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Mère

Entretiens

 

Le 20 juin 1956

L'enregistrement   

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Douce Mère, ici Sri Aurobindo écrit: «Et cependant, il y a, dans le coeur ou derrière lui, une lumière mystique plus profonde...» (La Synthèse des Yogas, vol. I, p. 166)

Quelle est cette lumière mystique?

C’est l’amour.

Mais après cela, Sri Aurobindo parle de cette lumière mystique qui «n’est pas ce que nous appelons l’“intuition” (car celle-ci descend par le mental, bien qu’elle ne vienne pas du mental), mais qui est en contact direct avec la Vérité et qui est plus proche du Divin que l’intellect humain dans l’orgueil de sa connaissance».

Est-ce qu’il y a une relation entre cette lumière mystique et l’intuition?

Ce n’est pas l’intuition. C’est la connaissance par l’amour, c’est la lumière par l’amour, la compréhension par l’amour. Sri Aurobindo dit que ce n’est pas l’intuition, parce que l’intuition appartient à l’intellect (dans son expression en tout cas, l’expression de l’intuition est intellectuelle). Tandis que cela, c’est une sorte de connaissance directe et presque par identité, qui provient de l’amour.

Et «l’oracle intérieur»?

L’oracle? C’est le pouvoir de divination, de prévision, de compréhension des symboles, et cela, c’est dans l’être psychique. Les prophètes, par exemple, ce n’est pas par leur mental qu’ils prophétisent, c’est par un contact direct, par-delà les émotions et les sentiments. Sri Aurobindo dit même que les Védas, notamment, n’étaient pas écrits avec le mental et par la tête. La forme de l’hymne jaillissait spontanément de l’être psychique, avec les mots.

Mère, si quelqu’un a le contact psychique, est-ce que cela veut dire qu’il a ce pouvoir?

Plus ou moins, oui. Plus le contact est parfait, plus le pouvoir est grand.

Cela dépend aussi des possibilités extérieures de l’être. Mais je vous ai déjà expliqué cela plusieurs fois, je vous ai déjà dit que, quand on entre en contact avec son psychique, certaines facultés se développent spontanément. Par exemple, il y a des gens qui n’ont aucune éducation intellectuelle et qui tout d’un coup ont un pouvoir d’expression tout à fait remarquable, qui vient comme cela, spontanément, par le contact intérieur avec l’être psychique.

Sri Aurobindo parle ici de la «réfrigération laïque».

Quoi!

Il écrit: «En fait, c’est par le sens éthico-religieux que s’est créée la loi de bonne volonté ou de compassion universelle ou d’amour et de service du prochain telle qu’on la retrouve dans l’idéal védântique, bouddhique et chrétien; c’est seulement par une sorte de réfrigération laïque éteignant la ferveur de l’élément religieux, que l’idéal humanitaire a pu se dégager et prendre la place suprême dans un système séculier de morale mentale.» (La Synthèse des Yogas, vol. I, p. 168)

Oui, c’est la pensée matérialiste et purement physique qui refroidit et congèle les émotions, qui enlève toute la chaleur de l’âme, toute la ferveur, toute l’ardeur des sentiments et de la conscience religieuse, qui vous rend froidement raisonnable.

Mère, si le coeur peut servir à une connaissance plus directe, alors quel est le rôle de l’intellect comme intermédiaire de la connaissance?

Comme intermédiaire, dis-tu?

Parce que le vrai rôle du mental, c’est la formation et l’organisation de l’action. Le mental a un pouvoir formateur et organisateur, et c’est lui qui met les différents éléments de l’inspiration en ordre pour l’action, pour organiser l’action. Et s’il s’en tenait uniquement à ce rôle-là, qu’il reçoive les inspirations, ou d’en haut ou de ce centre mystique de l’âme, et que simplement il formule le plan de l’action (dans les grandes lignes ou dans les petits détails, pour les toutes petites choses de la vie ou pour les grandes organisations terrestres), alors il remplirait pleinement sa fonction.

Ce n’est pas un outil de connaissance.

Mais il peut utiliser la connaissance dans l’action, pour organiser l’action. C’est un outil d’organisation et de formation très puissant et très capable quand il est bien développé.

On peut très bien sentir cela quand on veut justement organiser sa vie, par exemple; mettre les différents éléments en place dans son existence. Il y a une certaine faculté intellectuelle qui, immédiatement, met chaque chose à sa place et fait un plan et organise. Et ce n’est pas une connaissance qui vient du mental; c’est une connaissance qui vient, comme je dis, des profondeurs mystiques de l’âme ou d’une conscience supérieure; et le mental la concentre dans le monde physique et l’organise pour donner une base d’action à la conscience supérieure.

On a cette expérience très bien quand on veut organiser sa vie.

Puis, il y a une autre utilité. Quand on est en contact avec sa raison, avec le centre raisonnable de l’intellect, la raison pure, c’est un contrôle puissant sur toutes les impulsions vitales. Tout ce qui vient du monde vital peut être très sûrement contrôlé par lui, utilisé dans une action disciplinée et organisée. Mais il doit être au service de quelque chose d’autre — pas se satisfaire en soi-même.

Ce sont les deux utilités du mental: c’est une force de contrôle, un outil de contrôle, et c’est une puissance d’organisation. C’est cela, sa vraie place.

Douce Mère, est-ce que par l’amour seul on peut réaliser le Divin?

Oh! oui, mon enfant, certainement. C’est même le chemin le plus direct.

On peut réaliser le Divin, c’est-à-dire s’identifier au Divin, prendre pleinement conscience du Divin et être un instrument du Divin. Mais naturellement, on ne réalise pas le yoga intégral puisque c’est seulement sur une ligne. Mais au point de vue de l’identification avec le Divin, c’est même le chemin le plus direct.

Mais sans le développement mental, on ne pourra pas exprimer le Divin?

On ne peut pas l’exprimer intellectuellement, mais on peut l’exprimer dans l’action, on peut l’exprimer dans les sentiments, on peut l’exprimer dans la vie.

(silence)

Douce Mère, quelquefois, quand on a une dépression, cela dure assez longtemps; mais quand on a une joie qui n’est pas ordinaire, cela ne dure pas.

Oui, c’est très vrai.

Alors, qu’est-ce qu’il faut faire pour que cela dure?

Mais ce n’est pas la même partie de l’être qui a la dépression et qui a la joie.

Si tu parles d’un plaisir, le plaisir qui appartient au vital est une chose très fugitive, et je pense que dans la vie (dans la vie telle qu’elle est maintenant) il y a plus d’occasions d’avoir des déplaisirs que des plaisirs. Le plaisir en lui-même est une chose extrêmement fugitive, parce que, si l’on continue la même vibration de plaisir un peu longtemps, elle devient déplaisante ou même repoussante — exactement la même vibration.

Le plaisir en lui-même est une chose très fugitive. Mais si tu parles de la joie, c’est une chose tout à fait différente, c’est une sorte de chaleur et d’illumination dans le coeur, n’est-ce pas — on peut avoir la joie aussi dans la tête, mais c’est une sorte de chaleur et d’illumination béatifique qui se produit quelque part. Cela, c’est une vertu qui n’est pas encore à l’état de plein développement et on est rarement dans la condition psychologique nécessaire pour l’avoir. Et c’est pour cela que c’est fugitif. Autrement, la joie est présente d’une façon constante dans la vérité de l’être, dans la réalité de l’être, dans ton vrai Moi, dans ton âme, dans ton être psychique, la joie est constamment présente.

Cela n’a rien à voir avec le plaisir: c’est une sorte de félicité intérieure.

Mais on est rarement en état de la sentir, à moins que l’on n’ait pris pleinement conscience de son être psychique. C’est pour cela que, quand elle vient, c’est fugitif, parce que la condition psychologique nécessaire pour la percevoir n’est pas souvent présente. Tandis que l’on est d’une façon presque constante dans un état vital ordinaire où la moindre chose déplaisante vous amène très spontanément et facilement la dépression — une dépression si on est un être faible, une révolte si on est un être fort. Tout désir qui n’est pas satisfait, toute impulsion qui rencontre des obstacles, tout contact avec le dehors qui est désagréable, très facilement et très spontanément crée une dépression, ou une révolte, parce que c’est l’état normal des choses (normal dans la vie présente). Tandis que la joie est un état exceptionnel.

Et alors le plaisir — le plaisir qui est une sensation agréable simplement —, s’il dure, non seulement il s’émousse, mais il finit par être désagréable; on ne peut pas le supporter longtemps. Alors tout naturellement, ça va et ça vient aussi. C’est-àdire que la même chose qui vous donne du plaisir — exactement la même vibration —, après un court moment ne vous en donne plus. Et si cela persiste, cela vous devient désagréable. C’est pour cela que vous ne pouvez pas avoir du plaisir pendant longtemps.

La seule chose qui puisse être durable, c’est la joie, si l’on entre en contact avec la vérité de l’être qui contient cette joie d’une façon permanente.

Mère, dans le coeur, il y a une double action: l’action de l’impulsion vitale et celle de l’émotion pure. Qu’est-ce qui rend ce mélange possible?

Comment se produit le mélange?

Parce que l’une et l’autre ont leur siège dans le coeur, non?

Pas au même endroit.

Ce n’est pas notre coeur physique, n’est-ce pas; c’est ce centre-là (Mère désigne le milieu de la poitrine). Mais il y a des profondeurs diverses. Plus tu vas à la surface, plus cela se mélange, naturellement, d’impulsions vitales et même de réactions purement physiques, de sensations purement physiques. Plus tu vas profondément, moins il y a de mélange. Et si tu vas assez profondément, tu trouves le sentiment tout à fait pur, derrière. C’est une question de profondeur.

On est précipité au-dehors tout le temps; tout le temps on vit comme en dehors de soi, dans une sensation tellement superficielle que c’est presque comme si l’on était en dehors de soi. Dès que l’on veut même s’observer un peu, se contrôler un peu, connaître simplement ce qui se passe, on est toujours obligé de reculer, ou de tirer vers soi, de tirer au-dedans quelque chose qui est constamment comme cela, à la surface. Et c’est cette chose de surface qui rencontre tous les contacts extérieurs, qui vous met en rapport avec les vibrations similaires provenant des autres. Cela se produit presque en dehors de vous.

C’est cela, l’éparpillement de la conscience ordinaire, constant.

Par exemple, un mouvement, une inspiration qui provient des profondeurs psychiques de l’être (parce qu’il y en a même chez ceux qui ne sont pas conscients de leur psychique), une sorte d’inspiration qui vient des profondeurs, eh bien, elle est obligée, pour se faire percevoir, de venir à la surface. Et à mesure qu’elle vient à la surface, elle se mélange à toutes sortes de choses qui n’ont rien à voir avec elle, mais qui veulent se servir d’elle. Comme, par exemple, tous les désirs et toutes les passions du vital qui, dès qu’il y a une force profonde qui remonte à la surface, s’en saisissent pour leur propre satisfaction. Ou bien, les gens qui vivent dans le mental et qui veulent comprendre leur expérience et l’apprécier, la juger; alors, c’est le mental qui se saisit de cette inspiration ou de cette force qui monte à la surface, pour son propre bénéfice, pour sa propre satisfaction — et ça se mélange et ça gâte tout. Et c’est constamment comme cela; constamment il y a des mouvements de surface qui s’introduisent dans l’inspiration profonde et qui la déforment, la voilent, la salissent, l’abîment complètement, la déforment au point que ce n’est plus reconnaissable.

Pourquoi ces impulsions extérieures, quand elles viennent en contact avec l’inspiration qui monte du dedans, au lieu de se transformer, abîment-elles tout?

Ah! pardon, c’est un mouvement réciproque. Et cela dépend du dosage. L’inspiration du dedans agit nécessairement. Ce n’est pas qu’elle soit complètement absorbée et détruite, ce n’est pas cela. Cela agit nécessairement, mais ça se mélange, ça perd sa pureté et la puissance originelle. Mais il reste tout de même quelque chose, et le résultat dépend du dosage des forces, et ce dosage est très différent suivant les individus.

Il y a un moment, quand on fait appel volontairement à l’inspiration profonde et que l’on se soumet à elle, où elle peut passer presque complètement pure et vous faire agir selon la Volonté divine.

Le mélange n’est pas inévitable; c’est seulement ce qui se passe d’habitude. Et la proportion est très différente suivant les individus. Chez certains, quand le psychique au-dedans prend une décision et envoie une force, c’est tout à fait visible, c’est visiblement une inspiration psychique. On peut voir, quelquefois, comme une ombre passer provenant du mental ou du vital; mais ce sont des interventions sans importance qui n’arrivent pas du tout à changer la nature de l’inspiration psychique, si on ne leur permet pas de prendre le dessus.

Toutes ces choses ne sont pas irrémédiables, parce que, autrement, il n’y aurait aucun espoir de progrès.

À la suite du dernier Entretien où Mère s’était plainte de ne pas avoir souvent de questions intéressantes, les disciples ont commencé à envoyer des questions écrites, que l’un d’eux lit à haute voix:

Il est dit: «Suivez votre âme et non votre mental qui saute sur les apparences.» Comment pratiquer cela dans la vie de tous les jours?

Pourquoi? Quel est le problème? Quelle est la difficulté?

Comment mettre en pratique cet avis, ce conseil de suivre son âme et non son mental?

C’est une question purement individuelle.

La première condition, c’est de recevoir des inspirations de l’âme — justement ce dont nous parlions tout à l’heure —, parce que si l’on n’en reçoit pas, comment peut-on suivre son âme? La première condition est d’être un peu conscient de son âme et de recevoir ses inspirations. Alors naturellement, il va de soi qu’il faut obéir à cela au lieu d’obéir à l’intellect raisonneur.

Mais comment le faire, par quel procédé?... C’est une chose purement personnelle. Chacun doit trouver son procédé propre. Le principe est là; si on veut l’appliquer, pour chacun le procédé est différent. Tout dépend de la mesure dans laquelle on est conscient des inspirations de l’âme, du degré d’identité que l’on a avec elle.

Alors on ne peut pas donner un remède pour tout le monde.

C’est tout?

«Plus vous donnez, plus vous recevez», est-il dit. Est-ce que cela s’applique à l’énergie physique? Est-ce que l’on doit entreprendre un travail physique qui semble au-dessus de sa capacité? Et quelle doit être l’attitude pendant que l’on fait un tel travail?

Si l’on ne dépensait pas, on ne recevrait jamais. La grande force de l’enfant pour croître, pour se développer, c’est qu’il dépense sans compter.

Naturellement, quand on dépense, il faut récupérer et il faut prendre le temps nécessaire pour récupérer; mais ce qu’un enfant ne peut pas faire un jour, il peut le faire le lendemain. Alors, si vous ne dépassez jamais la limite à laquelle vous êtes, vous ne progresserez jamais. Il est de toute évidence que les gens qui font de la culture physique, par exemple, s’ils font un progrès, c’est justement parce que, progressivement, ils dépassent, ils vont au-delà de ce qu’ils pouvaient faire.

Le tout est une question de mesure. Et il faut mesurer la période de réceptivité en proportion de la période de dépense.

Mais si l’on s’en tient à ce que l’on peut faire à un moment donné... D’abord c’est impossible; si l’on ne progresse pas, on recule. Par conséquent, il faut toujours faire un petit effort pour faire plus que l’on ne faisait. Alors on est sur la voie ascendante. Si on a la crainte de faire trop, on est sûr de redescendre et de perdre ses capacités.

Il faut toujours essayer un peu plus, un peu mieux que l’on ne faisait le jour précédent ou la minute précédente. Seulement, plus on augmente son effort, plus il faut augmenter sa capacité de réception et son occasion de réception. Par exemple, au point de vue purement physique, si l’on veut développer ses muscles, il faut leur faire faire un effort progressif, c’est-àdire de plus en plus grand, mais il faut en même temps faire le nécessaire: massages, hydrothérapie, etc., pour augmenter en même temps leur capacité de réception.

Et repos. Un repos qui n’est pas un anéantissement dans l’inconscient (qui généralement vous fatigue plus qu’il ne vous repose), mais un repos conscient, une concentration dans laquelle on s’ouvre et on absorbe les forces qui viennent, les forces universelles.

Les limites des possibilités du corps sont tellement élastiques! Les gens qui font de l’entraînement méthodique et scientifique raisonnable, raisonné, arrivent à des résultats absolument stupéfiants. Ils demandent à leur corps de faire des choses que naturellement, sans entraînement, il serait tout à fait impossible de faire. Et certainement, ils doivent progressivement dépasser ce qu’ils pouvaient faire, non seulement au point de vue de la perfection, mais aussi au point de vue de la puissance. S’ils ont cette crainte de faire plus qu’ils ne peuvent, de dépasser, ils ne progresseront jamais. Seulement, il faut en même temps faire le nécessaire pour récupérer. C’est tout le principe de la culture physique. Et on voit des choses qui, pour l’homme ignorant et inculte, sont absolument miraculeuses, faites par des corps qui ont été entraînés méthodiquement.

Pour se souvenir constamment de la Mère, comment faire? Est-ce qu’il faut répéter Son Nom, se souvenir de Sa Forme physique, ou penser ou sentir qu’Elle est le Divin? Est-ce que la gratitude pour le Divin est une forme de souvenir?

Tout cela est bon. Et beaucoup d’autres choses sont bonnes. Et cela dépend de ce que chacun peut faire.

C’est une question un peu trop personnelle, non?

Cela dépend de chacun, c’est la même chose. Si l’on veut dire des généralités, cela n’a plus de sens. Pour se souvenir, il ne faut pas oublier, voilà tout!

Est-ce qu’il peut y avoir une forme collective de discipline que l’on s’impose à soi-même (self-imposed)?

Mais il arrive très souvent que des gens se groupent et qu’ils se donnent des règles. C’est une discipline qu’ils s’imposent à euxmêmes. C’est un fait constant. Toutes les sociétés, secrètes ou non, et tous les groupes initiatiques ont toujours fait des choses comme cela: ils font des règles qu’ils s’imposent, qu’ils suivent très strictement, généralement. Et il y a même des sanctions terribles et des conséquences tout à fait désastreuses quand, après avoir prêté serment, on veut sortir de la discipline. C’est une chose qui se fait constamment dans le monde.

On pourrait discuter de l’efficacité, ce serait autre chose. Mais en tout cas, la question n’est pas «si on peut le faire» — cela se fait, c’est une chose qui s’est faite depuis les âges les plus anciens. Toujours l’homme a essayé de se grouper d’une façon ou d’une autre et d’imposer des lois à ce groupe.

Et si c’est un groupement mystique, ce sont des lois mystiques.

Peut-être est-ce imposé à ceux qui veulent entrer dans le groupe; alors ce n’est pas «self-imposed»?

Mais on entre librement dans le groupe, par conséquent on l’accepte. Généralement dans ces groupes-là, la première chose que l’on fait, c’est de vous dire: «Voilà les lois, les règles du groupement, est-ce que vous les acceptez ou non?» Si vous ne les acceptez pas, vous n’entrez pas; si vous les acceptez, c’est vous-même qui vous les imposez. On ne vous met pas de force dans un groupe comme cela! Ce n’est pas comme de subir, par exemple, l’atavisme de la famille où vous êtes né. Cela, c’est imposé du dehors. Vous êtes né dans une famille et vous subissez l’atavisme, les lois d’un atavisme rigoureux de la famille, qui est imposé du dehors. Parce que, à peu près d’une façon universelle, la permission de celui qui est amené dans le monde ou son acceptation n’est jamais demandée: on vous fait venir par force, on vous impose le milieu par force, les lois de l’atavisme du milieu par force, et enfin vous en faites ce que vous pouvez — le mieux que vous pouvez, espérons-le! Mais quand c’est un groupement d’amis ou une société, à moins que vous n’ayez aucune volonté personnelle et que vous ne soyez entraîné par quelqu’un d’autre auquel vous obéissez, c’est vous-même qui décidez si vous acceptez ces lois ou non.

Il est évident que la question devient un petit peu plus subtile quand il s’agit de religion, parce que cela fait partie de l’imposition sur l’enfant avant qu’il soit né. S’il est né dans une religion, cette religion lui est imposée. Évidemment, selon les règles vraies, il y a un âge où censément, après avoir été instruit dans la religion où vous êtes né, vous choisissez d’y être ou de ne pas y être. Mais très peu de gens ont la capacité de choix individuel. C’est l’habitude de la famille ou du milieu dans lequel ils vivent, et ils la suivent aveuglément parce que c’est plus commode que de réagir; on est né là et c’est presque par force que l’on suit cette religion. Il faut avoir une puissance de caractère et d’indépendance de caractère assez considérable pour en sortir, parce que généralement il faut en sortir avec éclat et cela a des répercussions sérieuses sur votre existence.