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Sri Aurobindo

Savitri

A Legend and a Symbol

traduction de Satprem

Livre Deux: Le Livre du Voyageur des Mondes

Chant Quinze
Les Royaumes de la Connaissance d’En Haut

Après un moment d’âme, qui pouvait être des âges,

Il est revenu une fois de plus à ces champs de la surface

Sorti des abîmes sans temps où il avait coulé;

Encore une fois, il écoutait le lent cheminement des heures.

Tout ce qu’il avait perçu et vécu autrefois était si loin;

Lui-même était la seule scène de lui-même.

Au-dessus du Spectateur et de son univers

Il était dans le royaume des silences sans bornes

Attendant la Voix qui parle et bâtit les mondes.

Une lumière l’entourait, vaste et absolue,

Une vue éternelle, pure comme un diamant;

Une conscience reposait, immobile, dénuée de formes,

Libre, sans mot, affranchie des signes et des lois,

À jamais contente d’être, seulement, et de sa joie;

Une absolue existence vivait dans sa propre paix

Sur le fond nu et infini du seul esprit.

Il était sorti de la sphère du Mental,

Il avait quitté le règne des ombres et des couleurs de la Nature;

Il demeurait dans la pureté incolore de son moi.

C’était un plan de l’esprit indéterminé

Qui pouvait être un zéro ou la somme ronde des choses,

Un état où tout cessait et tout commençait.

Ici devenait tout ce que l’absolu figure,

C’était un immense haut pic d’où l’esprit pouvait voir les mondes,

Une vaste épiphanie de calme, un pays muet de la sagesse,

Un poste solitaire de l’Omniscience,

Un tremplin du pouvoir de l’Éternel,

Un sol blanc dans la maison de la Toute-Félicité.

Ici naissait la pensée qui dépasse la Pensée,

Ici, la Voix tranquille que notre écoute ne peut entendre,

La Connaissance par laquelle le Connaisseur est le Connu,

L’Amour dans lequel le Bien-aimé et l’Amant sont un.

Tout restait dans une originelle plénitude;

Apaisé et accompli avant même d’être créés

Le glorieux rêve des actes universels;

Ici s’engendrait la naissance spirituelle,

Ici s’achevait la marche rampante des finitudes vers l’Infini.

Un millier de routes se jetaient dans l’Éternité

Ou couraient, chantantes, à la rencontre de la face de Dieu sans voile.

Délivré des chaînes du connu et de ses limites,

Le Roi frappait aux portes de l’inconnaissable.

Enveloppant du regard des horizons sans mesure,

Plongé dans le regard même du moi au sein de ses propres Vastitudes,

Il vit la splendeur des royaumes de l’esprit,

La grandeur et la merveille de ses œuvres illimitées,

La puissance et la passion qui bondissaient de son calme tremplin,

Le ravissement de son mouvement et de son repos,

Et le miracle du feu de tendresse de sa vie transcendante,

Les millions de points saisis sans division

Dans sa vision d’un unique Tout prodigieux,

Ses actes inépuisables dans un Temps sans temps,

Dans un espace qui est sa propre infinitude.

Une multiplication glorieuse d’un unique Moi radiant

Répondait à la joie par la joie, à l’amour par l’amour,

Là, tous étaient la demeure mouvante de la félicité de Dieu;

Éternels et uniques, ils vivaient l’Un.

Là, les forces sont les grandioses éclatements de la vérité de Dieu

Et les objets, ses purs modelages spirituels;

L’esprit n’est plus caché à ses propres yeux,

Toute sensation est un océan de joie

Toute création, un acte de lumière.

Puis, sortant du silence neutre de son âme,

Le Roi est passé aux régions de calme puissance

Et il vit les Pouvoirs qui siègent au-dessus du monde;

Il a traversé les royaumes de l’Idée suprême

Et il cherchait le sommet des choses créées

La source toute-puissante des changements cosmiques.

Là, la connaissance l’a appelé sur ses pics mystiques

Où la pensée est contenue dans une vaste perception interne

Et les sentiments naviguent par des mers paisibles

Et la vision grimpe hors de la vue du Temps.

Pareil aux premiers voyants créateurs,

Accompagné d’une lumière qui révèle tout

Il allait par des régions de Vérité transcendante

Intérieures, immenses, innombrablement une.

Là, les distances étaient la gigantesque étendue de son propre esprit;

Délivré des fictions du mental,

La triple division des pas du Temps ne trompait plus;

Son inévitable torrent continu,

La longue coulée des étapes de sa manifestation

Tenait dans un unique regard illimité de l’esprit.

Une beauté universelle montrait sa face;

Les invisibles intentions et leurs ramifications profondes

Abritées ici derrière l’écran insensible des formes,

Découvraient à ses yeux leur harmonie immortelle

Et la clef du livre des merveilles des choses banales.

Dans leur loi unifiante se révélaient à nu

Les multiples mesures de la force qui inspire,

Les lignes et la technique du Géomètre cosmique,

Les enchantements qui portent la toile arachnéenne du cosmos

Et la magie qui tisse les simples formes.

Sur des pics où le Silence écoute d’un cœur tranquille

Le battement rythmique du roulement des mondes,

Il servait les sessions du triple feu.

Sur une crête entre deux continents,

Au bord du sommeil et de la transe,

Il a entendu la voix de la Réalité jamais prononcée

Éveiller le cri mystique de la révélation,

Trouvé le lieu où naît soudain le Mot infaillible

Et il a vécu dans les rayons d’un Soleil intuitif.

Délivré des amarres de la mort et du sommeil

Il a couru les mers fulgurantes du Mental cosmique

Et traversé l’océan du son originel;

Sur l’ultime marche de la naissance suprême

Il a passé le mince fil de l’anéantissement

Près des hauts seuils de l’éternité,

Et il a gravi le sommet d’or du Rêve du monde

Entre les feux qui détruisent et les feux qui sauvent;

Il a touché les rives de l’immuable Vérité

Croisé les frontières de l’indicible Lumière

Et frémi en la présence de l’ineffable.

Au-dessus de lui, il a vu les Hiérarchies flamboyantes,

Les ailes qui enveloppent l’espace créé,

Les Gardiens aux yeux de soleil, le Sphinx d’or

Et les hauts gradins des Seigneurs immuables.

Une sagesse servante de l’Omniscience attendait,

Assise, sans voix, dans une vaste passivité;

Elle ne jugeait pas, ne mesurait pas, ne cherchait pas à savoir,

Elle écoutait la Pensée cachée qui voit tout

Et le rythme d’une calme Voix transcendante.

Il était arrivé au sommet de tout ce qui pouvait être connu:

Sa vue dépassait la pointe et la base de la création;

Resplendissants, les triples cieux révélaient leurs soleils,

Les Abîmes noirs étalaient leur règne monstrueux.

Tout, sauf l’ultime Mystère, était son domaine,

Presque, l’inconnaissable laissait voir son horizon.

Les infinitudes de son moi commençaient à émerger,

Les univers cachés lui envoyaient leur cri;

Les éternités appelaient les éternités

Envoyant leur message sans mot, encore lointain.

Jaillies de la merveille des profondeurs

Et brûlant depuis les hauteurs supraconscientes

Et déferlant par de grandes girations horizontales

Un million d’énergies se joignaient, qui étaient l’Un.

Tout coulait immensément vers une seule mer:

Toutes les formes vivantes étaient les atomes de sa demeure.

Une Panergie qui harmonisait toute la vie

Tenait directement l’existence dans sa vaste main;

Lui, le Roi, était fait d’une parcelle de cette majesté.

À volonté, il vivait dans le Rayon qui n’oublie pas.

Dans ce haut royaume où nulle non-vérité ne peut entrer

Où tous sont différents et tout est un,

Dans l’océan sans rivage de l’impersonnel

La Personne faisait route, ancrée dans l’Esprit du Monde;

Elle battait avec la formidable marche de la Force du Monde,

Ses actes étaient les compagnons de l’infinie paix de Dieu.

Le corps était un symbole du moi,

Un assistant glorieux livré à l’âme et délivré –

Tel un point du pouvoir immortel, un roc de stabilité

Dans le vaste déferlement sans forme de la cosmicité,

Un outil acéré et conscient de la force du Transcendant

Sculptant la perfection dans la substance luminescente du monde à venir,

Il gravait dans cette substance le sens d’un univers.

Là, la conscience était une unique trame compacte;

Loin et proche ne faisaient qu’un dans l’espace de l’esprit,

Les moments portaient tous les temps.

La pensée avait brisé l’écran du Supraconscient,

L’Idée roulait des symphonies de vision

Et la vision était la flamme immédiate de l’identité;

La vie était le merveilleux voyage de l’esprit

Les sentiments, une vague de la Félicité universelle.

Dans le royaume du pouvoir et de la lumière de l’Esprit,

Il était tout neuf-né, un tout-petit sans limite

Comme débarqué du ventre des infinitudes

Et il grandissait dans la sagesse de l’Enfant immémorial;

Il était une Vastitude, qui bientôt devenait un Soleil.

Un grand silence lumineux murmurait à son cœur;

Sa connaissance était un panorama insondable saisi dedans,

Un panorama du dehors jamais coupé par de brefs horizons:

Il pensait et sentait en tous, son regard était un pouvoir.

Il communiquait avec l’incommunicable;

Des êtres d’une conscience plus vaste étaient ses amis,

Des formes d’une structure plus fine et plus libre s’approchaient;

Derrière le voile de la Vie, les Dieux parlaient avec lui.

Son être était devenu voisin des cimes de la Nature.

L’Énergie primordiale l’a pris dans ses bras;

Son cerveau était enveloppé d’une Lumière dense,

Une connaissance qui embrasse tout envahissait son cœur:

Des pensées se levaient en lui que nul mental terrestre ne peut contenir,

Des forces jouaient qui, jamais, n’ont coulé par des nerfs mortels:

Il sondait les secrets du Surmental,

Il supportait le ravissement de la Sur-âme.

Frontalier de l’empire du Soleil,

À l’unisson des harmonies divines,

Il reliait la création à la sphère de l’Éternel;

Ses organes limités approchaient de leur absolu,

Ses actes donnaient une forme au mouvement des Dieux,

Sa volonté a pris les rênes de la Force cosmique.

FIN DU CHANT QUINZE
FIN DU LIVRE DEUX

(Mais il manquait toujours quelque chose.

Cet “ultime Mystère”, ces “Abîmes noirs” jamais changés et leur “règne monstrueux”.)

in Russian

in English