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Sri Aurobindo

Savitri

A Legend and a Symbol

traduction de Satprem

Livre Cinq: Le Livre de l’Amour

Chant Un
Le Rendez-vous du Destin

Mais maintenant, le lieu et l’heure du destin étaient proches;

Sans le savoir, elle arrivait au but qui n’a pas de nom.

Car, toute masquée qu’elle soit d’un hasard aveugle et tortueux

La toute-sagesse du Destin est à l’œuvre;

Nos actes traduisent une Force omnisciente

Qui demeure dans l’irrésistible substance des choses

Et rien n’arrive dans le jeu cosmique

Qu’en son temps et au lieu prévu.

Elle est arrivée dans une étendue légère et douce comme l’air

Qui semblait un sanctuaire de jeunesse et de joie,

Une haute terre de libre et vert délice

Où le printemps et l’été jouaient ensemble

Se disputant dans un aimable débat insoucieux

Embrassés dans une querelle de rires à qui régnerait.

Là, l’espérance battait de grandes ailes soudaines

Comme si une âme avait ouvert ses fenêtres

Par un pan de la terre,

Et tout ce qui se trouvait à l’intérieur

Oubliant les joies habituelles et les rêves ordinaires,

Obéissant à l’appel du Temps et au destin de l’esprit,

Sentait la venue d’un changement

Était soulevé vers une beauté calme et pure

Vivante enfin sous les yeux de l’Éternité.

Les crêtes montagneuses attroupées assaillaient le ciel

Poussant leurs épaules rivales plus près des cieux

Tels les chefs d’armée sur une frontière de fer;

La terre, prosternée, dormait sous leurs pieds de roc.

Plus bas, les bois se blottissaient dans un rêve d’émeraude

Et la lisière des fleuves scintillait dans un sommeil diamanté,

De pâles torrents couraient comme un fil de perles blanches.

Un souffle errant soupirait parmi les feuilles heureuses;

Voluptueux et lourds de parfums frais,

De vagues vents titubants hésitaient parmi les fleurs.

L’aigrette blanche, droite et immobile comme un rai de lumière

Les paons, les perroquets paraient de joyaux le sol, les arbres,

Le gémissement de la tendre tourterelle enchérissait l’air amoureux

Et les malards sauvages aux ailes de feu glissaient sur les marais d’argent.

La Terre couchait seule avec son grand amant, les Cieux

Nue sous l’œil pourpre de son prince.

Dans l’extase de sa joie somptueuse

Elle jetait aux vents les notes de sa musique d’amour

Éparpillait le dessin passionné de ses floraisons

Et le festival exultant de ses senteurs et ses couleurs.

Tout était cris et hâte et bondissements:

Les pas furtifs de ses créatures en chasse,

La verdeur échevelée de sa crinière de centaure

Le saphir et l’or de son ardeur et de sa flamme.

Magicienne de ses félicités ravies,

Folâtre, le cœur sensuel, insouciante et divine,

La vie courait ou se cachait dans les espaces enchantés de la terre;

Derrière tout, planait le calme grandiose de la Nature.

La paix vierge était là, elle abritait dans sa poitrine

Tranquillement, la lutte des bêtes et des oiseaux.

L’homme, l’artificier au front malin n’était pas venu

Mettre la main sur les heureuses créatures inconscientes,

La pensée n’était pas là ni le calculateur, ni son labeur aux yeux perçants,

La Vie n’avait pas encore appris sa discorde avec son but.

La puissante Mère reposait à l’aise les bras ouverts.

Tout suivait la ligne de son premier plan satisfait:

Mus par l’universelle volonté de joie

Les arbres fleurissaient dans leur verte félicité

Et les enfants sauvages ne remâchaient point la peine.

Mais à l’horizon se dessinait une gigantesque étendue sévère

Et des abîmes inextricables, des contreforts inquisiteurs et implacables

Et des pics comme une austérité nue de l’âme

Cuirassés et lointains dans une désolation grandiose

Comme la pensée masquée des infinitudes

Guettant derrière le sourire ravi de la danse du Tout-puissant.

Une haute tête aux cheveux torsadés telle la cime d’une forêt

Envahissait les cieux

Comme si un ascète à la gorge bleue1 scrutait

Du haut de son antre de roc dans les montagnes,

Examinant le bref bonheur des jours;

La vaste ampleur de son esprit reposait derrière lui, cachée.

Un immense murmure d’abandon assaillait l’air,

Un appel de détresse sans bornes

Comme d’une âme qui quitté le monde.

Telle était la scène que la Mère ambiguë

Avait choisi pour sa brève heure de félicité2;

Ici, dans cette solitude à l’écart du monde

Commençait sa tâche dans les joies et la lutte du monde.

Ici se découvrirent à elle les fiançailles mystiques,

Les portes secrètes de la beauté et de la surprise,

Les ailes qui battent dans la maison d’or,

Le temple de la tendresse et la nef ardente.

Étrangère sur les routes chagrinantes du Temps,

Immortelle sous le joug de la mort et du destin,

Exécutante du sacrifice de la joie et de la douleur des sphères,

En cette terre vierge, l’Amour vint à la rencontre de Savitri.

FIN DU CHANT UN

 

1 Ainsi représente-t-on Shiva dans la tradition indienne, le dieu destructeur à la fin d’un cycle. Il a la “gorge bleue” car il avale le poison du monde.

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2 C’est donc quand approche la fin d’un cycle – notre cycle humain après la première beauté de la terre – que Savitri a choisi de rencontrer l’Amour qui pourrait sauver ce cycle de mort et changer la vieille semence du cosmos.

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