SITE DE SRI AUROBINDO ET LA MÈRE
      
Page d’accueil | Les travaux | Les travaux du Sri Aurobindo | Lettres sur le Yoga

SRI AUROBINDO

Lettres sur le Yoga

Volume 1. Section 1

6. Les pouvoirs divins et les pouvoirs hostiles

582

1. Mensonge et Ignorance1

Ignorance signifie Avidyâ, la conscience séparative ainsi que le mental et la vie égoïstes qui en découlent et tout ce qui est inhérent à la conscience séparative, au mental et à la vie égoïstes. Cette Ignorance résulte d'un mouvement par lequel l'Intelligence cosmique s'est séparée de la lumière du Supramental (la Gnose divine) et a perdu la Vérité — vérité d'être, vérité de conscience divine, vérité de force et d'action, vérité d'Ânanda. En conséquence, au lieu d'un monde de vérité intégrale et de divine harmonie créé en la lumière de la Gnose divine, nous avons un monde fondé sur les vérités partielles d'une Intelligence cosmique inférieure où tout est mi-vérité, mi-erreur. C'est cela que certains penseurs d'autrefois, tel Shankara, faute de percevoir la plus grande Force-de-Vérité derrière, ont stigmatisé comme Maya et qu'ils ont pris pour le plus haut pouvoir créateur du Divin. Tout, dans la conscience de cette création, est soit limité, soit perverti par la séparation d'avec la Lumière intégrale; même la Vérité qu'elle perçoit n'est qu'une demi-connaissance. C'est pourquoi elle est appelée Ignorance.

Le Mensonge, lui, n'est pas cette Avidyâ, mais en est un résultat extrême. Il est créé par un pouvoir asourique qui intervient dans cette création et est non seulement séparé de la Vérité et dès lors limité en sa connaissance et ouvert à l'erreur, mais révolté contre la Vérité ou accoutumé à ne saisir la Vérité que pour la pervertir. Ce pouvoir, l'obscure Shakti asourique, la Maya râkshasique, fait passer sa propre conscience pervertie pour connaissance vraie et ses déformations et ses inversions délibérées de la Vérité pour la vraie vérité des choses. Ce sont les pouvoirs et les personnalités de cette conscience pervertie et pervertissante que nous appelons êtres hostiles, forces hostiles. Chaque fois que ces perversions qu'ils tirent de la substance de l'Ignorance sont présentées comme la Vérité des choses, alors existe le Mensonge au sens yoguique, mithyā, moha.

2. Pouvoirs et Apparences

Ce sont les forces et les êtres qui ont intérêt à maintenir les mensonges qu'ils ont créés dans le monde de l'Ignorance et à les faire passer pour la Vérité que les hommes doivent suivre. En Inde, on les appelle asoura, râkshasa, pishâtcha (êtres qui appartiennent respectivement au plan vital mentalisé, au plan vital intermédiaire et au plan vital inférieur); ils s'opposent aux dieux, aux Pouvoirs de la Lumière. Eux aussi ont des Pouvoirs, car eux aussi ont un champ cosmique où ils exercent leurs fonctions et leur autorité; certains furent jadis des Pouvoirs divins (les anciens dieux, pūrve devāḥ, comme on les appelle quelque part dans le Mahâbhârata) qui sont tombés vers les ténèbres par révolte contre la Volonté divine qui est derrière le cosmos. Le mot "apparences" se rapporte aux formes qu'ils prennent afin de gouverner le monde. Formes souvent fausses, incarnant toujours le mensonge et parfois pseudo-divines.

3. Pouvoirs et Personnalités

L'emploi du mot Pouvoir a déjà été expliqué — il peut s'appliquer à tout ce qui, être ou chose, exerce un pouvoir conscient dans le domaine cosmique et a autorité sur le mouvement universel ou tel mouvement qui en fait partie. Mais les Quatre2 dont vous parlez sont également des Shakti, les manifestations de différents pouvoirs de la Conscience et de la Force suprême, de la Mère divine, grâce auxquelles elle gouverne l'univers ou y agit. Ce sont en même temps des personnalités divines: chacune, en effet, est un être qui manifeste différentes qualités et formes-de-conscience personnelles de la Divinité. En ce sens, tous les dieux supérieurs sont des personnalités du Divin — Conscience unique jouant en de multiples personnalités, ekam sat bahudhā. Même chez l'être humain, contrairement à ce que l'on imaginait autrefois, il existe non pas une, mais de nombreuses personnalités; car toute conscience peut être à la fois une et multiple. "Pouvoirs et Personnalités" ne font que décrire différents aspects du même être; un Pouvoir n'est pas nécessairement impersonnel et certainement pas avyaktam, comme vous le suggérez — c'est au contraire une manifestation œuvrant dans les mondes de la Manifestation divine.

4. Émanations

Les Émanations correspondent aux Mâtrikâs dont vous donnez la description dans vos lettres. Une émanation de la Mère est quelque chose de sa conscience et de son pouvoir, puisé en elle et mis en avant, et qui, aussi longtemps que dure son action, est maintenu en contact étroit avec elle et, lorsque son action n'a plus de raison d'être, se trouve réabsorbé en sa source, mais peut toujours être à nouveau exprimé et mis en action. Toutefois, le fil qui maintient la liaison peut également être tranché ou relâché, et ce qui est venu en avant comme émanation poursuivre alors son chemin comme être divin autonome nanti d'un rôle personnel dans le monde. Tous les dieux peuvent ainsi extérioriser de telles émanations, qui leur sont essentiellement identiques en conscience et en pouvoir, bien qu'à un moindre degré. D'une certaine manière, on peut dire de l'univers qu'il est lui-même une émanation du Suprême. Dans la conscience du sâdhak, une émanation de la Mère revêtira généralement l'apparence, la forme et les traits caractéristiques auxquels il est accoutumé.

Du fait de leur origine, on peut dire qu'en un sens, les quatre Pouvoirs de la Mère sont ses émanations, tout comme on peut dire que les dieux sont des émanations du Divin. Mais les quatre Pouvoirs de la Mère présentent un caractère plus établi et permanent: ce sont à la fois des êtres indépendants dont le jeu est autorisé par l'Âdyâ Shakti et des portions de la Mère, la Mahâshakti, qui peut toujours ou bien se manifester par leur intermédiaire sous forme d'êtres séparés ou bien les rassembler comme ses propres Personnalités variées et les conserver au-dedans d'elle-même, tantôt à l'arrière-plan et tantôt en action, selon sa volonté. Sur le plan supramental, ils demeurent en elle et n'agissent pas de manière autonome, mais comme d'intimes portions de la Mahâshakti supramentale et en étroite union et harmonie les uns avec les autres.

5. Dieux

Ces quatre Pouvoirs sont les Divinités cosmiques de la Mère, permanentes en le jeu universel, ils figurent parmi les Divinités cosmiques majeures auxquelles il est fait allusion lorsqu'il est dit que la Mère, en tant que Mahâshakti de ce triple monde, "se tient là (sur le plan du Surmental) au-dessus des dieux". Les dieux, comme il a déjà été dit, sont en leur origine et leur essence des Émanations permanentes du Divin, projetées du Suprême par la Mère transcendante, l'Âdyâ Shakti; en leur action cosmique, ce sont des Pouvoirs et des Personnalités du Divin, chacun doté d'un rang, d'un rôle et d'une tâche cosmiques autonomes dans l'univers. Ce ne sont pas des entités impersonnelles, mais des personnalités cosmiques, bien qu'ils puissent se retrancher et d'ordinaire se retranchent effectivement derrière le mouvement de forces impersonnelles. Mais tandis que, dans le Surmental et le triple monde, ils apparaissent comme des êtres indépendants, dans le Supramental ils retournent à l'Un et là, unis en une seule action harmonieuse, représentent les multiples personnalités de la Personne unique, le Divin Pouroushôttama.

6. Présence

Le mot Présence est utilisé pour indiquer le sentiment et la perception du Divin en tant qu'Être dont on sent la présence dans l'existence et la conscience ou en relation avec elles, sans qu'il soit besoin de recourir à d'autres qualifications ou descriptions. Ainsi, de "l'ineffable Présence", on peut seulement dire qu'elle est là, et il est impossible ou inutile d'en dire davantage, bien que l'on sache, au même moment, que tout s'y trouve, personnalité et impersonnalité. Pouvoir et Lumière et Ânanda et tout le reste, et que tout cela découle de cette Présence indescriptible. On peut parfois utiliser ce mot dans un sens moins absolu, mais telle en est toujours la signification fondamentale — la perception essentielle de l'essentielle Présence qui supporte tout le reste.

7. La Mère transcendante

C'est ce que l'on appelle l'Âdyâ Shakti; c'est la Conscience et la Puissance suprêmes au-dessus de l'univers par qui sont manifestés tous les dieux. Pour entrer dans la manifestation, l'Îshwara supramental lui-même passe par elle — le Pouroushôttama supramental dont les dieux sont les Pouvoirs et les Personnalités.

*

583

Bien sûr, les dieux existent — c'est-à-dire qu'il y a des Pouvoirs qui se tiennent au-dessus du monde et transmettent l'action du Divin. Le mental physique ne croit qu'en ce qui est physique, et c'est lui qui nie leur existence. Il y a aussi des êtres d'autres mondes: dieux et Asoura, etc.

Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 7.

*

584

Il y a des dieux partout sur tous les plans.

*

585

L'aspect dynamique du Divin, c'est le Suprême Brahman, non les Dieux. Les Dieux sont des Personnalités et des Pouvoirs du Divin dynamique. Vous parlez comme si l'évolution était la seule création; mais la création ou manifestation est très vaste et contient de nombreux plans et mondes qui existaient avant l'évolution, tous différents par leur caractère et comportant différentes sortes d'êtres. Le fait qu'ils sont antérieurs à l'évolution ne les rend pas indifférenciés. Le monde des Asoura est antérieur à l'évolution, il en est de même des mondes des Déva mentaux, vitaux ou physiques subtils — mais ces êtres sont tous différents les uns des autres. Les Dieux majeurs appartiennent au plan surmental; dans le supramental, ils sont unifiés en tant qu'aspects du Divin; dans le surmental, ils apparaissent comme des personnalités séparées. Toute divinité peut descendre, par émanation, sur le plan physique et s'associer à l'évolution d'un être humain qui a des affinités avec lui par sa ligne de manifestation. Mais tout cela, le mental ne peut pas facilement le comprendre, parce qu'il a une conception trop rigide de la personnalité; la difficulté disparaît seulement quand on entre dans une conscience plus souple au-dessus où l'on est plus proche de l'expérience de l'Un en tout et du Tout en un.

*

586

Les Formateurs du surmental n'ont rien formé de mauvais: ce sont les forces inférieures qui reçoivent du surmental et défigurent ses formes.

*

587

Dans la descente, il [le mensonge] commence avec le Mental; dans l'ascension évolutive, il est difficile de dire où il commence — car là, le début est Inconscience et Ignorance; mais nous pouvons dire, je suppose, que le mensonge conscient commence là où commence le mental, lorsqu'il est encore involué dans la vie ou dès qu'il sort de la vie.

*

588

Les Dieux" sont dans le Moi universel — si on est identifié avec le Moi universel, on peut y sentir leur présence. Il y a aussi l'expérience du microcosme (l'univers en soi-même) dans lequel tout ce qui est dans le macrocosme (l'univers plus vaste) est présent. Toutes ces choses servent à l'expérience, à la connaissance, et doivent être prises comme telles. Il ne faut leur donner aucune signification purement personnelle.

*

589

Mais qu'entendez-vous par âme? Ma phrase signifiait simplement qu'il n'y a aucune existence qui n'ait, derrière elle, le soutien de quelque chose du Divin. Mais le mot âme a différents sens selon le contexte; il peut désigner le Pourousha soutenant la formation de Prakriti, que nous appelons un être, bien qu'à proprement parler il s'agisse plutôt d'un devenir; il peut ailleurs désigner spécifiquement l'être psychique dans une créature évolutive comme l'homme; il peut désigner l'étincelle du Divin qui a été introduite dans la Matière par la descente du Divin dans le monde matériel et qui soutient toutes les formations en évolution ici-bas. Il n'y a pas, il ne peut pas y avoir d'être psychique dans une créature non évolutive comme l'Asoura; il ne peut pas y en avoir dans un dieu qui n'en a pas besoin pour exister. En revanche, le dieu a un Pourousha et une Prakriti, ou Énergie de nature de ce Pourousha. Si un être quelconque des mondes typiques veut évoluer, il doit descendre sur terre, revêtir un corps humain et accepter de participer à l'évolution. C'est parce qu'ils ne veulent pas le faire que les êtres vitaux essaient de posséder les hommes pour pouvoir jouir des possibilités matérielles de la vie physique sans porter le fardeau de l'évolution ou subir le processus de conversion qui en est le sommet. J'espère que cela est clair et résout le problème.

*

590

Les trois stades dont vous parlez ne sont pas des stades d'évolution, mais des stades de l'involution du Divin dans la Matière. Les Déva et les Asoura n'évoluent pas dans la Matière: les êtres typiques n'ont besoin que d'un Pourousha et de sa Prakriti; ce Pourousha peut émaner un Pourousha mental et vital pour le représenter, et selon qu'il a son centre dans l'un ou l'autre, il appartient au monde mental ou au monde vital. C'est tout.

Nulle part il n'y a de différence essentielle, car tout est fondamentalement le Divin essentiel; la différence est dans la manifestation. Pratiquement, nous pouvons dire que le jîvâtman est l'un des Divins Multiples et est subordonné à l'Unique, l'Âtman est l'Unique soutenant les Multiples. L'être psychique ne se fond pas dans le Jîvâtman, il s'unit à lui, de sorte qu'il n'y a pas de différence entre l'être éternel soutenant la manifestation d'en haut et le même être soutenant la manifestation du dedans, parce que l'être psychique a pleinement pris conscience de l'action du Divin à travers lui. Ce qui est appelé fusion a lieu dans la Conscience divine, quand le Jîvâtman se sent tellement un avec le Divin qu'il n'existe rien d'autre.

*

591

Si les Dieux ne peuvent pas être transformés — car ce sont des êtres typiques non évolutifs — ils peuvent venir ici-bas pour être convertis, c'est-à-dire pour abandonner leurs propres conceptions et leur propre vision des choses, et se conformer à la Volonté plus haute et à la Vérité supramentale du Divin.

*

592

Où, dans "Les Cieux de la Vie"3 avez-vous trouvé que je disais (ou que n'importe qui disait) que les conditions de la terre sont glorieuses et appropriées à la Vie divine? Il n'y a rien de tel dans ce poème! Les Cieux de la Vie sont les paradis des dieux du vital, et il y a là une parfaite harmonie, mais cette harmonie est seulement celle des sens satisfaits et sublimés et des désirs vitaux. S'il doit y avoir une Harmonie, ce doit être celle de tous les pouvoirs élevés à leur sommet et harmonisés. Tous les mondes non évolutifs sont des mondes limités à leur propre harmonie comme les Cieux de la Vie. La Terre, au contraire, est un monde évolutif qui n'est pas du tout glorieux ni harmonieux, même en tant que monde matériel (sauf sous certaines apparences); il est plutôt très douloureux, inharmonieux, imparfait. Pourtant, dans cette imperfection se trouve l'élan vers une perfection plus grande et plus multiforme. Elle contient l'ultime fini qui pourtant aspire ardemment à l'Infini suprême (elle ne se satisfait pas des joies sensuelles, précisément parce que, dans les conditions qui règnent sur terre, elle est capable de voir leurs limites). Dieu est enfermé dans le bourbier (le bourbier n'est pas glorieux, donc rien ici ne prétend à la gloire ni à la beauté), mais ce fait même impose la nécessité de percer le mur de cette prison pour entrer dans une conscience qui s'élève sans cesse vers les sommets. Et ainsi de suite. C'est cela qui est un "pouvoir plus profond", bien que ce ne soit pas réellement une gloire ou une perfection plus grande. Tout cela peut être vrai, ou ne pas l'être, pour le mental, mais c'est l'attitude traditionnelle de l'expérience spirituelle indienne. Demandez à n'importe quel yogi, il vous dira que les Cieux de la Vie sont des choses puériles; même les dieux, dit le Pourâna, doivent descendre sur la terre et s'y incarner en abandonnant l'orgueil de leur perfection limitée s'ils veulent la moukti; ils doivent entrer dans l'ultime fini s'ils veulent atteindre l'ultime infini. Un poème n'est ni un traité de philosophie ni une profession de foi religieuse; c'est l'expression d'une vision ou d'une expérience quelconque, profane ou spirituelle. Ici, c'est la vision des Cieux de la Vie, de leur perfection, de leurs limites, et l'exigence de la Terre, ou plutôt de l'Esprit ou du Pouvoir derrière la conscience terrestre. Il faut le prendre ainsi, comme l'expression d'un certain aspect des choses, l'expression d'une certaine sorte d'expérience, non d'un dogme mental. Il y a une vérité profonde derrière, bien que ce ne soit peut-être pas toute la vérité de l'affaire. Dans le poème, il n'est pas non plus question d'une vie divine ici-bas, bien qu'il y soit fait allusion comme un résultat possible et inexprimé de l'ascension — parce que la Terre n'est pas écartée ("je sentais encore, au-dessous de moi, battre le cœur de la Terre"); néanmoins le poème exprime seulement une ascension vers le Suprême Sommet, loin au-delà des Cieux de la Vie, et l'Esprit de la Terre revendique ce pouvoir sans parler de la descente d'une vie divine.

*

593

Les Dieux ont leurs propres jouissances, mais celles-ci n'ont pas forcément un caractère matériel.

*

594

Il ne semble pas possible qu'une absence d'harmonie existe entre les êtres supérieurs, puisqu'ils ne sont pas soumis à l'ignorance inférieure.

*

595

Il n'y a pas de plans de manifestation sans formes — car sans forme la création, ou la manifestation, ne peut pas être complète. Mais les plans supraphysiques ne sont pas liés aux formes comme le plan physique. Là, les formes sont expressives, et non déterminantes. Ce qui est important dans le plan vital, c'est la force ou le sentiment, et c'est ce qu'exprime la forme. Un être vital a une forme caractéristique, mais il peut la faire varier, ou masquer sa vraie forme sous d'autres formes. Ce qui est primordial sur le plan mental, c'est la perception, l'idée, la signification mentale, et la forme exprime cela, et ces formes mentales aussi peuvent varier — il peut y avoir de nombreuses formes pour exprimer une idée de différentes manières ou de différents points de vue. La forme existe, mais elle est plus plastique et plus variable que dans la nature physique.

Quant aux dieux, l'homme peut construire des formes qu'ils accepteront, mais ces formes sont, elles aussi, introduites dans le mental de l'homme par une inspiration venue des plans auxquels appartient le dieu. Toute création a deux aspects, l'un avec une forme, l'autre sans: les Dieux aussi sont sans forme et pourtant ont des formes, mais une divinité peut revêtir de nombreuses formes, ici Maheshwarî, là Pallas Athénée. Maheshwarî elle-même a de nombreuses formes dans ses manifestations mineures: Dourgâ, Oumâ, Pârvatî, Chandî, etc. Les dieux ne sont pas limités aux formes humaines — et l'homme ne les a pas toujours vus sous la seule forme humaine.

*

596

Le lion monté par Dourgâ est le symbole de la Conscience divine agissant à travers une force du vital physique et du vital émotif divinisés.

*

597

Le lion est l'attribut de la déesse Dourgâ, aspect conquérant et protecteur de la Mère universelle.

La tête de mort est le symbole de l'Asoura (adversaire des dieux) vaincu et tué par le Pouvoir divin.

*

598

Mahâkâlî et Kâlî ne sont pas identiques. Kâlî est une forme mineure. Sur les plans supérieurs, Mahâkâlî apparaît généralement couleur d'or.

*

599

Voici les pouvoirs psychologiques que les dieux apportent avec eux:

Mitra — Harmonie.

Varouna — Immensité.

Aryamana — Pouvoir, Tapasyâ.

Brihaspati — Sagesse (Verbe et Connaissance).

Vishnou — Conscience cosmique.

Vâyou — Vie.

*

600

Oui, Mitra est plutôt une combinaison de deux pouvoirs [Mahâlakshmî et Mahâsaraswatî].

*

601

Vâyou et Indra sont des divinités cosmiques qui président à l'action des principes cosmiques- ils ne sont pas le manomaya puruṣa ou le prāṇamaya puruṣa dans chaque être humain.

Le Pourousha est un être essentiel qui soutient l'action de Prakriti; la divinité (Indra, Vâyou,.etc.) est un être dynamique manifesté en Prakriti pour accomplir les œuvres du plan auquel cette divinité appartient.

*

602

Brahmâ, Vishnou, Shiva ne sont que trois Pouvoirs et Personnalités de l'unique Divinité cosmique.

*

603

Brahmâ est le pouvoir du Divin qui se tient derrière la formation et la création.

Nouvelles Lumières sûr le Yoga, chapitre 7.

*

604

Pour ce qui est de Vishnou le créateur — on dit souvent des trois dieux qu'ils créent l'univers, même de Shiva qui est, traditionnellement, le Destructeur.

*

605

Il n'y a pas de relation particulière entre Shiva et le surmental; le surmental est l'habitat le plus élevé de tous les Dieux. Il vaut mieux ne pas parler du surmental jusqu'à ce que son action soit claire et qu'il ne puisse y avoir aucune méprise.

*

606

Mahâshiva désigne une manifestation plus grande que celle qui est ordinairement vénérée en Shiva — la danse créatrice d'un Divin plus grand manifestant le Pouvoir.

*

607

C'est probablement le royaume de l'esprit créateur et dynamique venant du plan mental le plus élevé que vous avez vu comme le monde de Pârvatî-Shankara.

*

608

Shiva est le Seigneur de Tapas. Le pouvoir est le pouvoir de Tapas. Krishna, en tant que divinité, est le Seigneur de l'Ânanda, de l'Amour et de la Bhakti; en tant qu'incarnation, il manifeste l'union de la sagesse (Jnâna) et des œuvres, et conduit l'évolution terrestre, à travers elle, vers l'union avec le Divin, par l'Ânanda, l'Amour et la Bhakti.

La Dévi est la shakti divine — Conscience et Pouvoir du Divin, Mère et Énergie des mondes. Tous les pouvoirs sont siens. Le pouvoir de Dévi peut parfois désigner le pouvoir de la Force universelle du Monde; mais ce n'est qu'un aspect de la Shakti.

Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 1.

*

609

C'est, je suppose, l'image de Sri Krishna, Seigneur de l'amour divin et de l'Ânanda — et sa flûte appelle l'être physique à s'éveiller et à sortir des attachements du monde physique pour se tourner vers cet amour et cet Ânanda.

*

610

Le jeune garçon à la flûte est Sri Krishna, le Seigneur descendu de l'Ânanda divin dans le jeu du monde; sa flûte est la musique de l'appel qui veut transformer le jeu inférieur ignorant de la vie mortelle pour y apporter la Lîlâ de son Ânanda divin et l'y établir. C'est le psychique en vous qui a entendu l'appel et l'a suivi.

Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 7.

*

611

C'est le Krishna de la Guîtâ (l'enfant Krishna est le Krishna de Brindâvan), Krishna apportant la Connaissance spirituelle, la Volonté, la bhakti — et pas seulement l'amour et la bhakti.

L'œil indique la vision de la conscience spirituelle supérieure, et l'espace bleu cette conscience.

*

612

Bouddha représente la victoire remportée sur l'Ignorance de la nature inférieure.

*

613

Nârada représente l'expression de l'Amour divin et de la Connaissance divine.

*

614

Ganesha est le Pouvoir qui écarte les obstacles par la force de la Connaissance; Kartikeya représente la victoire sur les Pouvoirs hostiles. Évidemment, les noms qui leur sont donnés sont humains, mais les dieux existent.

Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 7.

*

615

Ganesha (entre autres choses) est la Devata de la Connaissance spirituelle — donc, puisque vous êtres en train d'acquérir cette Connaissance, vous vous êtes vu sous cette forme, identifié à Ganesha.

*

616

Le paon est l'oiseau de la Victoire et Kartikeya le conducteur des forces divines.

II

617

Les forces hostiles existent et étaient connues de l'expérience yoguique dès l'époque des Véda et de Zoroastre en Asie (et aussi des mystères d'Égypte et de la Cabale), ainsi qu'en Europe depuis l'antiquité. Ces forces, évidemment, ne peuvent être senties ni connues tant que l'on vit dans le mental ordinaire, ses idées et ses perceptions; car là, on reconnaît seulement deux catégories d'influences: les idées, sentiments, actions de soi-même et des autres, et l'action de l'environnement et des forces physiques. Mais dès que l'on commence à acquérir la vision intérieure des choses, c'est différent. On commence à avoir l'expérience du fait que tout est une action de forces: forces de Prakriti, psychologiques autant que physiques, qui agissent sur notre nature — et ces forces sont conscientes, ou soutenues à l'arrière-plan par une ou des consciences. On se trouve au milieu d'un vaste fonctionnement universel et il n'est plus possible de tout expliquer comme un résultat de sa propre personnalité, seule et indépendante. Vous avez vous-même écrit, à un certain moment, que vos crises de désespoir, etc., vous venaient comme si elles étaient jetées sur vous, et suivaient leur cours jusqu'au bout sans que vous soyez capable de les infléchir ou d'y mettre fin. Cela indique une action des forces universelles et pas seulement une action indépendante menée par votre propre personnalité, bien que ces forces utilisent quelque chose qui fait partie de votre nature. Mais vous n'êtes pas conscient — et les autres non plus — de la source de cette intervention et de cette pression, pour la raison que j'ai indiquée. Ceux qui ont développé la vision intérieure des choses sur le plan vital connaissent bien les forces hostiles. Il n'est cependant pas nécessaire que vous vous en préoccupiez personnellement, tant qu'elles gardent l'incognito.

On peut avoir des expériences sur le plan mental sans que vienne cette connaissance; car sur ce plan l'intellect et l'idée prédominent; et on ne sent pas le jeu des Forces — c'est seulement dans le vital qu'il devient clair. Sur le plan mental, elles se manifestent le plus souvent comme des suggestions mentales et non comme des Pouvoirs concrets. En outre, si l'on regarde les choses avec le mental seul (même si c'est le mental intérieur), on peut voir le jeu subtil des forces de la Nature, mais sans reconnaître l'intention consciente que nous qualifions d'hostile.

*

618

Il y a deux sortes d'Asoura — les uns étaient d'origine divine, mais ont chu de leur divinité par leur volonté personnelle et par leur opposition aux intentions du Divin: les Écritures hindoues les appellent les anciens ou les premiers dieux; ils peuvent être convertis et leur conversion est, en fait, nécessaire aux desseins ultimes de l'univers. Mais l'Asoura ordinaire n'est pas de cette espèce: il n'est pas un être évolutif, mais typique, il représente un principe fixe de la création qui n'évolue pas, ne change pas, et n'est pas destiné à changer. Ces Asoura, comme aussi les autres êtres hostiles, Râkshasa, Pishâtcha et autres, ressemblent aux démons de la tradition chrétienne et s'opposent à l'intention divine et au dessein évolutif dans l'être humain; ils ne changent pas l'intention qui est en eux, pour laquelle ils existent, c'est-à-dire le mal, mais doivent, comme le mal, être détruits. L'Asoura n'a pas une âme, il n'a pas d'être psychique destiné à évoluer jusqu'à un état supérieur; il a seulement un ego et, habituellement, un ego très puissant; il a un mental, parfois même un mental hautement intellectualisé; mais la base de sa pensée et de son sentiment est vitale et non mentale, au service de son désir et non de la vérité. C'est une formation dont se revêt le principe de vie pour un genre de travail particulier, et non une formation divine ou une âme.

*

619

Les Asoura, Râkshasa, etc., n'appartiennent pas à la terre, mais aux mondes supraphysiques; mais ils agissent sur la vie terrestre et disputent aux Dieux la domination de la vie, du caractère et de l'action des hommes. Ce sont des Pouvoirs des Ténèbres qui combattent les Pouvoirs de Lumière.

Parfois, ils possèdent les hommes afin d'agir à travers eux, parfois ils prennent naissance dans un corps humain. Quand ils n'auront plus d'utilité dans le jeu, ils changeront ou disparaîtront, ou encore ne chercheront plus à intervenir dans le jeu terrestre.

*

620

Les Asoura sont, en réalité, le côté sombre du mental, ou plus précisément, du plan mental vital. Ce mental est le domaine même des Asoura. Ils se caractérisent principalement par une force et une lutte égoïstes qui refusent la loi supérieure. L'Asoura a la maîtrise de soi, le tapas et l'intelligence, mais tout cela est au service de son ego. Nous appelons Râkshasa les forces correspondantes sur le plan vital inférieur; ils représentent les passions et les influences violentes. Il y a aussi d'autres sortes d'êtres sur le plan vital qui sont appelés Pishâtcha et Pramatha. Ils se manifestent plus ou moins dans le vital physique.

Sur le plan physique, les forces correspondantes sont des êtres obscurs, plutôt des forces que des êtres, ce que les théosophes appellent les élémentaux. Ce ne sont pas des êtres fortement individualisés comme les Râkshasa ou les Asoura, mais des forces ignorantes et obscures à l'œuvre dans le plan physique subtil. Ce que nous appelons, en sanskrit, les Bhoûta entrent pour la plupart dans cette catégorie. Mais il y a deux sortes d'élémentaux: les uns sont malfaisants, les autres non.

Il n'y a pas d'Asoura dans les plans supérieurs où règne la Vérité, sauf dans le sens védique — "le Divin dans sa force". Les Asoura du mental et du vital ne sont qu'une déviation de ce pouvoir.

*

621

Oui, certains Asoura sont très religieux, très fanatiques à l'égard de leur religion, très stricts quant aux règles de la conduite morale. D'autres, évidemment, sont tout à l'opposé. D'autres encore utilisent des idées spirituelles sans y croire, pour leur donner un tour pervers et égarer le sâdhak. C'est ce que Shakespeare décrivait comme le Démon citant les Écritures pour servir ses desseins.

Actuellement, leur principale activité est d'essayer de soulever l'obscurité et la faiblesse des parties les plus physiques du mental, du vital et de la matière pour empêcher le progrès ou l'accomplissement de la sâdhanâ.

*

622

Les Gandharva appartiennent au plan vital, mais ce sont des Dieux du vital, non des Asoura. De nombreux Asoura ont une belle apparence et peuvent même être revêtus de splendeur ou de lumière. Ce sont les Râkshasa, Pishâtcha, etc. qui ont une apparence laide ou mauvaise.

*

623

Forces hostiles. Leur utilité dans le monde est de donner toute leur chance aux possibilités de l'Inconscience et de l'Ignorance — car ce monde a été conçu pour développer ces possibilités, l'harmonisation supramentale étant son issue finale. La vie, le travail qui s'élaborent ici dans l'Ashram doivent affronter le problème du monde, et doivent par conséquent entrer en conflit — c'était inévitable — avec l'action des Pouvoirs hostiles dans l'être humain.

Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 1.

*

624

L'univers est certainement ou a été jusqu'à présent en apparence un jeu brutal et plein de gaspillage où les dés du hasard sont pipés en faveur des Pouvoirs de l'ombre, des Seigneurs de l'obscurité, du mensonge, de la mort et de la souffrance. Mais il nous faut le prendre comme il est et découvrir — si nous refusons la porte de sortie des anciens sages — le moyen de le conquérir. L'expérience spirituelle montre qu'il y a derrière tout cela un vaste domaine d'équanimité, de paix, de calme, de liberté, et c'est seulement en y pénétrant que nous pouvons acquérir l'œil qui voit et espérer gagner le pouvoir qui conquiert.

Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 1.

*

625

S'il n'y avait pas de forces hostiles, mais qu'il existait pourtant un monde évolutif, il pourrait y avoir l'ignorance, mais non la perversité dans l'ignorance. Tout serait une vérité partielle agissant à travers des instruments imparfaits, mais répondant le mieux possible aux fins de tel ou tel stade d'une manifestation progressive.

*

626

Ce ne sont pas des forces hostiles, ce sont simplement les forces de la Nature ordinaire. Les forces hostiles sont celles qui essaient de tout pervertir, qui sont en révolte contre le Divin et s'opposent au yoga.

*

627

Les forces mineures de la Lumière apportent généralement trop d'obstination dans leur recherche de la Vérité pour que l'efficacité soit leur logique ou leur règle — les êtres hostiles,sont trop pragmatiques pour se soucier de la Vérité, ils ne veulent que la réussite. Quant aux Forces majeures (comme le surmental), elles sont dynamiques et essaient toujours de rendre la conscience efficace, mais elles mettent l'accent sur la conscience, alors que les êtres hostiles ne s'en soucient pas: plus vous êtes inconscient et plus vous êtes un instrument automatique à leur service, plus ils sont contents, car c'est l'inconscience qui leur donne une chance de réussir.

*

628

Le contact avec le monde et les forces hostiles est toujours, évidemment, l'une des difficultés majeures du sâdhak, mais transformer le monde et les forces hostiles est une tâche trop vaste, et la transformation personnelle ne peut attendre que cela soit réalisé. Ce qu'il faut faire, c'est vivre dans le Pouvoir où ces éléments perturbateurs ne peuvent pas pénétrer ou, s'ils y pénètrent, ne peuvent rien perturber, et être suffisamment purifié et fortifié par lui pour n'avoir en soi aucune réaction à ce qui est hostile. S'il se produit un enveloppement protecteur, une descente purificatrice intérieure, et qu'il en résulte dans l'être intérieur l'établissement d'une conscience supérieure qui finalement se substitue à l'ancienne conscience ignorante, jusque dans les parties extérieures les plus extérieurement actives, alors le monde et les forces hostiles n'auront plus d'importance — du moins pour l'âme de chacun; car il y a un travail plus vaste, non personnel, au cours duquel il faudra bien s'en occuper; mais il n'est pas nécessaire que ce soit la préoccupation principale au stade actuel.

*

629

Ce sont les mouvements de la nature inférieure qui se purifient. Les Asoura ne se transforment pas si facilement.

*

630

Peu nombreux sont les Asoura qui ont montré des signes de repentir ou des possibilités de conversion jusqu'à présent. Il n'est pas surprenant qu'ils soient puissants dans un monde d'ignorance, puisqu'ils n'ont qu'à persuader les gens de suivre la pente établie de leur nature inférieure, alors que le Divin leur demande toujours de changer de nature. Il ne faut pas s'étonner que l'Asoura ait une tâche plus facile et, momentanément, plus de succès dans ses machinations. Mais ce succès temporaire n'engage pas l'avenir.

*

631

Certains êtres du vital sont très intelligents, mais ils ne se lient pas d'amitié avec la Lumière — ils essaient seulement d'éviter la destruction et attendent leur heure.

*

632

Les forces mauvaises sont des perversions de la Vérité par l'Ignorance; dans une transformation complète, elles doivent disparaître et la Vérité derrière elle doit être libérée. De cette manière, on peut dire qu'elles seront transformées par destruction.

 

1 Sri Aurobindo a écrit cette lettre pour expliquer certains termes figurant dans son livre La Mère.

En arrière

2 Maheshwarî, Mahâkâlî, Mahâlakshmî, Mahâsaraswatî.

En arrière

3 Poème de Sri Aurobindo (Édition du Centenaire, volume V. p. 574).

En arrière

Sur russe

À l'anglais

in German