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SRI AUROBINDO

Lettres sur le Yoga

Volume 1. Section 1

5. Plans et parties de l'être

II  III  IV  V  VI  VII  VIII  IX  X  XI  XII  XIII 

269

Les hommes ne se connaissent pas eux-mêmes et n'ont pas appris à distinguer les différentes parties de leur être; d'ordinaire, ils les réunissent en bloc sous le nom de mental, parce que c'est par la voie d'une perception et d'une compréhension mentales ou mentalisées qu'ils les connaissent ou les sentent. C'est pourquoi ils ne comprennent pas leurs propres états de conscience, leurs propres actions, ou en tout cas ils ne les comprennent que superficiellement. Devenir conscient de la grande complexité de notre nature, voir les différentes forces qui la font mouvoir, établir sur elle le contrôle de la connaissance directrice, sont autant d'éléments fondamentaux du yoga. Nous sommes composés de nombreuses parties, et chacune apporte sa part au mouvement total de notre conscience, de notre pensée, notre volonté, nos sensations, sentiments et actions. Mais nous ne voyons ni l'origine ni la trajectoire de ces impulsions; nous percevons seulement leurs résultats de surface, confus et pêle-mêle, et nous ne savons rien leur imposer de mieux qu'un ordre précaire et changeant tout au plus.

Le remède ne peut venir que des parties de l'être déjà tournées vers la lumière. Appeler et faire descendre en soi la lumière de la Conscience divine, faire passer l'être psychique au premier plan, allumer une flamme d'aspiration qui éveillera spirituellement le mental extérieur et embrasera l'être vital, telle est la solution.

Lumières sur le Yoga, chapitre 2. Traduction de la Mère.

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Chaque partie de l'être a sa nature propre; il est même possible que différentes natures soient contenues dans une seule partie.

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271

Selon mon expérience, la conscience n'est pas un phénomène dépendant des réactions de la personnalité aux forces de la Nature et réduit à une vision ou à une interprétation de ces réactions. S'il en était ainsi, lorsque la personnalité devient silencieuse et immobile, et qu'elle ne réagit pas, il n'y aurait pas de conscience puisqu'elle ne verrait plus et n'interpréterait plus. Cela est en contradiction avec certaines expériences fondamentales du yoga, par exemple celle d'une conscience silencieuse et immobile s'étendant à l'infini, ne dépendant pas de la personnalité mais impersonnelle et universelle, ne voyant pas et n'interprétant pas les contacts mais consciente d'elle-même dans l'immobilité, ne dépendant pas des réactions mais permanente en soi, même lorsqu'aucune réaction ne se produit. La personnalité subjective elle-même est seulement une formation de conscience qui est un pouvoir inhérent, non à l'activité de la personnalité temporairement manifestée, mais à l'être, au Moi ou Pourousha.

La conscience est une réalité inhérente à l'existence. Elle est là, même quand elle n'est pas active à la surface, mais silencieuse et immobile; elle est là, même quand elle est invisible à la surface, quand elle ne réagit pas aux objets extérieurs ou y est insensible, mais qu'elle est retirée et active ou inactive au-dedans; elle est là, même quand elle nous semble tout à fait absente et que l'être paraît à nos yeux inconscient et inanimé.

La conscience n'est pas seulement le pouvoir de se percevoir soi-même et de percevoir les choses, elle est ou possède aussi une énergie dynamique et créatrice. Elle peut déterminer ses propres réactions ou s'abstenir de réagir; elle peut non seulement répondre aux forces, mais créer des forces ou en émaner. La conscience est Chit, mais aussi Chit-Shakti.

La conscience est habituellement identifiée au mental, mais la conscience mentale n'est que le domaine humain et ne couvre pas plus tous les domaines possibles de conscience que la vision humaine ne couvre toute la gamme des couleurs, ou l'ouïe humaine toute la gamme des sons — car au-dessus et au-dessous, bien des degrés sont pour l'homme invisibles et inaudibles. Il y a de même des domaines de conscience au-dessus et au-dessous du domaine humain, avec lesquels l'homme normal n'a aucun contact et qui lui semblent inconscients: les domaines du supramental, du surmental et du sous-mental.

Quand Yâjnavalkya dit qu'il n'y a pas de conscience dans l'état du Brahman, il parle de la conscience telle que l'être humain la connaît. L'état du Brahman est celui d'une existence suprême suprêmement consciente d'elle-même, svayaṃprakāśa — c'est Satchidânanda, Existence-Conscience-Béatitude. Même s'il est décrit comme au-delà de Cela, parātparam, cela ne signifie pas qu'il est un état de Non-existence ou de Non-conscience, mais qu'il est au-delà même du substrat spirituel le plus élevé (la "fondation au-dessus" selon le paradoxe lumineux du Rig-Véda) de l'existence et de la conscience cosmiques. Selon la description du Tao chinois et du Shoûnya bouddhiste, il s'agit de toute évidence d'un Néant qui contient tout; il en est de même ici de la négation de la conscience. Les termes supraconscient et subconscient ne sont que relatifs; à mesure que nous nous élevons dans le supraconscient, nous voyons que c'est une conscience plus grande que la plus haute que nous ayons déjà atteinte, et par conséquent, dans notre état normal, elle est pour nous inaccessible; si nous pouvons descendre dans le subconscient, nous y trouvons une conscience autre que la nôtre à sa limite mentale inférieure, qui par conséquent nous est d'ordinaire inaccessible. L'inconscient lui-même n'est qu'un état involué de conscience qui, comme le Tao ou le Shoûnya, bien que d'une manière différente, contient toutes choses comprimées en lui, de sorte que sous une pression d'en haut ou du dedans, tout peut évoluer hors de lui — "Âme inerte dotée d'une Force somnambule".

Les gradations de la conscience sont des états universels qui ne dépendent pas de la vision de la personnalité subjective; c'est plutôt la vision de la personnalité subjective qui est déterminée par le niveau de conscience dans lequel elle est organisée, selon la nature de son type ou le stade de son évolution.

Il devient évident que la conscience désigne quelque chose qui est partout essentiellement semblable, mais qui varie en état, en condition et en mode d'action; en elle, à certains niveaux ou dans certaines conditions, les activités que nous appelons conscience peuvent exister, dans un état soit comprimé, soit inorganisé, soit organisé différemment; alors que dans d'autres états, certaines autres activités peuvent se manifester qui, en nous, sont réprimées, inorganisées ou latentes, ou encore se manifestent moins parfaitement, sont moins intenses, moins étendues et moins puissantes que dans ces degrés supérieurs à notre limite mentale la plus haute.

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272

Tout dépend du lieu où la conscience se place et se concentre. Si la conscience se place ou se concentre dans l'ego, vous vous identifiez à l'ego; si elle se place ou se concentre dans le mental, elle s'identifie au mental et à ses activités, et ainsi de suite. Si la conscience exerce sa pression au dehors, on dit qu'elle vit dans l'être extérieur, qu'elle oublie son mental et son vital intérieurs comme son psychique le plus profond; si elle va au-dedans, qu'elle y exerce une pression centralisatrice, alors elle se connaît comme l'être intérieur ou, plus profondément encore, comme l'être psychique; si elle s'élève hors du corps jusqu'aux plans où le moi est naturellement conscient de son immensité et de sa liberté, elle se connaît comme le Moi et non le mental, la vie ou le corps. Toute la différence provient du point où s'exerce cette pression de la conscience. C'est pourquoi il faut concentrer la conscience dans le cœur ou dans le mental afin d'aller au-dedans ou au-dessus: la position de la conscience détermine tout, fait qu'on est plutôt mental, vital, physique ou psychique, enchaîné ou libre, séparé dans le Pourousha ou involué dans la Prakriti.

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La conscience n'a pas besoin d'un "je" clair et individuel pour exercer de diverses façons sa pression centralisatrice: quel que soit le lieu où elle la place, le "je" s'y attache, de sorte qu'on se considère soi-même comme un être mental, un être physique ou n'importe quoi d'autre. La conscience en moi peut s'organiser d'une manière ou d'une autre; elle peut descendre dans le physique et y travailler sur la nature physique, gardant tout le reste à l'arrière-plan ou au-dessus pendant un certain temps; ou elle peut monter au-dessus de la tête et se tenir alors au-dessus du mental, de la vie et du corps, les voyant ainsi comme des formes instrumentales inférieures d'elle-même, ou ne les voyant pas du tout, plongée dans le Moi libre et indifférencié; ou elle peut se jeter dans une conscience cosmique active et dynamique et s'y identifier, ou encore faire toutes sortes d'autres choses sans recourir à cette mouche du coche qui se mêle de tout, à laquelle on accorde beaucoup trop d'importance, et que vous appelez le "je" clair et individuel. Le vrai "je" — si vous tenez à ce mot — n'est pas "clair et individuel", il n'est pas un ego séparé, nettement délimité, il est aussi vaste que l'univers et même plus vaste, il peut contenir l'univers en lui, mais ce n'est pas l'Ahamkâr, c'est l'Âtman.

La conscience est un élément fondamental, l'élément fondamental de l'existence — c'est l'énergie, l'impulsion, le mouvement de conscience qui crée l'univers et tout ce qu'il contient: non seulement le macrocosme, mais aussi le microcosme ne sont rien d'autre que de la conscience en train de s'organiser. Par exemple, quand la conscience dans son mouvement ou plutôt dans une certaine intensité de mouvement s'oublie dans l'action, elle devient une énergie apparemment "inconsciente"; quand elle s'oublie dans la forme, elle devient l'électron, l'atome, l'objet matériel. En réalité, c'est toujours la conscience qui est à l'oeuvre dans l'énergie et détermine la forme et l'évolution de la forme. Quand elle veut se libérer de la Matière, lentement, par évolution, mais toujours dans la forme, elle émerge en vie, en animal, en homme, et elle peut continuer à évoluer en sortant plus encore de son involution et devenir quelque chose de plus qu'un homme. Si vous pouvez saisir cela, alors il ne devrait pas vous être très difficile de voir ensuite qu'elle peut se formuler subjectivement en conscience physique, vitale, mentale, psychique; toutes sont présentes en l'homme, mais comme elles sont toutes mélangées dans la conscience extérieure et que leur état véritable reste à l'arrière-plan dans l'être intérieur, on ne peut devenir pleinement conscient de leur présence qu'en élargissant la limitation imposée à l'origine par la conscience, qui nous fait vivre dans notre être extérieur, en s'éveillant et en se centrant au-dedans sur l'être intérieur. Comme la conscience en nous, lorsqu'elle se concentre ou se place principalement à l'extérieur, doit renvoyer tout cela à l'arrière-plan, derrière un mur ou un voile, elle doit détruire le mur ou le voile et revenir se concentrer dans ces parties intérieures de l'existence — c'est ce que nous appelons vivre au-dedans; alors notre être extérieur nous paraît petit et superficiel, nous sommes, ou pouvons devenir conscients du royaume intérieur, vaste, riche, inépuisable. En même temps, la conscience en nous a placé un couvercle, un écran — appelez cela comme vous voulez — entre les plans inférieurs du mental, de la vie, du corps soutenus par le psychique, et les plans supérieurs qui contiennent les royaumes spirituels où le moi est toujours libre et sans limite, et elle peut briser ou ouvrir le couvercle, l'écran, monter dans ces plans supérieurs et devenir le Moi libre, vaste et lumineux, ou faire descendre l'influence, le reflet et finalement même la présence et le pouvoir de la conscience supérieure dans la nature inférieure.

C'est donc cela la conscience: elle n'est pas composée de parties, elle est le fondement de l'être et donne elle-même une forme à toutes les parties qu'elle choisit de manifester, en les élaborant depuis le haut vers le bas dans une descente progressive depuis les niveaux spirituels vers l'involution dans la Matière, ou en leur donnant une forme au premier plan, dans un mouvement ascendant, par ce que nous appelons l'évolution. Si elle choisit de travailler en vous à travers le sentiment de l'ego, vous pensez que c'est le "je" clairement délimité qui fait tout; si elle commence à se libérer de ce fonctionnement limité, vous commencez à étendre votre sentiment du "je" jusqu'à ce qu'il éclate pour devenir infini et n'existe plus, ou vous vous en dépouillez et vous vous épanouissez pour devenir une immensité spirituelle. Évidemment, ce n'est pas là ce que la pensée matérialiste moderne appelle conscience, parce que cette pensée est assujettie à la science et ne voit la conscience que comme un phénomène qui émerge de la Matière inconsciente et qui consiste en certaines réactions de l'organisme aux objets extérieurs. Mais cela, c'est un phénomène de conscience, ce n'est pas la conscience elle-même, ce n'est même qu'une très petite partie de tous les phénomènes possibles de conscience, et cela ne peut donner aucune indication sur la Conscience, cette Réalité qui est l'essence même de l'existence.

C'est tout pour le moment. Il faudra que vous vous arrêtiez là-dessus — car c'est fondamental — avant qu'il soit utile d'aller plus loin.

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274

La Conscience est faite de deux éléments: la perception du moi, des choses et des forces, et le pouvoir conscient. La perception est la première nécessité, vous devez percevoir les choses dans la conscience juste, de la manière juste, les voir dans leur vérité; mais la perception en elle-même ne suffit pas. Il doit y avoir une Volonté et une Force qui rendent la conscience efficace. L'un peut avoir la pleine conscience de ce qui doit être changé, de ce qui doit partir et de ce qui doit le remplacer, mais il peut se trouver dans l'incapacité d'opérer le changement. Un autre peut avoir la force de volonté, mais faute d'avoir une perception juste, être incapable de l'appliquer de la bonne manière au bon endroit. L'avantage, quand vous êtes dans la vraie conscience, est que vous avez la perception juste, et comme sa volonté est en harmonie avec la volonté de la Mère, vous pouvez appeler la Force de la Mère pour qu'elle opère le changement. Ceux qui vivent dans le mental et le vital ne sont pas capables de le faire aussi bien; ils sont obligés d'utiliser principalement leur effort personnel, et comme la perception, la volonté et la force du mental et du vital sont divisées et imparfaites, le travail effectué est imparfait et n'est pas définitif. C'est seulement dans le supramental que la Perception, la Volonté, la Force sont toujours un seul mouvement et sont automatiquement efficaces.

II

275

Satchidânanda est l'Un sous un triple aspect. Dans le Suprême, les trois ne sont pas trois mais un — l'existence est conscience, et la conscience est béatitude; ainsi les trois sont inséparables, et non seulement inséparables mais tellement l'un l'autre qu'ils ne sont aucunement distincts l'un de l'autre. Sur les plans supérieurs de la manifestation, ils deviennent trois en un; bien qu'ils restent inséparables, l'un des trois peut devenir prédominant et servir de base aux autres ou les diriger. En dessous, sur les plans inférieurs, ils deviennent séparables en apparence, sans l'être cependant en leur réalité secrète; et dans le monde phénoménal, l'un peut exister sans les autres, si bien que nous percevons ce qui nous paraît être une existence inconsciente ou douloureuse, ou une conscience sans Ânanda. En fait, sans cette séparation des trois aspects dans notre expérience, la douleur, l'ignorance, le mensonge, la mort et ce que nous appelons l'inconscience, n'auraient pas pu se manifester, et cette évolution d'une conscience limitée et souffrante sortant de la nescience universelle de la matière n'aurait pas pu avoir lieu.

Lumières sur le Yoga, chapitre 2. Traduction de la Mère.

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276

Le Supramental se situe entre Satchidânanda et la création inférieure. Lui seul contient directement la Vérité déterminante de la Conscience divine, et il est nécessaire à une création de Vérité.

On peut évidemment réaliser Satchidânanda dans ses rapports avec le mental, la vie et le corps aussi — mais c'est alors quelque chose de stable, qui soutient par sa présence la Prakriti inférieure mais ne la transforme pas. Seul le Supramental peut transformer la nature inférieure.

Lumières sur le Yoga, chapitre 2.Traduction de la Mère.

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277

C'est le Pouvoir supramental qui transforme le mental, la vie et le corps, et non la conscience de Satchidânanda qui soutient tout impartialement. Mais c'est par l'expérience de Satchidânanda, pure existence-conscience-béatitude, que l'ascension jusqu'au supramental et la descente du supramental deviennent (très longtemps après) possibles. Car on doit d'abord se libérer de la limitation ordinaire des formations mentales, vitales et physiques, et l'expérience de la paix, du calme, de la pureté et de l'immensité de Satchidânanda donne cette libération.

Le supramental n'est en rien une entrée dans un vide. C'est le Mental, dépassant ses propres limites et suivant à cette fin une voie négative et quiétiste, qui atteint le grand vide. Le mental, étant Ignorance, doit s'annuler pour entrer dans la Vérité suprême — ou du moins, c'est ce qu'il pense. Mais le Supramental étant la Conscience-de-Vérité et la Connaissance divine n'a pas besoin de s'annuler pour cela.

Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 1.

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Dans la conscience supramentale, il n'y a pas de problème: les problèmes sont créés par la division qu'instaure le Mental. Le supramental voit la Vérité comme une totalité unique et tout se met à sa place dans cette totalité. Le supramental est aussi spirituel, mais les anciens yoga atteignent Satchidânanda à travers le mental spiritualisé et partent dans l'unité éternellement statique de Satchidânanda ou plutôt du pur Sat (existence) absolu et éternel, ou encore dans une pure Non-existence, absolue et éternelle. Notre yoga, après avoir réalisé Satchidânanda sur le plan du mental spiritualisé, le réalise ensuite sur le plan supramental.

Le Satchidânanda suprême et supracosmique est au-dessus de tout. Le Supramental peut être décrit comme son pouvoir de perception de soi et de perception du monde, le monde étant connu comme étant en lui et non en dehors de lui. Ainsi pour vivre consciemment dans le Satchidânanda suprême, on doit passer par le supramental. Si l'on est dans le supracosmique en dehors de la manifestation, il n'y a pas place pour les problèmes et les solutions. Si l'on vit à la fois dans la transcendance et dans la vision cosmique, cela ne peut être que par la conscience supramentale dans la conscience suprême de Satchidânanda — alors pourquoi la question se poserait-elle? Pourquoi y aurait-il une différence entre la version du cosmos donnée par le Satchidânanda suprême et la version qui en est donnée par le supramental? Votre difficulté vient sans doute de ce que vous pensez aux deux en termes du mental.

La conscience supramentale est entièrement différente, non seulement du Mental spiritualisé, mais aussi des plans au-dessus du Mental spiritualisé qui interviennent entre celui-ci et le plan supramental. Une fois que l'on dépasse le surmental pour entrer dans le supramental, on pénètre dans une conscience où les normes des autres plans ne s'appliquent pas et où la même Vérité — par exemple Satchidânanda et vérité de notre univers — est vue d'une manière tout à fait différente et a un effet dynamique différent. C'est la conséquence nécessaire du fait que le supramental a une connaissance indivisible, alors que le surmental procède par union dans la division et le Mental par division, prenant la division comme fait premier, car tel est le processus naturel de sa connaissance.

Dans tous les plans l'expérience essentielle de Satchidânanda, pure Existence, Conscience, Béatitude, est la même; le Mental se contente souvent d'elle, la considérant comme la seule Vérité, et rejette tout le reste comme faisant partie de la grande Illusion, mais il y a aussi une expérience dynamique du Divin ou de l'Existence — par exemple de l'Un et du Multiple, du Personnel et de l'Impersonnel, de l'Infini et du Fini, etc. — qui est essentielle à la connaissance intégrale. L'expérience dynamique n'est pas la même sur les plans inférieurs et sur les plans supérieurs, dans les plans spirituels intermédiaires et dans le supramental. Dans ces plans, les oppositions peuvent seulement être rapprochées et harmonisées, dans le supramental elles se fondent et sont inséparablement une, ce qui fait une énorme différence.

L'univers est dynamisme, mouvement — l'expérience essentielle de Satchidânanda, séparée du dynamisme et du mouvement, est statique. L'entière vérité dynamique de Satchidânanda et de l'univers, avec ses conséquences, ne peut être saisie par une conscience autre que le supramental, parce que les instruments de tous les autres plans (plus bas) sont inférieurs et qu'il existe donc une disparité entre la plénitude de l'expérience statique et le caractère incomplet de la connaissance et du pouvoir dynamique résultant de la lumière et du pouvoir inférieurs des autres plans. C'est pour cette raison que la conscience des autres plans spirituels, même si elle descend, ne peut opérer aucun changement radical dans la conscience terrestre, elle ne peut que la modifier ou l'enrichir. Pour la transformation radicale, la descente du pouvoir et de la nature du supramental est nécessaire.

On ne peut pas parler de deux catégories de Satchidânanda, car le Satchidânanda est toujours le même — mais la connaissance du Satchidânanda et de l'univers est différente selon le degré de la conscience qui en a l'expérience.

Le Divin personnel peut être réalisé parfois avec une Forme, parfois sans Forme. Sans Forme, c'est la Présence de la Personne divine vivante, ressentie en tout. Avec Forme, il apparaît comme une image de l'Un à qui l'adoration est offerte. Le Divin peut toujours se manifester dans une forme au bhakta ou au chercheur. On le voit dans la forme sous laquelle on l'adore ou on le cherche, ou sous une forme appropriée à la Personnalité divine qui est l'objet de l'adoration. Son mode de manifestation dépend de bien des choses et est trop varié pour se résumer en une règle unique. Parfois, c'est dans le cœur qu'on voit la Présence revêtue d'une forme, parfois dans un autre centre, parfois au-dessus, et, de là, guidant le chercheur; parfois on la voit au-dehors et devant soi, comme si c'était une Personne dans un corps. Les avantages en sont une relation intime et des directives constantes, ou si on la sent ou la voit au-dedans, une réalisation très forte et très concrète de la Présence constante. Mais on doit être très sûr de la pureté de son adoration et de sa recherche, car l'inconvénient de cette sorte de relation incarnée est que d'autres Forces peuvent imiter la Forme ou contrefaire la voix et les directives, et cela prend d'autant plus de force que c'est associé à une image fabriquée qui n'est pas la vraie chose. Plusieurs disciples ont été abusés de cette manière parce que l'orgueil, la vanité ou le désir étaient forts en eux et leur soustrayaient la perception psychique plus fine qui n'est pas mentale et peut aussitôt projeter la lumière de la Mère sur ces duperies ou ces erreurs.

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279

1. J'appelle Réalité supracosmique le Satchidânanda Suprême qui est au-dessus de cette manifestation-ci et de toutes les manifestations, qui n'est lié par aucune, et de qui procèdent cependant toute manifestation et tout univers.

2. Le supramental et le supracosmique ne sont pas la même chose. S'il en était ainsi, il ne pourrait pas y avoir de monde supramental ni de descente du principe supramental dans le monde matériel; nous serions ramenés à l'idée que la Vérité et la Réalité divines ne peuvent exister qu'au-delà, et que l'univers — n'importe quel univers — ne peut être qu'une demi-vérité ou une illusion de l'ignorance.

3. J'appelle supramental la Conscience-de-Vérité, qu'elle soit dans l'univers ou au-dessus, par laquelle le Divin connaît non seulement sa propre essence et son être, mais aussi sa manifestation. Son caractère fondamental est la connaissance par identité: par elle le Moi est connu, le Satchidânanda est connu, mais aussi la vérité de la manifestation est connue, parce qu'elle aussi est Cela — sarvam khalvidam brahma, vāsudevaḥ sarvam, etc. Le Mental est un instrument de l'Ignorance qui essaie de connaître, le supramental est le Connaisseur possédant la Connaissance, parce qu'il est un avec elle et avec le connu, et donc voit toutes choses dans la lumière de sa propre Vérité, dans la lumière de leur vrai moi qui est Lui. C'est un Pouvoir dynamique et pas seulement statique, non seulement une Connaissance, mais une Volonté selon la Connaissance: il existe un Pouvoir ou Shakti supramental qui peut manifester directement son monde de Lumière et de Vérité où tout est fondé lumineusement sur l'harmonie et l'unité de l'Un, et non troublé par un voile d'Ignorance ni par aucun déguisement. Le supramental, par conséquent, ne transcende pas toute manifestation possible, mais il est au-dessus de la triplicité du mental, de la vie et de la Matière qui constitue actuellement notre expérience de cette manifestation.

4. Le surmental est une sorte de délégation du supramental (ce n'est qu'une métaphore) qui soutient l'univers évolutif actuel où nous vivons ici dans la Matière. Si le supramental avait été le Pouvoir créateur direct ici, dès le commencement, un monde similaire à celui que nous voyons maintenant n'aurait pas pu exister; il aurait été plein de la Lumière divine dès le commencement, il n'y aurait pas eu d'involution dans l'inconscience de la Matière, et par conséquent pas d'évolution graduelle et laborieuse de la conscience dans la Matière. Une frontière est donc tracée entre la moitié supérieure de l'univers de conscience, parārdha, et la moitié inférieure, aparārdha. La moitié supérieure est constituée par Sat, Chit, Ânanda, Mahas (le supramental); la moitié inférieure par le mental, la vie, la matière. Cette frontière est le surmental intermédiaire qui, bien que lumineux lui-même, nous empêche de voir la pleine Lumière supramentale indivisible, dont il dépend en fait, mais que, en la recevant, il divise, répartit, brise en aspects distincts, en pouvoirs séparés, en multiplicités de toutes sortes, qu'il est possible, par une diminution supplémentaire de conscience comme celle que nous atteignons dans le Mental, de considérer chacun comme la seule ou la principale Vérité et tout le reste comme subordonné ou contraire à elle. À cette action du surmental peuvent être appliquées les paroles de l'Oupanishad: "la face de la Vérité est cachée par un Couvercle d'or", ou celles de l'expression védique ṛtena ṛtam apihitam. Ici est à l'œuvre une sorte de vidyā-avidyāmayī māyā qui rend possible la prédominance d'avidyā. C'est par ce principe primitif de division que le Mental est capable de considérer, par exemple, l'Impersonnel comme la Vérité et le Personnel comme un simple masque, ou le Divin personnel comme la Vérité majeure et l'impersonnalité comme un simple aspect; c'est ainsi, de même, que naissent toutes les philosophies et toutes les religions contradictoires, chacune exaltant un aspect ou une potentialité de la Vérité qu'elle présente au mental comme l'explication totale et suffisante des choses, ou exaltant l'une des Divinités du Divin au-dessus de toutes les autres comme le seul vrai Dieu, tel qu'il ne peut y en avoir aucun autre, ou aucun aussi grand ou plus grand. Ce principe de division suit partout la connaissance mentale de l'homme, et même quand il croit être parvenu à l'unité définitive, ce n'est qu'une unité fabriquée, fondée sur un Aspect. Ainsi, l'homme de science cherche à fonder l'unité de la connaissance sur un aspect physique originel des choses, Énergie ou Matière, Électricité ou Éther; ainsi, le mâyâvâdin se croit arrivé à l'Adwaïta absolu en coupant l'existence en deux, appelant la partie supérieure Brahman et la partie inférieure Maya. C'est pourquoi la connaissance mentale ne peut jamais parvenir à une solution définitive en quoi que ce soit, car les aspects de l'Existence tels qu'ils sont dispersés par le surmental sont innombrables et on peut continuer à multiplier sans fin philosophies et religions.

Le surmental lui-même échappe à cette confusion, car le surmental connaît l'Un comme le soutien, l'essence, le pouvoir fondamental de toutes choses, mais dans le jeu dynamique qui lui est propre, il fait valoir son pouvoir de division dans la multiplicité et cherche à donner à chaque pouvoir ou Aspect toutes les occasions de se manifester, se reposant sur l'Unité sous-jacente pour qu'elle empêche le manque d'harmonie ou le conflit. Chaque Divinité, pour ainsi dire, crée son propre monde, mais sans conflit avec les autres; chaque Aspect, chaque Idée, chaque Force des choses peut être ressentie dans la plénitude de son énergie séparée, dans la plénitude de sa splendeur séparée, et élabore ses valeurs, mais cela ne crée pas un manque d'harmonie, parce que le surmental a le sens de l'Infini et que dans l'Infini véritable (non spatial), il est possible à de nombreuses infinités de concorder. Cette sécurité particulière du surmental ne peut cependant pas être transférée aux plans inférieurs de conscience qu'il soutient et dirige, parce qu'à mesure qu'on descend dans l'échelle, la division et la multiplicité s'accroissent; dans le Mental l'unité sous-jacente devient vague, abstraite, indéterminée et indéterminable, et la seule apparence concrète est celle du monde phénoménal qui est, par nature, une forme et une représentation: la vision que l'Un a de lui-même a déjà commencé à disparaître. Le Mental agit par représentations et constructions, en séparant et en tissant ensemble les données qu'il construit; il peut faire une construction synthétique et la voir comme le tout, mais quand il cherche la réalité des choses, il se réfugie dans les abstractions; il n'a pas la vision, l'expérience, le contact concret que recherchent le mystique et le chercheur spirituel. Pour connaître le Moi et la Réalité directement ou véritablement, le Mental doit être silencieux et en refléter une certaine lumière, ou subir un dépassement de soi et une transformation, et cela n'est possible que si une Lumière supérieure descend en lui ou s'il s'élève, est englobé ou est immergé dans une Lumière d'existence plus haute. Dans la Matière, en descendant au-dessous du Mental, nous arrivons au paroxysme de la fragmentation et de la division; l'Un, bien qu'il soit secrètement là, est perdu pour la connaissance; nous avons l'Ignorance complète, et même une Inconscience fondamentale hors de laquelle l'univers doit faire évoluer conscience et connaissance.

5. Si nous considérions Vaïkountha ou Gôlôka comme étant chacun le monde d'une Divinité, Vishnou ou Krishna, nous serions naturellement conduits à chercher son emplacement ou son origine dans le plan surmental. Le surmental est le plan des mondes supérieurs des Dieux. Mais Vaïkountha et Gôlôka sont des conceptions humaines d'états d'être qui sont au-delà de l'humanité. Gôlôka est évidemment un monde d'Amour, de Beauté et d'Ânanda plein de radiances spirituelles (la vache est le symbole de la Lumière spirituelle) dont les âmes sont les gardiens ou les possesseurs, Gopa et Gopî. Il n'est pas nécessaire d'assigner un plan particulier à cette manifestation — en fait cette manifestation ou ses conditions peuvent se refléter ou être possédées sur n'importe quel plan de conscience: le plan mental, le plan vital ou même le plan physique subtil. L'explication qui en est donnée et que vous avez mentionnée n'est donc pas exclue, elle est tout à fait plausible.

6. Il n'est pas possible de situer le Nirvana en tant que monde ou plan, car l'impulsion vers le Nirvana incite à un retrait hors du monde et de ses valeurs; c'est par conséquent un état de conscience ou plutôt de supraconscience qui ne réside en aucun lieu ni à aucun niveau. Il y a plusieurs espèces possibles de Nirvana (extinction ou dissolution). L'homme étant un être mental dans un corps, manomaya puruṣa, tente de se retirer hors du cosmos par la voie du mental spiritualisé; il ne peut pas faire autrement, et c'est cela qui donne au Nirvana cette apparence d'extinction ou de dissolution, laya, nirvāṇa; car l'extinction du mental et de tout ce qui en dépend, y compris l'ego séparateur, dans quelque Au-delà, est la voie naturelle, presque inéluctable d'un tel retrait. Dans un yoga plus positif qui rechercherait la transcendance, mais non le retrait, cela ne serait pas indispensable, car il serait possible d'emprunter la voie, à laquelle j'ai déjà fait allusion, du dépassement de soi ou de la transformation de l'être mental. Mais on peut aussi arriver à la transcendance par une certaine expérience du Nirvana, un silence absolu du mental et une cessation des activités, des constructions et des représentations, qui peut être si complète que non seulement pour le mental silencieux, mais aussi pour les sens passifs, le monde entier est vidé de sa solidité et de sa réalité, et les choses n'apparaissent que comme des formes insubstantielles et n'ayant aucune demeure véritable, ou encore flottant dans une sorte d'Infini ineffable; cet infini, ou bien quelque chose d'autre encore au-delà, est Cela qui seul est réel; un état de calme, de paix, de libération absolus en serait le résultat. L'action continuerait, mais sans initiative ni participation de la part de la conscience silencieuse et libérée; un pouvoir ineffable ferait tout jusqu'à ce que commence une descente d'en haut qui transformerait la conscience, faisant de son silence et de sa liberté une base pour une connaissance, une action lumineuses, pour l'Ânanda. Mais un tel cheminement serait rare; ordinairement un silence du mental, une libération de la conscience, une renonciation à sa croyance en la valeur ou en la vérité définitive des représentations ou des constructions imparfaites du mental suffiraient pour que le fonctionnement supérieur soit possible.

7. Parlons maintenant de la conscience cosmique et du Nirvana. La conscience cosmique est une affaire complexe. Pour commencer elle a deux faces: l'expérience du Moi libre, infini, silencieux, inactif, un en tout et au-delà de tout, et l'expérience directe de l'Énergie cosmique et de ses forces, de ses fonctionnements et de ses formations, cette expérience-ci étant incomplète tant qu'on n'a pas le sentiment d'être aussi vaste que l'Univers et de l'emplir, de le déborder et de le contenir. Auparavant, il peut y avoir des contacts, des communications, des échanges directs avec les forces, les êtres, les mouvements cosmiques, non la complète union du mental avec le Mental cosmique, de la vie avec la Vie cosmique, de la conscience corporelle et physique avec l'Énergie cosmique matérielle et sa substance. Il peut y avoir aussi une réalisation du Moi cosmique non suivie de la réalisation de l'unité dynamique universelle. Ou, au contraire, il peut y avoir une certaine universalisation dynamique de la conscience sans l'expérience du Moi libre et statique omniprésent: l'absorption dans les énergies plus grandes et dans les plaisirs qu'elles procurent barrerait la route qui mène à cette libération. De même, l'identification ou l'universalisation peut se situer sur un plan ou sur un niveau plutôt que sur un autre, à prédominance mentale ou à prédominance émotionnelle (à travers la compassion ou l'amour universel) ou à prédominance vitale d'une autre sorte (expérience des forces de la vie universelle) ou physique. Mais quoi qu'il en soit, même avec la pleine réalisation et l'expérience complète, il devrait être évident que le jeu cosmique serait quelque chose qu'on ressentirait finalement comme limité, ignorant, imparfait par sa nature même. L'âme libre pourrait le contempler sans être touchée ni émue par ses imperfections et ses vicissitudes, et exécuter un travail assigné, essayer de venir en aide à tous ou d'être un instrument du Divin, mais ni le travail, ni l'instrument n'approcherait de la perfection ni même de la pleine lumière, du plein pouvoir, de la pleine béatitude du Divin. Cette perfection, cette plénitude ne pourraient être atteintes que par une ascension dans les plans supérieurs de l'existence cosmique ou par leur descente dans la conscience de l'individu; et si cela n'était ni envisagé ni accepté, il resterait encore l'échappatoire du Nirvana. L'autre voie serait, après la mort, une ascension dans ces plans supérieurs: les paradis des religions ne signifient après tout rien d'autre que ce besoin d'atteindre une Existence plus grande, lumineuse, béatifique, divine.

Cependant, pourrait-on demander, si les plans supérieurs, ou si le surmental lui-même manifestaient leur conscience avec tout leur pouvoir, leur lumière, leur liberté, leur immensité; et si tout cela descendait ici-bas dans une conscience individuelle, est-ce que cela même ne rendrait pas superflu à la fois la négation cosmique ou l'impulsion vers le Nirvana, et le besoin d'atteindre une Transcendance divine? Mais finalement, bien que l'on puisse vivre en union avec le Divin dans une conscience lumineuse, vaste, libre, embrassant en elle-même l'univers, et être le canal de grandes énergies ou de grandes créations, spirituelles ou extérieures, ce monde-ci n'en demeurerait pas moins fondamentalement le même: il y aurait un abîme entre, d'une part, l'Esprit au-dedans, et d'autre part, le milieu où il s'exprime et la substance sur laquelle il agit, entre la conscience intérieure et le monde dans lequel elle est à l'œuvre. L'accomplissement intérieur subjectif, individuel, pourrait être parfait, mais le résultat dynamique serait peu satisfaisant, disparate; ce serait un mélange, non une parfaite harmonie de l'intérieur et de l'extérieur, non un nouveau rythme intégral d'existence ici-bas qui puisse être qualifié de vraiment divin. Seule une conscience comme le supramental, inconditionnée et en parfaite union avec son origine, une Conscience-de-Vérité dotée du pouvoir de se déterminer elle-même librement, serait capable d'instaurer un reflet de la parfaite harmonie, du rythme parfait de l'hémisphère supérieur dans cet échelon le plus bas de l'hémisphère inférieur. Que cela se réalise ou non dépend de la signification de l'existence évolutive; il s'agit de savoir si cette existence est quelque chose d'imparfait par sa nature même, et voué à l'échec, et dans ce cas soit une voie négative de transcendance par un quelconque Nirvana, soit une voie positive de transcendance, peut-être par la rupture de l'écran brillant du surmental, hiraṇmaya pātra pour aller vers ce qui est au-dessus, serait le but final de l'âme s'échappant de cet univers sans signification; à moins toutefois que, comme le Bouddha Amitâbha, on ne soit tenu par la compassion, ou encore par la Volonté divine au-dedans, de continuer à aider et à partager la lutte vers le haut, vers la Lumière, de ceux qui, ici-bas, sont encore dans la nuit de l'Ignorance. Si, au contraire, ce monde est une Lîlâ d'involution et d'évolution spirituelles dans laquelle tous les pouvoirs, jusqu'au plus haut, doivent apparaître successivement, tout comme la Matière, la Vie et le Mental sont déjà apparus hors d'une Inconscience apparemment indéterminée, alors il est possible d'atteindre un autre sommet.

L'impulsion vers le Nirvana a derrière elle deux forces motrices. L'une est le sens de l'imperfection, de la douleur, de la mort, de la souffrance de ce monde: la force motrice originelle du Bouddha. Mais pour échapper à ces afflictions, le Nirvana peut ne pas être nécessaire, s'il y a des mondes supérieurs dans lesquels on peut s'élever, où cette imperfection, cette douleur, cette mort, cette souffrance n'existent pas. Mais cette autre possibilité d'évasion est contrariée par l'idée que ces mondes supérieurs sont eux aussi transitoires et font partie de l'Ignorance, qu'on doit revenir sans cesse ici-bas, jusqu'à ce qu'on ait surmonté l'Ignorance; que la Réalité et l'existence cosmique sont, comme la Vérité et le Mensonge, opposées, incompatibles. C'est là qu'intervient la seconde force motrice, celle de l'appel vers la transcendance. Si le Transcendant n'est pas seulement supracosmique, mais est un Incommunicable lointain, avyavahāryam, que l'on ne peut atteindre sinon par une négation de tout ce qui existe ici-bas, alors une sorte de Nirvana, voire même un Nirvana absolu, est inévitable. Si, au contraire, le Divin est transcendant mais non incommunicable, l'appel demeurera, et l'âme quittera le jeu cosmique plein de vicissitudes pour la béatitude de l'existence transcendante, mais un Nirvana absolu ne sera pas indispensable; une union béatifique avec le Divin offrira son chemin au chercheur. C'est pourquoi la Conscience cosmique est insuffisante et l'impulsion qui pousse les âmes à en sortir si forte; c'est seulement si le couvercle d'or du surmental est dépassé et ouvert, si le contact dynamique avec le supramental et une descente de sa Lumière et de son Pouvoir ici-bas ont été décidés, qu'il peut en être autrement.

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280

Le Divin est partout, sur tous les plans de conscience, et nous le voyons de différentes manières et sous différents aspects de Son être. Mais il y a un Suprême au-dessus de tous ces plans, de toutes ces manières et de tous ces aspects, et c'est de lui qu'ils viennent.

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281

Le Divin peut être partout et est partout, masqué ou à-demi manifesté, ou commençant à se manifester, dans tous les plans de conscience; dans le Supramental, il commence à se manifester sans déguisement ni voile, dans son propre svarūpa.

Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 1

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282

Je ne pense pas qu'il soit toujours possible d'établir des corrélations exactes entre un système de connaissance spirituelle et occulte et un autre. Tous utilisent le même matériau, mais les points de vue et les horizons diffèrent, il y a des divergences dans les conceptions mentales de ce qu'on voit et de ce qu'on expérimente, des objectifs pragmatiques divers et, par conséquent, les sentiers relevés, tracés ou suivis sont différents; les systèmes varient, chacun construit son propre schéma et sa propre technique.

Dans le système de l'Inde antique il n'y a qu'une Trinité céleste, Satchidânanda. Ou si, par hémisphère supérieur, vous entendez l'univers céleste, il y en a trois, le plan de Sat, le plan de Chit et le plan d'Ânanda. On pourrait y ajouter un quatrième, le supramental, puisqu'il procède des trois autres et appartient à l'hémisphère supérieur. Les systèmes indiens ne faisaient pas la distinction entre deux pouvoirs et niveaux de conscience tout à fait différents, l'un que nous pouvons appeler surmental et l'autre qui est le vrai supramental ou Gnose Divine. C'est la raison pour laquelle ils se sont trompés au sujet de Maya (Force surmentale ou Vidyâ-Avidyâ) et l'ont prise pour le pouvoir créateur suprême. En s'en tenant à ce qui n'était encore qu'une demi-lumière, ils ont perdu le secret de la transformation, même si les yoga vishnouïte et tantriques ont tâtonné pour le retrouver et ont été parfois sur le point de réussir. Au reste, cela a été, je crois, la pierre d'achoppement de toutes les tentatives menées pour découvrir la Vérité divine dynamique; je n'en connais aucune qui n'ait imaginé, sitôt qu'elle sentait descendre les clartés surmentales, que c'était la véritable illumination, la Gnose, de sorte qu'elle s'arrêtait là et ne pouvait aller plus loin, ou encore en tirait la conclusion que cela aussi n'était que Maya ou Lîlâ, et que la seule chose à faire était de passer au-delà dans quelque silence immuable et inactif du Suprême.

Il se pourrait peut-être que les plans célestes signifient plutôt les trois principes de base de la manifestation actuelle. Dans le système indien, ce sont Îshwara, Shakti et Jîva, ou encore Satchidânanda, Maya et Jîva. Mais dans notre système qui cherche à aller au-delà de la manifestation actuelle, il serait très possible d'admettre ceux-ci comme allant de soi et, du point de vue des plans de conscience, les trois plans les plus élevés: Ânanda (sur lequel reposent Sat et Chit), le supramental et le surmental pourraient être appelés les trois Plans célestes. Le Surmental se trouve au sommet de l'hémisphère inférieur, et on doit traverser et dépasser le surmental, si l'on veut atteindre le supramental, alors qu'au-dessus et au-delà du supramental se trouvent les mondes du Satchidânanda.

Vous parlez d'un abîme au-dessous du surmental. Mais y a-t-il un abîme — ou un abîme autre que l'inconscience humaine? Dans toute la série des plans ou des degrés de conscience il n'y a nulle part aucun abîme véritable, il y a toujours des gradations intermédiaires, et on peut monter degré par degré. Entre le surmental et le mental humain se trouvent un certain nombre de gradations de plus en plus lumineuses; mais comme elles sont supraconscientes pour le mental humain (sauf une ou deux parmi les plus basses dont lui parviennent quelques contacts directs), celui-ci est enclin à les considérer comme une Inconscience supérieure. Ainsi, l'une des Oupanishad parle de la conscience de l'Îshwara comme d'un suṣupti. Sommeil profond, parce que, habituellement, l'homme n'y entre qu'en Samâdhi tant qu'il n'essaie pas de transformer sa conscience de veille en un état supérieur.

Il y a, en fait, deux systèmes simultanément actifs dans l'organisation de l'être et de ses parties: l'un est concentrique, série d'anneaux ou d'enveloppes dont le psychique est le centre; l'autre est vertical, une montée et une descente, comme un escalier, une série de plans superposés ou le surmental-supramental est le nœud crucial du passage par-delà l'humain vers le Divin. Pour ce passage, s'il doit être en même temps une transformation, il n'y a qu'un moyen, qu'un sentier. D'abord il doit y avoir une conversion vers l'intérieur, une plongée au-dedans pour y chercher l'être psychique profond et le ramener à la surface, découvrant du même coup les parties mentales intérieures, vitales intérieures, physiques intérieures de la nature. Ensuite, il doit y avoir une ascension, une série de conversions vers le haut et un retour vers le bas pour convertir les parties inférieures. Quand on a effectué la conversion intérieure, on répand l'influence psychique dans toute la nature inférieure, afin qu'elle soit prête pour la transformation divine. En s'élevant on passe au-delà du mental humain et, à chaque étape de la montée, il y a une conversion en une nouvelle conscience et une infusion de cette conscience nouvelle dans la totalité de la nature. En nous élevant ainsi au-delà de l'intellect, à travers le mental supérieur illuminé, jusqu'à la conscience intuitive, nous commençons à tout regarder non dans les limites de l'intellect ou à travers l'intellect en tant qu'instrument, mais d'une hauteur intuitive plus grande et à travers une volonté, un sentiment, une émotion, une sensation, un contact physique devenus intuitifs. Ainsi, procédant de l'Intuition vers une hauteur surmentale plus grande, une nouvelle conversion se produit et nous voyons, nous ressentons tout à partir de la conscience surmentale et à travers un mental, un cœur, un vital et un corps chargés de la pensée, de la vision, de la volonté, du sentiment, de la sensation, du jeu de force et du contact du surmental. Mais la dernière conversion est la conversion supramentale, car une fois arrivés là — une fois que la nature est supramentalisée — nous sommes au-delà de l'Ignorance, et une conversion de la conscience n'est plus nécessaire, encore qu'une progression divine ultérieure et même un développement infini soient encore possibles.

16.04.1931

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283

Il y a un monde de l'Ignorance, il y a aussi des mondes de la Vérité. La création n'a ni commencement ni fin. C'est seulement en parlant d'une création particulière que l'on peut dire qu'elle a un commencement et une fin.

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284

Vous devez vous rappeler qu'il y a dans les plans inférieurs des reflets des Mondes supérieurs qui peuvent facilement être ressentis comme suprêmes à ce stade de l'évolution. Mais le Satchidânanda suprême n'est pas un monde, il est supracosmique. Le monde de Sat (Satyaloka) est, dans l'échelle, le plus haut qui soit relié à cet univers-ci.

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285

C'est le Tapoloka originel, dans lequel le principe est Chit et son pouvoir de Tapas, mais il y a d'autres mondes de Tapas sur les autres plans au-dessous. Il y en a un dans le domaine mental, un autre dans le domaine vital. L'être que vous avez vu venait sans doute d'un de ces mondes de Tapas.

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286

Au-dessus de l'univers matériel que nous voyons, il y a un plan vital (existant en soi); au-dessus du matériel et du vital, il y a un plan mental (existant en soi). Les trois ensemble — mental, vital et physique — sont appelés le triple univers de l'hémisphère inférieur. Ils se sont établis dans la conscience terrestre par l'évolution; mais ils existaient en eux-mêmes avant l'évolution, au-dessus de la conscience terrestre et du plan matériel auquel appartient la terre.

Lumières sur le Yoga, chapitre 2. Traduction de la Mère.

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287

Si nous contemplons dans son ensemble la gradation des mondes ou des plans, nous voyons un grand mouvement complexe dans lequel ils sont reliés; les plus hauts précipitent leurs influences dans les plus bas, les plus bas réagissent aux plus hauts et élaborent ou manifestent en eux-mêmes, à l'intérieur de leur formule propre, quelque chose qui correspond au pouvoir supérieur et à son action. Le monde matériel a fait évoluer la vie en obéissant à une pression du plan vital, et le mental en obéissant à une pression du plan mental. Il essaie maintenant de faire évoluer le supramental en obéissant à une pression du plan supramental. Pour parler d'une manière plus détaillée, certaines forces, certains mouvements, pouvoirs et êtres particuliers d'un monde supérieur peuvent se jeter dans le monde inférieur pour établir des formes appropriées et correspondantes qui les relieront au domaine matériel et, pour ainsi dire, y reproduiront ou y projetteront leur action. Et chaque chose créée ici-bas a, pour la soutenir, des enveloppes ou des formes plus subtiles d'elle-même qui la font subsister et la relient à des forces agissant d'en haut. L'homme, par exemple, possède, en plus de son corps physique grossier, des enveloppes ou corps plus subtils grâce auxquels il vit, derrière le voile, en liaison directe avec les plans supraphysiques de conscience, et peut être influencé par leurs pouvoirs, leurs mouvements et leurs êtres. Ce qui a lieu dans la vie a toujours, par derrière, des mouvements et des formes préexistant sur les plans du vital occulte; ce qui a lieu dans le mental présuppose des mouvements et des formes préexistant dans les plans du mental occulte. C'est un aspect des choses qui devient de plus en plus évident, pressant, important, à mesure que nous progressons dans un yoga dynamique.

Mais tout ceci ne doit pas être pris dans un sens trop rigide ou trop mécanique. C'est un mouvement immense et souple plein du jeu des possibilités et que l'on doit saisir par un toucher ou un sens souple et subtil dans la conscience qui voit. Cela ne peut pas se réduire à une formule trop rigoureusement logique ou mathématique. Deux ou trois points doivent être soulignés pour que nous ne perdions pas de vue cette plasticité.

D'abord, chaque plan, malgré sa relation avec les autres plans au-dessus et au-dessous de lui, est cependant un monde en soi, avec ses mouvements, forces, êtres, types, formes propres, existant comme pour lui-même et pour eux, soumis à ses propres lois, pour sa propre manifestation, apparemment sans tenir compte des autres membres de la grande série. Ainsi, si nous considérons le plan vital ou le plan physique subtil, nous en voyons de grandes étendues (la plus grande partie) existant en elles-mêmes, sans aucun relation avec le monde matériel et sans aucun mouvement qui l'affecte ni ne l'influence ni, encore moins, qui précipite une manifestation correspondante dans la formule physique. Tout au plus pouvons-nous dire que l'existence de quoi que ce soit dans le vital, dans le physique subtil ou dans tout autre plan crée la possibilité d'un mouvement de manifestation qui lui correspond dans le monde physique. Mais il faut quelque chose de plus pour que cette possibilité statique ou latente se change en une potentialité dynamique ou en un élan réel vers une création matérielle. Ce quelque chose peut être un appel du plan matériel, par exemple une force ou un être de l'existence physique qui entre en contact avec un pouvoir, un monde ou une partie d'un monde supraphysique, et qui est poussé à le faire descendre dans la vie sur terre. Ou ce peut être une impulsion dans le plan vital lui-même ou dans un autre plan, par exemple un être vital poussé à étendre son action vers la terre et à y établir un royaume pour lui-même ou pour le jeu de forces qu'il représente dans son propre domaine. Ou ce peut être une pression d'au-dessus: par exemple, un pouvoir supramental ou mental précipitant sa formation venue d'en haut et élaborant des formes et des mouvements au niveau vital comme un moyen de faire passer sa propre création dans le monde matériel. Ou toutes ces choses peuvent agir ensemble, et c'est là qu'apparaît la plus grande possibilité d'une véritable création.

Deuxièmement, il s'ensuit que seule une partie limitée de l'action du plan vital ou d'autres plans plus élevés concerne l'existence terrestre. Mais même cette partie limitée crée une masse de possibilités bien plus grande que ce que la terre peut, à un moment donné, manifester ou contenir dans ses propres formules moins souples. Toutes ces possibilités ne se réalisent pas; certaines échouent complètement et laissent tout au plus une idée qui n'aboutit pas; certaines font une tentative sérieuse et sont repoussées et vaincues, et même si elles sont actives pendant un certain temps, n'arrivent à rien. D'autres se manifestent à moitié, et c'est le résultat le plus fréquent, d'autant plus que ces forces supraphysiques, vitales ou autres, entrent en conflit et ne doivent pas seulement surmonter la résistance de la conscience physique et de la matière, mais encore leur propre résistance par laquelle elles s'exterminent mutuellement. Certaines arrivent à précipiter leurs résultats en une création plus complète et plus réussie, de sorte que si l'on compare cette création à son original dans le plan supérieur, il y a une ressemblance plus ou moins étroite ou même une reproduction ou une traduction apparemment exacte de la formule supraphysique en formule physique. Et pourtant même là, l'exactitude n'est qu'apparente; le fait même de traduire en une autre substance et un autre rythme de manifestation crée une différence. C'est quelque chose de nouveau qui s'est manifesté, et c'est ce qui fait la valeur de la création. Quelle serait, par exemple, l'utilité d'une création supramentale sur terre, si elle était identique à une création supramentale sur le plan supramental? Elle est la même, en principe, mais pourtant différente: c'est une nouvelle et triomphante découverte de Soi du Divin dans des conditions qui n'existent pas ailleurs.

C'est sans aucun doute le physique subtil qui est le plus proche du physique et le plus semblable à lui. Cependant, les conditions sont différentes et la chose aussi est différente. Par exemple, le physique subtil a une liberté, une souplesse, une intensité, un pouvoir, une couleur, un jeu vaste et multiple (il contient des milliers de choses qui n'existent pas ici) dont, jusqu'à présent, nous n'avons aucune possibilité sur terre. Et pourtant il y a ici quelque chose, une potentialité de Divin, que l'autre plan, en dépit de ses plus grandes libertés, n'a pas, quelque chose qui rend la création plus difficile, mais qui, par son résultat final, justifie le labeur.

01.09.1930

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288

La plupart des événements se produisent dans le vital avant de se produire dans le physique, mais ce qui arrive dans le vital ne se réalise pas toujours dans le physique, ou ne se réalise pas de la même façon. Il y a toujours, ou du moins habituellement, un changement dans la forme, le moment, les circonstances, dû aux conditions différentes du plan physique.

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289

Ces perceptions sont justes dans l'ensemble. Chaque plan est vrai en soi, mais n'est vrai que partiellement pour le supramental. Quand ces vérités plus hautes pénètrent le physique, elles essaient de s'y réaliser, mais ne peuvent le faire qu'en partie et dans les conditions du plan matériel. Seul le supramental peut surmonter cette difficulté.

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290

Les mondes célestes sont au-dessus du corps. Les parties du corps correspondent à des plans: physique subtil, vital supérieur, moyen et inférieur, mental. Chaque plan est en communication avec les divers mondes qui lui appartiennent.

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291

Il s'agit ici de la conscience extérieure, de la conscience intérieure et du supraconscient.1 Les termes éveil, rêve, sommeil sont utilisés parce que dans la conscience ordinaire de l'homme, seul l'être extérieur est éveillé, l'être intérieur est en grande partie subliminal et n'agit directement que dans un état de sommeil où ses mouvements sont ressentis comme des objets de rêve et de vision; alors que le supraconscient (supramental, surmental, etc.) est encore plus loin que ce domaine et apparaît au mental comme un sommeil profond.

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292

Mais pourquoi voulez-vous rattacher ces choses à l'âme? Ces quatre noms2 désignent quatre conditions du Brahman ou du Moi transcendant et universel; ce sont simplement des condition d'Être et de Conscience: le Moi qui soutient l'état de veille ou conscience de sthūla, le Moi qui soutient l'État de Rêve ou conscience subtile, le Moi qui soutient l'État de Sommeil profond ou Conscience causale, kāraṇa, et le Moi dans la conscience supracosmique. L'individu participe évidemment, mais ce sont des conditions du Moi, non le Moi et l'âme. Le sens de ces expressions est défini dans la Mandoukya Oupanishad.

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293

Ces deux groupes de trois noms chacun signifient les mêmes choses. Vishwa ou Virât = l'Esprit de l'univers extérieur; Hiranyagarbha ou Taïdjasa (le Lumineux) = l'Esprit dans les plans intérieurs; Prajnâ ou Îshwara = l'Esprit supraconscient, Maître de toutes choses et Moi supérieur dont tout dépend. Le Mental ne peut pas être Îshwara.

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294

Virât est la manifestation extérieure, et si nous considérons tout cela comme Brahman sans savoir ce qui est derrière la manifestation, nous tomberons dans l'erreur intellectuelle du panthéisme, et nous ne nous rendrons pas compte alors que le Divin est plus que cette manifestation extérieure et ne peut pas être connu par elle seule. Dans le vital, nous risquons de tomber dans l'erreur d'accepter ce qui est obscur et imparfait au même titre que ce qui œuvre pour la lumière et la perfection divine. Bien d'autres erreurs peuvent aussi en découler.

III

295

Le terme supramental désigne la pleine Conscience-de-Vérité de la Nature divine dans laquelle le principe de division et d'ignorance ne peut trouver place; c'est toujours une pleine lumière et une pleine connaissance supérieures à toute substance mentale, à tout mouvement mental. Entre le supramental et le mental humain se situent un certain nombre de domaines, de plans ou de zones de conscience — on peut les considérer de diverses manières — dans lesquels l'élément ou la substance du mental, et par conséquent ses mouvements aussi, deviennent de plus en plus illuminés, puissants, vastes. Le surmental est le plus haut de ces domaines; il est plein de lumières et de pouvoirs; mais du point de vue de ce qui est au-dessus de lui, c'est la frontière où l'âme se détourne de la connaissance complète et indivisible et commence sa descente vers l'Ignorance. Car bien qu'il procède de la Vérité, c'est en lui que commence la séparation des aspects de la Vérité, des forces et de leurs résultats, comme s'il s'agissait de vérités indépendantes, et c'est un processus qui aboutit, à mesure que l'on descend vers le Mental ordinaire, la Vie et la Matière, 'à une division, une fragmentation, une séparation complète de la vérité indivisible au-dessus. Il n'y a plus cette connaissance essentielle, totale, parfaitement harmonisatrice et unificatrice, ou plutôt cette connaissance à jamais harmonieuse parce qu'à jamais une qui caractérise le supramental. Dans le supramental, les divisions et les oppositions mentales cessent d'exister, les problèmes créés par notre mental de division et de fragmentation disparaissent et la Vérité est vue comme un tout lumineux. Dans le surmental, ce n'est pas encore la véritable chute dans l'Ignorance, mais le premier pas est fait qui rendra la chute inévitable.

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296

Le supramental est la Vérité Unique déployant et définissant la manifestation de ses Pouvoirs; tous ces Pouvoirs agissent comme une Unité multiple, en harmonie, sans opposition ni conflit, selon l'Unique Volonté inhérente à tous. Le surmental s'empare de ces Vérités et de ces Pouvoirs et les met en œuvre comme si chacun était en lui-même une force, avec les conséquences que cela implique: il peut y avoir une harmonie dans leur action, mais elle est synthétique et surtout partielle plutôt qu'inhérente et inévitable, et à mesure que l'on descend du surmental le plus élevé, la séparation, les heurts et les conflits entre les forces augmentent, la possibilité de séparation domine, l'ignorance croît, l'existence devient un conflit de possibilités qui s'entrechoquent, un mélange de demi-vérités discordantes, une énigme, un rébus non résolu et apparemment insoluble.

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297

Si le Supramental ne devait pas nous donner une vérité plus grande et plus complète qu'aucune de celles des plans inférieurs, cela ne vaudrait pas la peine de chercher à l'atteindre. Chaque plan possède ses propres vérités. Quelques-unes cessent d'être vraies sur un plan plus élevé; le désir et l'ego, par exemple, sont des vérités de l'Ignorance mentale, vitale et physique; à ce niveau, un homme sans ego ni désir serait un automate tamasique. Lorsque nous montons plus haut, l'ego et le désir n'apparaissent plus comme des vérités; ce sont des mensonges qui défigurent la personne véritable et la volonté véritable. La lutte entre les Puissances de Lumière et les Puissances des Ténèbres est une vérité ici-bas; mais à mesure que nous nous élevons, elle perd de sa vérité, et dans le Supramental elle n'en a plus du tout. D'autres vérités subsistent, mais changent de caractère et d'importance, de place dans l'ensemble. La différence ou le contraste entre le Personnel et l'Impersonnel est une vérité du surmental (Overmind): dans le Supramental (Supermind), ces aspects n'ont pas de vérité séparée, ils sont un, inséparablement. Mais celui qui n'a pas maîtrisé ni vécu les vérités du surmental ne peut pas atteindre à la Vérité supramentale. L'orgueil incompétent de l'intellect humain établit des distinctions tranchantes; il veut s'élancer d'un seul bond vers la plus haute vérité, quelle qu'elle soit, et appeler tout le reste mensonge — mais c'est une erreur ambitieuse et arrogante. On doit gravir l'échelle en posant le pied fermement sur chaque échelon si l'on veut arriver au sommet.

Lumières sur le Yoga, chapitre 1. Traduction de la Mère.

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298

Je ne comprends pas. Divin Personnel ne signifie pas Avatar. J'ai dit que la scission entre les deux aspects du Divin est une création du surmental qui saisit divers aspects du Divin et les sépare en des entités distinctes. Il divise ainsi Sat, Chit et Ânanda qui deviennent alors trois aspects séparés, différents l'un de l'autre. En fait, dans la Réalité, il n'y a pas de séparation: les trois aspects sont si fondus l'un dans l'autre, si inséparablement un qu'ils sont une seule réalité indivise. Il en est de même du Personnel et de l'Impersonnel, de Sagouna et Nirgouna, du Brahman silencieux et du Brahman actif. Dans la Réalité, ce ne sont pas des aspects contrastés et incompatibles; ce que nous appelons Personnel et ce que nous appelons Impersonnel sont inséparablement fondus ensemble en une Unique Vérité. En fait, même l'expression "fondus ensemble" est erronée: n'ayant jamais été séparés, ils n'ont pas à être "fondus". Toutes les querelles sur l'Impersonnel qui serait la seule vraie vérité ou le Personnel qui serait la seule vérité suprême sont des créations du mental et dérivent de cet aspect séparateur du surmental. Le surmental, contrairement au mental, ne nie aucun des aspects, il les admet tous comme des aspects de l'Unique Vérité, mais en les séparant, il engendre cette querelle dans le mental qui est plus ignorant, plus limité et plus divisé, parce que le mental n'a pas la faculté de voir comment deux contraires peuvent exister ensemble dans une seule Vérité, comment le Divin peut être nirguṇo guṇī; n'ayant pas l'expérience de ce qui est derrière ces deux termes, il donne à chacun son sens absolu. L'Impersonnel est Existence, Conscience, Béatitude, il n'est pas une Personne, mais un état. La Personne est l'Existant, le Conscient, le Béatifique; conscience, existence, béatitude, prises séparément, ne sont que des états de son être. Mais en fait les deux (être personnel et état éternel) sont inséparables et sont une seule réalité.

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299

Il n'est guère possible de dire ce qu'est le supramental dans le langage du Mental, même du Mental spiritualisé, car il est une conscience tout à fait différente et agit d'une manière différente. Tout ce qu'on peut en dire sera vraisemblablement incompris ou mal compris. Ce n'est qu'en le devenant que nous pouvons savoir ce qu'il est, et cela aussi ne peut se faire qu'après un long processus par lequel le mental, s'élevant et s'illuminant, devient Intuition pure (non cette chose mélangée qu'on nomme ordinairement ainsi) et s'agglomère pour devenir le surmental; ensuite le surmental peut être soulevé jusqu'au supramental et s'en infuser jusqu'à ce que s'opère sa transformation.

Dans le supramental, tout se connaît par sa propre lumière, il n'y a ni divisions, ni oppositions, ni aspects séparés comme dans le mental dont le principe consiste à diviser la Connaissance en parties et à opposer toutes les parties entre elles. Le surmental s'en approche à son sommet et est souvent pris à tort pour le supramental, mais il ne peut l'atteindre — sauf par l'élévation et la transformation.

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300

C'est (parfois directement, parfois indirectement) par le pouvoir du surmental libérant le mental de ses cloisonnements étroits que la conscience cosmique s'ouvre dans le chercheur et qu'il commence à percevoir l'esprit cosmique et le jeu des forces cosmiques.

C'est à partir du plan surmental, ou du moins à travers lui, que se fait l'aménagement préalable, originel, des choses de ce monde, car c'est lui qui est à l'origine des vibrations déterminantes. Mais il y a des mouvements correspondants sur tous les plans: le mental, le vital, le physique même, et il est possible, dans un état très clair et illuminé de la conscience inférieure, de commencer à percevoir ces mouvements, de comprendre le schéma des choses, d'être un instrument conscient ou même, dans une mesure limitée, une Volonté ou une Force déterminante. Mais la substance des plans inférieurs se mêle toujours aux forces du surmental quand elles descendent et diminue ou même falsifie et pervertit leur vérité et leur pouvoir.

Il est même possible au surmental de transmettre aux plans inférieurs de conscience un reflet de la Lumière supramentale; mais tant que le supramental ne se manifeste pas directement, sa Lumière est modifiée dans le surmental même, et plus encore dans l'application qui en est faite, par les besoins, les exigences, les possibilités limitées de la nature individuelle. L'effet de cette Lumière amoindrie et modifiée, par exemple dans la purification du physique, ne peut pas être immédiat et absolu comme le serait l'action pleine et directe du supramental; il est encore relatif, subordonné à la nature individuelle et à l'équilibre des forces universelles; les pouvoirs adverses y résistent, la perfection de son résultat est contrecarrée par le mauvais vouloir des mécanismes inférieurs qui refusent de cesser de fonctionner, il est limité soit dans son étendue, soit dans son efficacité par l'absence d'un consentement total de la nature physique.

Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 4.

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301

Il faut atteindre le Surmental et le faire descendre avant que le Supramental ait la moindre possibilité de descendre, car le Surmental est le passage par lequel on va du Mental au Supramental.

C'est dans le Surmental que prennent naissance tous les arrangements divers de la Vérité créatrice des choses. Du Surmental, ils descendent à l'Intuition, d'où ils sont transmis au Mental illuminé et au Mental Supérieur afin d'y être adaptés à notre compréhension. Mais au cours de cette transmission et à mesure qu'ils descendent vers les niveaux inférieurs, ils perdent de plus en plus leur pouvoir et leur certitude. Dans le mental humain, ils perdent ce qu'ils possédaient d'énergie de Vérité directement perçue; car à l'intellect, ils se présentent seulement comme des considérations spéculatives et non comme une Vérité éprouvée, non comme une vue directe ou comme une vision dynamique jointe à une expérience concrète et indéniable.

Lumières sur le Yoga, chapitre 2. Traduction de la Mère.

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302

Le surmental a différents plans. L'un est mental, créateur direct de toutes les formations qui se manifestent au-dessous dans le monde mental: c'est le-surmental mental. Au-dessus est l'intuition surmentale. Encore au-dessus sont les plans du surmental qui sont reliés de plus en plus étroitement au supramental et sont d'un caractère partiellement supramental. Au sommet des plans du surmental est le surmental supramental ou gnose surmentale. Mais cela, vous ne pouvez pas le comprendre avant d'avoir une expérience plus haute. Cela ne vous est pas accessible actuellement. Seuls ceux qui sont entrés pleinement dans la conscience cosmique peuvent comprendre, et même ceux-là n'en sont pas capables au début. Il faut d'abord avoir pleinement l'expérience du mental supérieur, du mental illuminé et de l'intuition avant que ce soit possible.

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303

Ce n'est pas si simple — mais il [le surmental] peut, pour plus de commodité, être divisé en quatre plans: le surmental mental et les trois dont vous parlez (surmental intuitif, surmental vrai et surmental supramental), mais il y a bien d'autres zones à l'intérieur de chacun, et chacune de ces zones peut être considérée en elle-même comme un plan.

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304

Ce n'est pas impossible — c'est parfaitement possible sur les plans plus vastes. L'infini est partout, une fois qu'on a brisé les limites individuelles.

Il y a de nombreuses étapes dans le passage du surmental mental au surmental supramentalisé, et de celui-ci au supramental. Ne vous hâtez pas de dire: "Voici le dernier, le plus élevé des plans du surmental."

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305

Ce que vous appelez surmental supramental3 est encore le surmental, et non pas une partie du vrai supramental. On ne peut entrer dans le vrai supramental (sauf dans une sorte de transe ou Samâdhi) avant d'avoir objectivé la vérité surmentale dans la vie, la parole, l'action, la connaissance extérieure; il ne suffit pas d'en avoir eu l'expérience intérieure en méditation.

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306

À l'époque où les derniers chapitres de La Synthèse des yoga ont été écrits dans l'Arya, le mot "surmental" n'avait pas été trouvé, c'est pourquoi il n'y figure pas. Ces chapitres décrivent l'action du supramental quand il descend dans le plan surmental, s'empare des fonctionnements du surmental et les transforme. Le supramental le plus élevé ou gnose divine, existant en soi, est situé encore au-delà et bien au-dessus. L'intention était de montrer, dans les derniers chapitres, à quel point même cela est difficile, combien de niveaux il y a entre le mental humain et le supramental, et comment même le supramental, en descendant, pouvait se trouver mélangé à l'action inférieure et changé en une vérité moindre que la vraie Vérité. Mais ces derniers chapitres n'ont pas été écrits.

13.04.1932

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307

La distinction [entre surmental et supramental] n'a pas été faite dans l'Arya parce qu'à cette époque ce que j'appelle maintenant le surmental était censé être un plan inférieur du supramental. Mais c'était parce que je les voyais du Mental. La véritable insuffisance du surmental, la limitation qu'il contient et qui a donné naissance à un monde d'ignorance, n'apparaît pleinement que lorsqu'on le regarde à partir de la conscience physique, depuis le résultat (Ignorance dans la Matière) jusqu'à la cause (division surmentale de la Vérité). Sur son propre plan, le surmental semble n'être qu'un jeu divisé, à facettes multiples, de la Vérité, et le Mental peut facilement le prendre pour une région du supramental. Le Mental aussi, quand il est inondé par les lumières du surmental, se sent vivre dans une révélation surprenante de la divine Vérité. La difficulté intervient quand nous avons affaire au vital et plus encore au physique. Il devient alors impératif de faire face à la difficulté et de distinguer nettement entre surmental et supramental — car il est alors évident que le Pouvoir surmental (en dépit de ses lumières et de ses splendeurs) ne suffit pas à surmonter l'Ignorance, parce qu'il subit lui-même la loi de la Division d'où est sortie l'Ignorance. Il faut passer au-delà et supramentaliser le surmental pour que dans le mental et tout le reste puisse s'opérer la transformation finale.

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308

Ce qu'il appelle surmental, ce sont probablement les premières zones de la conscience au-dessus du mental. Ou peut-être s'agit-il des expériences venues des régions plus vastes du Mental ou du Vital. Pour le mental humain, celles-ci sont si grandes qu'il est facile de les prendre pour le surmental ou même le supramental. On peut recevoir des contacts indirects du surmental si l'on s'ouvre à la conscience cosmique, et mieux encore si l'on entre librement dans cette conscience. L'expérience directe du surmental ne peut venir que si une partie au moins de l'être est fermement établie dans l'immensité et la paix.

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309

L'Intuition est au-dessus du Mental illuminé, qui est simplement le Mental supérieur élevé à une plus grande luminosité et davantage ouvert aux formes modifiées de l'intuition et de l'inspiration.

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310

L'Intuition est le premier plan où il y ait une réelle ouverture à la pleine possibilité de réalisation — c'est à travers elle que l'on va plus loin: d'abord au surmental et ensuite au supramental.

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311

L'Intuition voit la vérité des choses par un contact intérieur direct, non pas, comme l'intelligence mentale ordinaire, en tâtonnant à la recherche de contacts indirects par les sens, etc. Mais l'Intuition est limitée, par comparaison au supramental, en ce qu'elle voit les choses par éclairs, point par point, non comme une totalité. De plus, en entrant dans le mental, elle se mêle au mouvement mental et forme une sorte d'activité mentale intuitive qui n'est pas la vérité pure, mais quelque chose d'intermédiaire entre la Vérité supérieure et la recherche mentale. Elle peut aider la conscience à franchir une sorte d'étape de transition, et c'est là pratiquement sa fonction.

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312

La connaissance mentale intuitive attrape directement un aspect de la vérité, mais. sans qu'il soit en rien complet ni certain, et l'intuition se mêle facilement à une substance mentale ordinaire qui peut être erronée; dans son application, elle se laisse facilement traduire en une demi-vérité ou alors être mal interprétée et mal appliquée au point de devenir une erreur. De plus, le mental imite aisément l'intuition d'une manière qui rend difficile la distinction entre une véritable intuition et une fausse. C'est la raison pour laquelle les intellectuels se méfient de l'intuition mentale et disent que ses suggestions ne peuvent être adoptées ou suivies à moins d'avoir été mises à l'épreuve et confirmées par l'intellect. Ce qui vient de l'intuition surmentale contient une lumière, une certitude, une force efficace de Vérité que le mental intuitif n'a pas, même dans les meilleures conditions.

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313

Il y a des intuitions mentales, vitales, physique-subtiles, de même qu'il y a des intuitions venant du Mental supérieur et du Mental illuminé.

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314

Cette erreur [l'identification de buddhi avec vijñāna et avec l'intuition] a été introduite par l'intellectualisme excessif des philosophes et des commentateurs. Je ne pense pas que le terme bouddhi englobe l'intuition considérée comme un élément séparé, par nature, de l'intellect: les intellectualistes considéraient que l'intuition n'était qu'une opération rapide de la pensée intellectuelle — et ils le pensent toujours. Dans la Taïttiriya Oupanishad le sens de vijñāna est très clair: son essence est ṛtam, la Vérité spirituelle; mais ensuite l'identification avec buddhi s'est généralisée.

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315

Je ne pense pas qu'ils veuillent dire expressément intuition; ils considèrent buddhi comme le moyen de la connaissance et y incluent donc toute la connaissance; et comme le vijñānamaya koṣa est l'enveloppe de la Connaissance, ils pensent que cette expression doit signifier buddhi. Il est évident que non. Le texte que vous avez cité décrit évidemment quelque chose de beaucoup plus élevé que buddhi. C'est le satyam ṛtam bṛhat de l'Oupanishad — la conscience-de-vérité du Véda.

IV

316

Dans notre yoga, l'expression "être central" sert généralement à désigner la partie du Divin dans l'homme qui soutient tout le reste et qui survit à travers la mort et la naissance. Cet être central a deux formes: en haut, il est le jîvâtman, notre être véritable, dont nous prenons conscience quand vient la connaissance de soi supérieure; en bas, il est l'être psychique qui se tient derrière le mental, le corps et la vie. Le jîvâtman est au-dessus de la manifestation dans la vie et y préside; l'être psychique est présent derrière cette manifestation et la soutient.

L'attitude naturelle de l'être psychique est de se sentir l'Enfant, le Fils de Dieu, le Bhakta; c'est une parcelle du Divin, une avec lui en essence, quoique dans la dynamique de la manifestation il existe toujours une différence, même dans l'identité. Le jîvâtman, au contraire, vit dans l'essence et peut se fondre en une identité avec le Divin; mais lui aussi, dès l'instant où il préside à la dynamique de la manifestation, se reconnaît comme un centre du Divin multiple et non comme le Paraméshwara. Il est important de se rappeler cette distinction; car autrement, si l'on a le moindre égoïsme vital, on peut commencer à se croire un Avatar, ou bien perdre l'équilibre, comme Hridaya4 avec Râmakrishna.

Lumières sur le Yoga, chapitre 2. Traduction de la Mère.

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317

Le mot Jîva a deux sens dans les langues sanskritiques: il signifie une créature vivante,5 et il signifie aussi l'esprit individualisé qui soutient l'être vivant dans son évolution de naissance en naissance. Dans ce second sens, le terme complet est jîvâtman: l'Âtman, esprit ou moi éternel de l'être vivant. La Guîtâ en parle d'une façon imagée comme "d'une parcelle éternelle du Divin" mais le terme "fragmentation" (employé par vous) est trop fort; il pourrait s'appliquer aux formes, non à l'esprit qu'elles contiennent. En outre, le Divin multiple est une réalité éternelle antérieure à la création ici-bas. Une description détaillée du jîvâtman serait: "le Divin multiple manifesté ici-bas en tant que moi ou esprit individualisé de l'être créé". Le jîvâtman, dans son essence, ne change ni n'évolue; son essence reste au-dessus de l'évolution personnelle. Dans l'évolution, il est représenté par l'être psychique qui se développe et soutient tout le reste de la nature.

Le Védânta Adwaïta (monisme) déclare que le jîva n'a pas d'existence réelle, puisque le Divin est indivisible. Une autre école attribue au jîva une existence réelle, mais non indépendante: il est, dit-on, un en essence, différent dans la manifestation, et puisque la manifestation est réelle, éternelle, et n'est pas une illusion, le jîva ne peut être appelé irréel. Les écoles dualistes affirment que le jîva constitue une catégorie indépendante et insistent sur la triplicité: Dieu, Âme et Nature.

Lumières sur le Yoga, chapitre 2. Traduction de la Mère.

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318

Le jîvâtman n'est pas l'être psychique — nous avons adopté caitya puruṣa comme équivalent sanskrit de l'être psychique. Le jîvâtman est le Moi individuel — l'être central.

L'être central est ce qui n'est pas né, n'évolue pas, mais préside à toute la manifestation individuelle. Le psychique est sa projection ici-bas — car l'être psychique est dans l'évolution et soutient du dedans toute notre évolution; il reçoit l'essence de toute expérience et par ce moyen fait progresser la personnalité vers Dieu.

Le Moi est à la fois un en tous et multiple — un dans son essence, il se manifeste aussi comme le moi individuel qu'on peut décrire comme une éternelle parcelle du Divin dans la Nature et, dans l'esprit, comme un centre de la manifestation, individuel mais étendant son universalité et s'élevant à la transcendance.

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319

Nous appelons jîvâtman le moi individuel. En essence il est un avec tous les autres, mais dans la multiplicité du Divin il est le moi individuel, un centre individuel de l'univers: il voit tout en lui-même, ou lui-même en tout, ou les deux ensemble, selon son état de conscience et son point de vue.

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320

Le moi, Âtman, est dans sa nature soit transcendant, soit universel (Paramâtmâ, Âtmâ). Quand il s'individualise et devient un être central, alors il est le jîvâtman. Le jîvâtman sent à la fois son unité avec l'universel et sa séparation centrale en tant que parcelle du Divin.

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321

L'âme, qui représente l'être central, est une étincelle du Divin et soutient toute existence individuelle dans la Nature; l'être psychique est une forme consciente de cette âme, il croît dans l'évolution, dans le processus continu qui élabore en premier lieu la vie dans la Matière, puis le mental dans la vie, jusqu'à ce qu'enfin le mental puisse se développer pour devenir le surmental et le surmental se transformer en Vérité supramentale. L'âme soutient la nature dans son évolution à travers ces degrés, mais n'est elle-même aucun d'eux.

La Nature inférieure, aparā prakṛti, est cette Nature visible, extérieurement objective, superficiellement subjective, qui manifeste toutes ces mentalités, ces vies et ces corps. La Nature suprême, parā prakṛti, dissimulée derrière elle, est la nature même du Divin — Conscience-Force suprême qui manifeste le Divin multiple sous forme de Multiples. Ces Multiples sont en eux-mêmes des Moi éternels du Suprême dans sa suprême Nature, parā prakṛti. Ici, par rapport à notre monde, ils apparaissent comme les jîvâtman soutenant l'évolution des existences naturelles, sarva-bhūtāni, dans le Devenir mouvant qui est la vie du kṣara (mobile ou mouvant) puruṣa. Les Jîva (ou jîvâtman) ne sont pas la même chose que les créatures, sarva-bhūtāni. Les jîvâtman, en réalité, se tiennent au-dessus de la création, bien qu'ils s'y intéressent; les existences naturelles, sarva-bhūtāni, sont les créatures de la Nature. L'homme, l'oiseau, la bête, le reptile sont des existences naturelles, mais le Moi individuel en eux n'est pas, même pour un instant, de la nature de l'homme, de l'oiseau, de la bête ou du reptile; dans son évolution, il est le même à travers tous ces changements, être spirituel qui se prête au jeu de la Nature.

Ce qui est originel et éternel à jamais dans le Divin, c'est l'Être; ce que le Pouvoir divin élabore en conscience: états, forces, formes, etc., c'est le Devenir. Le Divin éternel est l'Être; l'univers dans le Temps et tout ce qui est visible en lui est un Devenir. L'Être éternel dans sa nature supérieure, Para Prakriti, est à la fois Un et Multiple; mais la Multiplicité éternelle du Divin, quand il se tient derrière les existences créées, sarva-bhūtāni, apparaît comme (ou, comme nous disons, devient) le Jîva, parā prakṛtir jīvabhūtā. Dans le psychique, au contraire, il y a deux aspects: l'existence psychique ou âme située en arrière, et au premier plan la forme d'individualité qu'elle prend en évoluant dans la Nature.

L'âme ou psyché n'est immuable que dans le sens où elle contient toutes les possibilités du Divin; mais elle doit les développer et, dans cette évolution, elle prend la forme d'un individu psychique en développement qui fait évoluer, dans la manifestation, la Prakriti individuelle et participe à l'évolution. C'est l'étincelle du Feu divin qui croît derrière le mental, le vital et le physique au moyen de l'être psychique, jusqu'à ce qu'elle soit capable de transformer la Prakriti d'Ignorance en Prakriti de Connaissance. Cet être psychique en évolution n'est donc à aucun moment la totalité de ce que l'âme ou existence psychique essentielle porte en elle; il rend temporel et individuel ce qui est potentiellement éternel, transcendant par essence, dans cette projection de l'esprit.

L'être central est l'être qui préside aux naissances successives, mais il est lui-même non-né, car il ne descend pas dans l'être, mais se tient au-dessus de lui; il assure la cohésion de l'être mental, vital et physique, et de toutes les parties diverses de la personnalité; il dirige la vie soit par l'intermédiaire de l'être mental, de la pensée et de la volonté mentales, soit par l'intermédiaire du psychique, selon que l'un ou l'autre se trouve plus en avant ou plus puissant dans la nature. S'il n'exerce pas son autorité, la conscience est dans un grand désordre et chaque partie de la personnalité agit pour son propre compte, de sorte qu'il n'y a aucune cohérence dans la pensée, le sentiment ou l'action.

L'être psychique n'est pas au-dessus mais derrière; il est situé derrière le cœur, son pouvoir n'est pas une connaissance, mais un sentiment essentiel ou spirituel: il a au plus haut degré le sens clair de la Vérité et une sorte de perception innée de la Vérité qui est de la nature d'une perception de l'âme, d'un sentiment de l'âme. C'est notre être le plus profond, et il soutient tous les autres: mental, vital, physique, mais il est aussi très voilé par eux et doit agir sur eux comme une influence plutôt que par son droit souverain à agir directement; son action directe ne devient normale et prépondérante qu'à un stade élevé de développement ou par le yoga. Ce n'est pas l'être psychique qui, comme vous le sentez, vous donne des intuitions sur l'avenir ou vous met en garde contre les conséquences de certaines actions: c'est une certaine partie de l'être intérieur, tantôt le mental intérieur, tantôt le vital intérieur, tantôt (cela se peut) le Pourousha physique intérieur ou subtil. L'être intérieur — mental intérieur, vital intérieur, physique intérieur ou subtil — sait beaucoup de choses qui ne sont pas connues du mental extérieur, du vital extérieur, du physique extérieur, car il a un contact plus direct avec les forces secrètes de la Nature. L'être psychique est, de tous, le plus intérieur; ses prérogatives sont une perception de la vérité qui est inhérente à la substance la plus profonde de la conscience, un sens du bien, du vrai, du beau, du Divin.

L'être central — le jîvâtman qui ne naît pas, n'évolue pas, mais préside à la naissance de l'individu et à son évolution — émane un représentant de lui-même sur chaque plan de la conscience. Sur le plan mental, c'est l'être mental véritable, manomaya puruṣa; sur le plan vital, c'est l'être vital véritable, prāṇamaya puruṣa; sur le plan physique, l'être physique véritable, annamaya puruṣa. Chaque être, tant que persiste l'Ignorance, est par conséquent centré autour de son Pourousha mental, vital ou physique selon le plan sur lequel il vit principalement, et c'est pour lui son être central. Mais le vrai représentant est tout le temps caché derrière le mental, le vital et le physique: c'est le psychique, notre être le plus profond.

Quand la connaissance la plus profonde commence à apparaître, nous devenons conscients de l'être psychique en nous, il vient au premier plan et conduit la sâdhanâ. Nous devenons conscients aussi du jîvâtman. Moi indivisé ou Esprit au-dessus de la manifestation dont le psychique est le représentant ici-bas.

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322

Le vrai mental, le vrai vital et le vrai physique, qui constituent l'être intérieur véritable, représentent, chacun sur son plan, l'être central et lui obéissent, mais l'ensemble de la nature (en particulier la nature extérieure) ne le fait pas, non plus que la personnalité ordinaire, mentale, vitale ou physique. C'est l'être psychique qui est l'être central pour les besoins de l'évolution: il croît et se développe, mais il y a un être central au-dessus, ignoré du mental, qui préside secrètement à l'existence et dont l'être psychique est le représentant dans la nature manifestée. C'est lui qu'on appelle le jîvâtman.

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323

Le psychique est une étincelle du Divin, mais je ne pense pas qu'on puisse dire qu'il soit une parcelle du jîvâtman: c'est la même chose émanée d'une manière différente.

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324

C'est un peu difficile à expliquer. Le mieux serait peut-être que je divise ma réponse en un certain nombre d'exposés séparés: tout est devenu trop compliqué pour qu'on puisse faire autrement.

1. Il est impossible d'assimiler ma conception ou mon expérience du jîvâtman, au "je" pur de l'Adwaïta, par lequel vous désignez, je suppose, quelque chose qui dit "je suis Lui" et qui par cette perception se fond dans le Brahman. Selon l'Adwaïta des mâyâvâdin, ce jîvâtman, comme l'Îshwara lui-même, est simplement une apparence du Brahman dans la Maya illusoire. Il n'y a pas d'Îshwara. Seigneur du monde, parce qu'il n'y a pas de monde, sauf en Maya; il n'y a pas non plus de jîvâtman, mais seulement le Paramâtman illusoirement perçu comme un moi individuel par la conscience inférieure (illusoire) dans Maya. Au contraire, ceux qui veulent s'unir à l'Îshwara considèrent le jîva ou le ressentent soit comme un être séparé dépendant de l'Îshwara, soit comme quelque chose qui est un en essence avec lui et cependant en diffère, mais cette différence est éternelle comme l'unité essentielle; il y a aussi d'autres conceptions du jîvâtman et de sa relation avec le Divin ou Suprême. Donc ce "je" pur, s'il faut le décrire ainsi, se présente différemment, sous des aspects différents, peut-on dire, à des personnes différentes. Si vous demandez pourquoi, je vous renvoie à la réponse que j'ai adressée à X: le surmental présente la vérité des choses sous toutes sortes d'aspects et le mental, même le mental spirituel, s'accroche à l'un ou à l'autre, le considérant comme la vérité même. comme la vérité unique et réelle de chacun de ces aspects. C'est le mental qui établit ces différences, mais cela n'a pas d'importance, parce que l'être mental, à travers sa propre manière de voir et de ressentir l'âme ou la conscience individualisée (appelez cela comme vous voulez) va là où il doit aller. J'espère que cette première étape de l'exposé est claire.

2. Je ne conteste pas du tout qu'il soit possible de réaliser le Moi, le Brahman ou l'Îshwara sans entrer dans les régions au-dessus de la tête, les plans spirituels dynamiques, ou sans s'installer en permanence au-dessus du corps comme dans notre yoga. Même si cette réalisation s'opère par la voie du sahasrâra celui-ci s'étend jusqu'au mental spiritualisé et est senti au sommet de la tête, donc aucune montée au-dessus n'est indispensable. Mais à part cela, on peut très bien, comme vous le dites, réaliser l'Âtman en se tenant en arrière du mental et du cœur, en se détachant des parties de Prakriti, en cessant de s'identifier au mental, à la vie et au corps, en entrant dans un silence intérieur. Il n'est même pas besoin d'explorer les royaumes du mental intérieur ou du vital intérieur, moins encore est-il obligatoire d'étendre ses ailes dans les régions au-dessus. Le Moi est partout, et en entrant dans le détachement et le silence complets, ou même soit par l'un, soit par l'autre, on peut recevoir n'importe où quelque aperçu, quelque reflet, peut-être même un reflet complet du Moi, ou un sentiment de sa présence ou d'une immersion de soi dans ce qui est libre, vaste, silencieux, éternel, infini. De toute évidence, si c'est un "je" pur, de quelque nature qu'il soit, qui a l'expérience, la conscience qui en a la réalisation doit le considérer comme le moi individuel de l'Être, le jîvâtman.

3. On peut aussi avoir l'expérience de soi-même comme étant non le mental, mais le penseur, non le cœur, mais le moi ou "je" qui soutient les sentiments, non la vie, mais ce qui soutient la vie, non le corps, mais ce qui revêt un corps. Ce moi peut évidemment être dynamique autant que silencieux; ou encore, on pourrait dire que bien qu'il soit silencieux et immobile, de son silence il fait naître le dynamisme de la Nature. On peut aussi sentir que cela est l'Esprit un en tous autant que le vrai "je" au-dedans de soi. Tout dépend de l'expérience. Très fréquemment, c'est l'expérience du Pourousha, souvent senti d'abord comme le Témoin silencieux, soutenant toute la nature; mais on peut aussi avoir l'expérience du Pourousha comme le Connaisseur et l'Îshwara. Tantôt c'est en tant que Pourousha mental ou à travers lui, dans un centre ou dans un autre, tantôt en tant que Pourousha vital ou à travers lui, que l'on peut commencer à percevoir son moi ou esprit. Il est possible aussi de devenir conscient de son être psychique secret au-dedans, comme étant par lui-même l'individu vrai; ou on peut percevoir l'être psychique comme le "je" pur, les autres se tenant dans le mental ou le vital comme ses représentants dans ces domaines ou à ces niveaux. Selon son expérience, chacun peut parler de l'un ou de l'autre comme du jîva ou du "je" pur (cette dernière expression est très ambiguë) ou de la vraie Personne, ou du véritable Individu qui se connaît comme un avec l'Être universel ou transcendant, ou parcelle de lui, ou entièrement dépendant de lui, et cherche à se fondre en lui ou à monter jusqu'à lui pour être lui ou vivre en unité avec lui. Tout cela est tout à fait possible sans que soit nécessaire l'expérience au-dessus de la tête ou la Permanence stable au-dessus de la tête.

4. Deux questions se posent alors: pourquoi ne dirait-on pas que le jîvâtman qui peut être réalisé de cette manière est le "je" pur dont le moi inférieur a l'expérience et à travers lequel il atteint le salut? Pourquoi serait-il nécessaire d'entrer dans les plans au-dessus de la tête? En premier lieu ce "je" pur ne semble pas être un intermédiaire indispensable à la libération, qu'elle consiste à entrer dans le Moi ou le Brahman impersonnel ou dans tout ce qui est éternel. Les bouddhistes n'admettent aucune âme ou moi, aucune expérience du "je" pur; ils réduisent la conscience à un paquet de saṃskāra, se débarrassent des samskâra et ainsi se libèrent pour entrer dans un Permanent qu'ils refusent de décrire, ou dans un shoûnya. L'expérience d'un "je" pur ou jîvâtman n'est donc pas obligatoire pour ceux qui, tout en voulant entrer par la libération dans l'Éternel, se contentent d'y parvenir sans s'élever au-delà du mental spiritualisé pour pénétrer dans une Lumière supérieure au-dessus. J'ai moi-même eu l'expérience du Nirvana, du silence dans le Brahman, etc., bien avant d'avoir eu aucune connaissance des plans spirituels au-dessus de la tête; cela a commencé simplement par une tranquillité absolue et un effacement, pour ainsi dire, de toute activité intérieure mentale, émotionnelle ou autre — le corps continuait, en fait, à voir, marcher, parler et vaquer à ses affaires, mais comme un automate vide et rien de plus. Je ne suis devenu conscient d'aucun "je" pur, ni même d'aucun moi, impersonnel ou autre — il y avait seulement une perception de Cela comme étant la seule Réalité, tout le reste étant totalement insubstantiel, vide, non réel. Ce qui réalisait cette Réalité, c'était une conscience sans nom qui n'était pas différente de Cela;6 peut-être pourrait-on l'exprimer ainsi — mais on ne peut pas aller jusque-là puisqu'il n'y avait pas de concept mental — et on ne peut pas en dire plus. Je ne percevais pas non plus une âme inférieure ou un moi extérieur portant tel ou tel nom personnel, qui aurait accompli l'exploit de parvenir à la conscience du Nirvana. Alors qu'advient-il de votre "je" pur ou de votre "je" inférieur dans tout cela? La conscience (non telle ou telle partie de la conscience, ni aucun "je" d'aucune sorte) se vida soudain de tout contenu intérieur et ne garda plus que la perception d'un cadre irréel et de Quelque Chose de réel mais d'ineffable. Vous pouvez dire qu'il devait y avoir la conscience, sinon d'un "je" pur, du moins d'une existence en train de percevoir; mais s'il en était ainsi, c'était une chose pour laquelle aucun de ces termes ne semble approprié.

5. J'ai dit que l'ascension au-dessus de la tête n'est pas indispensable aux objectifs spirituels habituels, mais elle est indispensable aux objectifs de notre yoga. Car le but est de devenir conscient de tout l'être, de le libérer, de le transformer et de l'unifier dans la lumière d'une Conscience-de-Vérité qui est au-dessus et ne peut être atteinte s'il n'y a pas de mouvement entièrement tourné vers l'intérieur, s'il n'y a pas de mouvement qui transcende et se tourne vers le haut. D'où la complexité de tous mes exposés psychologiques pris comme un ensemble; celui-ci n'est pas nouveau dans son essence, car on en trouve une grande partie dans les Oupanishad et ailleurs; il l'est par le caractère complet de sa formulation d'ensemble et par ses développements orientés vers un yoga intégral. Nul n'a besoin d'admettre tout cela, à moins de partager le même but; pour atteindre d'autres objectifs, c'est inutile et cela peut même fort bien être excessif.

6. Mais il ne faudrait pas s'attendre à ce que celui qui a accompli l'exploration intérieure et l'ascension, et dont la conscience est établie au-dessus, voie les choses exactement comme on les voit d'en-dessous. Le jîvâtman est pour moi le Non-Né qui préside à l'être individuel et à ses développements, s'associe à lui mais est au-dessus de lui et d'eux, et qui, par la nature même de son existence, se connaît comme universel et transcendant autant qu'individuel et sent que le Divin est son origine, la vérité de son être, le maître de sa nature, la substance même de son existence. Il est plongé dans le Divin et il est un avec l'Éternel pour toujours, il perçoit sa propre expression et son propre dynamisme instrumental qui sont ceux du Divin, il dépend en amour et en félicité, dans l'adoration, de Cela avec quoi, dans l'amour et la félicité, il est un, capable de relation dans l'unité, harmonieux dans sa multiplicité, sans contradictions parce que sa conscience et son existence sont autres que le mental, même le mental spiritualisé; il est une conscience intrinsèque de l'Infini, infini non seulement en essence mais en capacité, qui peut être, dans sa propre perception de soi, toutes choses et pourtant à jamais semblable et un. La réalisation du trois-en-un, pleine de difficultés pour le mental, est par conséquent tout à fait naturelle, aisée, indiscutable pour la conscience supramentale ou, en général, pour la conscience de l'hémisphère supérieur. Elle peut être vue et sentie comme connaissance dans tous les plans spirituels, mais la connaissance complètement indivisible, la pleine dynamique ne peut en être réalisée qu'au moyen de la conscience supramentale elle-même, sur son propre plan ou par sa descente ici-bas.

7. La description du "je" pur est tout à fait insuffisante pour exprimer la réalisation du jîvâtman; on pourrait plutôt le décrire comme la vraie Personne ou l'Individu divin, bien que cela non plus ne soit pas approprié. Au fond le mot "je" suggère toujours l'ego, la séparativité; mais il n'y a pas de séparativité dans cette vision du moi, car l'individu ici est un centre vivant et spirituel d'action pour l'Un, et ne se sent pas séparé de tout ce qui est l'Un.

8. Le jîvâtman a, dans la nature individuelle ici-bas, un pouvoir qui le représente; ce pouvoir est le Pourousha soutenant la Prakriti — centralement dans le psychique, plus instrumentalement dans l'être et la nature du mental, du vital et du physique. Il est par conséquent possible de considérer ceux-ci ou l'un ou l'autre d'entre eux comme s'ils étaient le jîva ici-bas. Je suis tout de même obligé de faire la distinction, non seulement pour que la pensée soit claire, mais en raison des nécessités de l'expérience et de la connaissance de soi intégrale et dynamique sans lesquelles il est difficile de mener à bien ce yoga. Il n'est pas indispensable de se formuler tout cela mentalement à soi-même, on peut en avoir l'expérience et, si l'on voit clairement au moyen d'une perception intérieure, cela suffit pour progresser vers le but. Néanmoins, si le mental se clarifie sans tomber dans la rigidité mentale et l'erreur, les choses sont plus faciles pour le sâdhak du yoga. Mais la plasticité doit être sauvegardée: une formulation intellectuelle systématique expose au danger de la perdre; on doit examiner la chose elle-même sans se laisser ligoter par l'idée. Rien de tout cela ne peut être réellement saisi, si ce n'est par l'expérience spirituelle elle-même.

22.07.1937

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325

J'ai employé les mots jîva et jîvâtman dans ces passages, et dans tous les autres, exactement dans le même sens: il ne m'est jamais venu à l'idée qu'il pourrait y avoir une différence. Si je l'avais voulu, j'aurais très clairement défini la distinction, les deux mots étant similaires, et je n'aurais pas laissé au lecteur le soin de l'établir par déduction.

Dans le passage du chapitre concernant le triple état du supramental, je décrivais comment le supramental, agissant en tant que force de la plus haute expression du Divin, manifestait cette force en trois équilibres, et ce qu'était la conscience du jîvâtman dans la création supramentale. Nulle part je ne dis que le jîvâtman se trouve seulement sur le plan supramental; si c'était le cas, l'homme ne pourrait rien connaître de son Moi ou Esprit individuel avant de s'élever au plan supramental; il ne pourrait avoir aucune expérience de son Moi, bien qu'il puisse avoir le sens de la dissolution de son ego en quelque chose d'Universel. Mais il peut, bien avant cela, devenir conscient de son Moi qui ne naît ni n'évolue, de ce centre de la conscience divine; on a l'expérience du Moi cosmique ou individuel bien avant de s'élever jusqu'au Supramental. S'il n'en était pas ainsi, il serait impossible à l'homme mental d'avoir une expérience spirituelle aussi élevée, la libération serait impossible; il lui faudrait tout d'abord devenir un être supramental. Quant au Pourousha, il est là sur tous les plans; il y a un Pourousha mental, manomaya, conducteur de la vie et du corps, selon l'expression de l'Oupanishad, il y a un Pourousha vital, un Pourousha physique; il y a l'être psychique ou Chaïtya Pourousha qui pour ainsi dire soutient tous ces Pourousha et les porte tous. On peut dire qu'ils sont des projections du jîvâtman qui sont là pour soutenir la Prakriti sur les différents plans de l'être. L'Oupanishad parle également d'un Pourousha supramental et d'un Pourousha de Béatitude et, si la Nature supramentale et la Nature de Béatitude étaient organisées dans l'évolution sur terre, nous pourrions devenir conscients du fait qu'ils soutiennent les mouvements ici-bas.

Quant à l'être psychique, il entre dans l'évolution, il entre dans le corps à la naissance et en sort au moment de la mort; mais le jîvâtman, tel que je le connais, est non né et éternel bien qu'il soutienne d'en haut la personnalité manifestée. On Peut, si vous voulez, décrire l'être psychique comme le jîvâtman prenant naissance, mais si l'on ne fait pas la distinction, la nature de l'Âtman devient quelque chose de vague et cela crée une confusion. Cette distinction est nécessaire à la connaissance métaphysique et à quelque chose de très important dans l'expérience spirituelle. Le mot "Âtman", comme le mot "spirit" [esprit] en anglais, a dans l'usage courant toutes sortes de significations mais, aussi bien pour la connaissance spirituelle que pour la connaissance philosophique, les termes que l'on emploie doivent être choisis avec clarté et précision afin d'éviter la confusion de la pensée et de la vision créée par la confusion dans les mots que nous employons pour les exprimer.

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326

Le jîva est réalisé en tant que Moi individuel, Âtman, être central au-dessus de la Nature, calme, non touché par les mouvements de la Nature, mais soutenant leur évolution sans pourtant y participer. Grâce à cette réalisation, le silence, la liberté, l'élargissement, la maîtrise, la pureté, un sentiment d'universalité dans l'individu qui est comme un centre de cette divine universalité, deviennent l'expérience de la vie normale. Le psychique est réalisé en tant que Pourousha derrière le cœur. Il n'est pas universalisé comme le jîvâtman, mais il est l'âme individuelle qui, de derrière le centre du cœur où elle se trouve, soutient l'évolution mentale, vitale, physique, psychique de l'être dans la Nature. Cette réalisation apporte la bhakti, le don de soi, la soumission,7 l'orientation de tous les mouvements vers Dieu, la discrimination et le choix de tout ce qui appartient à la Vérité divine, au Bien divin, à la Beauté divine, le rejet de tout ce qui est faux, pervers, laid, discordant, l'union, par l'amour et la sympathie, avec tout ce qui existe, l'ouverture à la Vérité du Moi et du Divin.

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327

Vivre dans la conscience de l'Âtman, c'est vivre dans le calme de l'unité et de la paix qui se tient au-dessus des choses, séparé du monde bien qu'il le pénètre de toutes parts. Mais pour la conscience psychique il y a deux choses: le monde, et elle-même agissant dans le monde. Le jîvâtman n'est pas descendu dans le monde, il se tient au-dessus, toujours le même, soutenant les différents êtres: mental, etc., qui agissent ici-bas. Le psychique est ce qui est descendu ici-bas; sa fonction est d'offrir toutes choses au Divin pour qu'elles soient transformées.

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328

L'être véritable peut être réalisé sous l'un des deux aspects suivants, ou sous les deux: le Moi ou ātman, et l'âme ou Antarâtman appelée aussi être psychique ou caitya puruṣa. La différence est que l'un est perçu comme universel, l'autre comme individuel et soutenant le mental, la vie et le corps. Quand on réalise d'abord l'Âtman, on le sent séparé de toutes choses, existant en lui-même et détaché, et c'est à cette réalisation que l'image de la noix de coco sèche peut s'appliquer.8 Quand on réalise l'être psychique, il n'en est pas de même; car il nous apporte le sentiment d'union avec le Divin, de dépendance de Lui, d'exclusive consécration au Divin seul, et le pouvoir de changer la nature et de découvrir en nous-même le véritable être mental, le véritable être vital, le véritable être physique. L'une et l'autre de ces réalisations sont nécessaires à notre yoga.

Le "je" ou le petit ego est constitué par la Nature; c'est une formation mentale, vitale et physique à la fois, destinée à faciliter la centralisation et l'individualisation de la conscience et de l'action extérieures. Quand on découvre l'être véritable, l'utilité de l'ego est passée et cette formation doit disparaître; à sa place, on perçoit l'être véritable.

Lumières sur le Yoga, chapitre 1. Traduction de la Mère.

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329

L'Esprit est la conscience au-dessus du mental, l'Âtman ou Moi, qui est toujours en union avec le Divin; une conscience est spirituelle quand elle est toujours en union ou au moins en contact avec le Divin.

Le psychique est une étincelle venue du Divin qui est en toutes choses et, à mesure que l'individu évolue, elle croît en lui et se manifeste en tant qu'être psychique, en tant qu'âme qui cherche toujours le Divin et la Vérité et répond au Divin et à la Vérité chaque fois et partout où elle les rencontre.

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330

L'Esprit est l'Âtman, Brahman, le Divin essentiel.

Quand l'Un Divin manifeste la multiplicité toujours inhérente en lui, ce Moi essentiel, ou Âtman, devient, pour cette manifestation, l'être central qui d'en haut préside à l'évolution de ses personnalités et de ses vies terrestres ici-bas, mais il est lui-même une parcelle éternelle du Divin et est antérieur à la manifestation terrestre, parā prakṛtir jīvabhūtā.

Dans la manifestation inférieure, aparā prakṛti, cette parcelle éternelle du Divin se manifeste en tant qu'âme — étincelle du Feu divin — qui sert d'appui à l'évolution individuelle et soutient l'être mental, vital et physique. L'être psychique est l'étincelle qui grandit et devient un Feu, qui évolue avec le développement de la conscience. L'être psychique est par conséquent évolutif et non, comme le jîvâtman, antérieur à l'évolution.

Mais l'homme n'a pas conscience du moi ou jîvâtman, il n'a conscience que de son ego, ou de l'être mental qui dirige la vie et le corps. Pourtant, en allant plus profondément, il peut prendre conscience de son âme ou être psychique comme de son centre véritable, le Pourousha dans le cœur. Le psychique est l'être central dans l'évolution, il émane du jîvâtman, parcelle éternelle du Divin, et le représente. Dans l'état de pleine conscience, le jîvâtman et l'être psychique se joignent.

L'ego est une formation de la Nature; mais il n'est pas une formation de la nature physique seulement et, par suite, il ne cesse pas avec le corps. Il y a aussi un ego mental et vital.

La base de la conscience matérielle ici-bas n'est pas seulement l'Ignorance, mais l'Inconscience — c'est-à-dire que la conscience est "involuée", enfermée dans les formes de la matière et dans l'énergie de la matière. Ce n'est pas seulement la conscience matérielle, mais la conscience vitale et la conscience mentale aussi qui sont séparées de la Vérité par l'Ignorance.

Lumières sur le Yoga, chapitre 2. Traduction de la Mère.

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331

La plupart du temps, le Suprême agit à travers le Jîva et sa nature; le Jîva et la nature agissent à travers l'ego, et l'ego agit à travers les instruments extérieurs: tel est le jeu de l'Ignorance.

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332

Il n'y a pas de différence entre jîva et jîvâtman dans cette langue — donc on ne peut pas faire cette distinction. L'Aparâ Prakriti est la Nature qui manifeste toutes ces mentalités, ces vies et ces corps. La Para Prakriti est la nature même du Divin — Îsha suprême qui manifeste le Divin multiple dans les Multiples.

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333

Le corps n'est pas le moi individuel — il est la base de la personnalité extérieure ou du moi physique, si vous voulez vous exprimer ainsi; mais ce n'est pas le moi individuel. Le moi individuel est l'être central (jîvâtman) se manifestant dans la nature inférieure en tant qu'être psychique — il est directement une parcelle du Divin.

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334

Le jīvātmā est au-dessus de tous les plans. Il n'a ni forme, ni couleur fixe, bien qu'il puisse se représenter lui-même sous une forme.

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335

(a) Il [chaque jîvâtman] est un et pourtant différent [des autres jîvâtman]. Selon l'expression de la Guîtâ, le jîva est aṃśaḥ sanātanaḥ de l'Un. On peut aussi dire qu'il est l'un des nombreux centres de l'Être et de la Conscience universels. 

(b) Essentiellement chaque jîva a la même nature que tous les autres, mais dans la manifestation chacun exprime sa propre ligne de swabhâva.

(c) Non. Koûtastha est l'akṣara puruṣa ce n'est pas le jîvâtman.

(d) Il [le jîvâtman] se tient toujours sur le plan spirituel qui est au-dessus du mental, mais là il n'est fixé à aucun niveau.

(e) Non [un être psychique ne peut pas s'unir à un autre]. Affinité, harmonie, sympathie, mais pas union. L'Union se fait avec le Divin.

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336

Le9 jîvâtman, l'étincelle de l'âme et l'être psychique sont trois formes différentes d'une même réalité et il ne faut pas les confondre, car cela brouille la clarté de l'expérience intérieure.

Le jîvâtman ou esprit existe en soi au-dessus de l'être manifesté ou instrumental — il est au-delà de la naissance et de la mort, toujours le même, c'est le Moi individuel ou Âtman, l'être vrai éternel de l'individu.

L'âme est une étincelle du Divin au cœur des créatures vivantes de la Nature. Elle ne se tient pas au-dessus de l'être manifesté; elle descend dans la manifestation du moi, consent à participer à son devenir phénoménal dans la nature, soutient son évolution dans le monde de la Nature matérielle. Elle porte tout d'abord en elle un pouvoir indifférencié de la Conscience divine qui contient toutes les possibilités encore sans formes, mais auxquelles l'évolution a pour fonction de donner une forme. Cette étincelle de la Divinité est présente dans tous les êtres vivants sur terre, depuis les créatures terrestres les plus élevées jusqu'aux plus basses.

L'être psychique est une personnalité spirituelle formée par l'âme au cours de son évolution; son développement indique le stade atteint par l'individu dans son évolution spirituelle et ses possibilités immédiates pour l'avenir. Il se tient derrière la nature mentale, vitale et physique, croît par leurs expériences, porte la conscience de vie en vie. C'est la personne psychique, caitya puruṣa. Il est d'abord voilé par les parties mentales, vitales et physiques, limité dans son expression par leurs limitations, lié aux réactions de la Nature mais, au fur et à mesure de sa croissance, il devient capable de venir en avant et de dominer le mental, la vie et le corps. Chez l'homme ordinaire, il dépend encore d'eux pour s'exprimer et il ne peut s'en saisir ni les utiliser librement. La vie de l'être est animale et humaine, et non divine. Lorsque l'être psychique, par la sâdhanâ, peut prédominer et utiliser librement ses instruments, l'élan vers le Divin devient alors complet et ce n'est pas seulement la libération, mais la transformation du mental, du vital et du corps qui devient possible.

Le Moi ou Âtman étant libre et au-delà de la naissance et de la mort, l'expérience du jîvâtman et de son unité avec le Moi suprême ou universel suffit à apporter le sentiment de la libération; mais la pleine conscience et l'éveil complet de l'être psychique sont également indispensables pour la transformation de la vie et de la nature.

À ce stade l'être psychique réalise son unité avec l'être vrai, le Moi, mais il ne se fond pas, il ne se transforme pas non plus en lui; il subsiste comme un instrument de son expression psychique et spirituelle, une divine manifestation dans la Nature.

Le bindu que vous avez vu au-dessus peut être une manière symbolique de voir le jîvâtman, le moi individuel, comme une goutte d'eau de la mer, une parcelle individuelle du Divin universel; à ce niveau, c'est à l'ouverture de la conscience plus haute qu'on aspire naturellement, afin que l'être puisse demeurer sur ce plan et non plus dans l'Ignorance. Le jîvâtman, en réalité, est déjà un avec le Divin, mais spirituellement il peut exiger que le reste de la conscience réalise aussi cela.

Dans l'être psychique, cette exigence se traduirait alors par une aspiration à ce que la nature inférieure tout entière, le mental, le vital et le corps, s'ouvrent au Divin par une aspiration à l'amour et à l'union avec le Divin, à sa présence et son pouvoir dans le cœur, à la transformation du mental, de la vie et du corps par la descente d'une conscience plus haute dans cette nature et dans cet être qui en sont les instruments.

Ces deux aspirations sont nécessaires à la plénitude de notre yoga: d'en haut l'exigence du moi à l'égard de la nature, d'en bas l'aspiration psychique de la nature. Lorsque le psychique impose son aspiration au mental, au vital et au corps, ils aspirent alors eux aussi et c'est ce que vous avez senti comme une aspiration venant du niveau de l'être inférieur. L'aspiration sentie au-dessus est l'aspiration du jîvâtman à la conscience plus haute, avec la réalisation de l'Un qui doit se manifester dans tout l'être. Les deux aspirations s'aident donc mutuellement et sont nécessaires l'une à l'autre. Mais au début, la quête de l'être inférieur est intermittente et étouffée par l'obscurité et les limitations de la conscience ordinaire. Par la sâdhanâ, elle doit devenir claire, constante, forte et persistante; elle force alors la réalisation, la rend inévitable.

Le sentiment de paix, de pureté et de calme que vous avez eu vient de l'union de la conscience inférieure avec la conscience supérieure ou d'un fort contact entre elles; il ne peut pas être permanent dès le début, mais peut le devenir quand le calme et la paix se font plus fréquents et plus durables et enfin quand la nature inférieure reçoit pleinement la descente de la paix, du calme et du silence éternels de la conscience supérieure.

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337

Le jîvâtman, l'étincelle de l'âme et l'être psychique sont trois formes différentes d'une même réalité et il ne faut pas les confondre, car cela brouille la clarté de l'expérience intérieure.

Le jîvâtman ou "spirit" [esprit], comme on l'appelle généralement en anglais, existe en soi au-dessus de l'être manifesté ou instrumental — il est au-delà de la naissance et de la mort, toujours le même, Moi individuel ou Âtman. C'est l'être véritable, éternel, de l'individu.

L'âme est une étincelle du Divin; elle ne se tient pas au-dessus de l'être manifesté, mais descend dans la manifestation afin de soutenir son évolution dans le monde matériel. C'est tout d'abord un pouvoir indifférencié de la Conscience divine qui contient toutes les possibilités encore sans forme, mais auxquelles l'évolution a pour fonction de donner une forme. Cette étincelle est présente dans tous les êtres vivants, du plus bas au plus élevé.

L'être psychique est formé par l'âme au cours de son évolution. Il soutient le mental, le vital, le corps, croît par leurs expériences, porte la nature de vie en vie. C'est le psychique ou caitya puruṣa. Il est d'abord voilé par le mental, le vital et le corps mais, au fur et à mesure de sa croissance, il devient capable de venir en avant et de dominer le mental, la vie et le corps; chez l'homme ordinaire, il dépend d'eux pour s'exprimer et il ne peut s'en saisir ni les utiliser librement. La vie de l'être est animale ou humaine et non divine. Lorsque l'être psychique, par la sâdhanâ, peut prédominer et utiliser librement ses instruments, l'élan vers le Divin devient alors complet et ce n'est pas seulement la libération, mais la transformation du mental, du vital et du corps qui devient possible.

Le Moi ou Âtman étant libre et au-delà de la naissance et de la mort, l'expérience du jîvâtman et de son unité avec le Moi suprême ou universel apporte le sentiment de la libération; c'est cela qui est nécessaire à la suprême délivrance spirituelle; mais l'éveil de l'être psychique et sa domination sur la nature sont indispensables pour la transformation de la vie et de la nature.

L'être psychique réalise son unité avec l'être vrai, le jîvâtman, mais il ne devient pas le jîvâtman.

Le bindu vu au-dessus peut être une manière symbolique de voir le jîvâtman, parcelle du Divin; là, c'est à l'ouverture de la conscience plus haute qu'on aspire naturellement, afin que l'être puisse demeurer sur ce plan et non plus dans l'Ignorance. Le jîvâtman, en réalité, est déjà un avec le Divin mais il est nécessaire que le reste de la conscience aussi le réalise.

L'être psychique aspire à ce que la nature inférieure tout entière, le mental, le vital, le corps, s'ouvrent au Divin, il aspire à l'amour et l'union avec le Divin, à sa présence et son pouvoir dans le cœur, à la transformation du mental, de la vie et du corps par la descente d'une conscience plus haute dans cette nature et cet être qui en sont les instruments.

Ces deux aspirations sont essentielles et indispensables à la plénitude de notre yoga. Lorsque le psychique impose son aspiration au mental, au vital et au corps, ils aspirent alors eux aussi et c'est ce qui a été senti comme l'aspiration venant du niveau de l'être inférieur. L'aspiration sentie au-dessus est l'aspiration du jîvâtman à la conscience plus haute, avec la réalisation de l'Un qui doit se manifester dans l'être. Les deux aspirations s'aident donc mutuellement. Au début, la quête de l'être inférieur est nécessairement intermittente et étouffée par la conscience ordinaire. Par la sâdhanâ, elle doit devenir claire, constante, forte et persistante.

Le sentiment de paix, de pureté et de calme provient de l'union de la conscience inférieure avec la conscience supérieure. Habituellement il est intermittent, ou alors il réside dans une conscience plus profonde, souvent voilé par les tempêtes et les agitations de la surface; il est rarement permanent au début, mais il peut le devenir lorsque le calme et la paix se font plus fréquents et plus durables, et lorsqu'enfin la nature inférieure reçoit pleinement la descente de la paix, du calme et du silence éternels de la conscience supérieure.

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338

Dans l'expérience du yoga, le moi ou être est un dans son essence avec le Divin ou, en tout cas, c'est une parcelle du Divin qui contient toutes les potentialités divines. Mais dans la manifestation, il prend deux aspects, le Pourousha et la Prakriti, l'être conscient et la Nature. Dans la Nature ici-bas le Divin est voilé, et l'être individuel est soumis à la Nature qui agit ici en tant que Prakriti inférieure, force de l'Ignorance, Avidyâ. Le Pourousha en lui-même est divin mais, extériorisé dans l'ignorance de la Nature, il est l'être individuel apparent et participe de son imperfection. Ainsi, l'âme ou essence psychique, qui est le Pourousha entrant dans l'évolution et le soutenant, porte en elle-même toutes les potentialités divines; mais l'être psychique individuel qu'il met en avant comme son représentant assume l'imperfection de la Nature et y évolue jusqu'à ce qu'il ait recouvre son essence psychique tout entière et qu'il se soit uni au Moi au-dessus dont l'âme est la projection individuelle dans l'évolution. Cette dualité dans l'être sur tous ses plans — car cela est vrai, de diverses manières, non seulement du Moi et du psychique mais des Pourousha mental, vital et physique — il faut en saisir le sens et l'accepter avant de pouvoir comprendre pleinement les expériences du yoga.

L'Être est toujours un, mais sur chaque plan de la Nature, il est représenté par une forme de lui-même qui est propre à ce plan: Pourousha mental sur le plan mental, Pourousha vital sur le plan vital, Pourousha physique sur le plan physique. La Taïttiriya Oupanishad parle de deux autres plans de l'être, le plan de la Connaissance ou de la Vérité, et le plan de l'Ânanda, chacun ayant son Pourousha, mais bien que des influences puissent descendre de ces plans, ils sont supraconscients pour le mental humain et leur nature n'est pas encore organisée ici-bas.

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339

Le moi individuel est habituellement décrit comme une parcelle du Transcendant et du Moi cosmique — dans les domaines plus élevés et plus subtils de la conscience il se connaît comme tel, mais dans les domaines inférieurs où la conscience est de plus en plus voilée, il s'identifie à des formes superficielles de la personnalité, à des créations de Prakriti et perd la notion de son origine divine. Le Moi, quand on en devient conscient, est ressenti comme quelque chose d'existant en soi et éternel qui n'est pas identifié à des formes de la personnalité mentale, vitale et physique; ces formes ne sont que des expressions mineures de ses potentialités dans la Nature. Ce que les gens appellent maintenant eux-mêmes n'est que l'ego, ou le mental, ou la force de vie, ou le corps, mais c'est parce qu'ils pensent en termes de formations de la Prakriti et ne voient pas ce qu'il y a derrière.

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340

L'être central et l'âme sont tous deux, chacun à sa manière, des parcelles du Divin. Ils sont en fait deux aspects de la même entité; mais l'un est au-dessus de la Nature et n'évolue pas, l'autre fait évoluer un être psychique dans la Nature.

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341

C'est l'être individuel qui est une parcelle du Divin. Le moi universel ou Âtman, qui est le même en tous, n'est pas une parcelle, mais un aspect du Divin.

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342

Le moi est le Divin lui-même dans un aspect essentiel; ce n'est pas une parcelle. L'expression "pas même une parcelle" ou "seulement un aspect" n'a pas de sens. Un aspect n'est pas inférieur à une parcelle.

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343

Ne savez-vous pas ce que signifie "essentiel"? Il y a une différence entre l'essence d'une chose, qui est toujours la même, et ses formations et ses développements, qui varient. Il y a, par exemple, l'essence de l'or, et il y a les nombreuses formes que l'or peut prendre.

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344

L'essence ne peut pas être définie — elle est, c'est tout.

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345

Le Divin est plus que l'Âtman. Il est aussi la Nature. Il contient tout en Lui.

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346

Pour arriver à la réalisation dynamique, il ne suffit pas de délivrer le Pourousha de sa sujétion à Prakriti; il faut que l'obéissance du Pourousha soit transférée de la Prakriti inférieure et de son jeu de forces ignorantes, à la suprême Shakti divine, la Mère.

C'est une erreur d'identifier la Mère à la Prakriti inférieure et à son mécanisme de forces. Prakriti est seulement un mécanisme établi ici-bas pour le fonctionnement de l'ignorance évolutive. De même que l'être mental, vital ou physique ignorant n'est pas lui-même le Divin, bien qu'il vienne du Divin, de même le mécanisme de Prakriti n'est pas la Mère divine. Sans doute y a-t-il quelque chose de la Mère dans ce mécanisme et derrière lui, qui le soutient aux fins de l'évolution; mais en elle-même, la Mère n'est pas une shakti de l'avidyā, elle est la Conscience, la Lumière, le Pouvoir divins, Para Prakriti, vers qui nous nous tournons pour obtenir la libération et l'accomplissement divin.

La réalisation de la conscience du Pourousha, calme et libre, observant le jeu des forces sans être attaché ni entraîné par elles, est un moyen de libération. Le calme, le détachement, une énergie et une joie paisibles (ātmarati) doivent être amenés d'en haut dans le vital et le physique autant que dans le mental; quand ceci est établi, on n'est plus la proie du tourbillon des forces vitales. Mais ce calme, cette paix, cette énergie et cette joie silencieuses, ne sont que la première descente du Pouvoir de la Mère dans l'ādhāra. Au-delà, existent une Connaissance, un Pouvoir d'exécution, un Ânanda dynamique, qui ne sont pas ceux de la Prakriti ordinaire, même en ce qu'elle a de meilleur et de plus sattwique, mais qui sont de nature divine.

Cependant, le calme, la paix et la libération sont d'abord nécessaires. Essayer de faire descendre trop tôt l'aspect dynamique, n'est pas à conseiller, car il descendrait alors dans une nature trouble et impure, incapable de l'assimiler, et de sérieuses perturbations pourraient en résulter.

Lumières sur le Yoga, chapitre 1. Traduction de la Mère.

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347

Ce que l'on entend par Prakriti, ou Nature, est le côté extérieur ou exécutif de la Shakti ou Force Consciente qui forme les mondes et qui les meut. Ce côté extérieur semble ici être mécanique, un jeu des forces, des guṇa, etc. Mais derrière lui, se trouvent la Conscience et la Force vivantes du Divin, la Shakti divine. Prakriti elle-même est divisée en inférieure et supérieure; l'inférieure est la Prakriti de l'Ignorance, la Prakriti du mental, de la vie et de la matière, séparée du Divin en sa conscience; la supérieure est la Prakriti divine du Satchidânanda avec son pouvoir de manifester le supramental, elle est toujours consciente du Divin et libre de l'Ignorance et de ses conséquences. L'homme, tant qu'il reste dans l'ignorance, est soumis à la Prakriti inférieure, mais par l'évolution spirituelle il prend conscience de la Nature supérieure et cherche à entrer en contact avec elle. Il peut s'élever en elle et elle peut descendre en lui; ce mouvement d'ascension et de descente rend possible la transformation de la nature inférieure du mental, de la vie et de la matière.

Lumières sur le Yoga, chapitre 2. Traduction de la Mère.

V

348

Le psychique n'est pas, par définition,10 la partie qui est en contact direct avec le plan supramental, bien qu'il soit le plus prompt à y répondre une fois que le lien avec le Supramental est établi. La partie psychique en nous est quelque chose qui vient directement du Divin et qui est en contact avec le Divin. Dans son origine, c'est le noyau fécond en possibilités divines qui sert d'appui à cette triple manifestation inférieure du mental, de la vie et du corps. Cet élément divin est là dans tous les êtres vivants, mais il se tient caché derrière la conscience ordinaire; au début, il n'est pas développé et même lorsqu'il l'est, il n'est pas toujours ou pas souvent au premier plan; il s'exprime au moyen de ses instruments et selon leurs limites, dans la mesure où leur imperfection le lui permet. Il grandit dans la conscience par l'expérience qui mène vers le Divin; il prend de la force chaque fois qu'il y a en nous un mouvement supérieur et enfin, par l'accumulation de ces mouvements plus profonds et plus élevés, une individualité psychique se forme — celle que nous appelons généralement l'être psychique. C'est toujours cet être psychique qui, en réalité, bien que souvent d'une façon voilée, pousse l'homme à se tourner vers la vie spirituelle, et qui devient alors sa plus grande aide. Par conséquent, c'est cela, dans le yoga, que nous devons amener en avant.

Le mot "soûl" [âme], tout comme le mot "psychic" [psychique], a, dans la langue anglaise, un emploi très vague et de nombreuses significations différentes. Dans le langage ordinaire, on a trop souvent tendance à ne pas faire une claire distinction entre le mental et l'âme et il se fait souvent une confusion plus grave encore: c'est en effet de l'être vital de désir — de la fausse âme ou âme de désir — que l'on parle lorsqu'on emploie les mots "âme" et "psychique", et non de l'âme vraie, de l'être psychique. L'être psychique est tout à fait différent du mental ou du vital; il se tient derrière eux, là où ils se joignent dans le cœur. C'est là qu'est sa place centrale, mais derrière le cœur plutôt qu'au-dedans de lui; car ce que les hommes appellent d'ordinaire le cœur est le siège de l'émotion, et les émotions humaines sont des impulsions mentales-vitales qui n'ont pas, en général, un caractère psychique. Ce pouvoir profondément secret qui se tient derrière — autre que le mental et la force de vie — est l'âme vraie, l'être psychique en nous. Le pouvoir du psychique peut néanmoins agir sur le mental, le vital et le corps, purifiant la pensée, la perception et l'émotion (qui devient alors le sentiment psychique), la sensation, l'action et toutes choses en nous, et les préparant ainsi à devenir des mouvements divins.

L'être psychique peut être décrit, en langue indienne, comme le Pourousha dans le cœur ou Chaïtya Pourousha;11 mais il faut entendre par là le cœur intérieur ou secret, hṛdaye guhāyām, non le centre extérieur vital et émotionnel. C'est la véritable entité psychique (distincte du mental de désir du vital) — la psyché — dont il est question dans la page de l'Arya à laquelle vous vous référez.

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349

Dans les anciens systèmes, l'être psychique était appelé le Pourousha dans le cœur (le cœur secret — hṛdaye guhāyām), ce qui correspond très bien à ce que nous définissons comme l'être psychique derrière le centre du cœur. C'est aussi ce qui sortait du corps à la mort et subsistait — ce qui correspond également à notre enseignement, selon lequel c'est cela qui part et revient, reliant une nouvelle vie à la précédente. Nous disons aussi que le psychique est la parcelle divine en nous; de même, le Pourousha dans le cœur est décrit quelque part comme l'Îshwara de la nature individuelle.

Le mot âme est utilisé très vaguement en anglais, car il désigne souvent l'ensemble de la conscience non physique, y compris même le vital avec ses désirs et ses passions. C'est pourquoi l'expression être psychique a dû être utilisée pour distinguer cette parcelle divine des parties instrumentales de la nature.

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350

Apparemment, X supposait que par l'expression "être psychique", je désignais l'ego illuminé. Mais les gens ne comprennent pas ce que je veux dire par être psychique, parce que le mot psychique a été utilisé en anglais pour désigner n'importe quoi dans le mental intérieur, le vital intérieur ou le physique intérieur, ou tout ce qui est anormal, ou occulte, ou même les mouvements plus subtils de l'être extérieur, tout cela mélangé: les phénomènes occultes sont souvent qualifiés de psychiques. On ne sait pas distinguer ces différentes parties de l'être. Même en Inde, l'ancienne connaissance des Oupanishad qui faisait cette distinction s'est perdue. Le Jivâtman, l'être psychique (Pourousha Antarâtma), le Manômaya Pourousha, le Prânamaya Pourousha, tout cela est confondu.

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351

Je ne sais pas ce que signifie exactement cette expression — elle est trop vague et limitée pour être une définition du psychique. antaḥkaraṇa signifie habituellement le mental et le vital par opposition au corps, le corps étant l'instrument extérieur et manaḥ-prāṇa l'instrument intérieur de l'âme. Par psychique, je désigne autre chose qu'un mental et un vital purifiés. Un mental et un vital purifiés sont le résultat de l'action de l'être psychique éveillé et libéré, mais ne constituent pas eux-mêmes le psychique.

De même, cela dépend de ce qu'on entend par ahambhāva. Mais le psychique n'est pas un bhāva. C'est un Pourousha. Ahambhāva est une formation de Prakriti, ce n'est pas un être ou un Pourousha. Ahambhāva peut disparaître, et cependant le Pourousha sera là.

J'appelle être psychique libéré celui qui n'est plus obligé de s'exprimer de derrière le voile, dans les conditions imposées par les instruments obscurs et ignorants, mais qui est capable de venir en avant, de maîtriser et de transformer l'action du mental, de la vie et du corps.

Si l'on dit peut-être quelquefois que l'être psychique est purifié et rendu parfait, on doit désigner par là l'action psychique dans les instruments du mental, de la vie et du physique. Par être intérieur purifié, on n'entend pas un psychique purifié, mais un être intérieur mental, vital et physique purifié. Les qualificatifs que j'ai utilisés pour le psychique sont "éveillé et libéré".

Individualité spirituelle est un terme plutôt vague qui pourrait être interprété de différentes façons. J'ai écrit, à propos de l'être psychique, que le psychique est l'âme ou étincelle du Feu divin qui soutient l'évolution individuelle sur terre, et que l'être psychique est l'âme dont la conscience se développe, ou plutôt dont la manifestation devient de plus en plus consciente de vie en vie, et dont le mental, le vital et le corps sont les instruments, jusqu'à ce que tout soit prêt pour l'union avec le Divin. Je ne vois pas ce que je peux ajouter à cela.

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352

Pourousha en Prakriti est le Kshara Pourousha; en arrière de lui se tient l'Akshara Pourousha.

Le sentiment de l'ego et le Pourousha sont deux choses entièrement différentes: le sentiment de l'ego est un mécanisme de Prakriti, le Pourousha est l'être conscient.

L'être psychique évolue, il n'est donc pas l'immuable.

L'être psychique, en particulier, est l'âme de l'individu qui élabore, dans la manifestation, la Prakriti individuelle et qui prend part à l'évolution. C'est cette étincelle du Feu divin qui croît derrière le mental, le vital et le physique sous forme d'être psychique, jusqu'à ce que celui-ci soit capable de transformer la Prakriti de l'Ignorance en une Prakriti de connaissance. Ce n'est pas dans la Guîtâ, mais nous ne pouvons pas limiter notre connaissance aux points qui sont dans la Guîtâ.

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353

Non, le moi intuitif est tout à fait différent — ou plutôt la conscience intuitive qui est quelque part au-dessus du mental. Le psychique se tient derrière l'être; une dévotion simple et sincère au Divin, un sentiment immédiat et sincère de ce qui est juste et aide à parvenir à la Vérité et au Divin, un recul instinctif devant tout ce qui s'y oppose sont ses caractéristiques les plus visibles.

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354

Il faut faire une distinction12 entre l'âme dans son essence et l'être psychique. À l'arrière-plan, chacun a une âme qui est l'étincelle du Divin; nul ne pourrait exister sans elle. Mais il est tout à fait possible qu'un être vital et physique soit soutenu par l'essence d'une âme, sans qu'il ait derrière lui un être psychique clairement évolué.

Il existe, en fait, un être intérieur composé du mental intérieur, du vital intérieur, du physique intérieur, mais ce n'est pas l'être psychique. Le psychique est l'être le plus intérieur de tous, tout à fait distinct de ceux-là. Le mot psychique est utilisé en anglais pour qualifier tout ce qui est différent du mental extérieur, de la vie et du corps ou plus profond qu'eux; parfois il désigne tout ce qui est occulte ou supraphysique; mais cet usage introduit la confusion et l'erreur et nous devons l'écarter presque entièrement.

L'être psychique est voilé par les mouvements de surface; il s'exprime de son mieux au moyen des trois instruments extérieurs qui sont régis davantage par les forces extérieures que par l'être intérieur ou l'entité psychique. Mais cela ne signifie pas qu'ils soient entièrement coupés de l'âme. L'âme est dans le corps de la même manière que le mental ou le vital; mais le corps n'est pas seulement ce corps physique grossier, il est aussi le corps subtil. Quand le corps grossier tombe, les enveloppes vitale et mentale du corps subsistent en tant que véhicules de l'âme jusqu'à ce qu'elles aussi se dissolvent.

L'âme d'une plante ou d'un animal n'est pas latente: simplement, ses moyens d'expression sont moins développés que ceux d'un être humain. Il y a beaucoup de psychique dans un plante, beaucoup de psychique dans l'animal. Dans la forme de la plante, seuls les éléments physico-vitaux sont évolués; la conscience, derrière la forme de la plante, ne dispose pas d'une mentalité développée ou organisée pour s'exprimer. L'animal fait un pas de plus; il a un mental vital et peut, dans une certaine mesure, s'exprimer, mais sa conscience est limitée, sa mentalité est limitée, ses expériences sont limitées; en outre l'essence psychique projette, pour se représenter, une conscience et une expérience moins développées qu'elle ne peut le faire en l'homme. Malgré tout, les animaux ont une âme et répondent très volontiers au psychique en l'homme.

Le "fantôme" d'un homme n'est évidemment pas son âme. C'est soit l'homme qui apparaît dans son corps vital, soit un fragment de sa structure vitale dont une force ou un être du monde vital se saisit à ses propres fins. Car normalement, après la dissolution du corps physique, l'être vital et sa personnalité ne subsistent que quelque temps; ensuite, l'être vital passe dans le plan vital où il demeure jusqu'à ce que l'enveloppe vitale soit dissoute. Puis on passe dans l'enveloppe mentale vers un monde mental; mais finalement l'âme quitte aussi son enveloppe mentale et va vers son lieu de repos. Si le mental est fortement développé l'être mental peut subsister; de même pour un vital fortement développé, à condition qu'ils soient organisés et groupés autour du véritable être psychique; ils peuvent alors partager l'immortalité du psychique. Mais ordinairement cela n'arrive pas; il y a une dissolution des parties mentales et vitales comme des parties physiques et l'âme, en renaissant, revêt un nouveau mental, une nouvelle vie et un nouveau corps, et non, comme on le suppose souvent, une réplique de son ancienne nature. Une telle répétition n'aurait ni sens ni utilité et irait à rencontre des fins de la renaissance, dont le but est un progrès de la nature par l'expérience, une croissance de l'âme évoluant dans la nature vers la découverte de soi. En même temps, l'âme conserve l'empreinte de ce qui était essentiel dans ses vies et ses personnalités passées; la nouvelle vie et la nouvelle personnalité sont un équilibre entre ce passé et les besoins de l'âme pour l'avenir.

P.S. Dans certains cas, l'être extérieur renaît rapidement en conservant l'ancienne personnalité et même le souvenir de sa vie passée, mais cela est exceptionnel et se produit habituellement lorsqu'une mort prématurée entraîne un sentiment d'insatisfaction et une forte volonté du vital de continuer son expérience inachevée.

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355

Il faut faire une distinction entre l'âme dans son essence et l'être psychique. À l'arrière-plan, chacun a une âme qui est l'étincelle du Divin — nul ne pourrait exister sans elle. Mais il est tout à fait possible qu'un être vital et physique existe sans avoir, derrière lui, un être psychique clairement évolué. Et pourtant on ne peut pas affirmer d'une manière générale que les hommes primitifs n'ont pas d'âme ou que leur âme ne se montre nulle part.

L'être intérieur se compose du mental intérieur, du vital intérieur, du physique intérieur — mais ce n'est pas l'être psychique. Le psychique est l'être le plus intérieur, tout à fait distinct de ceux-là. En réalité, le mot psychique est utilisé en anglais pour qualifier tout ce qui est différent ou plus profond que le mental, la vie et le corps extérieurs, tout ce qui est occulte ou supraphysique; mais cet usage est une source de confusion et d'erreur et nous l'écartons entièrement lorsque nous parlons ou écrivons au sujet du yoga. Dans le langage ordinaire, nous pouvons parfois utiliser le mot "psychique" au sens large et courant; ou en poésie, où la précision intellectuelle n'est pas de rigueur, nous pouvons quelquefois parler de l'âme au sens ordinaire et plus extérieur, ou dans le sens d'une vraie psyché.

L'être psychique est voilé par les mouvements de surface et s'exprime de son mieux à travers les instruments extérieurs qui sont régis davantage par les forces extérieures que par les influences intérieures du psychique. Mais cela ne signifie pas qu'ils soient entièrement coupés de l'âme. L'âme est dans le corps de la même manière que le mental ou le vital; mais le corps qu'elle habite n'est pas seulement ce corps physique grossier, c'est aussi le corps subtil. Quand l'enveloppe grossière tombe, les enveloppes vitale et mentale du corps subsistent en tant que véhicules de l'âme jusqu'à ce qu'elles aussi se dissolvent.

L'âme d'une plante ou d'un animal n'est pas complètement latente: simplement, ses moyens d'expression sont moins développés que ceux d'un être humain. Il y a beaucoup de psychique dans une plante, beaucoup de psychique dans l'animal. Dans la forme de la plante, seul le vital-physique est évolué, donc elle ne peut pas s'exprimer; l'animal a un mental vital et le peut, mais sa conscience est limitée et ses expériences sont limitées, aussi la conscience et l'expérience de l'essence psychique sont-elles moins développées que dans l'homme ou du moins que ce n'est possible dans l'homme. Tout de même, les animaux ont une âme et répondent très volontiers au psychique en l'homme.

Le fantôme n'est évidemment pas l'âme. C'est soit l'homme apparaissant dans son corps vital, soit un fragment de son vital dont s'empare une force ou un être vital. La partie vitale en nous persiste normalement pendant quelque temps après la dissolution du corps et passe dans le plan vital où elle demeure jusqu'à ce que l'enveloppe vitale se dissolve. Ensuite elle passe, si elle est mentalement évoluée, dans l'enveloppe mentale vers un monde mental et, finalement, le psychique quitte aussi son enveloppe mentale et va à son lieu de repos. Si le mental est fortement développé, la partie mentale en nous peut rester et il en est de même du vital, à condition qu'ils soient organisés par l'être psychique véritable et groupés autour de lui — car ils partagent alors l'immortalité du psychique. Autrement, le psychique attire en lui le mental et la vie et entre dans une quiétude internatale.

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356

Dans un vampire, il n'y a pas de psychique, car le vampire est un être vital — mais dans chaque humain, même dominé par un être vital ou une force vampirique, il y a un psychique voilé derrière tout le reste.

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357

L'âme est décrite comme une étincelle du Feu divin dans la vie et la matière, c'est une image. Elle n'a pas été décrite comme une étincelle de conscience.

Il y a une conscience mentale, vitale, physique-différente du psychique. L'être psychique et la conscience ne sont pas la même chose.

Quand l'âme ou "étincelle du Feu divin" commence à élaborer une individualité psychique, cette individualité psychique est appelée l'être psychique.

L'âme ou étincelle est là avant que ne se développent un vital et un mental organisés. L'âme est quelque chose du Divin qui descend dans l'évolution en tant que Principe divin, afin de soutenir en elle l'évolution de l'individu sortant de l'Ignorance pour entrer dans la Lumière. Elle élabore, au cours de l'évolution, un individu psychique ou individualité d'âme qui croît de vie en vie, utilisant le mental, le vital et le corps en évolution comme ses instruments. C'est l'âme qui est immortelle, alors que le reste se désintègre; elle passe de vie en vie, transportant l'essence de son expérience et la continuité de l'évolution de l'individu.

C'est toute la conscience — mentale, vitale et aussi physique — qui doit s'élever et rejoindre la conscience supérieure et, une fois que la jonction est faite, la conscience supérieure doit descendre en eux. Le psychique est derrière tout cela et le soutient.

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358

Le Supramental est la Conscience-de-Vérité; au-dessous intervient le Surmental dont le principe consiste à recevoir les pouvoirs du Divin et à essayer de les mettre en œuvre séparément, chacun agissant de son propre chef et travaillant à réaliser un monde à lui ou, s'il doit agir avec d'autres, à imposer le plus possible son propre principe. Les âmes qui descendent dans le Surmental agissent de même. Le principe de l'Individualité vient de là. Encore consciente tout d'abord de son origine divine, l'âme s'en sépare à mesure qu'elle descend et l'oublie de plus en plus, étant dirigée par le principe de la division et de l'ego. Car le Mental est beaucoup plus éloigné encore de la Vérité que le Surmental, la Nature vitale est absorbée dans la réalisation de forces ignorantes, alors que dans la Matière tout cela entre dans ce qui semble une Inconscience originelle. C'est la Maya du Surmental qui gouverne ce monde, mais dans la Matière elle s'est épaissie en une Inconscience d'où la conscience ressort pour monter de nouveau et faire descendre dans la Matière la vie et le mental, ouvrir le mental à de plus hauts sommets — qui gardent encore un contact plus ou moins direct avec la Vérité (intuition, surmental, supramental).

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359

Les âmes formées n'entrent que dans des organismes formés — dans le protoplasme, etc., seule l'étincelle du Divin est là, non l'âme formée.

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360

Le psychique est l'étincelle du Divin involuée ici-bas dans l'existence individuelle. Il croît et évolue pour devenir l'être psychique; il est donc évident qu'il ne peut pas posséder déjà les pouvoirs du Divin. Mais sa présence permet à l'individu de s'ouvrir au Divin et de croître vers la Conscience divine et, quand il agit, c'est toujours dans le sens de la Lumière et de la Vérité et avec un élan qui porte vers le Divin.

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361

C'est la fonction du psychique — il doit travailler sur chaque plan, afin d'aider chacun à s'éveiller à la vraie vérité et à la Réalité divine.

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362

Toutes les âmes ne sont pas évoluées ni actives; elles ne sont pas non plus toutes tournées directement vers le Divin avant la pratique du yoga. Pendant longtemps, l'âme ne cherche pas le Divin directement mais plutôt à travers les hommes et les choses.

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363

Il semble que vous n'avez pas du tout compris ma réponse. Dans la conscience ordinaire, où le mental et le reste ne sont pas éveillés, le psychique agit de son mieux à travers eux, mais selon les lois de l'Ignorance.

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364

Tout appartient à la Nature — l'âme elle-même agit selon les conditions de la Nature et par son intermédiaire.

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365

L'âme est toujours pure, mais la connaissance et la force qui sont en elle sont involuées et sortent seulement à mesure que le psychique évolue et se fortifie.

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366

L'être psychique est l'âme qui évolue au cours des naissances et des renaissances, et l'âme est une parcelle du Divin — mais avec l'âme il y a toujours le Divin voilé, Hrishikesha.

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367

Le Divin est toujours dans le cœur intérieur et ne le quitte pas.

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368

Il [le psychique] est constamment en contact avec le Divin immanent, le Divin secret dans l'individu.

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369

Ce sont [l'être psychique et la Présence divine dans le cœur] deux choses très différentes. L'être psychique est l'être d'âme de chaque individu. Ce n'est pas le Divin, bien qu'il soit venu du Divin et évolue vers le Divin.

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370

C'est le psychique qui est en relation directe avec le Divin transcendant et élève la nature vers le Suprême.

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371

Le psychique est le support de l'évolution individuelle; il est relié à l'universel à la fois par contact direct et par l'intermédiaire du mental, du vital et du corps.

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372

Voici ce que l'être psychique apporte à la sâdhanâ: l) l'amour et la bhakti; un amour qui n'est pas vital, qui n'est pas exigeant ni égoïste, qui ne pose aucune condition, qui ne réclame rien, qui existe en soi; 2) le contact ou la présence de la Mère au-dedans; 3) des indications intérieures infaillibles; 4) un apaisement et une purification de la conscience mentale, vitale et physique par leur soumission à l'influence et à la direction psychiques; 5) l'ouverture de toute cette conscience inférieure à la conscience spirituelle supérieure au-dessus pour qu'elle descende dans une nature préparée à la recevoir avec une complète réceptivité et une attitude juste; car le psychique apporte en toutes choses une pensée juste, une perception juste, un sentiment juste, une attitude juste.

On peut faire monter sa conscience à partir du mental et du vital et faire descendre le pouvoir, l'Ânanda, la lumière, la connaissance d'en haut; mais c'est beaucoup plus difficile et le résultat est incertain, et c'est même dangereux si l'être n'est pas préparé ou pas assez pur. S'élever avec le psychique est de loin la meilleure méthode d'ascension. Si vous vous élevez ainsi à partir du centre psychique, c'est bien.

Ce que vous dites indique que les centres psychique et mental sont en communication et, à travers, eux, vous pouvez faire descendre ce qui vient de la conscience supérieure. Mais vous vous situez encore dans le centre de la tête et non dans le centre au-dessus de la tête ou dans l'immensité au-dessus de la tête. Cela vient habituellement par une ascension progressive des parties conscientes vers le sommet de la tête et ensuite au-dessus. Mais il ne faut ni tirer ni forcer dans ce sens; cela viendra de soi-même.

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373

L'être psychique est l'âme, le Pourousha dans le cœur secret soutenant par sa présence l'action du mental, de la vie et du corps. Le vital est le prāṇamaya puruṣa dont parle la Taittirīya Upaniṣad, l'être derrière la Force de Vie; sous sa forme extérieure, dans l'Ignorance, il engendre l'âme de désir qui gouverne la plupart des hommes, et qu'ils prennent souvent à tort pour l'âme véritable.

L'Âtman est le Moi ou Esprit qui demeure au-dessus, pur et sans tache, non affecté par les souillures de la vie, par le désir, par l'ego, par l'ignorance. Il est réalisé comme l'être vrai de l'individu, mais aussi, plus largement, comme le même être en tous et comme le Moi dans le cosmos; il a aussi son existence propre au-dessus de l'individu et du cosmos et est alors appelé le Paramâtmâ, l'Être divin suprême. Cette distinction n'a rien à voir avec la distinction entre psychique et vital: l'être vital n'est pas ce qui est appelé l'Âtman.

Le vital, en tant qu'âme de désir et nature de désir, domine dans une large mesure la conscience chez la plupart des hommes, parce que les hommes sont gouvernés par le désir. Mais même dans la nature humaine de surface, le vrai souverain de la conscience est l'être mental, manomayaḥ puruṣaḥ prāṇa-śarīra-netā de l'Oupanishad. Le psychique influence la conscience par derrière, mais il faut sortir de la conscience ordinaire et entrer dans l'être le plus intérieur pour le trouver et en faire le souverain de la conscience qu'il devrait être. C'est l'un des buts principaux du yoga. Le vital doit être un instrument de la conscience, non son souverain.

L'être vital n'est pas le "je"; l'ego est mental, vital, physique. L'ego suppose l'identification de notre existence au moi extérieur, l'ignorance de notre vrai moi au-dessus et de notre être psychique au-dedans.

Dans un certain sens, les différents Pourousha ou êtres en nous: psychique, mental, vital, physique, sont des projections de l'Âtman, mais cela ne prend sa pleine vérité que lorsque nous pénétrons dans notre être intérieur et connaissons notre propre vérité intérieure. À la surface, dans l'Ignorance, c'est la Prakriti mentale, vitale et physique qui agit et le Pourousha est en quelque sorte défiguré dans l'action de la Prakriti. Nous ne sommes pas même conscients de notre être mental vrai, de notre être vital vrai, de notre être physique vrai; ceux-ci restent derrière, voilés et silencieux. C'est l'ego mental, vital et physique que nous prenons pour notre être, jusqu'à ce que nous ayons la connaissance.

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374

L'âme et la vie sont deux pouvoirs tout à fait différents. L'âme est une étincelle de l'Esprit divin qui soutient la nature individuelle; le mental, la vie, le corps, sont des instruments pour la manifestation de la nature. Chez la plupart des hommes, l'âme est cachée et recouverte par l'action de la nature extérieure; les hommes confondent l'être vital et l'âme, parce que c'est le vital qui anime et fait mouvoir le corps. Mais cet être vital est une chose faite de désirs et de forces exécutrices, bonnes et mauvaises; c'est l'âme de désir, non l'âme véritable. Lorsque l'âme vraie (psyché) vient en avant et commence, d'abord à influencer, puis à gouverner les actions de la nature instrumentale, l'homme commence à surmonter le désir vital et à croître vers une nature divine.

Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 2.

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375

1. L'âme et l'être psychique sont pratiquement la même chose, à cette différence près que même dans les choses qui n'ont pas élaboré un être psychique, il y a pourtant une étincelle du Divin qu'on peut appeler âme. En sanskrit l'être psychique est appelé Pourousha dans le cœur, ou Chaïtya Pourousha. (L'être psychique est l'âme qui se développe dans l'évolution.)

2. La distinction entre Pourousha et Prakriti appartient au système du Sâmkhya; le Pourousha est la conscience du témoin silencieux qui observe les actions de Prakriti, Prakriti est la force de la Nature que l'on sent accomplir toutes les actions dès que l'on se débarrasse du sentiment que c'est l'ego qui les accomplit. Alors on réalise ces deux entités. Cette réalisation est très différente de celle de l'être psychique. On la sent dans le mental, le vital, le physique — plus facilement dans le mental où l'être mental (Pourousha) est établi et gouverne les autres (manomayaḥ puruṣaḥ prāṇa-śarīra-netā).

3. Prajnâ, Taïdjasa, etc. correspondent à une classification différente et concernent, non des parties différentes de l'être, mais trois états différents (éveil, rêve, sommeil — grossier, subtil, causal).

Je pense qu'il ne faut pas essayer de relier ces différentes choses entre elles, car cela peut créer une confusion. Elles appartiennent à des catégories différentes et à un ordre différent d'expériences.

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376

L'être mental au-dedans surveille, observe et juge tout ce qui se passe en nous. Le psychique ne surveille pas et n'observe pas de la sorte, comme un témoin, mais il sent et il sait spontanément d'une manière beaucoup plus directe et plus lumineuse, par la pureté même de sa propre nature et par l'instinct divin qui est en lui, et ainsi, dès qu'il passe au premier plan, il révèle immédiatement les mouvements justes et les mouvements faux dans notre nature.

L'être humain est composé des éléments suivants: en arrière, le psychique qui soutient tout; puis le mental, le vital et le physique internes; et à l'extérieur, l'instrument par lequel ceux-ci s'expriment: la nature tout à fait extérieure du mental, de la vie et du corps. Mais au-dessus de tous ces éléments, se tient l'être central (jīvātmā) qui les utilise tous pour se manifester — c'est une parcelle du Moi divin; or, cette réalité de lui-même reste cachée à l'homme extérieur qui remplace cette âme ou moi profond par l'ego mental et vital. Seuls ceux qui ont commencé à se connaître eux-mêmes, prennent conscience de leur être central véritable, et pourtant il est toujours là, présent derrière l'action du mental, de la vie et du corps, et c'est le psychique qui le représente le plus directement car il est lui-même une étincelle du Divin. C'est par la croissance de l'élément psychique dans notre nature que nous commençons à entrer consciemment en contact avec notre être central au-dessus. Quand ce contact se produit et que l'être central fait usage d'une volonté consciente pour contrôler et organiser les mouvements de la nature, alors on possède une maîtrise de soi réelle, spirituelle, au lieu d'une maîtrise partielle, purement mentale ou morale.

Lumières sur le Yoga, chapitre 2. Traduction de la Mère.

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377

L'être mental dont parlent les Oupanishad n'est pas une partie de l'ensemble physique-nerveux-mental. C'est le manomayaḥ puruṣaḥ prāṇa-śarīra-netā, l'être mental qui conduit la vie et le corps. Il ne pourrait pas être décrit ainsi s'il était une partie de l'ensemble. Ni l'ensemble, ni une de ses parties ne peuvent non plus être le Pourousha — car l'ensemble est un composé de Prakriti. Il est décrit comme manomaya dans les Oupanishad parce que l'être psychique est derrière le voile et que l'homme, étant l'être mental dans la vie et le corps, vit dans son mental et non dans son psychique, donc pour lui le manomaya puruṣa guide la vie et le corps; du psychique caché soutenant l'ensemble, il n'est pas conscient ou il n'est que faiblement conscient à ses meilleurs moments. Le psychique est représenté dans l'homme par le premier ministre, manomaya, le psychique lui-même étant un roi constitutionnel débonnaire; c'est au manomaya que la Prakriti en réfère pour qu'il donne son assentiment à ses actions. Cependant, le texte des Oupanishad ne donne que la vérité apparente de la question, valable seulement pour l'homme et le stade humain — car dans l'animal ce serait plutôt le prāṇamaya puruṣa qui serait le netā, le guide du mental et du corps. C'est une des raisons pour lesquelles je n'ai pas encore autorisé la publication de "Renaissance et Karma",13 parce que ceci devait être corrigé et remplacé par cette vérité plus profonde. J'avais l'intention de le faire plus tard, mais je n'ai pas eu le temps de finir les articles manquants.

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378

L'incohérence "tragi-ridicule" dont vous pariez vient du fait que l'homme n'est pas fait d'une seule pièce, mais de nombreux morceaux, et que chacune de ses parties a sa personnalité propre. Les gens ne s'en sont pas encore suffisamment rendus compte; les psychologues ont commencé à l'entrevoir, mais ne le reconnaissent que lorsque se présente un cas prononcé de double ou de multiple personnalité. En réalité, tous les hommes sont ainsi. Dans le yoga, le but doit être de faire croître (si on ne l'a pas déjà) un être central vigoureux, et d'harmoniser tout le reste sous son influence, en changeant ce qui doit être changé. Si cet être central est le psychique, il n'y a pas de grande difficulté. Si c'est l'être mental, manomayaḥ puruṣaḥ prāṇa-śarīra-netā, alors c'est plus difficile — à moins que l'être mental n'apprenne à rester toujours en contact avec la Volonté et le Pouvoir plus grands du Divin et à recevoir leur aide.

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379

Je ne comprends pas la question telle qu'elle est posée. Chaque partie doit être tenue séparée des autres et faire son propre travail, et chacune doit recevoir la Vérité du psychique ou d'au-dessus. La Vérité qui descend d'en haut harmonisera de plus en plus leur action, bien que la parfaite harmonie ne puisse venir qu'avec la réalisation supramentale.

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380

Ce que vous ressentez est le premier état de la conscience yoguique et de la connaissance de soi. Le mental ordinaire ne se connaît que comme un ego, tous les mouvements de la nature étant pêle-mêle; il s'identifie à ces mouvements et pense: "Je fais ceci, je ressens cela, je pense, je suis joyeux, je suis malheureux, etc. " La vraie connaissance de soi commence à apparaître quand vous vous sentez séparé de la nature en vous et de ses mouvements et quand vous voyez que votre être contient de nombreuses parties, de nombreuses personnalités, chacune agissant pour son propre compte et à sa propre manière. Les deux êtres différents que vous sentez sont l'un, l'être psychique qui vous attire vers la Mère, l'autre l'être extérieur, principalement vital, qui vous attire au-dehors et vers le bas, vers le jeu de la nature inférieure. Il y a aussi en vous, derrière le mental, l'être qui observe, le Pourousha témoin, qui peut rester détaché du jeu de la nature, l'observer et choisir. Il doit se mettre toujours du côté de l'être psychique, consentir à son mouvement et le soutenir, et rejeter le mouvement, dirigé vers l'extérieur et vers le bas, de la nature inférieure qui doit être soumise au psychique et transformée par son influence.

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381

La leçon à tirer de l'état que vous décrivez n'est pas que vous ne devez pas faire le yoga, mais que vous devez continuer fermement à réparer la déchirure qui sépare les deux parties de l'être. Cette division est très fréquente, presque universelle dans la nature humaine, et il arrive presque à tout le monde de suivre l'impulsion inférieure en dépit de la volonté contraire des parties supérieures. C'est le phénomène que note Ardjouna dans sa question à Krishna: "Pourquoi fait-on le mal tout en souhaitant ne pas le faire, comme si on y était contraint par force?" et qu'exprime la sentence d'Horace: "vidéo meliora proboque, détériora sequor".14 Par une aspiration et un effort constants, on peut parvenir à un tournant où le psychique s'affirme, et ce qui semble un très léger renversement psychologique modifie tout l'équilibre de la nature.

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382

Vous considérez la conscience extérieure éveillée comme la personne ou l'être véritable, et vous en concluez que si ce n'est pas cela qui a la réalisation ou s'y fixe, mais quelque chose d'autre, alors personne ne l'a — car personne n'existe ici hormis cette conscience éveillée. C'est précisément à cause de cette erreur que l'ignorance persiste et qu'on ne peut pas s'en débarrasser. Le tout premier pas pour sortir de l'ignorance est d'accepter le fait que cette conscience extérieure n'est pas votre âme, pas vous-même, pas la vraie personne, mais uniquement une formation temporaire à la surface qui existe pour les besoins du jeu de la surface. L'âme, la personne est au-dedans, non à la surface; la personnalité extérieure est la personne uniquement au sens premier du mot latin persona qui, à l'origine, signifiait masque.

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383

Le psychique a la position dont vous parlez, parce qu'il est en contact avec le Divin dans la nature inférieure. Mais le mental, le vital et le physique intérieurs font partie de l'universel et sont ouverts aux dualités — seulement ils sont plus vastes que le mental extérieur, la vie et le corps, et peuvent recevoir plus largement et plus facilement l'influence divine.

Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 2.

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384

Le mot Antarâtman est utilisé très vaguement, comme le mot âme en anglais; employé ainsi, il englobe tout l'être intérieur, mental intérieur, vital intérieur, physique intérieur même, ainsi que l'être le plus profond, le psychique.

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385

Le mental européen, en général, n'a jamais été capable de dépasser la formule âme + corps — où habituellement le mental est inclus dans l'âme, et tout sauf le corps est inclus dans le mental. Certains occultistes font une distinction entre l'esprit, l'âme et le corps. En même temps, il doit y avoir, un sentiment vague que l'âme et le mental ne sont pas tout à fait la même chose, puisque l'on entend dire: "Cet homme n'a pas d'âme", ou: "C'est une âme", ce qui signifierait qu'il y a quelque chose en lui en plus du mental et du corps. Mais tout cela est très vague. La distinction entre le mental et l'âme n'est pas claire, il n'y en a aucune entre le mental et le vital, et souvent le vital est pris pour l'âme.

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386

Mais c'est justement cela15 qui est controversé par le mental scientifique occidental ou qui l'était encore hier, et qui est considéré encore aujourd'hui comme invérifiable. On soutient que l'idée du moi est une illusion — en dehors du corps. Ce sont les expériences du corps qui créent l'idée d'un moi et le désir de vivre trouve un prolongement illusoire dans la notion d'un moi qui survit au corps. L'Occident est en outre accoutumé à l'idée chrétienne d'un moi créé en même temps que le corps — idée que les chrétiens ont reprise des juifs, qui croient en Dieu, mais non en l'immortalité; le mental occidental est donc obstinément opposé à toute idée de réincarnation. Même les esprits religieux pensaient que l'âme naissait dans le corps, Dieu façonnant d'abord le corps, puis y insufflant l'âme (Prâna?). Il est difficile pour les Européens de se défaire de cet héritage mental du passé.

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387

Les Oupanishad décrivent l'être psychique comme n'étant pas plus grand que le pouce d'un homme! C'est évidemment une image symbolique. Car habituellement quand on voit l'être psychique de quelqu'un sous une forme, il est plus grand que cela. Quant à l'être intérieur, on sent qu'il est grand parce que l'être mental vrai ou l'être vital vrai ou même l'être physique vrai a une conscience beaucoup plus vaste que la conscience extérieure qui est limitée par le corps. Quand les parties extérieures semblent occuper toute la conscience, c'est que l'on descend dans le physique et que l'on sent toutes les activités de la Nature agir sur elle-même les mouvements mentaux et vitaux sont alors ressentis à travers le physique et comme appartenant à un plan séparé. Mais quand on vit dans l'être intérieur, on perçoit une conscience qui commence à s'étendre dans l'universel, et le mouvement extérieur n'est qu'un mouvement projeté à la surface par les forces universelles.

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388

Oui, l'être psychique a une forme. Mais cela n'apparaît pas sur la photographie; car le psychique n'a pas toujours, ou pas habituellement, une forme qui ressemble de près à celle du corps physique, il est même parfois très différent. Quand nous regardons la photographie, ce que nous voyons n'est pas une forme, mais quelque chose de la conscience qui est exprimé par le corps, ou transparaît d'une manière ou d'une autre; on le perçoit ou on le sent à travers la photographie.

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389

L'âme n'est limitée par aucune forme, mais l'être psychique émane une forme pour s'exprimer, tout comme les Pourousha du mental, du vital et du physique subtil: c'est-à-dire qu'on peut voir son propre être psychique sous telle ou telle forme, ou quelqu'un d'autre peut le voir. Mais cette vision est de deux sortes: il y a la forme caractéristique stable prise par cet être-ci dans cette vie-ci, et il y a des formes symboliques, comme lorsqu'on voit le psychique sous l'apparence d'un nouveau-né sur les genoux de la Mère.

Si le sâdhak en question a vraiment vu son psychique sous la forme d'une femme, ce ne pouvait être qu'une apparence construite pour exprimer une qualité ou un attribut du psychique.

VI

390

Il y a toujours deux consciences différentes dans l'être humain, l'une extérieure dans laquelle il vit ordinairement, l'autre intérieure et cachée dont il ne sait rien. Quand on fait la sâdhanâ, la conscience intérieure commence à s'ouvrir et on devient capable d'aller au-dedans et d'y avoir toutes sortes d'expériences. À mesure que la sâdhanâ progresse, on commence à vivre de plus en plus dans cet être intérieur et l'être extérieur devient de plus en plus superficiel. Au début, la conscience intérieure semble être le rêve et la conscience extérieure la réalité de veille. Ensuite la conscience intérieure devient la réalité et beaucoup de sâdhak ressentent la conscience extérieure comme un rêve ou une illusion trompeuse, ou encore comme quelque chose de superficiel et d'extérieur. La conscience intérieure commence à être un lieu de paix profonde, de lumière, de bonheur, d'amour, d'intimité avec le Divin ou la présence du Divin, avec la Mère. On perçoit alors deux consciences, l'une intérieure, l'autre extérieure qui doit être changée en homologue et instrument de la première — celle-ci aussi doit s'emplir de paix, de lumière, d'union avec le Divin. En ce moment, vous allez de l'une à l'autre et tous les sentiments que vous éprouvez pendant cette période sont tout à fait naturels. Vous ne devez pas vous en inquiéter du tout, mais attendre le plein développement de la conscience intérieure dans laquelle vous serez capable de vivre.

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391

Par être intérieur, je n'entendais pas l'être psychique ou l'être le plus profond. C'est l'être psychique qui ressent l'amour, la bhakti et l'union avec la Mère. Je parlais du mental intérieur, du vital intérieur, du physique intérieur; afin d'atteindre le siège caché du psychique, on doit d'abord passer par là. Quand on quitte la conscience extérieure pour aller au-dedans, on entre là. Certains sâdhak — la plupart — pénètrent d'abord dans le vital intérieur, d'autres dans le mental intérieur ou le physique intérieur; le vital émotionnel est la route la plus directe, car le siège du psychique est juste derrière l'émotionnel dans le centre du cœur. Il est absolument nécessaire pour atteindre le but de devenir conscient dans ces régions intérieures, car si elles ne sont pas éveillées, l'être psychique ne possède pas les instruments appropriés et suffisants pour ses activités; il n'a alors comme moyens d'action que le mental extérieur, le vital extérieur et le corps, et ceux-ci sont trop petits, trop étriqués et obscurs. Jusqu'à présent, vous n'avez pu entrer que dans la périphérie du vital intérieur et vous y êtes encore insuffisamment conscient. En y devenant plus conscient et en pénétrant plus profondément, on peut atteindre le psychique — le refuge sûr, nirāpada sthāna, dont vous parlez; alors vous ne serez plus troublé par les visions et les expériences confuses du vital intérieur à sa périphérie.

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392

Conscience intérieure signifie mental intérieur, vital intérieur, physique intérieur, et derrière eux le psychique qui est leur être le plus profond. Mais le mental intérieur n'est pas le mental supérieur; il est davantage en contact avec les forces universelles et plus ouvert à la conscience supérieure que le mental extérieur ou de surface, et possède un rayon d'action immensément plus profond et plus vaste; mais il est essentiellement de la même nature. La conscience supérieure est celle qui se tient au-dessus du mental ordinaire et en diffère dans son fonctionnement; elle va du mental supérieur, par le mental illuminé, l'intuition et le surmental, jusqu'à la frontière du supramental.

Si le psychique était libéré, libre d'agir à sa propre manière, tous ces faux pas dans l'Ignorance ne se produiraient pas. Mais le psychique est recouvert par le mental, le vital et le physique ignorants, et il est contraint d'agir à travers eux selon la loi de l'Ignorance. S'il est libéré de cette enveloppe, alors il peut agir selon sa propre nature dans une aspiration libre, un contact direct avec la conscience supérieure et un pouvoir de transformer la nature ignorante.

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393

L'être mental, vital ou physique subtil véritable a toujours les plus grandes qualités de son plan il est le Pourousha, et comme le psychique, bien que d'une manière différente, il est la projection du Divin; il est par conséquent en contact avec la conscience supérieure et en reflète quelque chose, bien qu'il ne soit pas vraiment elle; il est aussi en harmonie avec la Vérité cosmique.

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394

Derrière toute la nature vitale de l'homme existe, caché et immobile, son être vital véritable, qui est tout à fait différent de la nature vitale superficielle. Le vital de surface est étroit, ignorant, borné, plein d'obscurs désirs, de passions, d'appétits, de révoltes, de plaisirs et de peines, de joies et de douleurs éphémères, d'exultations et de dépressions. L'être vital véritable, au contraire, est large, vaste, calme, fort, sans limitations, ferme et inébranlable, capable de toute puissance, de toute connaissance, de tout Ânanda. En outre, il est sans ego, car il sait qu'il est une projection et un instrument du Divin: il est le Guerrier divin, pur et parfait; en lui, se trouve une Force instrumentale capable de toutes les réalisations divines. C'est l'être vital vrai qui s'est éveillé et est venu au premier plan en vous. De même, il existe aussi un être mental véritable, un être physique véritable. Quand ceux-ci se manifestent, on devient conscient d'une double existence en soi: l'une profonde, qui est toujours calme et forte, et l'autre, en surface, qui seule est tourmentée et obscure. Mais si l'être véritable en arrière reste stable et que vous vivez en lui, l'agitation et l'obscurité restent uniquement à la surface; dans cet état, les parties extérieures peuvent être maniées avec plus d'efficacité et, elles aussi, rendues libres et parfaites.

Lumières sur le Yoga, chapitre 2. Traduction de la Mère.

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395

Il [le vital véritable] est capable de recevoir les mouvements de la conscience supérieure, et ensuite il peut être capable de recevoir le pouvoir plus grand encore du supramental et de l'Ânanda. S'il ne l'était pas, la descente de la conscience supérieure serait impossible, et la supramentalisation serait impossible. Cela ne signifie pas que tout cela lui appartienne en propre et qu'aussitôt que l'on devient conscient de son vital véritable, on reçoive tout cela comme si c'était inhérent au vital véritable.

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396

Le vital véritable est dans la conscience intérieure, le vital extérieur est ce qui sert d'instrument au jeu actuel de Prakriti dans la personnalité de surface. Quand vient la transformation, le vital véritable rejette hors du vital extérieur ce qui n'est pas en harmonie avec sa propre vérité et en fait un instrument vrai pour s'exprimer, un moyen d'exprimer sa volonté intérieure, et non quelque chose qui répond aux suggestions de la Nature inférieure. Pratiquement, la distinction très nette entre les deux disparaît.

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397

Dans la conscience vitale véritable, le vital se donne entièrement, se convertit en un instrument du Divin, n'exige rien, ne cherche à imposer aucun désir, répond à la force de la Mère et à nulle autre; il est calme, sans égoïsme, entièrement loyal et obéissant, sans ambition ni vanité personnelle, ne demande qu'à être un pur et parfait instrument, ne désire rien pour lui-même si ce n'est que la Vérité règne en lui et partout, que la Victoire divine arrive et que l'Œuvre divine soit accomplie.

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398

Il [le vital illuminé] est en contact avec le Pouvoir divin ou la Vérité supérieure et cherche à se transformer et à devenir un instrument véritable; il rejette les mouvements vitaux ordinaires.

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399

Si l'être intérieur ne se manifeste pas ou n'agit pas, l'être extérieur ne sera jamais transformé.

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400

La conscience extérieure est celle qui s'exprime habituellement dans la vie ordinaire. C'est le mental, le vital, le physique extérieurs. Elle n'est pas reliée très étroitement avec l'être intérieur, sauf chez quelques-uns, jusqu'au moment où l'on établit le contact entre eux au cours de la sâdhanâ.

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401

Ils [le mental intérieur et le vital intérieur] exercent une influence et émettent leurs pouvoirs ou leurs suggestions, que le mental et le vital extérieurs tantôt suivent de leur mieux, tantôt ne suivent pas. Le degré de leur action sur les parties extérieures dépend de la mesure dans laquelle l'individu a une vie intérieure. Par exemple, la vie du poète, du musicien, de l'artiste, du penseur est gouvernée en grande partie de l'intérieur; celle des hommes de génie aussi, et de ceux qui essaient de vivre selon un idéal. Mais quantité de gens ont très peu de vie intérieure et sont entièrement dominés par les forces de la Nature.

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402

À mesure que, de vie en vie, on accumule de l'expérience, mentale ou vitale, le mental intérieur et le vital intérieur se développent aussi, selon l'usage que nous faisons de nos expériences et la mesure dans laquelle elles sont utilisées pour la croissance de l'être.

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403

L'être extérieur n'est qu'un moyen d'expression, il n'est pas le moi. On ne doit pas s'identifier à lui, car il exprime une personnalité formée par la vieille nature ignorante. Si l'on ne s'identifie pas à lui, on peut le transformer, afin d'exprimer la vraie personnalité intérieure de Lumière.

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404

Ils [le mental, le vital et le corps extérieurs] sont petits, mais ils ne sont pas sans importance malgré leur apparence insignifiante: car ils sont une voie nécessaire de transmission entre l'âme et le monde extérieur.

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405

La conscience extérieure est enfermée dans les limites du corps et dans le petit brin de mental et de sens personnels qui dépend du corps — elle ne voit que l'extérieur, que les objets. Mais la conscience intérieure peut voir derrière la chose, elle perçoit le jeu des forces, personnelles ou universelles — car elle est en contact conscient avec l'action universelle.

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406

Notre être intérieur est en contact avec le mental, la vie et la Matière universels; il en est une partie et, de ce fait même, il ne peut pas posséder la libération et la paix. Vous pensez probablement à l'Âtman, et vous le confondez avec l'être intérieur.

Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 2.

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407

L'être intérieur ne peut pas être "situé" au-dessus, il ne peut que se joindre à ce qui est au-dessus, le pénétrer et en être pénétré. S'il était situé au-dessus, alors il n'y aurait pas d'être intérieur.

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408

Je ne vois pas ce que vous voulez dire en parlant de l'être intérieur situé "autour" du psychique. Il est évidemment plus proche du psychique que le mental, le vital ou le physique extérieurs, mais cela ne garantit pas qu'il soit ouvert au psychique seul et non aux autres forces universelles.

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409

Le psychique peut avoir la paix derrière lui, mais le mental, le vital et le physique intérieurs ne sont pas nécessairement silencieux: ils sont pleins de mouvements. C'est la conscience supérieure qui a une base de paix.

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410

L'être intérieur n'est pas habituellement agité, mais il peut être calme ou agité, comme l'être extérieur.

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411

Chez tout le monde les parties intérieures restent vulgaires ou deviennent nobles selon qu'elles sont orientées vers; les forces extérieures de l'Ignorance, ou vers les forces supérieures qui viennent d'au-dessus et vers l'impulsion intérieure du psychique. Là toutes les forces peuvent entrer en jeu. C'est l'être extérieur qui est fixé dans un certain caractère, certaines tendances, certains mouvements.

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412

L'être intérieur a un temps qui lui est propre, et qui est parfois plus lent, parfois plus rapide que le temps de l'être physique.

VII

413

L'individu ne se limite pas au corps physique — seule la conscience extérieure a cette impression. Dès que l'om dépasse ce sentiment de limitation, on sent d'abord la conscience intérieure qui est liée au corps, mais ne lui appartient pas, puis les plans de conscience au-dessus du corps, ainsi qu'une conscience qui entoure le corps mais fait partie de soi, fait partie de l'être individuel et à travers laquelle on est en contact avec les forces cosmiques et avec d'autres êtres. J'ai appelé cette conscience la conscience environnante.

Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 2.

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414

Chaque homme a sa propre conscience personnelle retranchée dans son corps et n'entre en contact avec ce qui l'entoure qu'à travers son corps et ses sens, et à travers le mental utilisant les sens.

Et pourtant les forces universelles se déversent en lui continuellement sans qu'il le sache. Il ne perçoit que les pensées, les sentiments, etc., qui montent à la surface et ceux-là, il les prend pour siens. En réalité, ils viennent de l'extérieur par vagues mentales, vagues vitales, vagues de sentiments et de sensations, etc., qui prennent une forme particulière en lui et montent à la surface après être entrés à l'intérieur.

Mais ils n'entrent pas dans son corps tout de suite. L'homme transporte avec lui une conscience environnante (que les théosophes appellent l'aura) dans laquelle ils entrent en premier lieu. Si vous pouvez devenir conscient de votre moi environnant, alors vous pouvez attraper la pensée, la passion, la suggestion ou la force de maladie et l'empêcher d'entrer en vous. Si vous rejetez des choses hors de vous, souvent elles ne s'en vont pas complètement, mais se réfugient dans cette atmosphère environnante, et de là essaient de s'introduire de nouveau; ou elles vont à une certaine distance au-dehors, mais traînent aux alentours ou même plus loin, attendant que se présente l'occasion d'une tentative d'incursion.

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415

La conscience environnante n'est pas un monde, c'est une chose individuelle.

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416

[Le subconscient et la conscience environnante:] ce sont deux choses tout à fait différentes. Ce qui est entreposé dans le subconscient — impressions, souvenirs, etc. — s'élève de là vers les parties conscientes. Dans la conscience environnante les choses ne sont pas emmagasinées ni fixées, bien qu'elles s'y déplacent. Celle-ci est extrêmement mobile, c'est un champ de vibration ou un lieu de passage des forces.

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417

Elle [la conscience environnante] peut devenir silencieuse quand la conscience s'élargit. On peut en devenir conscient et agir sur ce qui passe à travers elle. Sans elle, l'homme serait sans contact avec le reste du monde.

VIII

418

La conscience de l'individu s'élargit dans la conscience cosmique au-dehors et peut avoir avec elle toutes sortes de relations: elle peut pénétrer, connaître ses mouvements, agir sur elle ou recevoir d'elle, et même être aussi vaste qu'elle ou la contenir; c'est ce que les anciens yoga entendaient par l'expression "avoir le Brahmânda en soi".

La conscience cosmique est celle de l'univers, de l'esprit cosmique et de la Nature cosmique, avec tous les êtres et toutes les forces qui y sont contenus. Tout cela est aussi conscient globalement que l'est l'individu séparément, bien que d'une manière différente. La conscience de l'individu en est une partie, mais c'est une partie qui se perçoit comme un être distinct. Et pourtant, à tout moment, la plus grande partie de ce qu'il est lui vient de la conscience cosmique. Mais il y a un mur d'ignorance séparatrice entre les deux. Une fois ce mur écroulé, l'individu commence à sentir le Moi cosmique, la conscience de la Nature cosmique, les forces qui y jouent, etc. Il sent tout cela comme il sent maintenant les choses et les chocs physiques. Il découvre que le tout ne fait qu'un avec son moi plus vaste ou universel.

Il y a une Nature mentale universelle, une Nature vitale universelle, une Nature physique universelle; c'est d'une sélection parmi leurs forces et leurs mouvements que sont faits le mental, le vital et le physique individuels. L'âme vient de par-delà cette nature mentale, vitale et corporelle. Elle appartient au Transcendant, et c'est pourquoi il nous est possible de nous ouvrir à la Nature supérieure qui est par-delà.

Le Divin est toujours l'Un qui est Multiple. L'esprit (ou moi) individuel fait partie de l'aspect "multiple" de l'Un, et l'être psychique est ce qu'il émane pour se développer ici-bas dans la nature terrestre. En parvenant à la libération, le moi individuel réalise qu'il est l'Un (qui est pourtant le Multiple). Il peut plonger en l'Un et se fondre ou se cacher en son sein — c'est la laya de l'Adwaïta; il peut aussi sentir son unité et néanmoins, en tant que partie du Multiple qui est l'Un, jouir du Divin — c'est la libération du Dwaïtâdwaïta; il peut encore insister sur l'aspect "multiple" et être possédé par le Divin — c'est la libération du Vishishtâdwaïta; ou bien continuer à jouer avec Krishna dans l'éternel Vrindâvan — c'est la libération du Dwaïta. Ou encore, il peut, même lorsqu'il est libéré, rester dans la Lîlâ (ou manifestation) ou y descendre aussi souvent qu'il veut. Le Divin n'est pas lié par les philosophies humaines; il est libre en son jeu et libre en son essence.

Lumières sur le Yoga, chapitre 2. Traduction de la Mère.

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419

Il n'y a pas de différence entre les termes "cosmique" et "universel", sauf que "universel" peut être utilisé d'une manière plus large que "cosmique". Universel peut signifier "de l'univers", cosmique dans ce sens général. Mais il peut aussi signifier "commun à tous", par exemple vous pouvez dire: "c'est une faiblesse universelle"; vous ne diriez pas: "c'est une faiblesse cosmique".

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420

1. La conscience spirituelle est celle dans laquelle nous accédons à la perception du Moi, de l'Esprit, du Divin, et où nous sommes capables de voir en toutes choses la réalité essentielle et le jeu des forces et des phénomènes comme procédant de cette Réalité essentielle.

2. La conscience cosmique est celle où les limites de l'ego, du mental personnel et du corps disparaissent, et où l'on devient conscient de l'existence d'une immensité cosmique qui est un esprit cosmique, ou est remplie d'esprit cosmique; on perçoit aussi le jeu direct des forces cosmiques, des forces du mental universel, des forces de la vie universelle, des énergies universelles de la Matière, des forces du surmental universel. Mais on ne devient pas conscient de tout cela à la fois; l'ouverture de la conscience cosmique est en général progressive. Non que l'ego, le corps, le mental personnel disparaissent, mais on les ressent comme n'étant qu'une petite partie de soi-même, ou comme des répliques diverses de soi — le même moi modifié par la Nature dans d'autres corps — ou pour le moins, comme vivant dans le moi universel plus vaste qui est dès lors la plus grande réalité de soi-même. Tout, en fait, commence à changer de nature et d'apparence; toute notre expérience du monde est radicalement différente de l'expérience de ceux qui sont enfermés dans leur moi personnel. On commence à connaître les choses par un mode différent d'expérience, plus direct, ne dépendant pas du mental extérieur et des sens. La possibilité d'erreur ne disparaît pas pour autant: cela ne peut pas se produire tant que le mental, sous quelque forme que ce soit, sert d'instrument pour transcrire la connaissance, mais il y a une manière nouvelle, vaste et profonde, de sentir, de voir, de connaître les choses, d'entrer en contact avec elles; et les confins de la connaissance peuvent être reculés dans une mesure presque infinie. Ce dont il faut se garder, dans la conscience cosmique, c'est du jeu d'un ego agrandi, des attaques amplifiées des forces hostiles — car elles aussi font partie de la conscience cosmique — et des tentatives de l'Illusion cosmique (Ignorance, Avidyâ) pour empêcher la croissance de l'âme jusqu'à la Vérité cosmique. Ce sont des choses qu'il faut apprendre par expérience; l'enseignement intellectuel ou les explications mentales sont tout à fait insuffisants. Pour entrer en toute sécurité dans la conscience cosmique et la traverser sans danger, il faut avoir une sincérité centrale forte et sans égoïsme; il faut aussi que l'être psychique, avec son pouvoir divinateur de la vérité et son orientation infaillible vers le Divin, soit déjà au premier plan dans la nature.

3. La conscience ordinaire est celle dans laquelle on connaît les choses uniquement ou principalement par l'intellect, le mental extérieur et les sens, et où on ne connaît les forces, etc., que par leurs manifestations extérieures et leurs résultats, et le reste par ce que l'on déduit de ces données. L'intuition mentale, la vision ou les impulsions psychiques plus profondes, les suggestions spirituelles, etc., peuvent dans une certaine mesure entrer en jeu, mais dans la conscience ordinaire elles ne sont qu'accidentelles et ne modifient pas le caractère fondamental de cette conscience.

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421

L'homme ordinaire vit dans sa propre conscience personnelle et connaît les choses à travers son mental et ses sens, dans la mesure où ceux-ci sont en contact avec un monde qui est extérieur à lui, extérieur à sa conscience. Quand la conscience devient subtile, elle commence à entrer en contact avec les choses d'une manière beaucoup plus directe, non seulement avec leur forme et leurs effets extérieurs, mais avec leur contenu; son étendue peut cependant être encore limitée. Mais la conscience peut aussi s'élargir et commencer d'abord à entrer en contact direct avec un univers ou une certaine catégorie de choses dans le monde, puis à les contenir pour ainsi dire — on parle de voir le monde en soi-même — et à être d'une certaine manière identifié à cela. Voir toutes choses dans le moi et le moi en toutes choses, percevoir en toutes choses un être unique, être conscient directement des différents plans, de leurs forces, de leurs êtres — c'est cela l'universalisation.

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422

Oui, certainement [dans le mental cosmique il y a une zone de mental physique], rien n'existe dans l'individu qui n'existe dans l'Énergie cosmique. Ordinairement, l'individu n'est qu'un centre différencié des forces universelles — bien que son âme vienne d'ailleurs.

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423

Comme il [tout être humain] vit dans une conscience séparée, il fabrique un monde mental qui lui est propre à partir de ses expériences du monde commun où tout le monde vit. Ce monde est bâti de la même manière que celui des autres, et l'homme y reçoit les pensées, les sentiments des autres, le plus souvent sans le savoir, et cela aussi il l'utilise comme matériau pour construire son monde séparé.

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424

Toute vie est le jeu de forces universelles. L'individu donne une forme personnelle à ces forces universelles. Mais il peut choisir de réagir ou de ne pas réagir à l'action d'une force particulière. Seulement la plupart des gens n'exercent pas réellement un choix — ils se prêtent au jeu des forces. Vos maladies, vos dépressions, etc., sont le jeu répété de forces de ce genre. C'est seulement lorsqu'on parvient à s'en libérer que l'on peut devenir la vraie personne et avoir une vie véritable; mais on ne peut être libre qu'en vivant dans le Divin.

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425

C'est Prakriti (la Nature) qui envoie ces impulsions. La Nature envoie à chacun toutes sortes de forces et d'expériences. C'est à vous qu'il appartient, en tant qu'être conscient (Pourousha) de choisir ce que vous ferez ou ne ferez pas; vous devez rejeter ce que vous trouvez faux, n'accepter que ce qui est vrai et juste. Dans la Nature, il y a le supérieur et l'inférieur, le vrai et le faux. Ce que le Divin veut de vous, c'est que vous croissiez dans la Vérité et la Nature supérieure, que vous rejetiez la Nature fausse et inférieure.

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426

On peut recevoir non seulement une force, mais une impulsion, une pensée ou une sensation. On peut recevoir cela des autres, ou d'êtres qui sont dans la Nature, ou encore de la Nature elle-même, si elle choisit de donner à sa Force une forme toute faite de ce genre.

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427

1. Il peut exister un vital sans désir. Quand le désir disparaît de l'être, le vital ne disparaît pas avec lui.

2. Par Prakriti on entend la Prakriti universelle. La Prakriti universelle, en entrant dans le vital, crée des désirs qui prennent l'apparence d'une nature individuelle par le fait que l'être vital réagit toujours de la même façon; si les désirs habituels qu'elle y projette ont été rejetés et bannis, l'être reste, mais l'ancienne Prakriti individuelle de désir vital n'est plus là; une nouvelle nature se forme qui répond à la Vérité au-dessus et non plus à la Nature inférieure.

3. La Prakriti universelle l'a déterminée [cette réaction habituelle] et l'âme ou Pourousha l'a acceptée. C'est dans cette acceptation que réside la responsabilité. Le Pourousha est ce qui ratifie ou refuse. Chez l'animal, l'être vital réagit aux ondes ordinaires de vie; l'homme y réagit aussi, mais a le pouvoir de les contrôler mentalement. Dans la mesure où le Pourousha mental en lui est éveillé, il a aussi le pouvoir de choisir s'il aura du désir ou s'il exercera son être à le surmonter. Enfin, il y a aussi la possibilité de faire descendre une nature plus haute qui ne sera pas soumise au désir, mais agira selon un autre principe vital.

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428

Tant que le mental humain reste enfermé dans sa personnalité, il ne lui est pas possible de comprendre les fonctionnements de la Volonté cosmique, car les normes établies par la conscience personnelle ne s'appliquent pas à eux. Une cellule dans le corps, si elle était consciente, pourrait aussi penser que l'être humain et ses actes ne sont que la résultante des relations et des fonctionnements d'un certain nombre de cellules comme elle et non de l'action d'un moi unifié. C'est seulement si l'on entre dans la Conscience cosmique que l'on peut commencer à voir les forces à l'œuvre et les principes selon lesquels elles agissent, et à entrevoir le Moi cosmique, le Mental et la Volonté cosmiques.

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429

Il n'existe aucune ignorance qui ne fasse partie de l'Ignorance cosmique, mais dans l'individu elle devient une formation et un mouvement limités, alors que l'Ignorance cosmique est le mouvement total de la conscience du monde séparée de la Vérité suprême et agissant dans une impulsion inférieure où la Vérité est pervertie, amoindrie, mélangée et voilée par le mensonge et l'erreur. La Vérité cosmique est le regard que porte sur les choses une conscience cosmique qui les montre dans leur essence véritable et dans leur vraie relation avec le Divin et entre elles.

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430

La Vérité cosmique est la vérité des choses telles qu'elles s'expriment actuellement dans l'univers. La Vérité divine est indépendante de l'univers, au-dessus de lui, et c'est d'elle qu'il provient.

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431

Les expériences du yogi sont des expériences spirituelles — l'expérience du jeu des Forces et de sa relation avec le moi, de l'action du Guide, de ce qui est derrière l'apparence des choses, des événements, etc., etc., de la vraie réalité des fonctionnements du Pourousha et de la Prakriti, etc. La Vérité divine est la Vérité de l'Essence divine, de la Conscience, du Moi, de la Connaissance, de la Lumière, du Pouvoir, de la Béatitude du Divin. C'est de là que le Cosmos, avec tous ses mouvements, tire son origine, mais c'est quelque chose de plus que le cosmos.

IX

432

Le "mental", au sens courant, embrasse indifféremment toute la conscience, car l'homme est un être mental et voit tout sous l'aspect mental; mais dans la terminologie de notre yoga, le substantif "mental" et l'adjectif "mental"16 sont utilisés pour désigner spécialement la partie de la nature qui a rapport avec la cognition et l'intelligence, avec les idées, les perceptions mentales ou perceptions de pensée, les réactions de la pensée devant les objets, avec les formations et les mouvements purement mentaux, la vision et la volonté mentales, etc. — toutes choses qui font partie de l'intelligence de l'homme. Du mental, il faut soigneusement distinguer le vital, quoiqu'un élément mental y ait transfusé. Le vital est la nature de la Vie, faite de désirs, de sensations, de sentiments, de passions, d'énergies d'action, de volontés du désir, de réactions de l'âme-de-désir en l'homme, et de tout le jeu des instincts de possession et autres apparentés: colère, peur, avidité, convoitise, etc., qui appartiennent à ce domaine de la nature. À la surface de la conscience, le mental et le vital sont mélangés, mais en eux-mêmes ce sont des forces tout à fait distinctes et dès que l'on passe derrière la conscience ordinaire superficielle, on les voit séparés, on découvre leur différence et on peut, à l'aide de cette connaissance, analyser leurs mélanges superficiels. Il est tout à fait possible — et c'est même courant pendant un temps plus ou moins long, parfois très long — que le mental accepte le Divin ou l'idéal yoguique, tandis que le vital n'est pas convaincu ni soumis et continue obstinément son chemin de désir, de passion et d'attirance pour la vie ordinaire. Cette division ou ce conflit entre le mental et le vital, est la cause de la plupart des difficultés les plus aiguës de la sâdhanâ.

Lumières sur le Yoga, chapitre 2. Traduction de la Mère.

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433

Saint Augustin était un homme de Dieu et un grand saint, mais les grands saints ne sont pas toujours — pas souvent — de grands psychologues ou de grands penseurs. La psychologie, ici, est celle des écoles les plus superficielles, sinon celle de l'homme de la rue; elle contient autant d'erreurs que de postulats psychologiques — et même plus, car certaines ne sont pas exprimées, mais implicites dans ce qu'il écrit. Je sais bien que ces erreurs sont pratiquement universelles, car l'investigation psychologique en Europe (et sans investigation il ne peut y avoir aucune connaissance solide) ne fait que commencer et n'est pas encore allée très loin, et ce qui a dominé le mental des hommes jusqu'à présent est une description superficielle des apparences superficielles de notre conscience, telles qu'elles nous apparaissent à première vue, et rien de plus. Mais la connaissance commence seulement quand nous nous éloignons des phénomènes de surface et recherchons, derrière eux, leurs fonctionnements et leurs causes véritables. Pour la vision superficielle du mental extérieur et des sens, le soleil est une petite boule de feu au milieu des airs qui décrit un cercle autour de la terre, et les étoiles de petits objets scintillants piqués dans le ciel à notre intention pendant la nuit. La recherche scientifique intervient alors et met en pièces cette première vision infantile. Le soleil est une énorme chose (à des millions de kilomètres de notre atmosphère) autour de laquelle tourne la petite terre, et les étoiles sont les énormes parties d'énormes systèmes situés à des distances indescriptibles, et qui n'ont apparemment rien à voir avec la minuscule terre et ses créatures. Tout la Science est ainsi, elle contredit la vision des sens ou les apparences superficielles des choses et affirme des vérités que la raison ordinaire et non éduquée ne devine pas. Le même procédé doit être appliqué en psychologie si nous voulons vraiment savoir ce qu'est notre conscience, comment elle est construite et fabriquée, quel est le secret de ses fonctionnements, ou comment sortir de son désordre.

Il y a ici plusieurs erreurs capitales et courantes:

1. Le mental et l'esprit sont la même chose.

2. Toute conscience peut être désignée par le mot "mental".

3. Toute conscience est par conséquent faite d'une substance spirituelle.

4. Le corps n'est que matière, il n'est pas conscient et est par conséquent quelque chose de tout à fait différent de la partie spirituelle de la nature.

Premièrement, l'esprit et le mental sont deux choses différentes et il ne faudrait pas les confondre. Le mental est une entité instrumentale ou une conscience instrumentale dont la fonction est de penser et de percevoir; l'esprit est une entité ou une conscience essentielle qui n'a pas besoin de penser ni de percevoir, que ce soit par le mental ou par les sens, parce que toute la connaissance qu'il a est une connaissance directe ou essentielle, svayaṃprakāśa.

Deuxièmement, il s'ensuit que toute conscience n'est pas nécessairement de fabrication spirituelle, et il n'est pas nécessairement vrai, il n'est pas vrai que la chose qui commande et la chose commandée soient identiques, ne soient en rien différentes, soient de la même substance et par conséquent liées ou du moins doivent s'accorder.

Troisièmement, il n'est même pas vrai que ce soit le mental qui commande le mental et se désobéisse lui-même. D'abord, le mental a plusieurs parties, chacune est en elle-même une force avec ses formations, ses fonctionnements, ses intérêts, et elles peuvent ne pas s'entendre. Une partie du mental peut être sous une influence spirituelle, aimer penser au Divin et obéir à l'impulsion spirituelle, une autre partie peut être rationnelle, ou scientifique, ou littéraire, et préférer suivre les formations, les croyances ou les doutes, les préférences mentales et les intérêts intellectuels qui sont conformes à son éducation et à sa nature. Mais tout cela mis à part, ce qui commandait en Saint Augustin pouvait fort bien être le mental pensant ou la raison, alors que ce qui était commandé était le vital; et mental et vital, quoi que l'on en dise, ne sont pas la même chose. Le mental pensant ou buddhi vit, si imparfaitement que ce soit dans l'homme, par l'intelligence et la raison. Le vital, au contraire, est une chose de désirs, d'impulsions, de poussées de force, d'émotions, de sensations, de poursuite des satisfactions de la vie, de possession et de jouissance; telles sont ses fonctions, telle est sa nature; il est cette partie en nous qui recherche la vie et ses mouvements pour eux-mêmes, et qui refuse de s'en dessaisir, même s'ils apportent la souffrance autant ou plus que le plaisir; il est même capable de s'abandonner avec délice aux larmes et à la souffrance parce qu'elles font partie du drame de la vie. Qu'y a-t-il donc de commun entre l'intelligence pensante et le vital, et pourquoi celui-ci devrait-il obéir au mental et non suivre sa propre nature? Cette désobéissance est parfaitement normale et non, comme le suggère Saint Augustin, inintelligible. Évidemment, l'homme peut établir une domination mentale sur son vital, et c'est dans cette mesure qu'il est un homme — parce que le mental pensant est une entité, une conscience plus noble et plus éclairée que le vital et devrait, par conséquent, gouverner, et qu'il peut le faire si la volonté mentale est forte. Mais son règne est précaire, incomplet et ne peut être maintenu que par une grande discipline de soi. Car si le mental est plus éclairé, le vital est plus proche de la terre, plus intense, plus véhément, plus directement capable d'influencer le corps. Il y a aussi un mental vital qui vit d'imagination, de pensées de désir, de volonté d'agir et de jouir par sa propre impulsion, et il est capable de se saisir de la raison, d'en faire une aide et une conseillère qui le justifie, qui lui fournit prétextes et excuses. Il y a aussi en l'homme la pure force du Désir qui est le principal soutien du vital, et qui est assez forte pour balayer la raison "tel un navire sur les flots déchaînés", nāvamivāmbhasi, comme dit la Guîtâ.

Enfin, le corps obéit au mental automatiquement dans les domaines où il est exercé ou dressé à obéir, mais la relation du corps avec le mental n'a pas, en toutes choses, la perfection d'un instrument automatique. Le corps aussi a une conscience qui lui est propre et, bien qu'elle soit un instrument submental ou une conscience subalterne, elle peut aussi désobéir ou ne pas obéir. Dans beaucoup de domaines, ceux de la santé et de la maladie par exemple, dans tous les fonctionnements automatiques, le corps agit par lui-même et n'est pas le serviteur du mental. S'il est épuisé, il peut opposer une résistance passive à la volonté du mental. Il peut brouiller le mental par le tamas, l'inertie, la pesanteur, les fumées du subconscient, de sorte que le mental ne peut agir. Le bras se lève, certes, quand il reçoit la suggestion, mais au début les jambes n'obéissent pas quand il leur est demandé de marcher; elles doivent apprendre à quitter l'attitude et le mouvement de la reptation et prendre l'habitude de la posture verticale et de la marche. Quand vous demandez pour la première fois à la main de tracer une ligne droite ou de jouer de la musique, elle ne peut pas le faire et ne le fera pas. Elle doit être dressée, entraînée, éduquée, et ensuite elle fait automatiquement ce qui lui est demandé. Tout cela prouve qu'il y a une conscience du corps qui peut agir sur ordre du mental, mais qui doit être éveillée, exercée, transformée en un instrument efficace et conscient. Elle peut même être entraînée au point qu'une volonté ou une suggestion mentale soit capable de guérir la maladie du corps. Mais tout cela, toutes ces relations du mental et du corps, est essentiellement du même ordre que la relation du mental avec le vital, et la question n'est ni aussi simple, ni aussi élémentaire que Saint Augustin le prétend.

Cela place le problème sur une autre base, en rend les causes plus claires et, si nous sommes prêts à poursuivre assez loin, suggère une porte de sortie: la voie du yoga.

P. S. Tout cela en dehors du facteur introduit par le problème, très important, des personnalités multiples, que l'investigation psychologique commence tout juste à prendre assez obscurément en considération, et qui est une question plus complexe.

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434

Quand le mental est tourné vers le Divin et la Vérité, qu'il est sensible et réagit seulement ou principalement à cela, il peut être appelé mental psychique; c'est quelque chose qui est formé par l'influence de l'être psychique sur le plan mental.

Le mental spirituel est un mental qui, dans sa plénitude, est conscient du Moi, reflète le Divin, voit et comprend la nature du Moi et ses relations avec la manifestation, vit en cela ou en contact avec cela, calme, vaste et éveillé à la connaissance supérieure, non perturbé par le jeu des forces. Quand son mouvement se libère pleinement, d'habitude on le sent dans sa position centrale au-dessus de la tête, bien que son influence puisse s'étendre vers le bas à travers tout l'être et au-dehors à travers l'espace.

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435

La capacité spirituelle est simplement une aptitude naturelle à l'expérience et au développement spirituels véritables. On peut l'avoir sur n'importe quel plan, mais la conséquence naturelle en est que l'on entre facilement en contact avec le Moi et les plans supérieurs.

Mental psychique et psychique mental17 sont pratiquement la même chose — quand, dans un mouvement du mental, l'influence psychique prédomine, cela s'appelle le psychique dans le mental ou le mental psychique.

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436

Le Mental supérieur est l'un des plans du mental spirituel, le premier et le plus bas; il se situe au-dessus du niveau mental ordinaire. Le mental intérieur est celui qui s'étend derrière le mental de surface (notre mentalité ordinaire) et dont on ne peut avoir l'expérience directe (en dehors de ses vṛttis dans le mental de surface comme la philosophie, la poésie, l'idéalisme, etc.) que par la sâdhanâ, en rompant avec l'habitude de rester à la surface et en allant plus profondément au-dedans.

"Mental plus vaste" est un terme général englobant les royaumes du mental qui deviennent notre domaine soit quand nous allons au-dedans, soit quand nous nous élargissons dans la conscience cosmique.

L'être mental véritable n'est pas la même chose que le mental intérieur: les expressions être mental vrai, être vital vrai, être physique vrai désignent le Pourousha de chacun de ces niveaux, libéré de l'erreur, de la pensée et de la volonté ignorantes de la Prakriti inférieure et directement ouvert à la connaissance et à la direction d'en haut.

"Vital supérieur" désigne habituellement le mental vital et l'être émotif, par opposition au vital moyen qui a son siège à l'ombilic et qui est dynamique, lié aux sens, passionné, et au vital inférieur qui est fait des petits mouvements des désirs vitaux humains et des réactions vitales.

Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 2.

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437

Tout ce qui, ici-bas, appartient strictement au plan terrestre est sorti par évolution de l'Inconscient, de la Matière — mais l'être mental essentiel existe déjà, non involué, dans le plan mental. Seul le mental personnel a évolué ici à partir de quelque chose qui est sorti de l'Inconscient et s'est développé sous une pression venue d'en haut.

La tendance à s'enquérir et à savoir est bonne en elle-même mais elle doit être maîtrisée. Ce qui est nécessaire au progrès dans la sâdhanâ s'acquiert mieux par l'accroissement de la conscience, de l'expérience et de la connaissance intuitive.

Au-dessus de la tête se tient la Conscience, la Force universelle ou divine. La Koundalinî est le pouvoir latent assoupi dans les chakra.

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438

Le mental proprement dit est divisé en trois parties: le mental pensant, le mental dynamique, le mental extériorisant, le premier s'occupant des idées et de la connaissance en elles-mêmes, le second s'occupant d'émaner des forces mentales pour réaliser l'idée, le troisième de les exprimer dans la vie (non seulement au moyen du langage, mais par toutes les formes qu'il peut leur donner). Le terme "mental physique" est plutôt ambigu, car sa signification peut englober à la fois ce mental extériorisant et le mental dans le physique.

Le mental vital proprement dit est une sorte de médiateur entre l'émotion, le désir, l'impulsion, etc. du vital, et le mental proprement dit. Il exprime les désirs, les sentiments, les émotions, les passions, les ambitions, les tendances possessives et actives du vital et les projette en formes mentales (les imaginations pures ou les rêves de grandeur, de bonheur, etc., auxquels s'adonnent les hommes sont une forme particulière de l'activité du mental-vital). Il y a un niveau encore plus bas du vital dans le mental, qui ne fait qu'exprimer la substance vitale sans la soumettre à aucun jeu de l'intelligence. C'est à travers ce mental vital que les passions, les impulsions, les désirs du vital montent et gagnent la bouddhi pour la voiler ou la fausser.

De même que le mental vital est limité par le point de vue et le sentiment vital des choses (alors que l'Intelligence dynamique ne l'est pas, car elle agit au moyen de l'idée et de la raison), de même le mental dans le physique ou mental physique est limité par le point de vue et l'expérience physiques des choses; il mentalise les expériences suscitées par les contacts de la vie et des choses extérieures, et ne va pas au-delà (bien qu'il puisse le faire avec beaucoup d'intelligence), à la différence du mental extériorisant qui les manipule davantage du point de vue de la raison et de son intelligence plus haute. Dans la pratique cependant, en général les deux se mêlent. Le mental mécanique est une action très inférieure du mental physique qui, laissé à lui-même, ne ferait que répéter les idées habituelles et enregistrer les réactions réflexes naturelles de la conscience physique aux contacts de la vie et des choses extérieures.

Le vital inférieur, distinct du vital supérieur, est préoccupé uniquement des petits appétits, des petits désirs, des petites passions, etc. qui constituent la substance quotidienne de la vie pour l'homme ordinaire soumis aux sensations — alors que le physique vital proprement dit est l'être nerveux qui réagit par des réflexes vitaux aux contacts des choses avec la conscience physique.

Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 2.

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439

Il arrive fréquemment que la partie dynamique et formatrice du mental soit plus prompte à agir que la partie réflexive et discriminatrice à contrôler l'action. Il s'agit d'établir une sorte d'équilibre et d'harmonie entre les deux.

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440

Le mental pensant ne mène pas les hommes, ce n'est pas lui qui les influence le plus: ce sont les tendances vitales et le mental vital qui prédominent. Chez la plupart d'entre eux le mental pensant n'est, en ce qui concerne la vie, qu'un instrument du vital.

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441

Le vrai mental pensant n'appartient pas au physique, c'est un pouvoir séparé. Le mental physique est cette partie du mental qui ne s'occupe que des choses physiques; il dépend du mental sensoriel, voit seulement les objets, les actions extérieures, tire ses idées des données fournies par les choses extérieures, ne tire des déductions que de cela, et ne connaît aucune autre Vérité avant d'être illuminé d'en haut.

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442

Le mental physique ne peut s'occuper que de choses extérieures. Dans les autres domaines, il faut penser et décider avec le mental lui-même (bouddhi), non avec la partie physique du mental.

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443

Cette partie de l'être [le mental physique] n'a pas de raison, mais seulement des caprices, des habitudes ou un penchant à être tamasique.

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444

C'est le mental physique qui aimerait que tout soit rendu facile.

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445

Le mental physique a pour habitude d'observer les choses, que ce soit utile ou non.

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446

La répétition est une habitude du physique mental — ce n'est pas le vrai mental pensant qui répète, c'est le physique mental, ou alors la partie la plus basse du mental physique.

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447

Mais ici, l'erreur principale réside dans votre description de la partie physique du mental — ce que vous avez décrit là est le physique mental mécanique ou mental corporel qui, lorsqu'il est livré à lui-même, se contente de répéter les pensées coutumières et les mouvements habituels du passé, ou tout au plus ajoute à ceux-ci d'autres réactions mécaniques aux choses et d'autres réflexes propres au train-train de la vie. Le véritable mental physique est l'intelligence qui reçoit et extériorise et qui a deux fonctions: d'abord agir sur les éléments extérieurs et les ordonner mentalement afin de pouvoir les manipuler dans la pratique, et ensuite être un canal pour matérialiser et mettre à exécution tout ce que le mental pensant et dynamique lui transmet à cette fin.

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448

Le mental mécanique est une sorte de moteur; tout ce qui vient à lui il le met dans la machine et le fait tourner en rond sans arrêt, peu importe ce que c'est.

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449

Il est dans la nature du physique mental de continuer à répéter sans utilité le mouvement qui s'est produit. C'est ce que nous appelons le mental mécanique — il est puissant chez les enfants parce que leur mental pensant n'est pas développé et n'a, par ailleurs, qu'un domaine d'intérêt réduit. Ensuite, il devient un courant sous-jacent aux activités mentales. S'il a surgi maintenant, en même temps que les autres caractéristiques du physique mental, c'est sans doute parce que l'action est descendue dans le physique. Il arrive également que ces choses surgissent quand le mental est silencieux, jusqu'à ce qu'elles soient apaisées elles aussi.

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450

D'après votre description, il semble que vous êtes entré en contact avec le mental mécanique dont la nature est de tourner en rond autour des pensées qui pénètrent en lui. Cela se produit parfois quand le mental pensant est calme. C'est une partie du mental physique et vous ne devez pas vous laisser troubler ni alarmer par cette irruption, mais voir ce que c'est et le calmer ou acquérir la maîtrise de ses mouvements.

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Le mental vital est habituellement énergique et créateur, même dans ses rondes les plus mécaniques; donc ce doit être le physique qui tourne. C'est lui, et le mental mécanique, qui durent le plus longtemps, mais eux aussi se taisent quand la paix et le silence deviennent massifs et complets. Ensuite la connaissance commence à venir des plans supérieurs: le Mental supérieur d'abord, et cela crée une nouvelle action de pensée et de perception qui remplace le mental ordinaire. Elle le fait d'abord dans le mental pensant, mais aussi ensuite dans le mental vital et dans le mental physique, de sorte que tous ceux-ci commencent à se transformer. Cette sorte de pensée n'est pas désordonnée et agitée, mais précise et réfléchie; elle ne vient que lorsque c'est nécessaire ou qu'on l'appelle, et ne trouble pas le silence. De plus l'élément que nous appelons ici pensée est secondaire et remplacé par ce qu'on pourrait appeler une perception qui voit (intuition). Mais tant que le mental n'est pas devenu capable d'un silence complet, cette connaissance, cette pensée, cette perception supérieure ou bien ne descend pas ou, si elle descend partiellement, peut fort bien se mêler à ses homologues inférieurs ou être imitée par eux, et cela, c'est un tracas et un obstacle. Aussi le silence est-il nécessaire.

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452

Quand la conscience supérieure s'empare du mental mécanique, il cesse d'être mécanique.

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453

Les termes Manas, etc. appartiennent à la psychologie ordinaire appliquée à la conscience de surface. Dans notre yoga, nous adoptons une classification différente, basée sur l'expérience yoguique. Il y aurait deux éléments distincts répondant à ce mouvement du Manas: une partie du mental physique et, en communication avec elle, le vital physique. Le Manas reçoit une communication des sens physiques et transmet à la Bouddhi, c'est-à-dire à telle ou telle partie du Mental pensant. La Bouddhi lui renvoie l'idée et la volonté et il les transmet aux organes de sensation et d'action. Tout cela est indispensable dans l'action ordinaire de la conscience. Mais dans la conscience ordinaire tout se mélange et il n'y a aucun ordre, aucune règle claire. Dans le yoga, on devient conscient des différentes parties et de leur action propre, et on met chacune à sa place, chacune à son travail sous la surveillance de la conscience supérieure, ou encore sous celle du Pouvoir divin. Ensuite tout se charge de conscience spirituelle et il y a automatiquement la perception juste, l'action juste des différentes parties, parce qu'elles sont dominées entièrement d'en haut et ne falsifient pas les édits de cette Conscience ou de ce Pouvoir, ne s'y opposent pas, n'y introduisent pas de confusion.

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454

Il peut y avoir, dans le mental physique, une action intelligente de raisonnement et de coordination qui est déléguée par la Bouddhi et ne serait peut-être pas attribuée au Manas par l'ancienne psychologie. La plus grande partie de l'action du mental physique correspond pourtant à celle du Manas, mais elle englobe aussi une grande part de ce que nous attribuerions au mental vital et à l'être nerveux. C'est un peu difficile de faire coïncider cette ancienne terminologie avec celle de notre yoga, car la première considère l'action mélangée à la surface et cherche à l'analyser, alors que notre yoga sépare ce qui est mêlé à la surface et le considère à la lumière d'une action plus profonde qui est dissimulée à la perception de surface. Aussi devons-nous adopter une classification différente.

Le mental physique doit d'abord s'ouvrir à la conscience supérieure; alors ses limitations disparaissent, il admet ce qui est supraphysique et commence à voir les choses en harmonie avec la connaissance supérieure. Il devient un instrument d'extériorisation de cette connaissance dans les perceptions et les actions pragmatiques de la vie physique. Il voit les choses telles qu'elles sont et les traite en accord avec la Vérité plus vaste, avec une justesse automatique de perception, de volonté et de réaction aux contacts.

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455

Je n'utilise pas moi-même ces termes [Manas, etc.] en règle générale — ils appartiennent à la terminologie psychologique de l'ancien yoga.

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456

[La fonction du Manas:] Percevoir les choses par les Sens, réagir mentalement aux objets, transmettre des impressions à la Bouddhi, etc.

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457

Chitta est la substance générale de la conscience mentale qui soutient le Manas et tout le reste; c'est une conscience indéterminée qui se détermine en pensée, souvenirs, désirs, sensations, perceptions, impulsions, sentiments (cittavṛtti).

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458

Le Chitta est la conscience à partir de laquelle tout est formé, mais cette formation est faite par le mental, le vital ou une autre force qui sont, pour ainsi dire, les instruments par lesquels s'exprime le Chitta.

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459

Dans les deux sens: le Chitta reçoit ces choses, les communique au vital et au mental pour qu'ils leur donnent une forme, et le tout est transmis à la Bouddhi; mais il reçoit aussi des pensées de la Bouddhi et les transforme en désirs, en sensations, en impulsions.

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460

Oui. Mais le Chitta ne reçoit pas les désirs et les sensations de la Bouddhi. Il puise des pensées dans la Bouddhi et les transforme en désirs.

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461

TIl y a toujours, ou au moins généralement, dans le Chitta, une réaction qui les modifie [les pensées, etc., reçues de l'extérieur], sauf quand il se contente de les recevoir et de les emmagasiner sans les transmettre aux instruments.

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462

Oui, certainement, mais comme tout le travail [du Chitta] consiste à recevoir d'en haut, d'en bas ou d'alentour, il ne peut s'arrêter de le faire, il ne peut pas décider par lui-même ce qu'il recevra ou ne recevra pas. Il doit être aidé par la Bouddhi, la volonté vitale ou un pouvoir supérieur. Ensuite, quand la conscience supérieure descend, il commence à se transformer et devient capable de rejeter automatiquement ce qui n'est pas vrai, juste, divin, ou n'est pas utile à la croissance de ce qui est divin dans l'être.

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463

Le Chitta est, en réalité, la conscience ordinaire, qui comprend le mental, le vital et le physique; mais pratiquement on peut admettre qu'il désigne quelque chose de central dans la conscience. Si on le concentre sur le Divin, le reste suit plus ou moins vite, comme une conséquence naturelle.

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464

Le Chitta n'est pas près du cœur: si vous parlez de la substance de la conscience inférieure, elle n'a pas d'emplacement particulier. Toutes les choses de cette vie-ci sont là, dans cette substance de la conscience, mais le souvenir des vies passées est replié et enfoui ailleurs. Le cœur est le centre principal de cette conscience chez la plupart des hommes, c'est évident, de sorte que vous pouvez Sentir ses activités centrées à ce niveau.

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465

Comme pour n'importe quelle partie de l'être — il y a une partie subconsciente du Chitta qui conserve les impressions passées et les transmet sous d'autres formes à la conscience dans le rêve, ou encore garde l'habitude de mouvements anciens et les fait surgir chaque fois qu'elle en trouve l'occasion.

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466

Si le mot vāsanā est utilisé dans l'original,18 il ne signifie pas "désir". Il désigne habituellement l'idée ou le sentiment mental émergeant du citta: imaginations, impressions, souvenirs, etc., impressions agréables et désagréables, impressions de douleur et de plaisir. Ce que Vasistha voulait dire, c'est que si les idées, les impressions, les impulsions qui conduisent l'homme ordinaire à l'action viennent du chitta, celles qui apparaissent chez le Jîvanmoukta viennent tout droit du sattva de la conscience essentielle de l'être; en d'autres termes, ces formations ne sont pas mentales, mais spirituelles. On pourrait dire qu'au lieu de cittavṛtti, elles sont sattvapreraṇā, indications directes de l'être intérieur sur ce qu'il faut penser, sentir ou faire. Quand le citta n'est plus actif et que le mental est silencieux, ce qui arrive quand vient la moukti, et nul ne peut être Jîvanmoukta sans cela, alors ce qui reste, et qui perçoit et fait les choses, est ressenti comme une conscience essentielle, la conscience du vrai moi ou être vrai.

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467

Mahat est, je suppose, la matrice essentielle et originelle de la conscience (involuée, non évoluée) en Prakriti, d'où viennent l'individualité et la formation.

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468

Tanmâtrâ est seulement la base de matière. Dans le sâmkhya, la base est Pradhâna (de Prakriti) d'où provient la bouddhi et tout le reste. Dans le Védânta c'est la substance spirituelle d'où tout provient.

X

469

L'être vital contient quatre parties: d'abord le vital mental qui, par la pensée, le langage ou tout autre moyen, donne une expression mentale aux émotions, désirs, passions, sensations et autres mouvements de l'être vital; le vital émotif qui est le siège de sentiments divers, tels que l'amour, la joie, la tristesse, la haine, et le reste; le vital central qui est le siège des désirs les plus ardents et des réactions les plus fortes du vital: ambition, orgueil, peur, amour de la gloire, attractions et répulsions, désirs et passions d'ordres divers, et qui est le champ d'un grand nombre d'énergies vitales; enfin le vital inférieur préoccupé des petits désirs et des petits sentiments dont est faite pour la plus grande partie notre vie quotidienne: désir de nourriture, désir sexuel, petits penchants, aversions, vanité, disputes, amour des louanges, colère devant les reproches, petites envies de toutes sortes et une foule innombrable d'autres choses. Leurs sièges se situent respectivement: 1) entre la gorge et le cœur, 2) dans le cœur (c'est un centre double qui, en avant, appartient à l'émotivité et au vital et, en arrière, au psychique), 3) entre le cœur et l'ombilic, 4) en-dessous de l'ombilic.

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470

Il y a une partie de la nature que j'ai appelée le mental vital; ce mental n'a pas pour fonction de penser et de raisonner, de percevoir, de réfléchir et de découvrir ou d'évaluer les choses, car cette fonction appartient au mental pensant proprement dit, buddhi — mais de faire des projets ou de rêver, ou d'imaginer ce qui peut être fait. Il fait des formations pour l'avenir que la volonté peut essayer de réaliser si l'occasion ou les circonstances deviennent favorables, ou même il peut travailler à les rendre favorables. Chez les hommes d'action, cette faculté prédomine et conduit leur nature; les grands hommes d'action la possèdent toujours à un très haut degré. Mais même si l'on n'est pas un homme d'action ou de réalisation pratique, ou si les circonstances ne sont pas favorables, ou si l'on ne peut faire que de petites choses ordinaires, ce mental vital est là. Il agit alors sur une petite échelle, ou, s'il a besoin d'un certain sentiment d'élargissement, il lui arrive très souvent de faire des projets dans le vide, sachant qu'il ne peut réaliser ses plans, ou alors il imagine de grandes choses, des histoires, des aventures, de hauts faits dont il est lui-même le héros ou le créateur. Ce qui se passe en vous, et que vous décrivez, est la ruée de ce mental vital, de cette imagination vitale qui fabrique ses formations; son action ne vous est pas particulière, elle fonctionne à peu près de la même manière chez la plupart des gens, mais en chacun selon la tournure de sa fantaisie, de ses intérêts, de ses idées ou désirs préférés. Il vous faut devenir maître de son action et non pas lui permettre de s'emparer de votre mental, de l'entraîner quand et où elle veut. Dans la sâdhanâ, quand les expériences commencent à venir, il est extrêmement important de ne pas laisser ce pouvoir faire de vous ce qu'il veut; car il crée alors de fausses expériences conformes à sa nature et persuade le sâdhak que ces expériences sont vraies, ou il construit des formations irréelles et le persuade que c'est ce qu'il doit faire. Certains ont été emportés par cette force trompeuse utilisée par des pouvoirs du Mensonge qui s'en sont servi pour les persuader qu'ils avaient un grand travail spirituel, politique ou social à accomplir dans le monde et qui les ont entraînés vers les déconvenues et l'échec. Cela s'élève en vous afin que vous puissiez comprendre ce que c'est et le rejeter. Car il y a plusieurs choses que vous devez éliminer du plan vital avant que les expériences spirituelles plus grandes et plus profondes puissent, en toute sécurité, commencer ou continuer.

La descente de la paix est souvent l'une des premières expériences positives majeures de la sâdhanâ. Dans cet état de paix, le mental pensant normal (buddhi) tend à devenir silencieux ou à faire cesser la plupart de ses activités, et quand cela se produit, il peut très souvent arriver soit que ce mental vital se précipite au-dedans, si l'on n'est pas sur ses gardes, soit qu'une sorte de mental physique mécanique ou de mental subconscient désordonné commence à surgir et à agir; ce sont eux les principaux perturbateurs du silence. Ou encore le mental vital inférieur peut essayer de créer des troubles, ce qui fait surgir l'ego, les passions et leur jeu. Tout cela indique des éléments à éliminer, parce que s'ils restent et que d'autres, venant des pouvoirs supérieurs, commencent à descendre: Pouvoir et Force, Connaissance, Amour ou Ânanda, ces choses inférieures peuvent s'interposer, de sorte que la conscience supérieure se retire, ou bien sa descente est recouverte et la stimulation qu'elle procure est utilisée à tort pour les desseins de la nature inférieure. C'est pour cette raison que bien des sâdhak, après avoir eu de grandes expériences, tombent dans les griffes d'un ego magnifié, dans les bouleversements, l'ambition, l'activité sexuelle exagérée ou d'autres passions et déformations vitales. Il est toujours bon, par conséquent, qu'une purification complète du vital précède ou accompagne l'expérience positive — au moins dans les natures où le vital est puissamment actif.

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471

[Le mental vital:] c'est un mental de volonté dynamique (et non rationnalisante), d'action, de désir, préoccupé de force et d'accomplissement, de satisfaction et de possession, de jouissance et de souffrance, du besoin de donner et de prendre, de croître et de s'étendre, soucieux de réussite et d'échec, de bonne et de mauvaise fortune, etc., etc.

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472

La pensée vitale exprime des mouvements vitaux, le jeu des forces vitales — elle ne pense pas librement et indépendamment d'eux comme peut le faire le mental pensant. Le vrai mental pensant peut se tenir au-dessus des mouvements vitaux, les regarder, les observer, les juger librement, comme il observerait et jugerait des objets extérieurs. Chez la plupart des hommes, cependant, le mental pensant (la raison) est envahi par le mental vital et n'est pas libre.

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473

Dans son activité ordinaire, le mental vital est toujours en train d'imaginer, de penser, de prévoir ce qu'il faut faire pour ceci, de se demander comment arranger cela. Il a évidemment son utilité dans la nature humaine et l'action humaine, mais il agit à tort et à travers et avec excès, sans discipline, sans économiser ses pouvoirs ni se concentrer sur ce qu'il est réellement nécessaire de faire.

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474

Ce qui vous vient ainsi dans le sommeil ou dans la veille appartient par nature aux imaginations et aux activités du mental vital qui concernent les choses, le travail, quoi que ce soit qui se présente au mental. Sur tout ce qui se présente au mental, l'imagination vitale en l'homme est capable de travailler, d'imaginer, de spéculer, de bâtir des idées ou des plans pour l'avenir, etc., etc. Cette imagination vitale a son utilité pour la conscience dans la vie ordinaire, mais dans le yoga elle doit s'apaiser et être remplacée par une action supérieure. C'est aussi dans le plan vital que vous entrez en dormant. Si vos expériences sur ce plan sont correctement observées et coordonnées, elles ont leur valeur, apportent une connaissance qui est utile et donnent une maîtrise sur le moi vital et sur le plan vital. Mais tout cela vous vient par l'intermédiaire du subconscient d'une manière incohérente — c'est cela qui est la cause de vos ennuis. Il faut calmer tout cela, et nous allons essayer de le faire. Quand je vous ai parlé de vous ouvrir, je voulais simplement dire que vous deviez vous persuader que l'aide vient, et avoir la volonté de la recevoir — pas nécessairement que vous deviez vous ouvrir par un effort.

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475

Ces imaginations proviennent d'une source qui n'a rien à voir avec la raison et ne tient compte d'aucune objection rationnelle. Elles viennent soit du mental vital — source même de toutes les belles imaginations, des longues histoires que les hommes se racontent, dont ils sont les héros, où ils font de grandes choses; soit de petites entités attachées au mental physique qui attrapent au hasard n'importe quelle suggestion et la présentent au mental uniquement pour voir si elle sera acceptée. Si l'on s'observe de près, on s'aperçoit que les choses les plus étranges, les plus extraordinaires, les plus absurdes traversent ainsi le mental ou y montrent leur nez. Habituellement on rit, on y fait à peine attention, et la chose retombe dans le monde de pensée incohérente d'où elle était sortie.

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476

Là encore c'est le mental vital. Il n'a aucun sens des proportions ni de la mesure et il est impatient d'être ou d'accomplir quelque chose de grand tout de suite.

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477

[Rêverie:] Tout cela c'est le mental vital; cette habitude d'imaginer se trouve chez tout le monde. Ce n'est pas très important, mais évidemment il faut s'en débarrasser, puisque la base en est l'ego.

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478

Le mental vital, dans la nature ordinaire, ne peut pas fonctionner sans ces imaginations: c'est pourquoi l'habitude en persiste longtemps. Le mieux est d'être détaché et indifférent, après un certain temps le mental vital s'en dégoûtera et abandonnera cette habitude.

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479

Ce genre de conversation [parler mentalement à une autre personne] est très courant dans le mental vital. C'est une manière qu'il a d'agir, sur le plan subtil, sur les choses auxquelles il s'intéresse, surtout quand l'action physique est interrompue ou réduite.

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480

La question concernant le vital émotif et le vital supérieur est assez compliquée. Selon la classification dans laquelle le mental est considéré comme quelque chose de plus que l'intelligence qui pense, perçoit et veut, le vital émotif peut être compté comme une partie du mental, comme le vital dans le mental. Selon une autre classification, il est plutôt la partie la plus mentalisée de la nature vitale. Dans le premier cas, le terme "vital supérieur" se restreint à ce mouvement plus vaste de la force de vie consciente qui concerne la création, le pouvoir, la force, la conquête, l'acte de donner et de se donner, de moissonner dans le monde pour poursuivre l'action et dépenser le pouvoir, de se projeter au dehors dans les mouvements plus vastes de la vie; il répond aux objectifs plus grands de la Nature. Dans le second cas, l'être émotif se tient au sommet de la nature vitale et tous deux constituent le vital supérieur. À leur opposé se trouve le vital inférieur qui se préoccupe des mouvements plus étriqués de l'action et du désir, et qui s'étend jusqu'au vital physique où il soutient la vie des activités plus extérieures et toutes les sensations, tous les appétits, les convoitises, les satisfactions physiques. Le terme "inférieur" ne doit pas être pris dans un sens péjoratif; il s'applique seulement à la position dans la hiérarchie des plans. Car bien que cette partie de la nature, dans les êtres terrestres, tende à être très obscure et soit pleine de perversions — désir, avidités de toutes sortes, vanité, petites ambitions, colère mesquine, envie, jalousie sont ses hôtes ordinaires — elle a pourtant un autre aspect qui en fait un médiateur indispensable entre l'être intérieur et la vie extérieure.

Il n'est pas exact de dire que toute expérience psychique se traduit par un courant vital purifié et dirigé correctement: cela se produit quand l'expérience doit s'extérioriser en action. L'expérience psychique est en elle-même tout à fait indépendante et a ses propres formes caractéristiques. L'être psychique se tient derrière tous les autres; sa force est le vrai pouvoir de l'âme. Mais s'il vient au premier plan, il peut s'infuser dans tout le reste: le mental, le vital, la conscience physique peuvent être marqués de son empreinte et transformés par son influence. Quand la nature est correctement développée, il y a un psychique dans le mental, un psychique dans le vital, un psychique dans le physique. C'est quand le psychique est présent et puissant que nous pouvons dire de quelqu'un qu'il a manifestement une âme. Mais chez certains, il est tellement absent que nous devons faire appel à la foi pour nous persuader qu'ils ont une âme. Le centre de l'être psychique est derrière le centre de l'être émotif, c'est l'être émotif qui est le plus près, dynamiquement, du psychique; chez la plupart des hommes c'est à travers le centre émotif que le psychique peut être atteint le plus aisément, et à travers l'émotion devenue psychique qu'il peut s'exprimer le plus aisément. Beaucoup, par conséquent, confondent l'un et l'autre; mais il y a un monde entre les deux. Normalement, les émotions sont, par nature, vitales et ne font pas partie de la nature psychique.

Il ne faut pas oublier que si cette classification est indispensable à la connaissance psychologique de soi, à la discipline et à la pratique, elle rend le meilleur service quand on n'en fait pas une formule trop rigide ni trop tranchée. Car les choses s'interpénètrent beaucoup, et la perception synthétique de ces pouvoirs est aussi nécessaire que leur analyse. Le mental, par exemple, est partout. Le mental physique est placé, techniquement, sous le vital, et pourtant il est une prolongation du mental proprement dit et peut agir dans sa propre sphère par contact direct avec l'intelligence mentale supérieure. Et il y a aussi un obscur mental du corps, des cellules mêmes, des molécules, des corpuscules. Le matérialiste allemand Haeckel a parlé quelque part de la volonté dans l'atome, et la science récente traitant de l'incalculable variation individuelle dans l'activité des électrons, n'est pas loin de percevoir que cela n'est pas une métaphore, mais l'ombre projetée par une secrète réalité. Ce mental corporel est une vérité très tangible; en raison de son obscurité et de son attachement mécanique aux mouvements passés, de sa facilité à oublier et à rejeter les mouvements nouveaux, nous trouvons en lui l'un des obstacles majeurs qui empêchent la Force supramentale de pénétrer les fonctionnements du corps et de les transformer. En revanche, une fois que ce mental corporel sera effectivement converti, il sera l'un des instruments les plus précieux pour stabiliser la Lumière et la Force supramentales dans la Nature matérielle.

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481

Il n'est pas possible de dire avec précision ce que sera la résistance dans les parties supérieures du vital, quelle forme elle prendra, car ces formes peuvent être différentes selon les caractères. Il est tout à fait normal qu'une résistance à la descente de la conscience supérieure se manifeste presque à chaque point; car chacune des différentes parties de la nature actuelle est plus ou moins attachée à sa manière particulière et établie de voir, d'agir, de sentir, de réagir aux choses, aux mouvements habituels et aux formations coutumières de son propre domaine, que chaque individu s'est fabriquée dans le passé ou dans sa vie actuelle. Ce qui est nécessaire, c'est une plasticité générale de la conscience mentale, vitale, physique, une promptitude à abandonner tout attachement à ces choses, à accepter tout ce que la conscience supérieure fait descendre avec elle, si contraire que ce soit aux idées reçues, aux sentiments acquis, aux habitudes du caractère de chacun. Plus la plasticité sera grande dans une partie quelconque de la nature et moindre sera la résistance.

J'appelle parties vitales supérieures de la nature le mental vital, la nature émotive, la dynamique de la force de vie dans l'être. Le mental vital est cette partie de l'être vital qui construit, prévoit, imagine, dispose les choses et les pensées selon les impulsions de vie, les désirs, la volonté de pouvoir ou de possession, la volonté d'action, les émotions, les réactions de l'ego vital dans la nature. Il faut le distinguer de la volonté raisonnante qui organise et dispose les choses suivant les ordres du mental pensant proprement dit, de la raison discriminatrice ou encore suivant l'intuition mentale, ou une perspicacité et un jugement directs. Le mental vital utilise la pensée pour servir, non la raison, mais l'impulsion de vie et le pouvoir de vie, et quand il fait appel au raisonnement, c'est pour légitimer les ordres de ces pouvoirs, imposer leurs ordres à la raison au lieu de gouverner l'action des forces de vie par une volonté discriminatrice. Ce vital supérieur, avec toutes ses parties, est situé dans la poitrine; sa principale citadelle est le centre cardiaque qui régit toute cette partie jusqu'à l'ombilic. Inutile de parler de la nature émotive: son caractère et ses mouvements sont connus de tous. Depuis l'ombilic jusqu'en bas, c'est le règne des passions, des sensations vitales et de toutes les petites impulsions de vie qui constituent l'essentiel de la vie et du caractère de l'homme ordinaire. C'est ce que nous appelons la nature vitale inférieure. Le moûlâdhâra est le principal support de la conscience physique et des parties matérielles de la nature.

L'antarātman est l'âme, la parcelle du Divin qui est la base la plus profonde de l'individu en évolution et soutient le mental, la vie, le corps, parties instrumentales de la nature à travers lesquelles l'âme essaie de croître depuis l'Inconscience matérielle jusqu'à la Lumière et l'Immortalité divines qui constituent son être véritable. Les limitations de ses instruments la contraignent d'accepter les mouvements inférieurs et de consentir à des compromis entre l'âme et la nature, ce qui retarde son mouvement, alors même qu'elle tire de ces échanges ses moyens d'avancer. L'être psychique est la forme d'âme ou la personnalité d'âme qui se développe à travers cette évolution et passe de vie en vie jusqu'à ce que tout soit prêt pour l'évolution supérieure au-delà de l'Ignorance.

La réalisation de l'être psychique, son éveil et sa venue au premier plan dépendent principalement de la mesure dans laquelle on peut élaborer une relation personnelle avec le Divin, une relation de Bhakti, d'amour, de confiance, de don de soi, de rejet des obstinations de l'ego mental, vital et physique séparateur qui cherche à s'affirmer.

J'ai peu à dire sur la dernière question. Sanatkoumar est, je crois, l'un des quatre fils nés du mental de Brahmâ; il ne peut donc pas être identifié à Skanda19 qui est un fils de Shiva.

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482

L'être émotif est lui-même une partie du vital.

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483

Le cœur est le centre de l'être émotif et les émotions sont des mouvements vitaux. Quand le cœur est purifié, les émotions vitales se changent en sentiments psychiques ou encore en mouvements vitaux transformés par le psychique.

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484

Il arrive que les pensées, les émotions, les impulsions qui émergent du mental, du cœur et du vital de l'homme soient pures et vraies, car tout n'y est pas mauvais. Le cœur peut ne pas être purifié, mais cela ne signifie pas que tout ce qu'il contient soit impur.

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485

Au-dessus du cœur est le mental vital, mais le point d'où s'élèvent les sensations est plus bas, non plus haut que celui d'où s'élève l'émotion.

La sensation est beaucoup plus proche du physique que l'émotion.

Le désir est situé sous le cœur, dans le vital central (ombilic) et dans le vital inférieur, mais il met en mouvement l'émotion et le mental vital.

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486

Je fais la distinction [entre les mouvements du vital inférieur et les émotions du cœur] en observant d'où ils proviennent. La colère, la peur, la jalousie touchent le cœur, sans aucun doute, de même qu'elles touchent le mental, mais elles surgissent de la région de l'ombilic et des entrailles (c'est-à-dire du vital inférieur ou, au plus haut, du vital médian). Il y a dans "Kidnapped" de Stevenson un passage frappant où le héros note qu'il ressent la peur non dans le cœur, mais surtout dans le ventre. L'amour, l'espoir ont leur siège principal dans le cœur, comme la pitié, etc.

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487

La joie est un sentiment vital, comme son opposé, le chagrin.

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488

Mais est-il vrai que même la colère, qui appartient au vital inférieur et par conséquent est proche du corps, produise invariablement ces effets?20 Évidemment, le psychologue ne peut pas savoir qu'un homme est en colère, à moins d'en voir des signes physiques, mais il ne peut pas savoir non plus ce qu'un homme pense à moins que celui-ci ne le dise ou l'écrive — est-ce qu'il s'ensuit qu'un état d'esprit ne peut pas être "imaginé" sans aucun signe prononcé ou écrit? Un Japonais qui a l'habitude de contrôler toutes ses "émotions" et de n'en donner aucun signe (s'il est en colère, le premier signe que vous sentirez sera un couteau planté dans le ventre par un assaillant calme ou souriant) ne montre rien de tel quand il est en colère — pas même le "bouillonnement" dans la poitrine; à la place, un feu stable brûlera jusqu'à ce que sa colère se traduise en acte.

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489

Un vital fort est un vital plein de force de vie, qui a de l'ambition, du courage, une grande énergie, une force pour l'action ou pour la création, un large mouvement d'expansion, que ce soit dans le don généreux ou dans la possession, le commandement, la domination, le pouvoir de réaliser et de matérialiser — et bien d'autres formes de la force vitale. Il est souvent difficile à un vital comme celui-là de se soumettre, car il a le sens de ses propres pouvoirs — mais s'il peut le faire, il devient un admirable instrument de l'Œuvre divine.

Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 2.

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490

Non, un vital faible n'a pas la force de se tourner vers la spiritualité; et étant faible, il tombe plus facilement sous une mauvaise influence et éprouve des difficultés, même quand il le veut, à accepter tout ce qui dépasse sa propre nature habituelle. Le vital fort, quand la volonté est là, peut le faire beaucoup plus facilement; son unique difficulté centrale est l'orgueil de l'ego et l'attirance de ses pouvoirs.

La poitrine a plus de liens avec le psychique qu'avec le vital. Un vital fort peut avoir un physique solide, mais tout aussi souvent ce n'est pas le cas — il tire trop sur le physique, le dévore en quelque sorte.

Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 2.

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491

Je crois avoir dit qu'il [un ancien désir] subsistait dans la partie subconsciente du vital physique. De même qu'il existe un mental physique, il y a un vital physique, un vital entièrement tourné vers les choses physiques, plein de désirs et d'appétits, entièrement adonné à la recherche des plaisirs sur le plan physique.

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492

Le vital physique est l'être des petits désirs, des petites convoitises, etc.; le physique vital est l'être nerveux; ils sont étroitement liés.

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493

Le physique vital gouverne toutes les petites réactions quotidiennes aux choses extérieures: réactions des nerfs, de la conscience physique et des émotions et sensations réflexes; il motive la plupart des actions ordinaires de l'homme et se joint aux parties inférieures du vital proprement dit pour produire le désir, la jalousie, la colère, la violence, etc. Dans ses parties les plus basses (vital matériel) il est l'agent de la douleur, de la maladie physique, etc.

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494

Oui — elles [les distinctions entre le vital inférieur, le vital physique et le vital le plus matériel] deviennent très claires pour la conscience qui grandit. Et ces distinctions sont nécessaires — autrement on peut influencer ou maîtriser le vital inférieur ou une partie du vital physique, et constater ensuite avec stupéfaction que quelque chose d'insaisissable, mais d'apparemment invincible, continue à résister: c'est le vital matériel avec tout ce que, dans les autres parties, il peut influencer par sa résistance.

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495

La partie nerveuse de l'être est une portion du vital — c'est le physique-vital, la force de vie étroitement engrenée dans les réactions, désirs, besoins, sensations du corps. Le vital proprement dit est la force de vie agissant selon sa nature propre, ses impulsions, ses émotions, ses sentiments, ses désirs, ses ambitions, etc., dont le centre le plus haut est ce qu'on pourrait appeler le cœur extérieur de l'émotion, tandis qu'il y a un cœur intérieur où se trouvent les sentiments et sensibilités supérieurs ou psychiques, les émotions ou les impulsions et les élans intuitifs de l'âme. Pour que nous soyons complets, cette partie vitale de nous-mêmes est bien entendu nécessaire, mais elle ne devient un instrument vrai que lorsque ses sentiments et ses tendances ont été purifiés par le contact psychique et qu'ils sont pris en main et gouvernés par la lumière et le pouvoir spirituels.

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496

Un vital subtil — je ne sais pas. On parle du physique subtil pour le distinguer du physique matériel grossier, parce que dans notre expérience normale tout physique est grossier, sthūla. Mais le vital est, de par sa nature, non matériel; l'adjectif est donc superflu. Nous appelons vital matériel le vital qui est involué dans la Matière au point que celle-ci l'enchaîne par ses mouvements et son caractère grossièrement physique; son action consiste à soutenir le corps, à lui donner de l'énergie, à conserver en lui la capacité de vivre, de grandir, de se mouvoir, etc., et aussi d'être sensible aux contacts extérieurs.

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497

Cette question n'a aucune signification pratique, car le corps peut recevoir les forces physiques-vitales de partout: autour, au-dessous et au-dessus. Les plans s'ordonnent l'un par rapport à l'autre et non par rapport au corps. L'un par rapport à l'autre, le physique vital est au-dessous du mental physique, mais au-dessus du mental matériel; mais en même temps ces pouvoirs interpénètrent

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498

L'énergie du corps est une manifestation de forces matérielles soutenue par l'énergie physique-vitale, qui est l'énergie vitale précipitée dans la matière et soumise à ses conditions.

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499

Le mot vitalité désigne la force de vie — partout où est la vie, dans la plante, dans l'animal ou dans l'homme, il y a une force de vie; sans le vital, il ne peut pas y avoir de vie dans la matière, ni d'action vivante. Le vital est une force nécessaire et rien ne peut être fait ni créé dans l'existence corporelle, si le vital n'est pas là en tant qu'instrument. Même la sâdhanâ a besoin de la force vitale.

Mais si le vital n'est pas régénéré et qu'il est esclave du désir, de la passion et de l'ego, alors il est aussi nuisible qu'il pourrait, autrement, être une aide. Même dans la vie ordinaire le vital doit être dominé par le mental et la volonté mentale, sinon il apporte désordre ou désastre. Quand les gens parlent d'un homme vital, ils entendent par là qu'il est sous l'empire d'une force vitale non dominée par le mental ou par l'esprit. Le vital peut être un bon instrument, mais il est un mauvais maître.

Il ne faut ni tuer ni détruire le vital, mais le purifier et le transformer par la direction psychique et spirituelle.

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500

Le physique dépend du vital, à chaque pas — il ne pourrait rien faire sans l'aide du vital; il est donc tout à fait naturel qu'il accepte ses suggestions.

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501

La vie physique ne peut durer sans le corps, pas plus que le corps ne peut vivre sans la force de vie, mais la vie elle-même a une existence séparée et un corps séparé qui lui sont propres; c'est le corps vital, tout comme le mental a une existence séparée et peut exister sur son propre plan. C'est le psychique qui assure la cohésion de toute l'organisation et qui soutient tout.

XI

502

Chaque plan de notre être — mental, vital, physique — a sa propre conscience, chacune étant séparée bien qu'elles soient reliées entre elles et agissent l'une sur l'autre; mais pour notre mental et nos sens extérieurs, dans notre expérience de veille, elles sont toutes confondues. Le corps, par exemple, a sa propre conscience à partir de laquelle il agit, même sans aucune volonté mentale de notre part, ou même à rencontre de cette volonté, et notre mental de surface sait très peu de chose de cette conscience corporelle, ne la ressent que d'une manière imparfaite, n'en voit que les effets dont il a la plus grande difficulté à découvrir les causes. Acquérir la perception de cette conscience corporelle séparée, voir et sentir ses mouvements et les forces qui agissent sur elle de l'intérieur ou de l'extérieur, et apprendre à la maîtriser et à la diriger même dans ce que ses processus ont de plus caché et (pour nous) de plus subconscient, tout cela fait partie du yoga. Mais la conscience corporelle elle-même n'est qu'une partie de la conscience physique individualisée en nous, que nous rassemblons et construisons à partir des forces secrètement conscientes de la Nature physique universelle.

Il y a la conscience physique universelle de la Nature, et il y a la nôtre, qui en fait partie, est mue par elle, et que l'être central utilise comme support de son expression dans le monde physique, et pour manipuler directement tous ces objets, ces mouvements et ces forces extérieurs. Ce plan de conscience physique reçoit des autres plans leurs pouvoirs et leurs influences et en fait des formations dans son propre domaine. Par conséquent, nous avons un mental physique en plus du mental vital et du mental proprement dit; nous avons, en nous, une partie physique-vitale — l'être nerveux — en plus du vital proprement dit; et tous deux sont largement soumis aux conditions de la partie corporelle grossièrement matérielle qui est, pour notre expérience, presque entièrement subconsciente.

Le mental physique est celui qui est fixé sur les objets et les événements physiques, ne voit et ne comprend qu'eux, et les manie selon leur propre nature, mais ne réagit qu'avec difficulté aux forces supérieures. Livré à lui-même, il est sceptique à l'égard de l'existence de ce qui est supraphysique, dont il n'a aucune expérience directe et à quoi il ne peut trouver aucune explication; même quand il a des expériences spirituelles, il les oublie facilement, en perd l'impression et le résultat, et peut difficilement y croire. L'illumination du mental physique par la conscience des plans supérieurs, spirituel et supramental, est l'un des objectifs de ce yoga, de même que son illumination par les pouvoirs des éléments du vital supérieur et du mental supérieur de l'être constitue la plus grande partie du développement de l'homme par lui-même, de la civilisation et de la culture.

Le physique vital, au contraire, est le véhicule des réactions nerveuses de notre nature physique; c'est le domaine et l'instrument des sensations mineures, des petits désirs, des petites réactions de toutes sortes aux chocs de la vie physique extérieure et grossièrement matérielle. Cette partie physique vitale (soutenue par la partie la plus basse du vital proprement dit) est par conséquent l'agent de la plupart des petits mouvements de notre vie extérieure; ses réactions habituelles, ses mesquineries obstinées sont la principale pierre d'achoppement sur le chemin de la transformation de la conscience extérieure par le yoga. Elle est aussi en grande partie responsable de la plupart dès souffrances et des maladies du mental ou du corps que subit l'être physique dans la Nature.

Quant à la partie grossièrement matérielle, il n'est pas nécessaire de préciser sa place, car elle est évidente; mais il faut se souvenir qu'elle aussi a une conscience qui lui est propre, l'obscure conscience propre aux membres, aux cellules, aux tissus, aux glandes, aux organes. Rendre cette obscurité lumineuse, utilisable directement par les plans supérieurs et par le mouvement divin est ce que nous appelons, dans notre yoga, rendre le corps conscient — c'est-à-dire plein d'une perception vraie, éveillée, capable de répondre, et non de sa demi-subconscience obscure et limitée.

Il y a, en plus de la conscience extérieure, une conscience intérieure dans tout notre être, à tous les niveaux. L'homme ordinaire ne perçoit que son moi de surface et non tout ce qui est caché par cette surface. Et pourtant ce qui est à la surface, ce que nous connaissons ou pensons connaître de nous-mêmes, ou même que nous croyons être tout ce que nous sommes, n'est qu'une petite partie de notre être; et sous là — surface se trouve la partie de nous-mêmes qui est, de loin, la plus vaste. Ou, plus précisément, elle est derrière la conscience de surface, derrière le voile, occulte, et ne peut être connue que par la connaissance occulte. La psychologie moderne et la science psychique ont commencé à percevoir un tout petit peu cette vérité. La psychologie matérialiste appelle cette partie cachée l'Inconscient, tout en admettant, pratiquement, qu'elle est beaucoup plus grande, plus profonde et plus puissante que le moi conscient de surface — rejoignant en cela les Oupanishad qui appelaient le supraconscient en nous le moi de Sommeil, quoiqu'il soit dit aussi que ce moi de Sommeil est une Intelligence infiniment plus grande, omnisciente, omnipotente, Prajnâ, l'Îshwara. La science psychique appelle cette conscience cachée le moi subliminal et là aussi on constate que ce moi subliminal a davantage de pouvoirs, plus de connaissance, un champ d'activité plus libre que le moi plus petit qui est à la surface. Mais la vérité est que tout cela, qui est derrière, cet océan dont notre conscience de veille n'est qu'une vague ou une série de vagues, ne peut être décrit par un terme unique, car c'est très complexe. Une partie en est subconsciente, inférieure à notre conscience de veille, une partie est au même niveau, mais en arrière et beaucoup plus vaste qu'elle; une partie est au-dessus et, pour nous, supraconsciente. Ce que nous appelons notre mental n'est qu'un mental extérieur, une action mentale de surface, utilisable seulement pour l'expression partielle d'un mental plus vaste par derrière que nous ne percevons pas habituellement, et que nous ne pouvons connaître qu'en entrant à l'intérieur de nous-mêmes. De même aussi, ce que nous connaissons du vital en nous n'est que le vital extérieur, une activité de surface qui exprime partiellement un vital secret plus vaste que nous ne pouvons connaître qu'en allant à l'intérieur. De même, ce que nous appelons notre être physique n'est que la projection visible d'une conscience physique invisible, plus grande et plus subtile, qui est beaucoup plus complexe, beaucoup plus éveillée, beaucoup plus vaste dans sa réceptivité, beaucoup plus ouverte, souple, libre.

Si vous comprenez cette vérité et en avez l'expérience, alors seulement vous serez capable de réaliser ce qu'on entend par mental intérieur, vital intérieur, conscience physique intérieure. Mais il faut noter que ce terme "intérieur" est utilisé dans deux sens différents. Parfois il désigne la conscience voilée de l'être extérieur, le mental, le vital ou le physique au-dedans, qui est en contact direct avec le mental universel, les forces de vie universelles, les forces physiques universelles. Parfois, au contraire, nous parlons d'un mental, d'un vital, d'un physique intérieurs profonds, appelés plus précisément conscience mentale vraie, vitale vraie, physique vraie, plus proches de l'âme et capables de réagir très facilement et très directement à la Lumière et au Pouvoir du Divin. Aucun yoga véritable n'est possible, et moins encore un yoga intégral, si nous ne nous retirons pas du moi extérieur pour commencer à percevoir tout cet être intérieur et toute cette nature intérieure. Car alors seulement nous pouvons briser les limites de notre moi extérieur ignorant qui ne reçoit consciemment que les contacts extérieurs et connaît les choses indirectement à travers le mental et les sens extérieurs, et commencer à percevoir directement la conscience universelle et les forces universelles qui jouent à travers nous et autour de nous. Alors seulement aussi, nous pouvons espérer percevoir directement le Divin en nous, et être directement en contact avec la Lumière divine et la Force divine. Autrement, nous ne pouvons sentir le Divin qu'à travers des signes extérieurs et des résultats extérieurs; c'est une voie difficile et incertaine, très intermittente et inconstante, qui mène seulement à la croyance et non à la connaissance, non à la conscience et à la perception directe de la présence constante.

Pour illustrer cette différence, je puis vous donner deux exemples tirés de deux pôles d'expérience opposés: l'un concerne les phénomènes les plus extérieurs et montre comment l'intérieur s'ouvre à la perception des forces universelles; l'autre concerne l'expérience spirituelle et indique comme l'intérieur s'ouvre au Divin. Prenez la maladie. Si nous vivons seulement dans la conscience physique extérieure, d'habitude nous ne savons pas que nous allons tomber malades avant que les symptômes de la maladie ne se déclarent dans le corps. Mais si notre conscience physique intérieure est développée, nous percevons une atmosphère subtile environnante et nous pouvons sentir les forces de la maladie venir vers nous à travers elle, nous les sentons même à distance et, si nous avons appris à le faire, nous pouvons les arrêter par la volonté ou autrement. Nous avons aussi, autour de nous, la sensation d'une enveloppe physique-vitale ou nerveuse qui irradie autour du corps et le protège, et nous pouvons sentir les forces adverses essayer de la percer; nous pouvons alors intervenir, les arrêter ou renforcer l'enveloppe nerveuse. Ou nous pouvons sentir les symptômes de la maladie — d'une fièvre ou d'un rhume, par exemple — dans l'enveloppe physique subtile, avant qu'ils ne se manifestent dans le corps grossier, et les y détruire, les empêcher de se manifester dans le corps. Prenez maintenant l'appel au Pouvoir, à la Lumière, à l'Ânanda du Divin. Si nous vivons seulement dans la conscience physique extérieure, cela peut descendre et agir derrière le voile, mais nous ne sentirons rien; nous verrons seulement certains résultats longtemps après. Ou tout au plus sentirons-nous une certaine clarté, une certaine paix dans le mental, une joie dans le vital, un état heureux dans le physique, et nous en déduirons que le contact du Divin est là. Mais si nous sommes éveillés dans le physique, nous sentirons la lumière, le pouvoir ou l'Ânanda parcourir le corps, les membres, les nerfs, le sang, la respiration et, à travers le corps subtil, atteindre les cellules les plus matérielles, les rendre conscientes et béatifiques, et nous aurons directement la sensation du Pouvoir et de la Présence du Divin. Ce ne sont que deux exemples parmi des milliers, dont le sâdhak peut avoir constamment l'expérience.

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503

En tout il y a une partie physique: même le mental a une partie physique; il y a un physique mental, un mental du corps et un mental matériel. L'être émotif aussi a une partie physique, dont la localisation n'est pas séparée du reste de l'être émotif. On ne peut faire cette distinction que lorsque la conscience devient suffisamment subtile.

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504

[Le matériel:] C'est le degré le plus physique du physique. Il y a le physique mental, le physique vital, le physique matériel.

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505

Oui — ou du moins c'est [la conscience matérielle] une partie distincte de la conscience physique. Le mental physique, par exemple, est étroit, borné, souvent stupide, mais il n'est pas inerte. La conscience matérielle, au contraire, est inerte et aussi, dans une large mesure, subconsciente; elle n'est active que lorsqu'une énergie l'entraîne, autrement elle reste inactive et immobile. Quand, pour la première fois, on entre en contact direct avec ce niveau, le corps a une sensation d'inertie et d'immobilité, le vital physique se sent épuisé ou las; dans le mental physique, il y a une absence de prakāśa et pravṛtti ou seulement des pensées et des impulsions très ordinaires. J'ai mis beaucoup de temps à faire descendre une lumière ou un pouvoir quelconque à ce niveau. Mais dès qu'il est illuminé, l'avantage est que le subconscient devient conscient, et ainsi un obstacle très fondamental est éliminé de la sâdhanâ.

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506

L'expression "physique grossier" désigne le physique terrestre et corporel, tel que le mental sensoriel extérieur et les sens en ont l'expérience. Mais il ne constitue pas la totalité de la Matière. Il y a aussi un physique subtil qui contient une conscience plus subtile, et peut, par exemple, aller à une certaine distance du corps et cependant sentir et percevoir les choses d'une manière qui n'est pas purement vitale ou mentale. Le mental et le vital, quant à eux, sont partout — il y a un mental et une vie obscurs, même dans les cellules du corps, dans les pierres, les molécules et les atomes.

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507

Les nerfs physiques font partie du corps matériel, mais ils s'étendent jusqu'à pénétrer le corps subtil, et il y a une connexion entre les deux.

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508

Oui, il y a des nerfs dans le corps subtil.

Oui — enveloppes est simplement un terme qui désigne les corps, parce que chacun est superposé à l'autre, agit comme un revêtement et peut être enlevé. Ainsi le corps physique lui-même est appelé l'enveloppe de nourriture, et quand il est rejeté cela s'appelle la mort.

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509

C'est ce qui est appelé l'enveloppe nerveuse entourant le corps. Vous voyez probablement le sūkṣma et l'enveloppe nerveuse en même temps. Le sūkṣma deha contient le sthūla deha, mais il n'est pas enfermé dans ses limites.

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510

Vous ne pouvez distinguer les différentes enveloppes que par intuition ou par expérience; vous aurez alors établi la connaissance directe des différentes enveloppes.

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511

L'apparence de l'être dans d'autres plans n'est pas nécessairement semblable à celle du corps physique. Très souvent, la forme que prend l'être vital, psychique ou mental est très différente de la forme physique. Même si, en gros, ils se ressemblent, il y a toujours une certaine différence.

XII

512

Dans notre yoga, nous entendons par subconscient cette partie tout à fait submergée de notre être où il n'y a ni pensée, ni volonté, ni sentiment consciemment éveillés et cohérents, ni réaction organisée, mais qui pourtant reçoit obscurément les moindres impressions et les emmagasine au fond de soi; c'est de là aussi que peuvent surgir en rêve, ou même à l'état de veille, toutes sortes d'impulsions et de mouvements habituels invétérés qui se répètent grossièrement ou se déguisent sous d'étranges formes. Car, si ces impressions surgissent surtout en rêve d'une manière incohérente et chaotique, elles peuvent aussi surgir, et en fait surgissent dans notre conscience de veille, sous forme de répétition mécanique d'anciennes pensées, d'anciennes habitudes mentales, vitales et physiques, sous forme d'obscure excitation à des sensations, des actions, des émotions dont notre pensée ou notre volonté conscientes ne sont ni l'origine ni la cause et qui souvent même sont contraires à leurs perceptions et à leur choix ou à leurs injonctions. Il y a, dans le subconscient, un mental obscur plein de samskâras, opiniâtres, impressions, associations, idées fixes, réactions habituelles formées par notre passé; un vital obscur qui contient la semence des sensations, des réactions nerveuses et des désirs habituels; un physique matériel extrêmement obscur qui gouverne en grande partie l'état de notre corps. Il est largement responsable de nos maladies; en fait, les maladies chroniques ou récurrentes sont surtout dues au subconscient, à sa mémoire obstinée et à son habitude de répéter tout ce qui s'est imprimé sur la conscience corporelle. Mais il faut distinguer clairement ce subconscient physique des parties subliminales de notre être, tels la conscience physique interne ou subtile, le vital interne ou le mental interne; car ces parties-là ne sont nullement obscures, incohérentes ou inorganisées, mais seulement voilées à notre conscience superficielle. Notre surface reçoit constamment des impulsions de ces sources — contacts, communications ou influences intérieures, — mais la plupart du temps sans savoir d'où elles viennent.

Lumières sur le Yoga, chapitre 2. Traduction de la Mère.

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513

Non, "subliminal" est un terme général employé pour toutes les parties de l'être qui ne sont pas à la surface de veille. "Subconscient" est très souvent utilisé dans ce sens par les psychologues européens, parce qu'ils ne connaissent pas cette différence. Mais quand j'utilise ce mot, je parle toujours de ce qui est au-dessus de la conscience physique ordinaire, non de ce qui est derrière elle. Le mental intérieur, le vital intérieur, le physique intérieur, le psychique ne sont pas subconscients dans ce sens, mais on peut dire qu'ils sont subliminaux.

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514

Le subconscient est au-dessous de la conscience physique de veille — c'est un domaine automatique, obscur, incohérent, à-demi inconscient, dans lequel la lumière et la perception ne peuvent pénétrer qu'avec difficulté. Le vital intérieur et le physique intérieur sont tout différents; leur conscience est plus largement plastique, plus subtile, plus libre et plus riche que celle du vital et du physique de surface, beaucoup plus ouverte à la Vérité et en contact direct avec l'universel.

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515

Le subconscient est universel autant qu'individuel, comme toutes les autres parties principales de la nature. Mais il y a des parties ou des plans différents dans le subconscient. Tout sur terre est basé sur l'"Inconscient", comme on l'appelle, bien que réellement il ne soit pas du tout inconscient mais au contraire une complète sub-conscience, une conscience "involuée" ou enfermée, qui contient tout, mais en laquelle rien n'est formulé ni exprimé. Le subconscient se trouve entre cet Inconscient et la conscience du mental, de la vie et du corps. Il contient en puissance toutes les réactions primitives devant la vie, qui luttent pour émerger, sortir des rivages ternes et inertes de la Matière, et qui, par un développement constant, forment une conscience en évolution se formulant peu à peu; il les contient, non comme des idées ou des perceptions ou des réactions conscientes, mais comme la substance fluide de ces choses. En outre, toutes nos expériences conscientes s'enfoncent dans le subconscient, non pas comme des souvenirs précis, bien que submergés, mais comme des impressions d'expérience, à la fois obscures et obstinées; et ces impressions peuvent à tout moment remonter sous forme de rêves, de répétitions mécaniques de pensées et de sentiments ou d'actions du passé, de "complexes" explosant en actions ou en événements, etc. C'est surtout à cause du subconscient que tout se répète et que jamais rien ne change, sauf en apparence. C'est pourquoi l'on dit que le caractère ne peut être changé, et c'est aussi la cause du retour constant des difficultés dont on espérait s'être débarrassé pour toujours. Toutes les semences sont là, ainsi que tous les samskâras du mental, du vital et du corps; c'est le principal support de la mort et de la maladie, et la dernière forteresse (imprenable à ce qu'il semble) de l'Ignorance. Tout ce qui est réprimé, mais non complètement rejeté, s'y enfonce et y demeure comme une semence, prêt à surgir à la surface ou à germer à la première occasion.

Les Bases du Yoga, chapitre 5. Traduction de la Mère.

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516

Le subconscient ne constitue pas toute la fondation de la nature; il est seulement la base inférieure de l'Ignorance et affecte principalement la conscience vitale inférieure et la conscience physique extérieure, et celles-ci, à leur tour, influencent les parties supérieures de la nature. S'il est bon de voir ce qu'il est et comment il agit, on ne doit pas être trop préoccupé par ce côté obscur ou par cette apparence de l'être instrumental. On doit plutôt le considérer comme quelque chose qui n'est pas soi, comme le masque d'une nature fausse posé sur l'être vrai par l'Ignorance. L'être vrai est l'être intérieur, avec toutes ses vastes possibilités d'atteindre et d'exprimer le Divin, et spécialement l'être le plus profond, l'âme, le Pourousha psychique qui est toujours, dans son essence, pur, divin, tourné vers tout ce qui est bon, vrai, beau. L'être extérieur doit être saisi par l'être intérieur et transformé pour n'être plus l'instrument des éruptions de la Nature subconsciente ignorante, mais celui du Divin. C'est en se souvenant constamment du cela, et en ouvrant la nature vers le haut que l'on peut atteindre la Conscience divine et qu'elle peut descendre dans toute l'existence intérieure et extérieure, mentale, vitale, physique, dans le subconscient, le subliminal, dans tout ce que nous sommes, ouvertement ou secrètement. Ce doit être la préoccupation principale. S'occuper seulement du subconscient et de l'aspect imparfait engendre la dépression et doit être évité. Il faut conserver un juste équilibre et insister principalement sur le côté positif, en reconnaissant que l'autre existe, mais seulement pour le rejeter et le changer. C'est cela, et aussi une foi, une confiance constantes en la Mère, qui est nécessaire pour que vienne la transformation.

P. S. Il est certain qu'en ce qui concerne les habitudes vitales, la rupture brutale et décisive est la voie la plus facile et la meilleure.

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517

Le subconscient est une conscience muette, cachée et inexprimée qui fonctionne sous toutes nos activités physiques conscientes. Tout comme ce que nous appelons le supraconscient est en réalité une conscience supérieure, située au-dessus, et d'où certaines choses descendent dans l'être, de même le subconscient est au-dessous de la conscience corporelle et certaines choses s'élèvent de là pour pénétrer dans le physique, le vital et la nature mentale.

De même que la conscience supérieure est supraconsciente pour nous et soutient toutes nos possibilités et notre nature spirituelles, de même le subconscient est la base de notre être matériel et soutient tout ce qui monte dans la nature physique.

Les hommes ne sont habituellement conscients ni de l'un, ni de l'autre de ces plans de leur être, mais par la sâdhanâ ils peuvent en acquérir la perception.

Le subconscient conserve les impressions de toutes nos expériences passées dans la vie; celles-ci peuvent en remonter sous forme de rêves: la plupart des rêves dans le sommeil ordinaire sont des formations constituées d'impressions subconscientes.

Si certaines choses reviennent périodiquement et avec force dans notre conscience physique, au point qu'il lui est difficile de se débarrasser de ses habitudes, c'est en grande partie parce que le subconscient leur donne son appui. Le subconscient est plein d'habitudes irrationnelles.

Quand les choses sont rejetées de toutes les autres parties de la nature, ou bien elles vont dans la conscience environnante autour de nous, à travers laquelle nous communiquons avec les autres et avec la Nature universelle, et de là essaient de revenir, ou bien elles s'enfoncent dans le subconscient et peuvent en émerger de nouveau, même après être restées si longtemps en repos que nous les croyons parties.

Quand on entreprend de changer la conscience physique, la résistance principale vient du subconscient. Il entretient ou ramène constamment l'inertie, la faiblesse, l'obscurité, le manque d'intelligence qui affligent le mental et le vital physiques, ou les peurs, les désirs, les colères, les appétits obscurs du vital physique, ou les maladies, les lourdeurs, les douleurs, les incapacités auxquelles est sujette la nature corporelle.

Si la lumière, la force, la Conscience de la Mère est amenée dans le corps, elle peut pénétrer le subconscient aussi et convertir son obscurité et sa résistance.

Quand une chose est effacée du subconscient si complètement qu'elle ne laisse aucun germe, et qu'elle est jetée hors du circumconscient si complètement qu'elle ne peut plus revenir, alors seulement nous pouvons être sûrs que nous en avons fini avec elle pour toujours.

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518

Le Moûlâdhâra est le centre de la conscience physique proprement dite; tout œ qui se trouve au-dessous dans le corps, est le pur physique agui, à mesure qu'il descend, devient de plus en plus subconscient; mais le vrai siège du subconscient est au-dessous du corps, comme le vrai siège de la conscience supérieure (le supraconscient) est au-dessus du corps. On peut aussi sentir le subconscient n'importe où, le sentir comme quelque chasse qui est sous les mouvements de la conscience et qui, en un certain sens, la supporte d'en dessous ou bien la tire à lui vers lebas. Le subconscient est le principal support de tous les mouvements habituels, surtout des mouvements physiques et du vital inférieur. Quand une chose est rejetée du vital ou du physique, elle descend généralement dans le subconscient et y reste comme en semence pour remonter quand elle peut. C'est pourquoi il est si difficile de se débarrasser des mouvements vitaux habituels ou de changer son caractère; car, soutenus ou rafraîchis à cette source, préservés dans cette matrice, les mouvements vitaux, même lorsqu'ils sont refoulés ou réprimés, remontent encore et se reproduisent. L'action du subconscient est irrationnelle, mécanique et répétitive. Elle n'écoute pas la raison ni la volonté mentale. C'est seulement en y introduisant la Lumière et la Force d'en haut qu'on peut la changer.

Les Bases du Yoga, chapitre 5. Traduction de la Mère.

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519

Le subconscient est le support de l'action habituelle — il peut soutenir de bonnes habitudes comme de mauvaises.

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520

Le subconscient est la base évolutive en nous, ce n'est pas la totalité de notre nature cachée ni l'entière origine de ce que nous sommes. Mais certaines choses peuvent surgir du subconscient, puis prendre forme dans les parties conscientes; la plupart de nos petits instincts, mouvements, habitudes, formes de caractère, vitaux et physiques, ont cette origine.

Notre action a trois sources occultes: supraconsciente, subliminale, subconsciente; mais nous ne gouvernons aucune d'elles et n'en sommes même pas conscients. C'est de l'être de surface que nous avons conscience, mais ce n'est qu'un dispositif instrumental. La source du tout est la Nature générale: la Nature universelle qui s'individualise en chaque personne; car cette Nature générale dépose en nous certaines habitudes de mouvement, de personnalité, de caractère, de facultés, de dispositions, de tendances, et tout cela, qui s'est formé maintenant ou avant notre naissance, est ce que nous appelons généralement nous-même. De cela, une bonne part s'exprime en mouvements habituels et en usage courant dans nos parties conscientes, connues à la surface; une bien plus grande part reste cachée dans les trois autres sources inconnues qui se tiennent derrière la surface et au-dessous.

Mais ce que nous sommes à la surface, est constamment mis en mouvement, changé, développé ou répété par les vagues de la Nature générale, qui viennent sur nous, soit directement soit indirectement, à travers les autres, à travers les circonstances, à travers divers agents ou canaux. Quelques-unes de ces vagues se versent directement dans les parties conscientes et y agissent, mais notre mental ignore leur source, se les approprie et considère tout cela comme lui appartenant; quelques-unes entrent secrètement dans le subconscient ou s'y enfoncent et attendent l'occasion de surgir à la surface consciente; un bon nombre vont dans le subliminal et peuvent à tout moment en ressortir, ou bien n'en ressortent pas et y restent comme matériaux inutilisés. Quelques-unes passent à travers et sont refusées, renvoyées ou rejetées, ou reversées dans la mer universelle. Notre nature est une activité constante de forces qui nous sont fournies et avec lesquelles (ou plutôt avec une très petite quantité desquelles) nous faisons ce que nous voulons ou pouvons. Ce que nous faisons, semble fixé et formé pour de bon, mais en réalité ce n'est qu'un jeu de forces, un flux, rien de fixe ni de stable; l'apparence de stabilité nous est donnée par la constante répétition ou récurrence des mêmes vibrations et formations. C'est pourquoi notre nature peut être changée en dépit du dire de Vivékânanda21 et de l'adage d'Horace,22 et en dépit de la résistance conservatrice du subconscient; mais c'est une besogne difficile, car cette répétition et cette récurrence obstinées constituent le mode dominant de la Nature.

Quant aux choses de notre nature que nous repoussons par un rejet, mais qui reviennent, tout dépend de l'endroit où on les rejette. Très souvent, il y a une sorte de méthode. Le mental rejette ses mentalités, le vital ses vitalités, le physique ses manières d'être; les unes et les autres retournent généralement au domaine correspondant de la Nature générale. Quand ceci arrive, elle restent tout d'abord dans la conscience environnante23 que nous transportons partout avec nous et par laquelle nous communiquons avec la Nature extérieure, et souvent, de là, elles se reprécipitent obstinément — jusqu'à ce qu'elles soient refusées si absolument, ou rejetées si loin pour ainsi dire, qu'elles ne puissent plus revenir sur nous. Mais quand la chose rejetée par le mental pensant et voulant, est fortement soutenue par le vital, elle quitte le mental, en effet, mais s'enfonce dans le vital, s'exaspère là et essaie de se reprécipiter en haut et d'occuper de nouveau le mental pour forcer ou capturer notre acceptation. De même, quand le vital supérieur (le cœur ou le dynamisme vital plus large) rejette quelque chose, cela s'enfonce et prend refuge dans le vital inférieur avec toute sa masse de petits mouvements courants qui constituent notre mesquinerie quotidienne. Quand cette chose est rejetée aussi par le vital inférieur, elle s'enfonce dans la conscience physique et essaye de se planter là par inertie ou répétition mécanique. Rejetée même de là, elle entre dans le subconscient et remonte en rêve ou quand nous sommes en état de passivité ou d'extrême tamas. L'inconscient est le dernier refuge de l'Ignorance.

Quant aux vagues qui reviennent de la Nature générale, la tendance naturelle des forces inférieures est d'essayer de perpétuer leur action dans l'individu et de reconstruire ce qu'il a démoli de leurs dépôts en lui; ainsi, elles reviennent sur lui, souvent avec une force accrue, parfois même avec une violence prodigieuse, quand elles s'aperçoivent que leur influence est rejetée. Mais elles ne peuvent pas durer longtemps quand la conscience environnante ou circumconscient est clarifiée — à moins que les "Hostiles" ne s'en mêlent. Même alors, ceux-ci peuvent attaquer, certes, mais si le sâdhak a pris position en son moi intérieur, ils peuvent seulement attaquer et se retirer.

Il est vrai que nous apportons de nos vies passées la plus grande part de nous-même, ou plutôt de nos prédispositions, de nos tendances à réagir vis-à-vis de la Nature universelle. L'hérédité n'affecte fortement que l'être extérieur mais même là, tous les effets de l'hérédité ne passent pas toujours, sauf ceux qui sont en accord avec ce que nous devons être, ou en tout cas qui ne peuvent pas l'empêcher.

Les Bases du Yoga, chapitre 5. Traduction de la Mère.

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521

Ce qu'il écrit sur le subconscient et la nature extérieure est vrai. Mais on ne peut pas dire que les forces subliminales n'ont qu'un rôle mineur, puisque c'est d'elles que viennent toutes les grandes aspirations, les idéaux, les efforts pour s'améliorer et pour améliorer l'humanité, sans lesquels l'homme ne serait qu'un animal pensant — comme aussi presque tout l'art, la poésie, la philosophie, la soif de connaissance qui allègent l'ignorance, s'ils ne la dispersent pas encore.

Le rôle du supraconscient a été de faire évoluer lentement l'homme spirituel hors du demi-animal mental. Ce rôle ne peut pas non plus être qualifié d'insignifiant.

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522

À propos du subconscient — c'est la base sub-mentale de l'être, et il est fait des impressions, des instincts, des mouvements habituels qui y sont emmagasinés. Quel que soit le mouvement qui s'y imprime, il le garde. Si l'on y imprime le mouvement juste, il le gardera et le fera émerger. C'est pourquoi il doit être débarrassé des mouvements anciens avant que la transformation de la nature puisse être permanente et totale. Une fois que la conscience supérieure est établie dans les parties de veille, elle descend dans le subconscient et le change aussi; elle se constitue là aussi en un soubassement solide. Alors aucun ennui ne peut plus venir du subconscient. Mais même avant, on peut réduire les ennuis au minimum en plaçant dans les parties subconscientes la volonté juste et l'habitude de réagir correctement.

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523

Le subconscient est fait d'habitudes et de souvenirs; il répète constamment ou chaque fois qu'il le peut, ce qui a été réprimé: vieilles réactions, anciens réflexes, réponses mentales, vitales ou physiques. On doit l'éduquer en faisant une pression encore plus persistante avec les parties supérieures de notre être afin qu'il abandonne ses vieilles réponses et qu'il en prenne de nouvelles et de vraies.

Les Bases du Yoga, chapitre 5. Traduction de la Mère.

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524

Tout comme on peut concentrer la pensée sur un objet ou la vision sur un point, on peut concentrer la volonté sur une partie ou un point particulier du corps et donner un ordre à la conscience qui y réside. Cet ordre atteint le subconscient.

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525

Le mental humain, comme le mental animal, vit en grande partie dans des impressions qui émergent du subconscient.

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526

Vous ne savez pas combien l'être naturel ordinaire vit dans le physique subconscient. C'est là que les mouvements habituels, mentaux et vitaux, sont emmagasinés, et c'est de là qu'ils remontent dans le mental de veille. Chassés de la conscience supérieure, c'est dans cette caverne des Pani qu'ils trouvent refuge. N'étant plus autorisés à émerger librement à l'état de veille, ils remontent dans le sommeil, en rêves. Il ne cessent pour de bon que quand ils sont clarifiés du subconscient et que leur semence même est tuée par l'illumination de ces zones cachées. Quand votre conscience s'approfondira et que la lumière d'en haut descendra dans ces parties inférieures dissimulées, les choses qui maintenant se répètent de cette manière, disparaîtront.

Les Bases du Yoga, chapitre 5. Traduction de la Mère.

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527

Vous m'aviez interrogé l'autre jour sur le subconscient, sur ce qu'il est. La vision que vous décrivez vous a montré le subconscient universel sous la forme du Pâtâla, lieu sans lumière de conscience et, parce qu'il est universel, sans fin ni limites: infini sombre, inconscient, d'où notre univers matériel a émergé; il est muré de tous côtés par l'obscurité, il semble aussi n'avoir pas de fond. La Lumière vient d'en haut, de la conscience supérieure et, en descendant à travers le mental, le cœur, le vital, le physique, doit se déverser dans le subconscient et le rendre lumineux.

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528

Pâtâla est évidemment ici un nom donné au subconscient-là, les êtres n'ont "pas de tête", c'est-à-dire qu'il n'y a pas de conscience mentale; les hommes ont tous, dans leur être, un plan subconscient comme celui-là, d'où émergent toutes sortes d'instincts, d'impulsions, de souvenirs, etc., irrationnels et ignorants (sans tête) qui ont un effet sur leurs actes et leurs sentiments sans qu'ils en détectent la véritable source. La nuit, bien des rêves incohérents viennent de ce monde ou plan. Le monde au-dessus est le plan supraconscient de l'être — au-dessus de la conscience humaine; il y a beaucoup de mondes de ce genre, ce sont les mondes divins.

Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 2.

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529

Les sombres puits du subconscient sont profonds, et tant qu'ils ne sont pas entièrement déblayés, il est toujours possible que les anciennes sources recommencent à jaillir.

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530

Le subconscient contient beaucoup plus de frayeurs que la conscience de veille n'en accepte ou n'en reconnaît.

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531

Tout ce que rencontre notre conscience dans l'expérience quotidienne est enregistré dans la mémoire subconsciente, et de là peut être ramené à la surface du mental ou revenir de son propre mouvement. Mais ce que nous appelons souvenir, c'est ce qui est enregistré et gardé en arrière du mental conscient et ramené en avant à volonté — c'est cela, la mémoire consciente.

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532

La mémoire claire des mots, des images et des pensées est une action du mental conscient, non de l'inconscient. Évidemment le souvenir va derrière, pour ainsi dire, dans la partie arrière du mental, mais peut être ressorti. Le souvenir peut aussi être perdu ou déformé, de sorte qu'on se souvient de travers ou qu'on oublie complètement, mais là encore il s'agit d'une action imparfaite du mental conscient, non d'une action du subconscient. Ce que conserve le subconscient, c'est une masse d'impressions, non une masse d'images claires ou exactes, et celles-ci peuvent resurgir, comme dans les rêves, en un méli-mélo incohérent complètement distordu ou, dans l'état de veille, comme une récurrence ou une répétition mécanique de ces mêmes suggestions, impulsions (vital subconscient) ou sensations. La différence entre les deux fonctionnements est reconnaissable.

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533

La mémoire subliminale retient des images exactes. Tout ce qui est subliminal est qualifié par la psychologie ordinaire de subconscient; mais dans notre psychologie cela ne peut pas se faire, car la conscience qui retient tout cela est aussi précise et bien plus vaste, bien plus complète que notre conscience de veille ou de surface, aussi comment pourrait-on la qualifier de subconsciente? La mémoire consciente est ce qui. peut ramener un souvenir dès que nous le désirons; nous en avons la maîtrise. La mémoire subliminale peut tout retenir, même ce que notre mental ne peut pas comprendre: par exemple, si vous entendez quelqu'un parler hébreu, la mémoire subliminale peut retenir ces paroles et les rapporter exactement dans un état anormal comme l'hypnose. La mémoire subconsciente est une mémoire d'impressions; quand ces impressions surgissent, comme dans le rêve, le résultat est incohérent ou réorganisé de façon fantaisiste, ou alors seule surgit l'essence de la chose, son sédiment psychologique: sexe, peur, une libido particulière, comme disent les psychanalystes, mais l'expression qui en est donnée n'est pas nécessairement la même que celle qui serait fournie par la mémoire — la mémoire du subconscient peut reproduire les mêmes formes si elle fait appel au mental mécanique dans le physique pour qu'il l'aide à s'exprimer, mais le souvenir peut aussi être très différent de tout ce qui existe dans la vie réelle.

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534

Non — [le "Registre de Chitragupta"] est tout à fait différent [du subconscient cosmique], puisqu'il appartient à un domaine où les notations sont précises et exactes. Le subconscient est un état de semence refoulé et obscur, où les choses émergent de l'inconscience indéterminée de la Nature originelle, mais sont pourtant fluides et imprécises, ayant en elles toutes les capacités de se déterminer, mais non encore déterminées. Les choses du passé y tombent non comme des souvenirs, mais comme des impressions, ce qui est tout différent. Quand elles remontent de là, elles revêtent toutes sortes de formes bizarres, avec des variantes et des mélanges.

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535

Le sous-mental fournit constamment aux expériences du vital ou des autres plans des associations venues de la vie passée ou de la vie terrestre en général. Il faut se débarrasser de ces intrusions pour parvenir à la vraie expérience.

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536

Je ne sais pas si cela existe [un terme correspondant au subconscient dans les livres traditionnels]. Ce plan était qualifié d'inconscient plutôt que de subconscient — pratiquement, c'est peut-être la Prakriti indifférenciée ou jaḍa prakṛti — ou l'état de semence. Dans le Véda, il est symbolisé par la caverne des Pani. Peut-être qu'en parcourant des livres comme le Yoga-vāśiṣṭha on pourrait trouver quelque chose sur le subconscient dans les faits, sinon en termes explicites.

XIII

537

Les centres, ou Chakra, sont au nombre de sept:

1. Le lotus aux mille pétales au sommet de la tête.

2. Au milieu du front — Âjnâ Chakra (volonté, vision, pensée dynamique).

3. Le centre de la gorge — mental extériorisant.

4. Le lotus du cœur — centre émotif. Derrière lui est situé le psychique.

5. Le nombril — vital supérieur (proprement dit).

6. Au-dessous du nombril — vital inférieur.

7. Le Moûlâdhâra — physique.

Tous ces centres sont situés au milieu du corps, ils sont censés être attachés à la moelle épinière; mais en fait, toutes ces choses sont dans le corps subtil, sūkṣma deha, bien que lorsque la conscience est éveillée, on ressente leurs activités comme si elles se produisaient dans le corps physique.

Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 2.

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538

Dans le processus de notre yoga, les centres ont chacun un emploi psychologique déterminé et un rôle général qui forment la base de tous les pouvoirs particuliers et de toutes les fonctions relevant de ces centres. Le mūlādhāra régit le physique jusqu'au subconscient; le centre abdominal (svādhiṣṭhāna) régit le vital inférieur; le centre ombilical (nābhipadma ou maṇipūra) régit le vital plus vaste; le centre du cœur (hṛtpadma ou anāhata) régit l'être émotif; le centre de la gorge (viśuddha) régit le pouvoir mental d'expression et d'extériorisation; le centre entre les sourcils (ājñācakra) régit le mental dynamique, la volonté, la vision et le pouvoir de formation mentale; au-dessus, le lotus aux mille pétales (sahasradala) régit le mental pensant supérieur, abrite plus haut encore le mental illuminé, et tout en haut, s'ouvre à l'intuition par laquelle (à moins d'une action directe irrésistible) le surmental peut entrer en communication ou en contact immédiat avec les autres plans.

Lumières sur le Yoga, chapitre 2. Traduction de la Mère.

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539

Je n'ai jamais entendu parler de deux lotus dans le centre du cœur; mais celui-ci est le siège de deux pouvoir: en avant le vital supérieur ou être émotif; en arrière et cachée, l'âme ou être psychique.

Les couleurs des lotus et le nombre de pétales sont respectivement, de bas en haut: 1) le Moûlâdhâra ou centre de la conscience physique, quatre pétales, rouge; 2) le centre abdominal, six pétales, rouge-violet sombre; 3) le centre du nombril, dix pétales, violet; 4) le centre du cœur, douze pétales, rosé-doré; 5) le centre de la gorge, seize pétales, gris; 6) le centre du front, entre les sourcils, deux pétales, blanc; 7) le lotus aux mille pétales, au-dessus de la tête, bleu entouré d'une lumière dorée. Voici leur fonctions, selon notre yoga: 1) régit la conscience physique et le subconscient; 2) régit les petits mouvements du vital, les petits appétits, convoitises, désirs, les petits mouvements des sens: 3) régit les forces de vie plus vastes, les passions et les plus vastes mouvements de désir; 4) régit l'être émotif supérieur, avec le psychique profondément derrière lui; 5) régit l'expression et l'extériorisation des mouvements du mental et des forces mentales; 6) régit la pensée, la volonté, la vision; 7) régit le mental pensant supérieur et le mental illuminé et s'ouvre au-dessus vers l'intuition et le surmental. Le septième centre est parfois, ou par certains, identifié au cerveau, mais c'est une erreur — le cerveau n'est qu'un chenal de communication situé entre le lotus aux mille pétales et le centre du front. Le lotus aux mille pétales est parfois nommé le centre du vide, śūnya, soit parce qu'il n'est pas dans le corps mais dans un vide apparent au-dessus, soit parce que, quand on s'élève au-dessus de la tête, on entre tout d'abord dans le silence du moi et “de l'être spirituel.

Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 2.

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540

Quand, dans le yoga, nous parlons de concentration” dans le cœur, il s'agit du centre émotif qui est situé, comme tous les autres centres, au milieu du corps, sur une ligne correspondant à la moelle épinière. Les plans dont parle X sont les quatre centres suivants: 1) le sommet de la tête, ou contre du mental supérieur; 2) entre les sourcils, centre de la volonté et de la vision; 3) gorge, centre du mental extériorisant; et 4) cœur, c'est-à-dire vital mental, centre émotif, avec le psychique derrière (l'âme, Pourousha dans le cœur).

Chitta, par opposition à Chit ou Vijnâna n'est que la conscience de base de la vie mentale, d'où surgit la substance des pensées, des sentiments, des sensations, etc. ordinaires. La Force que sent X est tout autre: c'est la force plus vaste qui dépasse l'individu, et quand on la sent dans sa plénitude, elle apparaît à l'expérience comme la force cosmique ou un élément de la force cosmique ou encore comme la Force divine venue d'en haut, selon sa nature.

Son mental n'est pas encore prêt pour l'action de la force plus grande, parce qu'il est plein de conceptions et d'activités mentales, et c'est pour cette raison que la friction entre les deux engendre de la chaleur: quand l'autre force se retire et n'essaie plus de s'emparer du cerveau, alors l'action mentale personnelle se sent soulagée (d'où cette sensation de fraîcheur) et agit selon ses conceptions ordinaires. C'est seulement dans un mental silencieux (calme, pas nécessairement vide) que la force plus grande peut être reçue et travailler sur l'organisme sans trop de réactions et de résistances.

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541

C'est bien que vous ayez pu surmonter cette difficulté et avoir une bonne méditation. Vous observez que la difficulté est seulement dans la tête et dans la gorge, surtout dans la gorge; c'est très significatif. Ce sont les centres du mental, et par conséquent la difficulté vient évidemment du mental physique. La partie supérieure du mental appartient au mental pensant proprement dit, bouddhi, celui qui comprend, observe et guide; la gorge est le centre du mental extériorisant, celui qui s'occupe des choses extérieures et physiques et y réagit. Son activité est toujours l'une des principales difficultés de la sâdhanâ. S'il est tranquille, tout l'être physique se tranquillise plus facilement, comme vous l'avez constaté.

La dernière des quatre expériences, celles de l'être au-dedans organisé en zones, l'une recouvrant l'autre comme les marches d'une échelle, est aussi très significative et très vraie. C'est ainsi que la conscience intérieure est ordonnée. Il y a cinq divisions principales de cette échelle". Au sommet au-dessus de la tête, sont les zones (nous disons les plans) dont nous ne sommes pas conscients et qui ne deviennent conscientes pour nous que par la sâdhanâ, celles qui sont au-dessus du mental humain: c'est la conscience supérieure. Au-dessous, depuis le sommet de la tête jusqu'à la gorge, sont les zones (qui sont nombreuses) du mental, les trois principales étant situées l'une au sommet de la tête, communiquant avec la conscience supérieure, une autre entre les sourcils, où se trouvent la pensée, la vision et la volonté, une troisième dans la gorge où est le mental extériorisant. Une deuxième division va des épaules au nombril; là sont les zones du vital supérieur sur lesquelles règne le centre du cœur où se trouve l'être émotif, le psychique étant caché derrière lui. Depuis le nombril vers le bas se trouve le reste de l'être vital, qui contient plusieurs zones. Depuis le bas de la colonne vertébrale et au-dessous se trouvent les zones de la conscience physique proprement dite, la conscience matérielle, et sous les pieds le subconscient qui contient aussi de nombreuses zones.

L'expérience de l'éclatement du front par le milieu et du déversement de lumière indiquait l'ouverture du centre de la vue, de la volonté et de la vision à cet endroit. Quand celui-ci s'ouvre, il y a une ouverture de la conscience mentale intérieure à travers laquelle la lumière de la conscience supérieure peut se déverser-ici, c'est la lumière blanche de la Mère qui se déversait à travers l'ouverture.

Les lumières que vous avez vues étaient les nombreuses lumières (pouvoirs, forces, pleins de lumière) de la conscience supérieure, conscience de Vérité ou conscience divine. Leur déversement a été précédé et rendu possible par l'apparition de la lune, lumière spirituelle. C'est quand la lumière spirituelle est là que la présence de la Mère se révèle, et son action fait descendre les pouvoirs de la Vérité, du Divin, et elle les donne au sâdhak.

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542

Quand nous parlons du Pourousha dans la tête, le cœur, etc., nous utilisons une métaphore. Le moûlâdhâra d'où s'élève la Koundalinî n'est pas dans le corps physique, mais dans le corps subtil (c'est dans le corps subtil que l'être s'en va quand il entre en transe profonde ou, plus radicalement, au moment de la mort); il en est de même pour tous les centres. Mais comme le corps subtil pénètre le corps grossier et qu'ils s'entremêlent, il y a une certaine correspondance entre ces chakra et certains centres physiques. C'est pourquoi, figurativement, nous parlons du Pourousha dans ce centre-ci du corps ou dans celui-là. C'est aussi à cause de cette correspondance que lorsque l'Ânanda ou autre chose descend dans l'être, c'est dans le corps subtil qu'il s'infiltre, mais à travers lui il se communique au corps grossier et à sa conscience, de telle sorte qu'on le sent s'infiltrer dans le corps. Mais de là à dire que l'esprit est logé dans une glande, il y a une grande différence. Le corps grossier est un moteur, un moyen par lequel l'esprit communique avec le monde et agit sur lui, il n'est qu'une petite partie de l'ensemble des instruments. Il est absurde de lui donner tant d'importance. Cette sorte de faux matérialisme a pour but d'apaiser les esprits dotés d'une connaissance scientifique sommaire. Mais à. quoi bon? Tout le monde sait maintenant que la Science n'est pas une description de la vérité des choses, mais seulement un langage qui exprime une certaine expérience des objets, de leur structure, de leurs mathématiques, une impression ordonnée et utilisable de leurs processus — rien de plus. La matière elle-même est quelque chose (peut-être une formation d'énergie?) dont nous connaissons superficiellement la structure telle qu'elle apparaît à notre mental et à nos sens, ainsi qu'à certains instruments d'observation (dont on soupçonne maintenant qu'ils déterminent largement leurs propres résultats, la Nature adaptant ses réactions à l'instrument employé), mais aucun homme de science n'en sait ni ne peut en savoir davantage.

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543

Comment une entité spirituelle peut-elle être enfermée dans une glande matérielle? À ma connaissance, le moi ou esprit n'est pas enfermé dans le corps, c'est plutôt le corps qui est dans le moi. Quand nous avons la pleine expérience du moi, nous le sentons comme une vaste conscience dans laquelle le corps est une très petite chose, un accessoire ou un contenu, non un contenant.

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544

On ne peut parler de chakra que par référence au yoga. Chez les gens ordinaires, les chakra ne sont pas ouverts, c'est seulement quand ils font la sâdhanâ que les chakra s'ouvrent. Car les chakra sont les centres de la conscience intérieure et appartiennent à l'origine au corps subtil. Seule une très petite partie en est active chez les gens ordinaires car, chez eux, c'est la conscience extérieure qui est active.

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545

Les centres de conscience, les chakra. C'est grâce à leur ouverture que la conscience yoguique, ou conscience intérieure, se développe — sinon vous êtes enchaîné à la conscience extérieure ordinaire.

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546

Ce doit être l'être mental supérieur rendu psychique — la position au-dessus de la tête l'indique. En d'autres termes, vous avez commencé à percevoir votre être mental supérieur, qui est en contact à la fois avec le Divin au-dessus et avec le psychique derrière le cœur, et qui perçoit la Vérité, voit les choses avec la vision psychique et spirituelle.

Au-dessus de la tête s'étend le centre de la conscience supérieure, sahasradala padma. Mais habituellement, quand le sahasradala s'ouvre, il y a aussi un fonctionnement partiel du centre du front.

Le mental ordinaire, à son plus haut sommet, est l'intelligence libre qui reçoit peut-être des intuitions et des suggestions d'au-dessus qu'elle intellectualise. Il est à la surface et voit les choses de l'extérieur, sauf dans la mesure où l'intuition, ou d'autres pouvoirs, l'aident à voir un peu plus en profondeur. Quand ce mental ordinaire s'ouvre au-dedans au mental et au psychique intérieurs, et au-dessus au mental supérieur et à la conscience supérieure générale, alors il commence à être spiritualisé et ses régions les plus hautes se fondent dans la conscience mentale spirituelle, dont ce mental plus élevé peut être un début. Cette fusion fait partie de la transformation spirituelle.

Le mental a de nombreux centres: (1) le sahasradala qui centralise le mental spirituel, le mental supérieur, le mental intuitif et qui agit comme un récepteur de l'intuition proprement dite et du surmental; (2) le centre du front pour la pensée, la volonté et la vision intérieures; (3) le centre de la gorge pour le mental extériorisant ou mental physique.

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547

Le lotus aux mille pétales est au-dessus de la tête. C'est le septième centre et le plus haut.

Habituellement ceux qui considèrent seulement les centres dans le corps n'en comptent que six, le sahasrāra étant exclu.

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548

C'est évidemment le sahasradala padma à travers lequel l'intuition supérieure, le mental illuminé et le surmental font tous passer leurs rayons.

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549

Le supramental n'est pas organisé dans le corps, il n'a donc pas de centre distinct; mais tout ce qui vient d'au-dessus du Mental passe par le sahasrāra et donc y ouvre quelque chose.

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550

Le centre au sommet de la tête doit être une partie du sahasradala, centre de communication directe entre l'être individuel et la Conscience infinie au-dessus. Aucun autre centre principal de dynamisme n'est censé exister entre lui et l'ājñācakra. Mais il peut y avoir de nombreux centres nerveux dans diverses parties du corps, en plus des six ou plutôt sept centres principaux.

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551

Le sommet de la tête est le lieu de passage entre la conscience corporelle, avec tout ce qu'elle contient de mental et de vie, et l'être supérieur au-dessus du corps. C'est là que les deux consciences commencent à se rejoindre.

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552

L'ouverture du centre au sommet de la tête élimine la difficulté provoquée par le couvercle entre le mental ordinaire et la conscience supérieure au-dessus. Si l'ājñācakra est ouvert aussi, une communication claire est possible entre la conscience supérieure et le mental intérieur, et aussi le mental extérieur (centre de la gorge). Cette ouverture est la condition nécessaire à la réalisation de la connaissance, à l'illumination mentale et à la transformation. Le centre du cœur régit le psychique et le vital — son ouverture permet à l'influence psychique de travailler dans le vital et se termine par la venue au premier plan de l'être psychique.

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553

Le cerveau est seulement un centre de la conscience physique. On se sent établi là tant que l'on demeure dans le mental physique, ou que l'on est identifié à la conscience corporelle; alors on reçoit, à travers le sahasrāra, dans le cerveau. Quand on cesse d'être établi dans le corps, alors le cerveau n'est pas un lieu de résidence, mais seulement un canal de transmission passif et silencieux.

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554

Au front, entre les yeux mais un peu au-dessus, se trouve l'ājñācakra, centre de la volonté intérieure et aussi de la vision intérieure, du mental dynamique, etc. (non pas la volonté et la vision du mental extérieur ordinaire, mais quelque chose de plus puissant, qui appartient à l'être intérieur). Quand ce centre s'ouvre, et que la Force qui s'y trouve est active, alors s'ouvrent une volonté plus grande, un pouvoir plus grand de décision, de formation, une efficacité plus grande qui dépassent ce que le mental ordinaire peut accomplir.

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555

Le centre de la vision est entre les sourcils, au milieu du front. Quand il s'ouvre, on obtient la vision intérieure, on voit les formes et les images intérieures des choses et des gens, et on commence à comprendre les choses et les gens de l'intérieur et pas seulement de l'extérieur; un pouvoir de volonté se développe qui, lui aussi, agit à la manière intérieure (yoguique) sur les choses et les gens, etc. Son ouverture est souvent le commencement de la conscience yoguique, par opposition à la conscience mentale ordinaire.

Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 2.

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556

Ce centre [ājñācakra] est à l'endroit que j'ai indiqué, mais la pression peut être ressentie dans tout le front et aussi aux sourcils, ou n'importe où dans cette région. Elle s'irradie autour de ce centre.

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557

Oui. Un troisième œil s'ouvre là, en effet [au milieu du front]. Il représente la vision occulte et le pouvoir occulte qui accompagne cette vision; il est relié à l'ājñācakra.

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558

Si le centre du front s'ouvre, il est à peu près certain que le centre au sommet de la tête s'est ouvert au moins suffisamment pour permettre le passage de la force supérieure qui est au-dessus de lui. Pour le psychique, c'est autre chose — il se tient derrière les centres, et le moment de son ouverture varie avec chacun; en fait, c'est moins l'ouverture d'un centre que la venue au premier plan de l'être psychique.

En règle générale, dans notre yoga, le mouvement se fait du haut vers le bas. Il peut y avoir des variantes au stade préparatoire. Par exemple, le centre du cœur peut s'ouvrir partiellement le premier. Le centre vital supérieur peut aussi devenir actif le premier, mais cela entraîne beaucoup de luttes et de difficultés.

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559

Savez-vous que l'être intérieur comprend le mental intérieur, le vital intérieur, le physique intérieur, avec l'être psychique derrière, le plus intérieur? Comment pourrait-il n'y avoir qu'un seul centre pour tout cela?

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560

Oui, le centre de la gorge est le centre du mental physique. C'est le centre de l'extériorisation — en paroles, en expression, en pouvoir de traiter mentalement les choses physiques, etc. Son ouverture apporte le pouvoir d'ouvrir le mental physique à la lumière de la conscience divine, alors qu'autrement on reste dans la mentalité ordinaire tournée vers l'extérieur.

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561

Le cou, la gorge et la partie inférieure du visage appartiennent au mental extériorisant, au mental physique; le front au Mental intérieur. Au-dessus de la tête sont les plans supérieurs du mental.

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562

Le nez est relié à la partie vitale dynamique du mental: un homme qui a un grand nez est censé avoir une forte volonté ou une forte personnalité mentale — j'ignore toutefois si c'est invariablement vrai. Mais le physique vital? évidemment, le nez est le passage du Prâna, et le Prâna est ce qui soutient le physique vital.

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563

Ce son ne peut pas être quelque chose de physique: il ne peut être qu'une sensation physique subtile. L'oreille est le passage de la communication entre le centre mental intérieur et les forces de pensée ou vagues de pensée de la Nature universelle. Le son en question évoque une sensation d'ouverture et d'élargissement de ce passage.

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564

C'est le mental physique qui agit ainsi. Dans le corps subtil, le centre du mental physique ou mental extériorisant se trouve dans la gorge et il est fortement lié à la parole; mais il agit en liaison avec le cerveau. Toutes les forces qui veulent recouvrir la conscience s'élèvent et entourent à cette fin les centres mentaux en agissant sur eux si elles le peuvent; elles les entourent parce qu'autrement elles ne les recouvriraient pas complètement.

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565

L'organe de la parole est un instrument du mental physique ou mental expressif extériorisant.

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566

La parole vient du centre de la gorge, mais elle est associée au centre ou au plan qui dirige la conscience, quel qu'il soit — à tout endroit où l'on se situe pour penser. Si on s'élève au-dessus de la tête, la pensée a lieu au-dessus de la tête et la parole tire de là son origine, c'est-à-dire qu'elle est gouvernée de là.

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567

Pashyantî est évidemment la parole qui contient la vision de la Vérité; Para est probablement la parole révélatrice et inspirée. Je ne suis pas certain de la nature exacte des autres [Vaïkharî et Madhyamâ].

Les tantriques localisent ces formes de paroles dans différents chakra. La parole peut être intérieure ou extérieure, les deux peuvent porter l'empreinte du même pouvoir. Mais si l'on mesure la parole selon qu'elle s'éloigne plus ou moins de l'extériorité, alors Para devrait désigner quelque chose dans le royaume causal au-delà du mental.

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568

Le centre de la gorge est le mental (physique) extériorisant, le cœur est le mental émotif et le commencement du vital supérieur. Quand le centre du cœur est, si peu que ce soit, dominé par le mental physique, il est nécessairement ouvert aux attaques extérieures qui affectent la conscience physique et nerveuse. Le cœur doit être en liaison avec le psychique et la conscience supérieure.

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569

Le cœur physique est du côté gauche, mais le centre du cœur, dans le yoga, est au milieu de la poitrine.

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570

La pointe du centre psychique et émotif (comme la pointe de tous les centres) est dans la colonne vertébrale, la base est en avant au milieu du sternum.

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571

Le cœur est le centre de l'être et commande à tout le reste, puisque l'être psychique ou caitya puruṣa s'y trouve. C'est seulement dans ce sens que tout se déverse de lui, car c'est l'être psychique qui, chaque fois, crée pour lui-même un nouveau mental, un nouveau vital et un nouveau corps.

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572

L'être psychique (qui est l'âme) ne se fabrique pas de centres dans l'âdhâr. Les centres sont là. L'être psychique peut devenir maître des centres qui sont déjà là: le centre du cœur, le centre de l'ombilic et les deux centres sous l'ombilic. De plus, le mental et le vital ne sont pas abolis; ils sont amenés sous l'influence du psychique et rendus psychiques, ou ils sont occupés par la conscience supérieure venue d'en haut et transformés en instruments de son action.

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573

On ne passe pas à travers le centre psychique, ni aucun autre centre. Les centres s'ouvrent sous la pression de la sâdhanâ. Vous pouvez dire que la Force descend ou monte pour pénétrer dans un centre.

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574

L'ombilic est le principal centre vital au-dessous du centre émotif; il y a, au-dessous de lui, un autre centre de petits mouvements vitaux, entre l'ombilic et le moûlâdhâra.

C'est l'énergie vitale inférieure qui envahit le cerveau et y introduit la confusion, ou empêche la maîtrise mentale de soi, ou encore fait du mental son esclave et utilise la raison pour légitimer les passions.

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575

Le centre du mental physique est dans la gorge et la bouche, le centre vital est entre les deux centres inférieurs, la conscience matérielle est dans le mūlādhāra.

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576

Les nerfs sont répartis dans tout le corps, mais l'origine de l'action physique-vitale est concentrée entre le moûlâdhâra et le centre juste au-dessus de lui.

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577

Yoguiquement, psycho-physiquement, etc., etc., l'estomac, le cœur et l'intestin abritent les mouvements vitaux, non la conscience physique — c'est là que la colère, la peur, l'amour, la haine et autres privilèges psychologiques de l'animal s'agitent en tous sens et bouleversent la digestion physique et morale. Le moûlâdhâra est le siège de la conscience physique proprement dite.

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578

C'est là [à la base de l'épine dorsale] que se situe le centre physique qui est aussi le centre sexuel. Son sommet est au bas de l'épine dorsale et il se projette de là, dirigeant l'organe et son action.

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579

Le centre le plus bas, au bas de l'épine dorsale, contient beaucoup d'autres choses, mais à l'avant il est le point d'appui des mouvements sexuels.

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580

Non, le subconscient est trop vague pour avoir un centre. Il a un plan — sous les pieds, comme le supraconscient est au-dessus de la tête, mais à partir de là il peut surgir n'importe où.

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581

Oui, il [le cervelet] a un certain lien avec le subconscient.

 

1 vaiśvānara, taijasa et prājña dans la Mandoukiya Oupanishad.

En arrière

2 vaiśvānara, taijasa, prājña et kūṭastha.

En arrière

3 Cette expression n'est pas appropriée, puisque le surmental ne peut pas être supramental: tout au plus peut-il recevoir une certaine lumière et une certaine vérité de la source supérieure. (Note de Sri Aurobindo)

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4 Hridaya était le neveu de Râmakrishna et l'un de ses disciples.

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5 Au Bengale, quand quelqu'un est sur le point de tuer un petit animal, souvent on entend protester: "Ne le tuez pas, c'est un jîva de Krishna (sa créature vivante)". (Note de Sri Aurobindo)

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6 Notez que je ne pensais pas ces choses, il n'y avait ni pensée ni concept, elles ne se présentaient pas ainsi elles-mêmes à un "je" quelconque; c'était simplement ainsi, ou cela apparaissait ainsi à soi-même. (Note de Sri Aurobindo)

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7 Le mot français "soumission" ne rend qu'imparfaitement le sens de l'anglais "surrender" employé ici. "Se soumettre [surrender], c'est se donner au Divin, donner tout ce que l'on est et tout ce que l'on a au Divin, ne rien considérer comme sa propre possession, obéir à la seule volonté divine et à nulle autre, vivre pour le Divin et non pour l'ego." (Sri Aurobindo, Letters on Yoga, édition du Centenaire, volume XXIII, page 585)

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8 Une image employée par Shrî Râmakrishna; celui qui a la Connaissance, réalise que le Moi ou Âtman et le corps sont deux choses séparées, et que l'un se meut librement en l'autre, telle la noix de coco sèche dans son écorce extérieure quand a séché le lait de coco (de l'attachement au monde).

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9 Cette lettre a été révisée par Sri Aurobindo à deux reprises. Comme les deux versions diffèrent sensiblement par endroits, nous les publions toutes les deux.

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10 Quelqu'un avait demandé ce qu'est l'être psychique, si l'on pouvait le définir comme cette partie de l'être qui est toujours en contact direct avec le Supramental. J'ai répondu qu'il ne pouvait être ainsi défini, car l'être psychique chez les animaux ou chez la plupart des êtres humains n'est pas en contact direct avec le Supramental; par conséquent, on ne peut le décrire ainsi, par définition.

Mais une fois établie la liaison entre le Supramental et la conscience humaine, c'est l'être psychique qui est le plus prompt à répondre — plus prompt que le mental, le vital ou le physique. On peut ajouter que sa réponse est aussi plus pure; le mental, le vital et le physique peuvent permettre à d'autres choses de se mêler à leur réception de l'influence supramentale, et de gâcher ainsi sa vérité. La réponse du psychique est pure et ne permet pas un tel mélange.

Le changement supramental ne peut se produire que si le psychique est éveillé et devient le principal soutien du pouvoir supramental qui descend. (Note de Sri Aurobindo)

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11 Le Chitta et la partie psychique ne sont pas du tout la même chose. Le terme Chitta appartient à une catégorie tout à fait différente, dans laquelle sont coordonnés et mis à leur place les principaux fonctionnements de notre conscience extérieure, et pour le connaître nous n'avons pas besoin d'aller derrière notre nature superficielle ou extérieure.

"Catégorie" désigne ici une autre classe de facteurs psychologiques, tattva-vibhāga. Le psychique appartient à une certaine classification — supramental, mental, vie, psychique, physique — qui inclut à la fois la nature intérieure et la nature extérieure. Par appartient à une tout autre classification ou catégorie — bouddhi, manas, chitta, prâna, etc. — qui est celle de la psychologie indienne ordinaire; celle-ci concerne seulement la psychologie de l'être extérieur. Dans cette classification, seules les principales fonctions de notre conscience extérieure sont coordonnées et mises à leur place par les penseurs indiens: chitta est l'une de ces fonctions principales de la conscience extérieure, et par conséquent pour la connaître, nous n'avons pas besoin d'aller derrière la nature extérieure. (Note de Sri Aurobindo)

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12 Cette lettre a été révisée par Sri Aurobindo à deux reprises. Comme les deux versions diffèrent sensiblement par endroits, nous les publions toutes les deux.

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13 Série incomplète d'articles publiés dans puisse, de façon intermittente, de 1915 à 1921 (Édition du Centenaire, volume XVI, pp. 77 à 222).

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14 "Je vois le mieux et l'approuve, tout en suivant le pire."

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15 La croyance que le corps est une résidence temporaire du moi pour une seule vie.

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16 Mind et mental.

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17 Psychic mind et mental psychic.

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18 Yoga-vāśiṣtha.

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19 La confusion, probablement, a apparu à cause de l'épithète de Skanda (kumarā – l'enfant, le garçon), tandis que fils du Brahma se nomme sanat-kumarā

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20 Signes physiques: bouillonnement dans la poitrine, rougeur du visage, etc.

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21 La nature est comme la queue du chien: redressez-la et elle reprendra tout de suite sa forme tortueuse.

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22 Naturam expelles furca, tamen usque recurret (chassez la nature avec une fourche,-elle reviendra toujours en courant).

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23 Ou circumconscient.

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Sur russe

À l'anglais

in German