Mère
l'Agenda
Volume 9
(Mère donne une fleur appelée «pureté divine»: Isotoma longiflora.)
Tu connais cela?
La définition de la pureté d'après Sri Aurobindo, c'est d'être exclusivement sous l'influence du Divin. Alors naturellement, le Divin est exclusivement sous son influence (!) et c'est cela, la pureté!
Tu as quelque chose au sujet de P.L.?
On l'attend aujourd'hui.
Il a dit un «fait nouveau», qu'est-ce que cela peut être?...1
Moi, j'ai eu fortement – fortement – l'impression qu'on voulait se débarrasser de lui, dans le sens que, ou c'est le pape qui ne voulait pas l'entendre, ou peut-être plus, c'est l'ami, le Monseigneur R, qui ne voulait pas que le pape entende ce qu'il avait à lui dire. C'est une très forte impression.
On pourrait dire comme ceci: l'impression que j'avais, mais très forte (très forte, ça a duré pendant au moins deux jours, très fort), l'impression du Catholicisme qui se défend. Et comme dans le domaine mental, on ne pouvait pas toucher P.L., alors on est venu par en bas et on lui a démoli sa santé – ils savent faire tout cela, ce sont des occultistes très calés.
Et lui, n'avait pas cet équilibre immense (geste vaste au-dessus) qui fait que tout ça, ça n'a pas d'effet. Il est encore ouvert.
Mais il n'a même pas écouté les conseils élémentaires qu'on lui a donnés. On lui a dit: «Il ne faut parler qu'au pape, à personne d'autre.» Il a parlé à droite et à gauche. Il a parlé au cardinal Tisseront et il a parlé à ce Monseigneur R, alors...
(silence)
Ils tiennent tellement à leur pouvoir qu'ils sont capables d'en revenir à leur vieille manière: excommunication, inquisition et tout cela, pour empêcher que ça bouge. C'est cela que je sens. C'est cela qui est terrible. Tandis que le pape, il y avait en lui l'effort d'aller plus loin.
Tu dis «il y avait»?
Qu'est-ce que j'ai dit?
Tu as dit: il y «avait» l'effort...
Oui, je ne suis pas sûre qu'on ne le...
(Mère reste silencieuse)
Tu as entendu: le bruit a couru que le pape allait abdiquer? Dans les journaux il y a quelques jours, il était question d'une rumeur selon laquelle le pape allait abdiquer.2
Voilà!... Je ne savais pas.
Ça a été démenti, mais le bruit a beaucoup couru.
C'est cela. C'est cela. Je ne savais pas. Ah! c'est très intéressant... Je crois qu'il y a une bande de brigands là-bas.
Oh! oui... X me disait que quand elle était à Rome, elle assistait à toutes les réceptions officielles, et elle disait: tous ces prélats étaient gras comme des..., ils buvaient le champagne, le cognac... Où était la spiritualité là-dedans!
(après un silence)
Ah! les cardinaux veulent faire partir le pape...
(autre silence)
Oui, ils vont résister tant qu'ils peuvent.
Ce serait bien qu'un contact puisse s'établir entre toi et lui.
(Mère hoche la tête avec force) Oui. Oui.
Mais je te l'ai dit, je le savais: ce sont des gens qui ont une connaissance occulte assez grande et un manque total de scrupules. Je suis absolument convaincue que ce sont eux qui ont rendu P.L. malade. Peut-être ne le sait-il pas (probablement il ne le sait pas), mais j'en suis convaincue, j'en suis sûre.
Il y a eu une très forte attaque ici – très forte et directement sur moi. Je l'ai vue, n'est-ce pas – je l'ai vue. Je ne peux pas dire que je l'ai sentie, mais je l'ai vue.
Venant d'eux?
Venant d'eux.
Et non seulement c'était directement sur moi, mais ça a touché... (geste dans l'atmosphère de l'Ashram), ça a touché.3
Ils sont calés.
N'est-ce pas, il n'y a qu'une chose qui soit plus forte qu'eux, une seule: la paix du Seigneur. Je ne sais pas si tu comprends ce que je veux dire (je parle avec des mots qui ressemblent à leur propre langage), mais c'est... (geste au-dessus, immense)... «Ça», là, ils ne peuvent pas toucher. Mais c'est la seule chose. Et il n'y a pas beaucoup de gens qui sachent se mettre à l'abri de «ça».4
(Mère entre dans une longue contemplation)
*
* *
Quand es-tu venu la dernière fois? Avant-hier?... Avant-hier, dans la matinée, à cinq heures du matin, j'avais lu une lettre de T.F. que je n'avais pas eu le temps de lire. J'étais toute seule, là, concentrée, et deux phrases sont venues en réponse à sa lettre, et je voulais écrire. J'ai commencé à écrire, et puis j'ai écrit avec une toute petite écriture! J'essayais de la rendre plus grande: impossible. Alors je me suis intériorisée, j'ai regardé, et j'ai vu que c'était Sri Aurobindo qui écrivait! Et alors, naturellement, j'ai laissé faire et il a écrit.
Ce n'est pas son écriture, mais ce n'est pas mon écriture non plus! C'est une sorte de combinaison des deux... J'avais eu la même expérience il y a des années, tout de suite après cette «maladie» quand je commençais à traduire Savitri, ici. Un jour, en écrivant, c'était lui qui écrivait; et c'était son écriture, c'est-à-dire à peu près illisible! Alors (riant), j'ai dit non, je ne veux pas! (parce que c'est illisible – si c'était plus clair que la mienne, je serais contente!). Et j'ai arrêté. Mais c'est venu avant-hier, et c'était... Je ne sais plus où j'ai mis ce papier (Mère cherche). T.F. disait, dans sa lettre, son impression de qui j'étais, et elle mettait à la fin «si c'est vrai que c'est comme cela, si je ne me trompe pas...» Alors, en réponse à cela, Sri Aurobindo est venu dire... (Mère cherche à se rappeler, en vain). Je ne me souviens plus des mots.
C'est curieux, je n'arrive pas à me souvenir.
(Voici le texte retrouvé)
«La vie divine en voie d'évolution, la Conscience divine à l'œuvre dans la Matière, voilà, pour ainsi dire, ce que cette existence représente.»
Et alors, en même temps, c'était la vision claire, la conscience très précise de tout cela au point de vue de l'évolution terrestre: ce qui était en train de se faire dans l'évolution terrestre.5
(long silence)
Tous ces jours-ci, c'est un travail intense, extrêmement intense, d'impersonnalisation de la conscience physique... Ça donne une sorte de... (geste flottant), n'est-ce pas, toute la base solide qui fait la personne corporelle, hop! partie, enlevée. Et alors, il y a des moments de flottement. Par exemple, j'ai eu pendant peut-être dix minutes, un quart d'heure, une abolition totale de la mémoire – du souvenir et de la mémoire. Alors... Maintenant, j'ai l'habitude de ces choses (il y en a une quantité formidable), alors je reste comme cela, exclusivement tournée... toutes les cellules sont immobiles, silencieuses et exclusivement tournées là, vers la Force, la Conscience (geste bras ouverts vers le haut), puis attendent. Et alors, c'est une espèce de concentration d'énergie, de force, et puis tout d'un coup, comme venant d'ailleurs (et ça, c'est une sensation très bizarre)... N'est-ce pas, tout ce que l'on fait, tout ce que l'on sait, tout est basé sur une sorte de mémoire semi-consciente qui est là – ça, parti. Et alors plus rien. Et c'est remplacé par une sorte de Présence lumineuse et... les choses sont là, on ne sait comment. Ce n'est pas comme si elles étaient revenues comme avant, ce n'est pas cela, c'est... Et elles sont là sans effort. Et il n'y a là que juste ce qui est nécessaire au moment voulu. Il n'y a pas tout ce bagage qu'on traîne derrière soit tout le temps comme cela, comme avant, ce n'est pas cela: il y a juste la chose dont on a besoin. Mais il faut être très-très-très tranquille; si l'on s'agite ou s'énerve le moins du monde, ou même que l'on fasse un effort, il n'y a plus rien... Et au point de vue le plus matériel, il y a aussi une sorte de perception que tout l'équilibre matériel passé, lui aussi a disparu, et qu'alors ça peut être n'importe quoi à n'importe quel moment... Heureusement (probablement c'est pour cela que c'est fait), heureusement, les cellules ont une foi très ardente, très ardente.
Je t'ai dit tout à l'heure que j'avais senti cette avalanche d'attaques. Elle est venue sous une forme très subtile: l'irréalité de la conception telle qu'elle a été admise et adoptée – l'irréalité de la Présence divine dans le corps, l'irréalité du monde en transformation qui deviendra de plus en plus divin; tout cela comme une irréalité qui venait (geste par en bas, comme une vague), sournoise, pour couper la base et le support de la foi.
Mais la Conscience était là, et la conscience que c'était une attaque; et il n'y a pas eu un combat ni un essai, une tentative de convaincre, ni rien, simplement comme cela (Mère ouvre ses bras vers le haut), le surrender TOTAL.
Et alors ça... c'est ce que j'ai dit, c'est intouchable.
C'est une immobilité lumineuse.
Et petit à petit, toute la conscience des cellules sort de cette emprise et renaît dans la Lumière.
C'était très-très intéressant.
Et l'attaque est venue avec, naturellement, toutes les suggestions de maladie, de mort, de décomposition, d'irréalité – tout cela qui grouillait.
Il n'y a pas eu une seule tentative de lutte ni rien, rien; tout simplement (même geste, bras ouverts): une aspiration et un don de soi.
Ce n'est pas encore fini, mais... J'avais l'intention d'en parler seulement quand ce serait tout à fait fini, mais à cause de cela (affaire de l'abdication du pape), je vois que cela a précipité les choses – précipité et concentré.
On verra. On va voir.6
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1 L'enregistrement du début de la conversation n'a pas été conservé.
2 L'ABDICATION DU PAPE? (Cité du Vatican, 30 avril.) Il est de nouveau fortement question que le pape Paul abdique le pontificat de l'Église catholique romaine. C'est le sujet de toutes les conversations, non seulement dans les milieux du Vatican mais également parmi les hauts fonctionnaires laïques à Rome. La télévision nationale régie par le gouvernement aurait préparé un programme spécial sur la «carrière du pape», prêt à être diffusé instantanément au cas où le pape abdiquerait. Les milieux bien informés du Vatican n'ajoutent pas foi à ces rumeurs d'abdication, mais ils n'en excluent pas la possibilité. (The Hindu, 1er mai 1968.)
3 Le disciple sera lui-même fortement et longtemps touché quelques semaines plus tard.
4 Tout le passage suivant a été omis de l'enregistrement.
5 L'enregistrement reprend ici.
6 Il existe un enregistrement de cette conversation.