Mère
l'Agenda
Volume 10
15 janvier 1969
(Après la visite d'un «Achârya» ou Maître de la secte jaïn qui est venu entouré de ses disciples.)
Il a essayé de tous les moyens pour me faire parler! – j'ai refusé. Mais je ne les avais jamais vus, ceux-là, avec la bouche couverte1 – ça ne les empêche pas de parler!
Il paraît qu'il a dit hier (il est arrivé hier) qu'il n'avait «pas encore commencé sa sâdhanâ, qu'il faisait le tour de l'Inde et qu'il commencerait sa sâdhanâ après»... Il m'a demandé un message; je ne lui ai rien dit, mais je lui ai dit intérieurement: «Sois sincère, sois sincère...» Mais je n'ai pas parlé. Il a essayé même la flatterie, mais ça n'a pas réussi! Il a dit: «Oh! (il regardait bien pour voir si ça faisait de l'effet), oh! j'ai beaucoup entendu parler de vous, mais vous voir, est une tout autre affaire»... J'ai eu juste une petite difficulté à ne pas rire!
Il y avait des hommes et des femmes, et les femmes, ils les appellent des «nonnes», et elles aussi ont la bouche couverte...
*
* *
(Puis il est question d'un disciple américain qui a édifié chez lui tout le panthéon grec et qui est très déséquilibré.)
C'est curieux, il est suffisamment réceptif; chaque fois que je fais quelque chose, il y a un résultat... mais le résultat, il le met au compte de ses dieux! Alors, ça fait une bouillie dans sa conscience.
(silence)
C'est resté, cette conscience [du surhomme]. C'est resté, c'est très fort, oh!... Encore aujourd'hui, avec ces sadhous (jaïns), j'ai eu l'expérience: c'est venu, mon petit, c'était formidable! C'est venu massivement, ça m'enveloppait complètement, alors j'étais bien tranquille, là, derrière: rien ne pouvait passer. Intéressant... Oh! c'est vraiment une puissance. Jusque dans le vital. Physiquement, le corps ne peut pas répondre; ça a eu une action, mais... ce n'est pas ça. Ce n'est pas ça. Mais ça a mis dans le corps un vital (tu sais que le vital était parti), un vital formidable! C'est tout à fait amusant. On a l'impression de dire aux gens: «Tenez-vous tranquilles!»
Je vais essayer ça sur A (le disciple américain), je vais voir si ça le remet d'aplomb... Il va croire que c'est sa statue d'Athénée! – Ça n'a aucune importance. Même les gens qui pensent bien, pensent encore des bêtises, alors...
Ce sadhou, «ça» a essayé de le tirer au-dedans, et quand la pression devenait très forte, il se mettait à parler! Il ne pouvait pas... [supporter ou contenir]. Le disciple qui était près de lui, est devenu très excité, mais il était contrôlé par lui.
Il a commencé par une banalité à propos du «travail que je faisais pour l'humanité» (une stupidité quelconque) et quand il a vu que ça ne prenait pas, il s'est tû autant qu'il a pu, puis il a recommencé à parler et il a dit ce que je t'ai raconté: «Qu'il avait beaucoup entendu parler de moi, mais...» Moi, je mettais toute cette conscience entre le corps et lui.
Au fond, je me suis amusée! (Mère rit)
Il avait une canne, et il l'avait même enveloppée de blanc! Il était tout blanc; la canne aussi était blanche, il la portait comme cela, comme on porte la crosse d'un évêque.
Ils sont très enfermés.
Ah! ils se sont volontairement coupés du monde, et ils veulent l'affirmer: la séparation fait partie de leur conception.
Ils sont enfermés dans leur sainteté.
Il y en a, je suis sûre, beaucoup, qui ont des désirs refoulés et toutes sortes de choses comme cela qui font des fermentations... Mais le corps s'est tenu bien tranquille avec ça autour (cette conscience du surhomme), et alors la Conscience lui disait tout le temps: «L'individu n'est rien, abdique, abdique l'individu – sois sincère, abdique l'individu. La Conscience suprême seule est...» Ça ne l'a pas touché. Je ne sais pas si quelque chose en lui a reçu, mais il ne s'en est pas aperçu... On verra.
1 Les sadhous (ou moines) jaïns se couvrent la bouche d'un bandeau pour ne pas avaler de microbes.