SITE DE SRI AUROBINDO ET LA MÈRE
      
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Mère

l'Agenda

Volume 9

25 septembre 1968

(Mère donne au disciple une fleur appelée «Transformation».)

Je te donne la bonne.

Pourquoi la bonne?

Je dis cela parce qu'il y a des confusions dans l'esprit de beaucoup de gens. Par exemple, au point de vue du progrès, quand moi, je parle de progrès, je veux dire «passer de la conscience mentale à une conscience supérieure», mais généralement les gens comprennent «faire des progrès matériellement ou mentalement ou...» Alors quand on parle de transformation aux gens, ils pensent à toutes sortes de choses bizarres... Nous, quand nous parlons de transformation, nous voulons dire la transformation supramentale.

C'est pour cela.1

*
*   *

Peu après

J'ai retrouvé de vieux papiers (je ne peux plus lire, je ne vois pas clair), je ne sais pas ce que c'est. Il y a une enveloppe de toi.

C'est une question sur les «Aphorismes» de Sri Aurobindo.

51 – Quand j'entends parler d'une juste fureur, je m'émerveille du pouvoir qu'ont les hommes de se leurrer eux-mêmes.

C'est admirable!

Il y avait une question: «On est toujours "de bonne foi" quand on se trompe soi-même; c'est toujours pour le bien des autres qu'on agit, ou dans l'intérêt de l'humanité et pour te servir, cela va de soi! Comment fait-on pour se tromper et comment savoir vraiment?»2

C'est terriblement vrai.

Hier même, avant même d'avoir lu cela (je ne l'avais pas lu), j'ai eu une longue vision à ce sujet, c'est cela qui est étonnant!

Mais c'est tellement sur un autre plan...

Oui, quand on prend la partie supérieure de son mental comme juge de son action, c'est comme cela que l'on peut «se tromper de bonne foi». C'est-à-dire que le mental est incapable de voir la vérité et qu'il juge avec sa propre capacité qui est limitée – non seulement limitée mais inconsciente de la vérité; et alors, pour le mental, il est «de bonne foi», il fait aussi bien qu'il peut. C'est cela.

Naturellement, pour ceux qui sont pleinement conscients de leur psychique, ce n'est pas possible de se tromper parce que s'ils réfèrent leur problème au psychique, ils peuvent là avoir la réponse divine. Mais même pour ceux qui sont en rapport avec leur psychique, la réponse n'a pas le même caractère que celle du mental, qui est précise, catégorique, absolue, qui s'impose – c'est quelque chose qui est plus une TENDANCE qu'une affirmation. Quelque chose qui peut encore avoir différentes interprétations dans le mental.

J'en reviens à mon expérience d'hier. Après avoir regardé, j'étais arrivée à la conclusion qu'il est impossible de faire un reproche à un être humain qui fait aussi bien qu'il peut faire selon sa conscience, parce que, comment peut-il dépasser sa conscience?... Et c'est justement l'erreur que font la majorité des gens: ils jugent d'un autre selon leur propre conscience, mais l'autre n'a pas leur conscience! Par conséquent ils ne peuvent pas juger (je parle seulement des gens de bonne volonté, n'est-ce pas). Selon la vision d'une conscience plus totale ou supérieure, une autre personne se trompe, mais selon la personne elle-même, elle fait au maximum de ce qu'elle croit devoir faire.

Ce qui revient à dire qu'il est absolument impossible de blâmer quelqu'un qui agit sincèrement selon sa propre conscience limitée. Et en fait, si nous en venons là, tout le monde a une conscience limitée, excepté LA Conscience. C'est seulement LA Conscience qui n'est pas limitée. Mais toutes les manifestations sont forcément limitées, à moins qu'elles ne sortent d'elles-mêmes et qu'elles ne s'unissent à la Conscience suprême, alors là... Dans quelles conditions cela peut-il se faire?

C'est le problème de l'identification avec le Suprême, qui est le Suprême Un – Un qui est tout.

(silence)

Il y a tout un côté de la pensée humaine qui a conçu que l'identification avec la Conscience suprême ne pouvait venir que par l'annulation de la création individuelle, mais justement Sri Aurobindo a dit que c'était possible SANS supprimer la création. Ils ont cette conception qu'il faut supprimer la création, parce qu'ils arrêtent la création à la création humaine – c'est impossible à l'homme, mais c'est possible à l'être supramental. Et ce sera essentiellement la différence de l'être supramental: il pourra, sans perdre une forme limitée, unir sa conscience à la Conscience suprême.

Mais pour l'homme, c'est impossible. Ça, je le sais.

Comme je l'ai dit, on l'a [l'union avec la Conscience suprême], mais dès qu'on veut l'exprimer, c'est fini, ça redevient... (geste enfermé comme dans une boîte). C'est-à-dire que la substance dont nous sommes construits n'est pas suffisamment purifiée, illuminée, transformée (n'importe quoi, n'importe quel mot) pour exprimer la Conscience suprême sans la déformer.

(silence
Mère entre dans une expérience)

C'est une certaine opacité de la Matière, de la substance, qui l'empêche de pouvoir manifester la Conscience... et c'est cette même opacité (je ne sais pas comment dire), opacité, qui lui donne le sens d'exister.

Cela fait partie de l'expérience de ces jours derniers. J'ai vécu pendant... je ne sais pas, des semaines, dans une sorte de fluidité – fluidité transparente –, et c'est à mesure que cette fluidité transparente est remplacée par ce quelque chose que j'appelle maintenant «opacité», que revient une sorte de concrétisation de l'existence du corps.

N'est-ce pas, le contact direct de l'être psychique avec la substance du corps, sans intermédiaire, donne la sensation... (est-ce que c'est «sensation»? je ne sais pas; ce n'est pas une sensation, ce n'est pas une perception), c'est une sorte de «vision sentie» (et cette vision est très précise, très précise) de la valeur des vibrations par rapport à une vibration supérieure qui est (tout ce que je peux en dire) plus directement expressive de la Vibration suprême.

C'est très difficile à exprimer, mais le corps est en train de vivre une expérience qu'il n'a jamais eue, et c'est comme de passer d'une imprécision à une précision, d'une sorte de fluidité à... ce n'est pas une chose concrète, mais d'une chose fluide – fluide et imprécise – à une chose précise. Tous les événements (n'importe quel petit événement, qui varie), sont l'occasion d'une perception nouvelle. Avant, tout était fluide et imprécis; maintenant, ça commence à être plus précis – plus précis, plus exact. Mais ça perd un peu de sa fluidité.

C'est très difficile à exprimer.

Je n'y avais jamais pensé. C'est curieux, ce n'est pas voulu, je viens de faire l'expérience juste maintenant. Alors ce n'est pas très clair encore.3

Au fond, le mental donne une précision qui manque quand il n'est pas là. Son rôle dans la création, c'est justement de préciser, expliquer, et limiter en même temps.

L'enregistrement du son fait par Satprem    

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1 L'enregistrement du début de cette conversation n'a pas été conservé.

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2 Cette question et la réponse de Mère datent de 1961, voir Agenda II du 17 janvier 1961.

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3 Il existe un enregistrement de cette conversation. Le paragraphe suivant a été rajouté plus tard par Mère. Nous avons joint à cet enregistrement un fragment de la conversation prochaine, du 28 septembre, p. 273-74, qui lui fait suite.

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