique, dit-il.
Non, il décante. C'est justement ce qui arrive! c'est que le psychique ne retient pas les choses dans leur totalité: il décante – au fur et à mesure, il décante les vibrations.
Le souvenir psychique est un souvenir décanté des événements. Par exemple, dans les vies antérieures, il y a eu des moments, pour une raison quelconque, où le psychique était présent et a participé, alors il garde le souvenir, comme cela, juste d'une circonstance, mais le souvenir qu'il garde, c'est la vie psychique de ce moment; et alors, même s'il garde le souvenir de l'image, c'est une image simplifiée, telle qu'elle se traduit dans la conscience psychique et selon la vibration psychique de tous les gens présents.
Il ne poserait pas une question comme cela s'il avait jamais eu un souvenir psychique parce que, quand on l'a, c'est tout à fait évident.
Avant de savoir, avant de rencontrer Théon et de savoir ces choses, j'avais eu des souvenirs qui m'avaient toujours frappée par leur caractère spécial... C'était comme si l'on avait, on ne peut pas dire exactement l'émotion mais une certaine vibration émotive d'une circonstance. Et c'est ça qui est plein, et qui reste, qui est durable. Et alors, avec cela, on a une perception – un peu vague, un peu floue – des gens qui étaient là, des circonstances, des événements, et ça vous fait un souvenir psychique.
Ce ne sont pas souvent les événements qui, mentalement, sont considérés comme les plus mémorables ou les plus importants dans une vie, mais les moments où le psychique a participé – participé consciemment à l'événement. Et c'est cela qui reste.
J'aurais pu raconter beaucoup de ces choses-là, c'est très intéressant.
J'en ai eu beaucoup en Italie. J'ai voyagé en Italie à quinze ans avec ma mère, et j'avais eu une vie antérieure en Italie, qui était très consciente. Et en voyant les endroits, c'était cela qui venait tout d'un coup (la vibration émotive psychique). Et alors ça venait avec l'image... Ce qui est en avant, c'est le mouvement psychique (le mot émotion n'est pas bon, mais enfin), c'est le mouvement psychique qui est en avant, qui est important, qui vient; le reste, c'est comme une réflexion de second plan, c'est-à-dire les formes, les situations,"les événements... Il y en a que j'ai notés. Tu n'as jamais vu une chose que j'ai écrite concernant une vie en Italie? Une vieille-vieille chose que j'avais écrite... À quinze ans – quinze ans – j'ai eu cette expérience. Je ne sais même pas où j'ai rangé cela, je ne crois pas que j'aie ce papier, je ne sais pas où il est... J'ai raconté cela un peu plus tard. Quand j'ai rencontré Théon, j'ai compris ce qui m'était arrivé parce qu'on me l'a expliqué (je n'avais pas dit la chose mais j'ai compris après quand j'ai connu les états d'être et leur fonctionnement et tout cela), alors j'ai compris que c'était cela, un souvenir psychique.
Avant de rien savoir mentalement, j'ai eu un nombre considérable de souvenirs des vies passées, mais comme cela: de vrais souvenirs psychiques, pas des inventions mentales. Et alors c'est l'émotion qui vient («émotion»: le sentiment psychique), qui vient d'abord – qui est vivant, fort, n'est-ce pas, très fort –, et puis comme une sorte de revêtement de second plan, les formes, les apparences, les circonstances sont là, comme cela, comme la qualité d'un souvenir nuageux, et elles viennent avec le sentiment psychique.
Cette expérience d'Italie, j'avais quinze ans, je voyageais avec ma mère, et ça m'a beaucoup frappée – c'était d'ailleurs très frappant! c'était le souvenir d'avoir été étranglée dans la prison des doges. C'est toute une histoire. Et alors je me suis renseignée; je me suis renseignée sur les noms, les faits, les histoires (j'avais le moyen de me renseigner en Italie sur ce qui s'était passé – c'était à Venise –, et ça coïncidait merveilleusement). Mais ce qui était (au point de vue extérieur) intéressant... Je visitais avec ma mère et un groupe de voyageurs conduits par un guide tout le Palazzo ducale. Et alors, on vous fait descendre dans les souterrains où il y avait les prisons. Puis il a commencé à raconter une histoire (moi, cela ne m'intéressait pas), lorsque tout d'un coup, j'ai été prise comme cela, par une sorte de force qui venait en moi, et puis sans même, sans même me rendre compte, j'ai été dans un coin et j'ai vu un mot écrit. Et c'était... Et alors, en même temps, le souvenir que c'était moi qui avais écrit cela. Et toute la scène revenait: que c'était moi qui avais écrit cela sur le mur (et je l'ai vu, je l'ai vu avec mes yeux physiques, c'était resté écrit, et le guide disait qu'on avait laissé intacts tous les murs où les anciens prisonniers du temps des doges avaient écrit), puis ça a continué, j'ai vu, j'ai eu la sensation de gens qui pénétraient, qui m'attrapaient (j'étais là avec un prisonnier – ce n'était pas moi, le prisonnier: je visitais le prisonnier), j'étais là et puis il y a des gens qui entraient, qui me saisissaient et... (geste au cou) m'attachaient, et puis (j'étais avec toute la réunion d'une dizaine de gens qui écoutaient le guide, près d'une petite lucarne qui s'ouvrait et qui donnait sur le canal), alors la sensation d'être soulevée et précipitée par cette lucarne... Alors naturellement, quinze ans, tu comprends!... J'ai dit à ma mère: «Allons-nous en d'ici!» (Mère rit)
C'était difficile de se contenir. Nous sommes partis.
Mais après, j'ai fait une enquête, j'ai demandé, j'ai étudié (nous avions de la famille là,2 je connaissais des gens), et je me suis aperçue que c'était tout à fait vrai. C'était une histoire vraie, avec les noms, tout (maintenant tout cela est parti). Mais un doge3 avait mis en prison, comme un danger vivant, le fils de son prédécesseur qui avait essayé de prendre la place de son père; alors le doge qui avait pris la place du père, avait mis le fils en prison. Mais la fille de celui-là, qui était doge, était amoureuse du fils, et elle s'était arrangée pour aller le voir. Et alors, dans sa fureur, il avait décidé qu'elle serait noyée. Et toute l'histoire était là. Et c'était vraiment spontané: je ne connaissais pas du tout cette histoire-là (ce sont des histoires que l'on ne vous apprend pas dans un autre pays, que l'on ne sait que dans le pays).
Voilà. J'ai trouvé cela très intéressant.
Mais ce qui était très intéressant, c'est cette chose qui m'a dit: «Là.» J'ai été voir et j'ai trouvé écrit sur le mur exactement ce que j'avais le souvenir d'avoir écrit moi-même.
J'ai eu beaucoup de souvenirs comme cela, mais celui-là était intéressant – beaucoup, qui font que je sais exactement quelle est la nature des choses qui restent, qui font partie du développement de l'être psychique.
Il y avait une expérience que j'ai eue un peu plus tard (un peu plus tard vers dix-huit, dix-neuf ans), où tout d'un coup, je me suis trouvée à cheval, en costume d'homme, et conduisant des armées à une victoire fantastique, et alors c'était la gloire du sens de la présence de la Force de Victoire qui faisait que j'emmenais toute la troupe à la victoire. Et après, je me suis souvenue du costume que je portais et du costume des gens, de tout cela, et puis... j'ai vu que c'était la fameuse victoire de Murat.4 J'étais... (comment dire?) l'esprit victorieux dans Murat. Et c'est tout.
Alors quand les gens vous disent: «J'ai été celui-ci, j'ai été celui-là», tout cela, ce sont des histoires: ce sont des forces, des états de conscience qui ont eu des manifestations dans certaines individualités, à certains moments de leur vie, et qui, là, concrètement ont touché la Matière. Et tout cela, petit à petit, petit à petit, se réunit, se réunit, et produit un être conscient.
Maintenant, c'est un être conscient assez spécial (celui de Mère)... Le psychique de cette vie (riant), il était assez collectif! Des souvenirs de Catherine de Russie, des souvenirs d'Elisabeth, des souvenirs de deux vies en même temps5 (!) à l'époque de François Ier, des souvenirs... innombrables, n'est-ce pas, et tout à fait différents. Et chacun... Ce n'est pas que l'on ait été toute la vie dans telle ou telle personne: on a été le moment psychique important dans ces existences-là.
Tout cela, quand je suis venue ici, je ne m'en suis plus occupée – cela faisait partie de la connaissance occulte et pas de la connaissance spirituelle. Je ne m'en suis plus occupée. Mais maintenant que tout se rassemble, ça vient comme cela, comme une partie du travail, parce que... les cellules, au moment où j'ai eu les visions, ont en partie participé, dans le sens qu'elles ont eu la vibration en elles; alors toutes ces vibrations ont participé à la formation de toutes ces cellules, et elles revivent cela. Ça leur donne une possibilité d'ampleur, de diversité, de synthèse, de coordination de beaucoup-beaucoup de choses. Et l'impression d'avoir vécu depuis bien-bien-bien longtemps comme cela.
(silence)
Avant que je vienne pour la première fois dans l'Inde, j'avais vingt-deux ans et je ne connaissais rien de la spiritualité ou de quoi que ce soit, mais j'ai passé un mois en Egypte, et pendant un mois, j'ai vécu dans un état d'émotion extraordinaire, sans savoir pourquoi.
Ah!
J'étais dans un état constant d'émotion: tout me saisissait. L'Egypte m'a fait une impression extraordinaire.
Ah! mais nous avons vécu ensemble en Egypte. Ça, je te connais du temps de l'Égypte.6 Tu es l'un de ceux à qui j'ai dit en Egypte: «Je te promets que tu feras partie... que tu seras sur la terre à l'heure de la réalisation.» Il y en a quelques-uns – pas beaucoup (Mère fait un geste dispersé à travers le monde).
Mais ça, je le sais! (Mère rit)
Il y en a un certain nombre à qui j'ai promis – pas tous au même temps: des différentes étapes. Tu es allé à Thèbes?
Oui, je suis allé à Thèbes.
Ça t'a plu?
Ah! c'était... c'est là où j'ai eu le plus d'émotion.
C'est cela.
(silence)
Généralement, je ne parle pas de ces choses parce que ça accroche les gens au passé: ils essaient de revivre ce qu'ils ont vécu, alors ça gâte tout, tu comprends.
Mais cela, c'est une espèce de sensation que j'ai: ça ne correspond à rien là-dedans (geste à la tête), c'est une sensation, la sensation d'une atmosphère, ou plutôt d'un genre de vibration déjà senti, et alors facilement possible à retracer: quand, où.
Ah! il y a des choses amusantes.
L'Egypte a été une époque extrêmement occulte, ils avaient vraiment une Connaissance occulte à ce moment-là. Alors, cela vous donne un pouvoir sur l'invisible, on peut agir consciemment là.
Il y a une chose (je te l'ai dite, je crois), à un moment (ça n'a pas duré longtemps), mais pendant quelques jours, il y a eu une sorte de besoin de savoir comment on parlait, quels sons on faisait.7 Et si j'avais insisté, probablement ce serait venu: comment je disais les choses, comment cette conscience s'exprimait... Ça, on ne l'a pas gardé.
Notre époque sera beaucoup plus durable dans la mémoire... si les choses ne sont pas détruites – on n'aura qu'à tourner un appareil.
Malheureusement, de notre époque, il n'y a pas grand-chose de valable à garder!
Oh!... C'est une chose remarquable: à toutes les époques, et probablement au contraire plus on va dans le passé, il y a un fouillis, un fatras de choses tout à fait pas intéressantes – elles disparaissent. Elles disparaissent, elles sont détruites. Il ne reste que ce qui avait une vie intérieure intéressante. Alors, le passé, pour nous, nous paraît beaucoup plus intéressant que le présent, mais de notre époque, tout le fatras va disparaître aussi et être dissous comme cela: il ne restera que ce qu'il y a de mieux, excepté si, mécaniquement, on garde un tas d'enregistrements d'un tas de stupidités. Mais autrement...
J'ai l'impression, par exemple (c'est une forte impression) que du temps de l'Assyrie, ils avaient un moyen, ils avaient trouvé un moyen d'attraper, de conserver le son. Ça a dû être détruit, cela a disparu. Mais c'est une impression très forte, liée à certains souvenirs, et des impressions comme celles que j'ai dites (psychiques): ce ne sont pas des idées, mais [des vibrations]. Il y avait une capacité de faire parler l'invisible, tu comprends? on avait une machine. Peut-être que cela a été détruit avec tout le reste?
Le souvenir le plus ancien que l'on ait, ce sont les premières tentatives chinoises. C'est en Chine que l'on a en premier trouvé une machine à reproduire le son, à garder et reproduire le son.
Les Chinois étaient très inventifs.
(silence)
J'ai eu une très forte impression, qui s'est cristallisée pour ainsi dire quand j'ai été en Chine8 (je ne connais rien de la Chine: une ou deux villes, deux ports, ce n'est rien; mais tout de même on attrape un peu de l'atmosphère): l'origine de ces gens est lunaire. Il devait y avoir des existences sur la lune, et ces existences se sont réfugiées (ou quelques-uns, je ne sais pas), se sont réfugiés sur la terre au moment où la lune mourait. Et c'est cela qui a été à l'origine de la race chinoise.
Ils sont très particuliers... Ils n'ont pas du tout, du tout le même genre de vital que tous les autres êtres humains.
Ils ont un étrange vital.
Quel genre de vital?
Froid.
Froid: intellectuel froid. C'est froid. C'est très insensible. Et ce qui est curieux, c'est que leur sensibilité n'est pas du tout la même, elle est extrêmement émoussée.
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1 L'enregistrement de la fin de ce passage n'a pas été conservé.
2 Rappelons que la fille aînée de la grand-mère Ismaloun, Elvire, s'était mariée à un Italien.
3 Plus tard, Mère a fait un rapprochement entre ce doge et Théon (voir également Agenda III du 30 juin 1962).
4 Mère a déjà parlé de cette expérience dans l'Agenda VII du 3 novembre 1966.
5 Monna Lisa et Marguerite de Valois. Voir Agenda III du 30 juin 1962.
6 Regarde aussi le Agenda du 1 octobre 1960.
7 Voir conversation du 10 mai 1967 (Amenhotep).
8 En 1920, sur le chemin du retour à Pondichéry, à l'époque où Mao Tsé-toung écrivait La grande union des masses populaires.