SITE DE SRI AUROBINDO ET LA MÈRE
      
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Mère

l'Agenda

Volume 9

6 avril 1968

Je ne voulais pas faire de règles pour Auroville, mais je vais être obligée de commencer à formuler certaines choses parce que... il se trouve qu'il y a des difficultés. Je ne sais pas comment faire.

Ce que je voulais dire est venu: c'est très simple (Mère prend une note écrite), simplement comme cela (c'est pour de toutes petites choses).

«Il faut choisir entre s'enivrer et vivre à Auroville, les deux sont incompatibles.»

Ce n'est pas une ivrognerie innocente, c'est-à-dire que ça se traduit par des actes de violence, ça frise la folie.

Et alors, naturellement, si l'on commence dans cette voie, on peut dire ceci aussi (Mère prend une autre note):

«Il faut choisir entre vivre dans le mensonge et vivre à Auroville, les deux sont incompatibles.»

Pourvu que ce soit vrai!

On pourrait dire que ceux qui s'enivrent, c'est pour oublier; eh bien, on ne vient pas à Auroville pour oublier: on vient à Auroville au contraire pour se souvenir.

Oui, on pourrait plutôt le mettre sous cette forme-là.

Mais l'idée, c'était surtout d'insister sur le choix: vivre à Auroville est un choix. C'est un choix, une attitude que l'on prend, une décision que l'on prend. Vivre à Auroville est un choix, on choisit une certaine vie. Mais si l'on choisit une chose, il y en a d'autres qui sont incompatibles... En tout cas, vivre à Auroville est une action, est une décision que l'on prend, une action.

Mais ça (Mère désigne sa note), c'est une concession à l'état actuel de l'humanité parce que, à vrai dire, pour Auroville, ce devraient être seulement des cas particuliers. Ce que je veux dire, c'est ceci: il se peut qu'il y ait des gens qui s'enivrent et qui soient tout de même aptes à vivre à Auroville. Alors on ne peut pas faire une règle générale. Mais si l'on ne fait pas une règle générale, sur quel pied danser pour dire à quelqu'un (qui a été accepté, c'est cela, la difficulté), lui dire: «Non, il faut que vous changiez – ou vous arrêtez ça, ou vous ne pouvez pas rester à Auroville...»?

Ce que l'on dit de l'alcool, on peut le dire des drogues; on peut le dire de beaucoup d'autres choses.

Oui, de beaucoup, beaucoup. Ce n'est qu'un commencement. J'ai vu, n'est-ce pas, on va être mis en présence de nécessités... Ce sont des nécessités de choix – dire: c'est ça ou ça.

C'est comme les drogues, il y a des gens chez qui les effets ne sont pas dangereux, ou ils ne sont pas malfaisants.

Au fond, la liberté de chacun est limitée par le fait qu'elle ne doit pas aller contre la liberté des autres. C'est cela, la limite.

C'est évidemment difficile de faire des règles générales.

C'est impossible.

Moi, je me souviens d'avoir pris de l'opium pendant plusieurs années et cela m'a fait du bien, ça m'apaisait, ça me tranquillisait. En prendre maintenant serait absurde, mais à cette époque-là, cela ne m'a pas fait de mal.

Mais oui, mais cela, je comprends très bien! Je vois cela tellement bien, d'une façon tellement universelle... N'est-ce pas, une phrase comme cela (Mère montre sa note), on ne pourrait la dire qu'à un individu, c'est-à-dire: pour vous, c'est comme cela – c'est à choisir entre surmonter votre faiblesse ou votre habitude et vivre à Auroville, les deux ne vont pas ensemble. Mais alors, c'est une question purement individuelle; à un autre, on peut très bien ne pas avoir à le dire.

C'est pour cela que la formule la plus générale, c'est de dire que tout oubli de soi est contraire à la vie d'Auroville. On ne va pas à Auroville pour oublier, pour s'oublier – tout oubli de soi, sous n'importe quelle forme.

Ah! mais «oubli de soi», si on le prend au point de vue moral!... (Mère rit)

L'oubli du vrai soi.

(Mère rit) Dès qu'on formule...

Il serait plus exact de dire:

«Toute recherche de l'inconscience est contraire à la vie d'Auroville.»

C'est plus général. Et alors, si l'on veut être encore plus général, on pourrait dire:

«Tout mouvement de recul ou de descente est en contradiction avec la vie d'Auroville, qui est une vie d'ascension et d'avenir.»

Mais les mots...

II y a des articles qui ont paru dans les journaux à propos de la fondation d'Auroville, par exemple avec ce thème-là: «Une utopie qui va se réaliser.» Et alors, il y a ceux qui vous disent: «Jamais vous ne réussirez!», parce que leur argument est: «Ce sont des êtres humains et ils resteront humains» – et c'est là où ils se trompent. «La nature humaine est inchangeable», c'est sur cette base qu'ils vous disent: vous ne réussirez pas. Par conséquent, la seule chose nécessaire, c'est non seulement d'accepter et de vouloir l'avenir, mais d'adhérer à la volonté de transformation, de progrès. Et ça, c'est très bien comme formule générale.

Mais tu vois, les drogues par exemple, prends le chloroforme dont on se sert pour les opérations; eh bien, le chloroforme a sur chaque individu des effets différents (ils ne l'acceptent pas en théorie, mais c'est un fait). Nous avons ici S qui était anesthésiste, et le résultat de son expérience, c'est que sur chaque personne, ça a un effet différent. Il y en a que cela jette dans l'inconscience (c'est la grande majorité, je crois), mais dans certains cas au contraire, cela projette dans une autre conscience.

Et c'est pour tout la même chose.

Alors ma note ne va pas, ça ne peut aller qu'individuellement: dans votre cas, c'est comme cela; mais dans le cas d'un autre, ça peut ne pas du tout être incompatible.

Alors, il va falloir voir cela petit à petit... Ce sera intéressant!

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