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Sri Aurobindo

Savitri

A Legend and a Symbol

traduction de Satprem

Livre Onze: Le Livre du Jour Éternel

Chant Un
Le Jour Éternel: le Choix de l’Âme et l’Accomplissement Suprême

Un soleil merveilleux regardait du fond des cieux de l’extase

Des mondes de félicité immortelle, la demeure de la perfection,

Le dévoilement magique du sourire de l’Éternel

Captivant les battements secrets de son cœur de délice.

Le jour éternel de Dieu entourait Savitri,

Des domaines de lumière sempiternelle apparaissaient

Envahissant toute la Nature de la joie de l’Absolu.

Son corps vibrait au toucher de l’éternité,

Son âme était proche des sources de l’infini.

Elle vivait au seuil des finitudes de l’Infinité,

Neuve à jamais pour une vision immortelle.

L’Éternité multipliait son vaste regard d’elle-même sur elle-même

Traduisant sa joie et sa puissance sans fin

Afin que les âmes qui jouent avec le Temps puissent partager son délice

Partager ses grandeurs toujours nouvelles nées de profondeurs inconnues

Ses pouvoirs impérissables jaillis de hauteurs inconnues,

Ses battements de cœur passionnés d’un amour qui ne meurt pas,

Ses scènes d’une douceur qui ne peut jamais flétrir.

Immortel pour le cœur et les yeux ravis,

Par les arches sereines d’un pont de calme translucide

Glissait des Vastitudes rêveuses d’un ciel de Merveille sans nuage

Un abîme de saphir

Avec des yeux visités de lumière solaire

Qui supportaient sans mal le Rayon absolu

Et voyaient les immortelles clartés des formes.

Le crépuscule et les brumes étaient exilés de cet air,

La Nuit était impossible pour ces cieux rayonnants.

Immuables au sein de cette immensité

Les étendues spirituelles se voyaient, sublimement nées

D’une tranquille beauté de joie créatrice:

Incarnées, les pensées se saisissaient à une gentille portée

Pour plaire à quelque insouciante paix divine,

Elles répondaient à la demande profonde d’une perception infinie

Et à son besoin de formes pour loger son ravissement sans corps.

Le cheminement d’une Puissance universelle à travers le Temps,

L’ordre harmonique des Vastitudes du Moi

Avec ses symétries cycliques et ses plans métriques

Recelait une orgie de joie cosmique

Dans une représentation sans fin de l’esprit dans les choses

Conçue par l’artiste qui avait rêvé les mondes;

De toute la beauté et la merveille ici,

De toute la variété enchevêtrée de tous les Temps

L’Éternité était la source et la substance:

Point n’était sortie la Matière de brumes malléables

Cette substance et cette source suggéraient leurs profondeurs

Et faisaient deviner la grandiose série de leurs pouvoirs.

Émanées d’un triple ciel mystique

Les sept terres1 immortelles étaient sublimement visibles:

Pays des bienheureux délivrés de la mort et du sommeil

Là où le chagrin ne peut jamais venir ni le moindre tourment

Arrivés de mondes perdus en quête d’eux-mêmes

Rien ne pouvait altérer l’invariable quiétude de la nature des Cieux

Et son puissant état de calme éternel,

Son allure d’extase immuable.

Des plaines reposaient qui semblaient l’étendue du vaste sommeil de Dieu,

Les ailes de la pensée grimpaient vers l’immense repos des cieux

Perdus dans les profondeurs bleues de l’immortalité.

Une nature terrestre changée sentait le souffle de la paix.

L’air semblait un océan de félicité

Ou bien le gîte d’une sérénité spirituelle inconnue,

Une vaste quiétude engloutissait tous les sons

Dans une béatitude absolue sans voix:

Même la Matière transmettait un intime contact spirituel,

Tout était pénétré de l’immanence de l’un divin.

La plus basse de ces terres était encore un ciel

Exprimant la splendeur des choses divines

Dans la beauté et l’éclat des scènes terrestres.

Des crêtes de montagnes éternelles sur des cimes rayonnantes

Gravaient leurs lignes comme sur une coupe de saphir

Et bordaient les lisières lustrées des midis du ciel

Grimpant comme les marches empilées d’un temple,

Et du haut de leur méditation sans fond entendaient en bas

L’approche d’une multitude de pèlerins bleus

Écoutaient la grande voix arrivante

Des hymnes voyageuses des mers immémoriales.

Une foule chantante psalmodiait au sein des montagnes

Traversait les rameaux parfumés d’un soupir de fleurs

Se hâtant à travers les fraîcheurs avec des bonds de joie;

Des rivières murmurantes de félicité

Clapotaient divinement, des désirs aux voix de miel

Mêlaient leurs pareils tourbillons de délice

Puis s’élargissant à la mesure d’une calme songerie

Descendaient maints estuaires de rêve miroitants

Et s’en allaient chuchoter en lacs de paix liquide.

Penchées au bord d’une extase inanimée

Et gardant une éternelle stabilité de pensée

Méditaient des âmes sculptées rêvant près des rivières sonores

Dans une immuable pose de marbre béatifique.

Autour de Savitri vivaient les enfants du jour de Dieu

Dans une ineffable félicité:

Un bonheur jamais perdu, un bien-être immortel,

La bienheureuse multitude d’une éternité contente.

Autour, les nations impérissables allaient et parlaient,

Des âmes d’une lumineuse joie céleste,

Des visages de pure beauté, des membres modelés par le Rayon;

Dans les cités taillées comme des joyaux de pierre consciente

Et dans les pâturages merveilleux et sur des côtes chatoyantes

Des formes sémillantes se voyaient, les tribus lumineuses de l’éternité.

Au-dessus d’elle, les divinités rythmiques faisaient tournoyer les sphères,

Les fixités itinérantes ravies recherchées aveuglément ici

Par les énormes orbites errantes de nos étoiles.

Des voix d’extase frappaient les cordes de l’oreille,

Chaque mouvement trouvait sa musique d’elle-même;

Des chants d’oiseaux vibraient sur des branches toujours fraîches

Les couleurs de leur plumage étaient prises

Dans l’arc-en-ciel des ailes de l’imagination.

Des fragrances immortelles emplissaient la brise frémissante.

Dans les bocages qui semblaient comme des poitrines palpitantes

et des profondeurs tremblantes

Les millions d’enfants du printemps impérissable fleurissaient

D’innombrables étoiles teintées de pur délice

Nichaient à l’abri de leur ciel d’émeraude;

Une foule de fleurs féeriques regardaient avec des yeux rieurs.

Un chaos dansant, une mer iridescente

Éternisaient à la vue toujours éveillée des Cieux

L’abondance de pétales ardents aux teintes de merveille

Qui flottent à travers les paupières closes du rêve.

D’immortelles harmonies emplissaient les oreilles de Savitri:

Une grande émission spontanée des hauteurs

Portée par les ailes de titan d’une grandeur rythmique

Se déversait du fond de quelque cœur spirituel du son

Des accords qui tremblaient du secret des dieux.

Un esprit vagabondait joyeusement dans le vent

Un esprit couvait dans les feuilles et dans la pierre;

Les voix des organes conscients de la pensée

S’égaraient au bord des confins vivants du silence,

Et de quelque profondeur, une langue muette des choses

Montait, insondée, inexprimable, une psalmodie

Traduisant dans une voix l’Inconnu.

Grimpant l’invisible échelle du son,

Une musique point faite de ces quelques cadences échelonnées

Aspirait et s’aventurait sur des cordes passagères

Mais changeait ses notes innombrables toujours neuves

Dans une passion de découverte imprévue,

Et gardait ses vieilles extases jamais oubliées

Tel un trésor grandissant dans le cœur mystique.

Une conscience qui appelait à travers chaque cri

Un charme et un désir inexploré,

Elle trouvait et explorait encore les profondeurs insatisfaites

Comme à la poursuite d’un secret du cœur profond

Pour découvrir quelque félicité perdue ou manquée.

Dans ces symphonies tombées de loin,

Traversant l’enchantement des sens ravis,

Elle pouvait entendre le voyage lyrique d’une âme divine

Parmi les écumes et les rires qui tentaient sa proue

Le charme vierge des îles de Circé,

Et de belles aventures sans danger

En des pays où les sirènes de la Merveille chantent leur séduction

Dans les rocs rythmiques des mers toujours déferlantes.

Dans l’harmonie d’une vision originelle

Délivrée des limites de notre rayon de pensée

Et des résistances de nos cœurs aveuglés

À embrasser Dieu sous n’importe quel déguisement,

Savitri voyait la Nature entière merveilleuse et sans une faute.

Envahie par l’universelle orgie de beauté

Les fibres de son être s’étendaient au loin en vibrant

Et réclamaient l’union profonde avec ses moi extérieurs,

Et sur les cordes du cœur faites pures pour saisir toutes les tonalités

Les subtilités inlassables du toucher des Cieux ouvraient de force

Des ravissements plus vifs que la vie terrestre ne peut pas supporter.

Ce qui serait une souffrance ici, était une félicité de feu.

Tout ce qui, ici, est seulement une suggestion passionnée et une ombre mystique

Devinée par le prophète intérieur qui perçoit

L’esprit de délice dans les choses sensuelles,

Se changeait en plus de douceur que nous ne pouvons rêver maintenant.

Les puissants signes dont la terre craint la tension,

Tremblante parce qu’elle ne peut pas comprendre

Et qui doivent rester voilés en des formes étranges et sublimes,

Étaient ici le premier alphabet d’un mental infini

Traduisant le langage de la félicité éternelle.

Ici, le ravissement était un incident normal;

La gracieuseté dont l’émotion saisie

Par notre plaisir humain est un fil déchu,

S’étalait en dessins symboliques, un ornement négligeant

Cousu sur les riches brocarts du vêtement des dieux.

Les créatures formées étaient des demeures imagées où le mental

Arrivait à sonder une joie physique profonde:

Le cœur était un flambeau allumé par l’infinité

Les membres étaient de tremblantes densités d’âme.

C’étaient les premiers domaines, les cours extérieures

Immenses, mais les moindres en étendue et les moindres en valeur,

Les plus légères extases des dieux immortels.

Plus haut, le phare de sa vision s’étendait et savait,

De large portails de saphir s’ouvraient et l’accueillaient

Dans les Vastitudes d’une lumière au-delà,

Mais ce n’étaient là que les somptueuses portes décorées

De mondes plus nobles, plus heureusement choisis.

Sans fin aspirait la grimpée de ces cieux:

Des royaumes et des royaumes captaient sa perspective envolée.

Puis, sur ce qui semblait une couronne de l’ascension

Là où les finitudes et l’infini sont un,

Inaccessibles, elle contemplait les puissants sièges des immortels

Qui vivent pour la joie céleste et qui gouvernent

Les régions intermédiaires du Rayon qui ne s’éteint pas.

De grandioses formes de déités impérissables siégeaient en gradins,

Les yeux d’un regard sans naissance se penchaient vers elle

Par la transparence d’un feu de cristal.

Dans la beauté de corps œuvrés par les lignes du ravissement,

Formes enchanteresses de douceur et d’immobile félicité,

Jambes miroitantes sur les parvis ensoleillés du mental,

Passaient les échansons du vin céleste de l’Éternel.

Une mêlée de corps lumineux, d’âmes vibrantes

Dessinaient l’intime délice entrelacé

Le cheminement harmonieux de vies à jamais jointes

Dans l’unité passionnée d’une joie mystique

Comme des rayons de soleil devenus vivants et divins,

Les déesses Apsara2 à la gorge dorée

Dans les bosquets irradiés d’un disque d’argent de félicité

Flottaient à travers un rêve de saphir lumineux,

Dans un nuage de vêtements allumés par des membres dorés

Et des bruits de pas rayonnants par des prairies féeriques,

Des ébats vierges de bacchantes innocentes

Qui savent leur ivresse pour une danse de Dieu,

Tournoyaient ensemble dans les bacchanales enlunées du cœur.

Artistes impeccables des formes justes,

Magiciens bâtisseurs des mots et des sons rythmiques,

Les Gandharvas3 aux cheveux de vent chantaient à l’oreille

Les odes qui façonnent la pensée universelle,

Les lignes qui déchirent le voile du visage de la Divinité,

Les rythmes qui apportent le son des océans de la sagesse.

Des figures immortelles et des fronts illuminés,

Nos grands ancêtres se mouvaient dans ces splendeurs:

Dans un pouvoir sans bornes et comblés de lumière Ils jouissaient du sens de tout ce pour quoi nous luttons.

De hauts visionnaires, d’émouvants poètes ont vu les pensées éternelles

Qui, voyageuses d’en haut, nous arrivent

Déformées par nos recherches, truquées par un mental en costume

Comme des dieux défigurés par les douleurs de la naissance,

Ils ont attrapé les grandes paroles maintenant prises en de frêles sons

Et dans une langue mortelle avec une laborieuse extase.

Les forts qui trébuchent et pèchent étaient de fiers et calmes dieux.

Là, remplis des foudres de la gloire et de la flamme,

Fusionnant en vagues de sympathie et de vision,

Frappés comme une lyre qui bat à la félicité des autres,

Tirés par les cordes d’une extase inconnue,

La nature humaine de Savitri défaillait du délice des cieux,

Elle était le témoin d’embrasses refusées à la terre

Et supportait les yeux impérissables de l’amour sans voile.

D’autres gradins grimpaient plus haut, touchaient des niveaux et d’autres niveaux

Par-delà ce que le langage peut exprimer ou le mental rêver:

Des mondes d’une étendue infinie couronnaient l’ascension de la Nature.

Là, il y avait une plus haute douceur tranquille

Un champ d’éther plus subtil et plus profond

Et un plan plus grandiose que la perception la plus céleste ne peut livrer.

Là, le souffle portait un flot de mental voyant,

La forme était un fin vêtement de l’âme:

Les couleurs étaient une modulation visible de l’extase;

Les formes qui semblaient presque immatérielles pour le regard

Et pourtant voluptueusement palpables

Devenaient sensibles au toucher de l’esprit intérieur.

Perfectionnés, les hauts sens vivaient illuminés

Heureux vassaux du rayon intérieur,

Chaque sentiment était le puissant enfant de l’Éternel

Et chaque pensée était un gracieux dieu brûlant.

L’air était une conscience lumineuse, les sons une voix,

La lumière du soleil était la vision de l’âme, et la lune son rêve.

Sur l’immense base vivante d’un calme sans mot

Tout était une joie active et lucide.

Dans ces hauteurs, l’esprit de Savitri allait flottant, planant

Comme un oiseau qui prend son vol et monte invisible

Criant à l’escalade la mélodie de son cœur battant

Jusqu’à ce que, à la halte de ses ailes closes

Son cœur tremblant arrive à son ultime cri satisfait

Silencieux là, son âme libérée,

Délivrée du fardeau de délice de son cœur.

Sur la poitrine colorée de la joie

L’Expérience montait en vol spiralé vers des sphères inaccessibles.

Là, le temps demeurait un avec l’Éternité:

La félicité immense rejoignait le repos ravi.

La Transfiguration de la Mort

Comme noyée dans un océan de splendeur et de béatitude

Muette dans le labyrinthe de ces mondes surprenants

Elle vit en se retournant leur nœud vivant et leur source,

La clef de leur charme et la fontaine de leur délice,

Et elle sut que c’était celui-là même qui leurre nos vies

Prises dans son impitoyable filet de terreur,

Et fait de l’univers son camp de prison

Et dans ses Vastitudes immenses et vides

Fait du labeur des étoiles un vain périple

Et la mort, le bout de chaque route humaine

Et le chagrin et la douleur le salaire du labeur des hommes.

Celui-là même que l’âme de Savitri avait affronté comme la Mort et la Nuit

Toute la douceur s’était rassemblée dans ces membres

Et éblouissait son cœur par la beauté des soleils.

La formidable forme était transfigurée.

Ses ténèbres et sa triste puissance destructrice

Abolissait à jamais et dévoilait

Le mystère de ses hauts faits violents:

Une secrète splendeur s’est levée et révélée aux yeux

Là où jadis le vaste Vide incarné se tenait, immense.

La Nuit, ce sombre masque était devenu une face merveilleuse.

La vague infinité était morte où les ténèbres,

Sortis du terrible Inconnu, avaient tracé

L’obscur visage d’un dieu désastreux,

Enfuie était l’erreur qui arme les mains du chagrin,

Illuminé, le gouffre ignorant où les profondeurs creuses

Avaient donné au Rien une horrible voix.

Comme lorsque l’œil qui veille dans le sommeil

Ouvre la sombre reliure d’un livre

Et on voit des lettres illuminées qui gardaient dedans inscrites

Une flamme de pensée dorée,

Une forme merveilleuse répondait au regard de Savitri

Dont la douceur justifiait les plus aveugles peines de la vie;

Toutes les luttes de la Nature étaient un prix facile,

L’univers et son agonie semblaient valoir la peine.

Tel le calice chantant d’une fleur

Aérienne, visible sur les ondes de la musique,

Un lotus aux légers pétales d’extase

Prenait forme dans le cœur tremblant de la création.

Le tourment sous les étoiles n’était plus,

Il n’y avait plus de mal abrité derrière les masques de la Nature;

Plus de noire apparence de haine

Plus ce cruel rictus derrière la face renversée de l’Amour.

La haine était la poigne d’une horrible lutte d’amour;

Un amour brutal dont l’intention est seulement de posséder

A remplacé ici la douceur du dieu originel.

Oubliant la Volonté d’amour qui lui avait donné naissance,

La passion de s’enlacer et de s’unir,

Cet amour voulait tout avaler dans son seul moi solitaire

Dévorant l’âme qu’il avait fait sienne,

Vengeant le refus d’être un

Par la souffrance et la douleur de l’anéantissement,

Encoléré par les refus du monde,

Passionné de prendre, mais ne sachant pas comment donner.

La sombre cagoule de la Mort était tombée du front de la Nature,

Alors s’est allumé sur elle le rire caché de Dieu.

Toute la grâce et la gloire et la divinité

Étaient ici réunies dans une forme unique:

Tous les yeux de tous les cultes regardaient une seule face à travers la sienne:

Il portait tous les dieux dans ses membres grandioses.

Un esprit océanique habitait dedans:

Intolérant et invincible par sa joie

Une marée de liberté et de félicité transcendante

S’est levée en des lignes de beauté immortelle.

En lui, l’Être quadruple portait la couronne

Qui coiffe le mystère d’un Nom sans nom,

L’univers écrivait son formidable sens

Dans l’inépuisable signification d’un mot.

En lui, l’architecte du monde visible,

À la fois artiste et art de ses œuvres,

Esprit et voyant et penseur des choses vues

Il est Virât4, qui allume ses feux de camp dans les soleils

Et dont la voûte céleste mêlée d’étoiles est l’empire

Il s’exprimait lui-même avec la Matière pour langage:

Les objets sont ses lettres, les forces sont ses mots,

Les événements sont l’histoire houleuse de sa vie,

Et les mers et les terres sont les pages de son conte.

La Matière est ses moyens et son signe spirituel:

Il pend la pensée au bout d’un cil levé

Dans le battement de sang fait couler l’âme.

Il est la volonté muette de l’atome et de la motte de terre.

Une Volonté qui agit sans émotion ni motif, Une Intelligence qui n’a pas besoin de penser ni de plan,

Le monde se crée lui-même irrésistiblement,

Car son corps est le corps du Seigneur

Et dans son cœur se tient Virât, le Roi des rois.

En lui se tient dans l’ombre sa forme, l’Enfant d’Or

Qui dans le Vaste ensoleillé berce sa naissance:

Hiranyagarbha5, auteur des pensées et des rêves,

Celui qui voit l’invisible et entend les sons

Qui n’ont jamais visité l’oreille mortelle,

Le découvreur des réalités jamais pensées,

Plus proche de la Vérité que tout ce que nous avons jamais connu,

Il est le guide des routes intérieures;

Prophète, il est entré dans les royaumes interdits;

Magicien à la baguette toute-puissante de la pensée,

Il bâtit les mondes secrets pas encore créés.

Armé de la parole d’or et l’œil de diamant, Sienne est la vision et la prophétie:

Imagier qui coule en forme le sans-forme,

Voyageur et pionnier des chemins de l’autre monde,

Il est le porteur du feu caché,

Il est la voix de l’ineffable,

Il est l’invisible chasseur de la lumière,

L’Ange des mystérieuses extases,

Le conquérant des royaumes de l’âme.

Un troisième esprit se tenait derrière, leur cause secrète,

Une supraconscience massive reclose dans la lumière,

Créateur des choses dans son sommeil qui sait tout.

De son silence tout sortait comme grandit un arbre; Il est notre semence et notre centre, notre tête et notre base.

Toute lumière est seulement un éclair de ses yeux clos:

Une Vérité de toute sagesse habite son cœur mystique,

Le Rayon omniscient est reclos derrière ses paupières:

Il est la Sagesse qui ne vient pas par la pensée,

Son silence sans mots apporte le mot immortel.

Il dort dans l’atome et dans l’étoile qui brûle

Il dort dans l’homme et le dieu et la bête et la pierre:

Parce qu’il est là, l’Inconscient fait son travail,

Parce qu’il est là, le monde oublie de mourir.

Il est le centre de l’orbite de Dieu,

Il est la circonférence de la marche de la Nature.

Son sommeil est une Toute-puissance dans les choses,

Éveillé, il est l’Éternel et le Suprême.

Au-dessus était la félicité de l’Infini

Son repos omniscient et omnipotent,

Son silence immobile, absolu et seul.

Toutes les forces étaient entrelacées en d’innombrables concordes ici.

La félicité qui fit le monde vivait dans son corps, L’amour et le délice étaient la tête de cette douce forme.

Dans le séduisant filet de leurs mailles

Recapturées, ses glorieux membres sereins contenaient

Toutes les joies qui surpassent le cœur battant

Et que recherche un désir qui devance la vie.

Toute vision qui a échappé aux yeux

Tout bonheur qui vient en rêve et en transe,

Le nectar qui déborde d’amour avec des mains tremblantes,

La joie que la coupe de la Nature ne peut contenir,

Avaient afflué dans la beauté de cette face

Attendaient dans le miel de son rire.

Les choses cachées par le silence des heures,

Les idées qui ne trouvent pas de voix sur des lèvres vivantes,

La rencontre prégnante de l’âme avec l’infinitude

Avait donné naissance en lui et pris feu:

Le murmure secret de la fleur et de l’étoile

Révélait son sens dans ce regard insondable.

Ses lèvres éloquentes s’entrouvraient comme une rose de l’aurore;

Son sourire qui jouait avec l’étonnement du mental

Et restait dans le cœur quand il avait quitté la bouche

Scintillait dans la radiance de l’étoile du matin

Gemmant la vaste révélation des cieux.

Sa contemplation était le regard de l’éternité

L’esprit de son doux et calme dessein

Était une sage demeure de l’allégresse et divulguait

La lumière des âges dans la gaieté des heures,

Un soleil de sagesse dans un bosquet de miracle.

Dans l’ampleur orchestrale de son mental

Toutes les recherches contraires savaient leur proche parenté,

Riches de cœur, merveilleuses l’une pour l’autre

Elles se rencontraient dans l’émerveillement mutuel de leurs myriades de notes

Et devenaient comme les frères d’une seule famille

Qui avaient trouvé leur mystérieuse maison commune.

Comme de la harpe d’un dieu extatique

Jaillit une harmonie de félicité lyrique

Ne laissant nulle joie céleste sans son chant,

Telle était la vie dans cette Lumière incarnée.

Il semblait la Vastitude d’un ciel sans limite,

Il semblait la passion d’une terre sans chagrin,

Il semblait le brasier d’un soleil universel.

Deux se regardaient l’un l’autre, l’Âme voyait l’Âme.

Puis, comme un hymne de la crypte lumineuse du cœur

Une voix a jailli dont le son magique pouvait

Transformer les pleurs poignantes de la terre

En sanglots de ravissement, et son cri en un chant de l’esprit:

“Ô image humaine du verbe immortel,

Comment as-tu vu, par-delà les murs de topaze,

Les sœurs rayonnantes de la porte d’entrée divine,

Appelé les génies de leur sommeil vigilant,

Et sous les arches de la révélation, forcé

Les portes de pierre ensevelies de la pensée à s’ouvrir en deux,

Découvert les avenues de la vision spirituelle

Et percé les entrées d’un état plus céleste

À ton âme ravie qui portait la clef d’or?

En toi, la vision secrète insaisie par l’aveuglement humain

A ouvert les yeux au-delà du Temps, au-delà du cheminement de mon chariot

Et au-delà de la mort, ce tunnel que je troue à travers la vie

Pour parvenir à mon lointain pays de félicité au-delà.

Je suis la silencieuse recherche des dieux jaloux

Qui poursuivent le mystère de ma vaste parole de sagesse

Saisie dans les mille chemins de rencontre des cieux.

Je suis la beauté du Rayon dévoilé

Qui tire l’âme invincible du pèlerin de la terre

À travers les routes profondes de la nuit infinie

Sous les flambeaux éclatants des étoiles.

Je suis l’Extase inviolable:

Ceux qui m’ont regardé, jamais plus n’auront de chagrin.

Les yeux qui vivent dans la nuit verront ma forme.

Sur les pâles rivages écumants des détroits de conscience

Qui coulent sous un ciel gris tourmenté

Deux forces nées d’une même extase originelle

Marchent tout proche, mais divisées dans la vie humaine;

L’une penchée vers la terre, l’autre aspire au ciel:

Les cieux dans leur ravissement rêvent d’une terre parfaite,

La terre dans son chagrin rêve d’un ciel parfait.

Les deux ont soif de se joindre, mais marchent à part

Futilement divisés par leurs vaines vanités;

Des peurs enchantées retiennent leur unité;

Mystérieusement coupées par des kilomètres de pensées,

Elles se regardent à travers les gouffres silencieux du sommeil.

Ou, côte à côte allongées sur mes Vastitudes

Comme des époux magiquement divorcés

Elles se réveillent pour languir sans jamais pouvoir s’embrasser

Tandis que finement voilée, vacillante, jamais traversée,

Hésite sur la couche nuptiale des amants,

L’image chimérique d’un glaive.

Mais quand le tranchant de feu fantôme s’éteint, déjoué,

Jamais plus le temps ni l’espace ne pourront diviser

L’amant de la bien-aimée; l’Espace retirera

Son grand rideau translucide, le Temps sera

La palpitation de félicité sans fin de l’esprit.

Veille à ce moment du destin céleste.

En attendant, vous deux servirez la double loi

Que, maintenant, seuls entrevoient les éclaireurs de la vision

Qui se hâtant à travers la forêt de leurs pensées

Ont trouvé l’étroit pont des dieux.

Sois patient avec la fragile barrière des formes

Faites de cette division le charmant moyen

D’une heureuse unité joyeusement accrue

Par l’attraction de l’air palpitant entre vous deux.

Mais si tu voulais abandonner ce monde chagrinant,

Insoucieuse du noir gémissement du monde d’en bas

Traverse l’isthme, saute par-dessus le flot,

Annule ton contrat avec la Force qui peine,

Renonce au lien qui t’unit à l’espèce terrestre,

Rejette ta sympathie pour les cœurs mortels.

Lève-toi, défend le droit que ton esprit a conquis:

Abandonnant le fardeau de ce souffle éphémère

Sous le regard glacé des étoiles indifférentes

Laissant à terre ton corps d’emprunt,

Monte, Ô âme, dans ta maison bienheureuse.

Ici, sur le terrain de jeu de l’Enfant éternel

Ou bien dans les domaines que suivent les sages Immortels

Vagabonde avec tes splendides compagnons sous des ciels

Allumés spirituellement par un soleil qui jamais ne se couche,

Comme vivent les dieux qui ne se soucient point du monde

Et ne partagent pas le labeur des forces de la Nature:

Absorbés dans leur propre extase ils demeurent.

Rejette le mythe ambigu des désirs de la terre,

Ô immortelle, monte à la félicité.”

Savitri dans son cœur tranquille écoutait encore

L’harmonie de la voix enchanteresse

Une joie se déversait qui dépassait celle de la terre et celle des cieux,

La béatitude d’une éternité inconnue,

Un ravissement de quelque Infinitude qui attendait.

Dans les yeux écarquillés de Savitri, un sourire est venu perler,

Le sûr messager de la félicité

Tel le premier rayon de soleil du matin

Perlait entre deux fontaines de lotus au réveil:

“Ô assaillant de l’âme humaine avec la vie et la mort

Et le plaisir du monde et la douleur et le Jour et la Nuit,

Tentateur du cœur de l’homme, avec le leurre lointain des cieux,

Éprouveur de nos forces avec l’intime toucher de l’enfer,

Je ne grimpe pas à ton Jour perpétuel,

De même que j’ai fui ta Nuit éternelle.

À moi qui ne me détourne pas de ton Chemin terrestre,

Rends-moi l’autre moi-même que ma nature demande,

Tes espaces n’ont pas besoin de lui pour aider leur joie;

La Terre a besoin de son esprit de beauté créé par toi

Pour prodiguer en bas le délice comme un filet d’or.

La Terre est le lieu choisi des âmes fortes;

La Terre est le champ de bataille des esprits héroïques,

La forge où le Grand-maçon façonne ses œuvres.

Tes servitudes sur la terre sont plus grandes, ô roi,

Que toutes les glorieuses libertés des cieux.

Les cieux étaient jadis ma demeure naturelle,

Moi aussi j’ai vagabondé dans les bosquets semés d’étoiles

Couru les prairies ensoleillées d’or, et les gazons de lune argentée

Et entendu la harpe du rire de leurs rivières

Et flâné sous les rameaux aux grains de myrrhe;

Moi aussi j’ai festoyé dans les champs de lumière

Touchée par la robe éthérée des vents,

J’ai suivi tes rondes de musique merveilleuse

Vécu dans la poésie vivante sans le labeur des pensées,

J’ai palpité dans les harmonies du vaste ravissement

Dansé aux cadences spontanées de l’âme

Les grandes danses tranquilles des dieux.

Oh! parfumés sont les sentiers où cheminent tes enfants

Et charmant est le souvenir de leurs pas

Parmi les fleurs merveilleuses du Paradis:

Une marche plus lourde est mienne, un toucher plus puissant.

Il y a la bataille des dieux et des démons dans la Nuit

Ou la lutte corps à corps aux frontières du Soleil,

Préparé par la douceur et la douleur de la vie

Pour supporter l’épuisant acharnement ardu qui palpite

Au bord de quelque espoir sublime,

Préparé pour oser l’impossible par les tourments mêmes de la recherche,

En moi l’esprit d’amour immortel

Tend ses bras pour embrasser l’espèce humaine.

Pour moi, tes cieux sont trop loin des hommes qui souffrent.

Imparfaite est la joie qui n’est pas partagée par tous.

Oh! s’étendre, oh! encercler et saisir

Plus de cœurs jusqu’à ce que l’amour en nous emplisse ton monde!

Ô vie, ô la vie sous la ronde des étoiles!

Pour la victoire dans le tournoi avec la mort,

Pour tirer l’arc féroce et difficile

Pour jeter l’éclair splendide du glaive de Dieu!

Ô toi qui sonnes la trompette dans les arènes

Ne quitte pas la poignée sans avoir essayé l’acier,

Ne prends pas le guerrier sans qu’il ait frappé son coup.

N’y a-t-il pas encore un million de guerres à faire?

Ô Roi-forgeron, frappe encore, ton labeur a commencé

Broie-nous en un dans ta puissante forge de vie.

Ta poigne à la fine courbe de joyaux s’appelle Savitri,

Ton tranchant au sourire de joie victorieuse se nomme Satyavane.

Donne forme à la beauté, aiguise-nous à travers le monde.

Ne brise pas la lyre avant qu’elle ait trouvé son chant

N’y a-t-il pas encore d’innombrables chants à créer?

Ô subtil musicien de l’âme des ans,

Joue jusqu’au bout ce que tu as flûté à mes moments de pause,

Révèle ce que leurs premiers accents plaintifs ont aveuglément pressenti

Et découvre cela qui n’a jamais encore été chanté.

Je sais que je peux soulever l’âme de l’homme jusqu’à Dieu,

Je sais qu’il peut faire descendre l’Immortel ici.

Autorisée par ta volonté notre volonté travaille

Et sans toi, c’est une tempête qui gronde dans le vide

C’est le tourbillon insensé des forces du Titan

Et sans toi la force des dieux est un piège.

Ne laisse pas le gouffre inconscient avaler la race humaine

Qui lutte vers la Lumière à travers l’ignorance de la terre.

Ô Jupiter tonnant des éclairs de l’âme

N’abandonne pas ton soleil aux ténèbres et à la mort,

Accomplis le ferme décret caché de ta sagesse

Et le mandat secret de ton amour universel.”

Les paroles de Savitri s’éteignirent, perdues dans les immensités de la pensée

Qui les saisirent à la limite de leur cri

Et elles cachèrent leur sens dans les espaces

Qui soufflent par-delà tout ce que les paroles

Ont jamais capturé de l’impensable fin de toute notre pensée

Et de l’ineffable d’où viennent tous les mots.

Puis avec un sourire majestueux comme les cieux de midi

La divinité de la vision merveilleuse répondit:

“Comment la nature de la terre et l’homme de la Nature monteront-ils

À des niveaux célestes et que la terre tout de même reste?

Les cieux et la terre se regardent l’un l’autre

À travers un gouffre que rares peuvent traverser et personne toucher,

Arrivant à travers une vague brume éthérée

D’où toutes choses qui se meuvent dans l’espace se forment,

Ce rivage que tous peuvent voir mais jamais gagner.

La lumière des cieux quelquefois visite le mental de la terre,

Ses pensées brûlent en lui comme des étoiles solitaires dans son ciel;

Dans son cœur remuent de douces et belles recherches célestes

Comme des ailes d’oiseaux qui voltigent;

Des visions de joie qu’elle ne peut jamais attraper

Traversent le miroir éteint de ses rêves.

De légères graines de lumière et de bonheur portent des fleurs chagrinantes,

De légères harmonies saisies dans un chant à moitié entendu

Tombent évanouies au milieu du tumulte de voix incohérentes;

Une écume du ressac des mers lumineuses

Où repose le lointain ravissement des dieux de beauté,

Des joies inconnues, un bonheur par miracle

Tressaillent en elle et passent presque informes pour le mental et les sens.

Au-dessus de ses petits pas dans les finitudes elle sent,

Insoucieuse des nœuds ou des pauses, des mondes qui tissent

Une étrange perfection au-delà des lois et des règles,

Un univers de félicité spontanée,

Un indicible rythme de pulsations sans fin,

Les innombrables battements du cœur de l’Un,

La magie des harmonies sans bornes du moi,

L’organisation de la liberté de l’infini,

Les souplesses merveilleuses de l’Absolu.

Là se trouve la Toute-Vérité et là, la béatitude éternelle.

Mais sur la terre il y a des fragments de lueurs d’une étoile perdue

Il y a seulement de négligentes visites des dieux.

C’est une Lumière qui s’éteint, une Parole bientôt étouffée

Et rien de ce qu’elles signifient ne peut rester longtemps ici.

Ce sont de hauts aperçus, non la vue durable.

Rares peuvent grimper à un soleil impérissable

Ni vivre à la lisière de la lune mystique

Et canaliser le rayon magique jusqu’au mental de la terre.

Les héros et les demi-dieux sont rares

À qui parlent intimement les voix immortelles

Et dont les actes sont proches de la tribu céleste.

Rares sont les silences où la Vérité se fait entendre

Et dévoile l’immémorial cri dans ses abîmes;

Rares sont les splendides moments des prophètes.

Rare est l’appel des cieux, plus rare encore, le cœur qui suit;

Les portes de lumière sont scellées au mental ordinaire

Et les besoins de la terre collent à terre la masse humaine,

Seule dans une heure de tension violente

Les hommes répondent au toucher des choses d’en haut:

Ou soulevés par quelque puissante main pour respirer l’air des cieux,

Ils retombent dans la boue d’où ils avaient grimpé;

Dans la boue dont ils sont faits, dont ils connaissent la loi

Ils sont contents d’un sauf retour à une base familière;

Et quoique en eux quelque chose pleure la gloire perdue

Et la grandeur morte, ils acceptent leur chute.

Être un homme ordinaire est le mieux, pensent-ils,

Vivre comme vivent les autres est leur délice.

Car la plupart sont bâtis sur le plan terrestre de la Nature

Et doivent peu de chose à un plan supérieur;

La moyenne humaine est leur plus haute étendue,

C’est le champ matériel d’un animal pensant.

Dans la longue hiérarchie montante

Dans la rigide économie de la vie cosmique

Chaque créature est à sa tâche et à sa place désignée

Liée par la forme de sa nature, par la force de son esprit.

Si cela était aisément troublé, cela briserait

L’équilibre établi des choses créées;

L’ordre éternel de l’univers

Tremblerait et un trou béerait dans la trame du Destin.

Si les hommes n’existaient pas et tous étaient des dieux lumineux,

Un échelon intermédiaire serait perdu

Grâce auquel l’esprit s’éveille aux vents de la Matière

Acceptant les détours du Chemin Intermédiaire,

Et par le lourd et le lent labeur des marches millénaires

Arrive à la miraculeuse lisière rayonnante de Dieu,

Dans la gloire de la Sur-âme.

Ma volonté, mon appel est là dans les hommes et dans les choses;

Mais l’Inconscient reste sur le dos gris du monde

Et tire et boit à sa poitrine de Nuit et de Mort et de Sommeil.

Emprisonné dans son abîme noir et muet

Il laisse échapper une petite conscience

Mais près des bords obscurs de sa caverne,

Jalouse de la lumière grandissante le retient

Comme une tendre mère ignorante tient son enfant

Accroché aux cordons de son tablier de Nescience.

Sans le mental de l’homme, l’Inconscient ne pourrait même pas lire

Le mystère du monde que son sommeil a créé:

L’homme est sa clef pour ouvrir une porte consciente.

Néanmoins l’Inconscient garde l’homme pendre au bout de sa poigne:

Il trace son cercle géant autour de ses pensées,

Il ferme son cœur à la Lumière divine.

Une haute et éblouissante limite brille au-dessus,

Une noire et aveuglante frontière règne en bas:

Son mental est enfermé entre deux firmaments.

Par des mots et des images il cherche la Vérité,

Et plongé dans les surfaces et les extériorités brutales

Ou trempant des petits pas précautionneux dans les bas-fonds,

Même sa Connaissance est une Ignorance.

Il est fermé à ses propres profondeurs intérieures,

Il ne peut pas voir la face de l’Inconnu.

Comment pourrait-il voir avec les yeux de l’Omniscient,

Comment pourrait-il vouloir avec la force de l’Omnipotent?

Ô trop compatissante et hâtive Aurore

Laisse à sa marche tardive des cycles

Et au lent labeur de la Volonté inconsciente,

Laisse cette race humaine à sa lumière imparfaite:

Tout s’accomplira par la longue action du Temps.

Bien que cette race soit liée par sa propre espèce,

L’âme dans l’homme est plus grande que son destin:

Au-dessus des vagues et des rivages du temps et de l’Espace,

Libérant de la communauté cosmique

Par laquelle toute la vie est parente dans le chagrin et dans la joie,

Délivré de la Loi universelle

L’esprit solaire transcendant et unique

Peut frayer son chemin de feu à travers les murs barbelés du mental

Et brûler seul dans le ciel éternel,

Citoyen d’un vaste calme sans fin.

Ô Flamme retire-toi dans ton moi lumineux

Ou bien retourne à ta puissance originelle

Sur un sommet prophétique au-dessus de la pensée et du monde;

Compagne de mon éternité sans heure,

Sois une avec l’infinitude de mon pouvoir:

Car tu es la Mère du monde et l’Épouse.

Sors de la vaine aspiration de la vie terrestre,

Sors de ses rêves sans force peu vraisemblables,

Retrouve des ailes qui traversent l’infinité,

Reviens à la Puissance d’où tu étais venue.

À cela tu peux soulever sans forme ton vol,

Ton cœur peut sortir de ses battements peu satisfaits

Et sentir la joie spirituelle et immortelle

D’une âme qui n’a jamais perdu la félicité.

Arrache le cœur déchu de l’amour qui papillonne,

Rejette l’abîme de désir dans les gouffres.

À jamais sauvée des formes de la Nature

Découvre ce que veulent les cycles vains

Là, entrelacé à tout ce que ta vie a signifié,

Ici, vainement cherché sous une forme terrestre.

Brise dans l’éternité ton moule mortel;

Fonds, ô Foudre dans ton invisible flamme!

Ô, Océan embrasse profondément en toi-même ta vague,

Heureuse à jamais dans la grande lame engloutissante.

Deviens une avec la tranquille passion des profondeurs,

Alors tu connaîtras l’Amant et l’Aimé

Quittant les limites qui divisent lui et toi.

Contiens-le dans Savitri sans bornes,

Perds-toi dans Satyavane immense,

Ô miracle, là où tu as commencé, là finis!”

Mais Savitri répondit au Dieu rayonnant:

“En vain tu me tentes d’une félicité solitaire

Deux esprits délivrés d’un monde de souffrance;

Mon âme et la sienne indissolublement liées

Dans l’unique tâche pour laquelle nos vies sont nées,

Tirer le monde à Dieu dans la Lumière immortelle,

Faire descendre Dieu dans le monde sur la terre nous sommes venus

Changer la vie terrestre en vie divine.

Je garde ma volonté de délivrer le monde et l’homme;

Même le charme de ta voix séduisante, ô divinité bienheureuse,

Ne peut pas me prendre et me piéger.

Je ne sacrifie pas la terre pour des mondes plus heureux.

Parce que là habite la vaste Idée de l’Éternel

Et sa volonté dynamique dans les hommes et dans les choses,

Ainsi seulement pouvait commencer l’énorme scène.

D’où venait cette immensité d’étoiles pour rien,

Ces prodigieux tournoiements de soleils stériles?

Qui a créé l’âme d’une vie futile dans le Temps

Planté un but et un espoir dans le cœur,

Mis en route la Nature à une énorme tâche sans sens

Ou conçu l’effort de ses millions d’univers à la dévastation?

Quelle force a condamné à la naissance et à la mort et aux larmes

Ces créatures conscientes à ramper sur le globe?

Si la terre peut regarder la lumière des cieux

Et entendre une réponse à son cri solitaire

Point vaine n’était leur rencontre, ni le toucher des cieux un piège.

Si toi et moi sont vrais, le monde est vrai;

Bien que tu te caches derrière tes œuvres,

Être n’est pas un paradoxe sans sens;

Puisque Dieu a fait la terre, la terre doit faire Dieu en elle;

Ce qui se cache dans sa poitrine elle doit le révéler.

Je réclame le monde que tu as fait.

Si l’homme vit ligoté par son humanité

S’il est lié à jamais à sa douleur

Qu’un être plus grand jaillisse de l’homme,

Le superhumain avec l’Éternelle épouse

Et que l’Immortel resplendisse à travers les formes terrestres.

Sinon la création était vaine, et ce grand monde

Un rien qui dans les moments du Temps semble être.

Mais j’ai vu à travers le masque insensible,

J’ai senti un esprit secret remuer dans les choses

Qui portait le corps du Dieu grandissant:

Il regarde à travers les formes voilantes la vérité sans voiles:

Il tire le rideau des dieux,

Il grimpe à sa propre éternité.”

Mais le dieu de répondre au cœur de la femme:

“Ô puissance vivante du Verbe incarné,

Tout ce que l’Esprit a rêvé, tu peux le créer:

Tu es la force par laquelle j’ai fait les mondes,

Tu es ma vision et ma volonté et ma voix.

Mais la Connaissance aussi est à toi, le plan cosmique tu le connais

Et le processus nonchalant de la marche du Temps.

Dans l’impétueuse énergie de ton cœur de flamme,

Dans ta passion de délivrer l’homme et la terre,

Indignée des entraves du Temps

Et des pas lourds de cette lente évolution,

Ne conduis pas l’esprit dans un monde ignorant

À oser trop tôt l’aventure de la Lumière,

Et pousser le dieu dormant et limité dans l’homme,

Réveillé au milieu des ineffables silences,

À entrer dans les horizons sans fin de l’inconnu et de l’invisible

Et dans le danger de l’Infini

Au-delà des ultimes confins du Mental limitatif

Et de la périlleuse ligne frontière du Supraconscient.

Mais si tu ne veux pas attendre le Temps et Dieu,

Alors fais ton travail et force le Destin à ta volonté.

De même que j’ai enlevé de toi mon fardeau de nuit

Et enlevé de toi mes doutes et rêves du demi-jour

Ainsi, maintenant, je t’enlève ma lumière du Jour absolu.

Ce sont là mes royaumes symboliques mais

Ce n’est pas ici que se prononce le grand choix qui fixe le destin

Ni ici que se prononce la sanction de la Voix suprême.

Grimpe l’échelle des mondes plus hauts

Dans l’infinité où nul monde peut être.

Mais pas dans l’air vaste où une Vie plus grande

Révèle son mystère et son miracle,

Et pas sur les pics lumineux du Mental des sommets

Ni dans les tanières où l’esprit de la Matière subtile

Cache sa lumière de secrets miroitants,

Et pas là non plus peut s’entendre le commandement final de l’Éternel

Qui relie le sommet de la destinée à sa base.

Ce sont là seulement des chaînons intermédiaires;

La vision originelle ne leur appartient pas

Ni l’acte qui accomplit ni l’ultime support

Qui porte perpétuellement la pile cosmique.

Doubles sont les Forces qui tiennent les bouts du Temps;

L’Esprit prévoit, la Matière révèle sa pensée,

Exécutrice muette des décrets de Dieu

N’omettant pas un iota et pas un point,

Agent sans question, inconscient, pur et nu,

Déroulant inévitablement son contenu secret,

L’intention de la force de Dieu dans le Temps et dans l’Espace,

Dans les créatures animées et dans les choses inanimées;

Accomplissant immuablement sa tâche ordonnée,

Elle n’annule pas la moindre des choses faites;

Sans dévier du commandement de l’oracle

Elle n’altère pas les décisions de l’Au-delà.

Si vraiment tu dois délivrer l’homme et la terre

Regarde en bas sur la vie, du haut des sommets spirituels

Découvre la vérité de Dieu et de l’homme et du monde;

Puis, fais ton travail sachant tout et voyant tout.

Monte, ô âme, dans ton moi éternel,

Choisis le tournant de la destinée et pose le sceau de ta volonté sur le Temps.”

Il s’est tu et sur les sons retombés

Un pouvoir est sorti qui a secoué les sphères établies

Et déliait les piquets qui tiennent les tentes des formes.

Délivrés de l’emprise de la vision et des replis de la pensée,

Transportés hors de ses sens comme des scènes disparaissantes

Dans le gigantesque théâtre de l’Espace

Les mondes célestes s’évanouirent dans la lumière de l’Esprit.

Un mouvement musical se répandait au loin, un cri, une parole

Sans commencement dans son immense exploration,

Sans moment dans son impensable retour:

Orchestrée par des mers calmes, Savitri entendit la Pensée éternelle

Se rythmant d’elle-même inexprimablement de tous côtés

En des orbites sans bornes et par des routes sans temps.

Savitri vivait accomplie dans un monde ineffable.

Énergie de l’Infini triple en un,

Elle demeurait dans une Réalité sans mesure,

Un ravissement et un être et une force,

Une plénitude innombrablement mue et entrelacée,

Une unité vierge, une épouse lumineuse,

Abritant une myriade d’embrasses

Pour marier tout dans l’immense joie de Dieu,

Porteuse de l’éternité de chaque esprit,

Portant le fardeau de l’amour universel,

Mère merveilleuse des âmes innombrables.

Elle savait toutes choses, elle imaginait ou voulait toutes choses,

Son oreille était ouverte au son idéal,

Les formes, les conventions n’enfermaient plus sa vue,

Son cœur était un millier de portes d’unité.

Une crypte et un sanctuaire de lumière enveloppante est apparue,

Ultime recoin des choses au-delà.

Puis, dans son périple, l’énorme fiat fit une pause,

Le Silence rendait à l’inconnaissable

Tout ce qu’il avait donné.

Mais encore la pensée de Savitri écoutait.

La forme des choses avait cessé d’être dans son âme.

Invisible, cette parfaite divinité était là maintenant.

Autour d’elle quelque formidable esprit vivait,

Mystérieuse flamme autour d’une perle en fusion,

Et dans le fantôme de l’Espace aboli

Une voix inentendue des oreilles criait:

“Choisis, ô esprit, ton suprême choix ne te sera pas donné encore;

Car maintenant, du haut de mon être le plus haut

La paix sans nom, sans forme te regarde où toutes choses reposent.

Dans une vaste cessation sublime, heureuse, connais –

Une immense extinction dans l’éternité

Un point qui disparaît dans l’infini –

La félicité de la flamme éteinte,

L’ultime plongée d’une vague dans une mer sans bornes,

La fin du malheur de tes pensées vagabondes,

La conclusion du pèlerinage de ton âme voyageuse.

Acceptes, ô musique, la lassitude de tes notes,

Ô torrent, la grande échappée des rives de ta coulée.”

Les moments tombèrent dans l’éternité.

Mais quelqu’un avait soif dans une poitrine inconnue.

Et silencieusement, le cœur de la femme a répondu:

“Ô Seigneur, ta paix, une grâce à garder au-dedans

Au milieu du grondement et des ruines des Temps tumultueux

Pour l’âme magnifique de l’homme sur la terre.

Ton calme, ô Seigneur, qui porte tes mains de joie.”

Illimité comme l’océan autour d’une île solitaire,

Une deuxième fois, le cri éternel s’est élevé:

“Les portes ineffables sont grandes ouvertes devant toi.

Mon esprit se penche vers le bas pour briser le nœud de la Terre,

Amoureux de l’unité sans pensée ni signe

Pour abattre les murs et les barrières, pour mettre à nu les cieux,

Regarde avec l’œil vaste de l’infinité,

Découds la trame des étoiles et passe dans le silence.”

Dans une pause immense et destructrice du monde

Savitri entendit un million de créatures qui criaient vers elle.

Dans la prodigieuse immobilité de ses pensées

Immensément la nature de la femme a parlé:

“Ton unité, ô Seigneur, dans la multitude des cœurs qui s’approchent,

Ma douce infinité de tes âmes innombrables.”

Refluant puissamment comme une marée de jusant

Une troisième fois, s’est levée la grande voix exhortante:

“J’étends loin le refuge de mes ailes.

Du fond de mes abîmes incommunicables

Ma force regarde déjà de grandioses splendeurs,

Apaisées dans leur majestueux sommeil, retirées

Au-dessus des terribles tourbillons du monde.”

Un sanglot des créatures, telle fut la réponse à la voix,

Et passionnément le cœur de la femme a répondu:

“Ton énergie, ô Seigneur, pour empoigner femmes et hommes,

Pour prendre toutes choses et toutes créatures avec leur chagrin

Et les serrer dans les bras d’une mère.”

Solennel et lointain comme la lyre d’un séraphin

Une ultime haute fois le son d’avertissement se fit entendre:

“J’ouvre le grand œil de la solitude

Pour révéler le ravissement muet de ma béatitude

Où elle repose dans un pur calme exquis

Immobile dans son sommeil d’extase,

Se reposant de la douce folie de la danse

D’où naquit la palpitation battante des cœurs.”

Brisant le silence d’un appel et d’un cri

Un hymne d’adoration montait inlassablement,

Un battement de musique unissant les âmes ailées,

Alors toute la femme en elle répondit passionnément:

“Ton embrasse qui déchire le nœud vivant de la douleur,

Ta joie, ô Seigneur, dans laquelle respirent toutes les créatures,

Ta coulée magique des eaux de l’amour profond,

Ta douceur, donne la-moi pour la terre et les hommes.”

Puis, après un silence, un cri de félicité tranquille

A commencé, tel qu’il était sorti de l’Infini

Quand les premiers murmures d’un étrange délice

Avait imaginé dans ses profondeurs la joie de chercher,

La passion de découvrir et de toucher,

Le rire amoureux qui avait entonné le chant des mondes:

“Ô corps de beauté du Verbe incarné,

Tes pensées sont miennes, j’ai parlé avec ta voix.

Ma volonté est tienne, ce que tu as choisi je l’ai choisi:

Tout ce que tu as demandé, je le donne à la terre et aux hommes.

Tout sera inscrit dans le livre de la destinée

Par le dépositaire de ma pensée et de mon plan et de mon acte

L’exécuteur de ma volonté, le Temps éternel.

Mais puisque tu as refusé mon Calme invulnérable

Et t’es détournée de ma paix sans limites

Où le visage de l’Espace est effacé et perdue la forme du Temps,

Et puisque tu t’es détournée de l’heureuse extinction de ton moi séparé

Dans mon éternité solitaire sans compagnie –

Car le Néant sans nom ni monde n’est pas pour toi,

L’annihilation de ton âme vivante

Et la fin de la pensée et de l’espoir et de la vie et de l’amour

Dans la nudité de l’inconnaissable illimité –,

Puisque tu as obéi à ma volonté immémoriale,

Je pose mes mains sur ton âme de flamme

Je pose mes mains sur ton cœur d’amour,

Je t’attèle à mon pouvoir d’œuvrer dans le Temps.

Parce que tu as obéi à ma volonté immémoriale,

Parce que tu as choisi de partager la lutte et le destin de la Terre

Et t’es penchée avec compassion sur les hommes liés à la terre

Et t’es détournée pour les aider, et ta soif de les sauver,

Par la passion de ton cœur je lie mon cœur au tien

Et pose mon joug splendide sur ton âme.

Maintenant c’est en toi que je ferai mes œuvres merveilleuses.

J’attacherai ta nature par les cordes de ma force,

Soumettrai à mon délice les membres de ton esprit

Et ferai de toi un nœud vivant de toute ma félicité

Et bâtirai en toi ma fière maison de cristal.

Tes jours seront mon puits de force et de lumière,

Tes nuits, les mystères étoilés de ma joie

Et tous mes nuages seront mêlés à tes cheveux

Et toutes mes marées de printemps se marieront dans ta bouche.

Ô Verbe solaire, tu tireras l’âme de la terre à la Lumière

Et feras descendre Dieu dans la vie des hommes:

La Terre sera ma chambre de travail et ma maison

Mon jardin de vie pour planter une semence divine.

Quand tout ton travail dans le temps humain sera fait

Le mental de la terre sera une maison de lumière,

La vie de la terre, un arbre grandissant vers les cieux,

Le corps de la terre, un tabernacle de Dieu.

Réveillés de l’ignorance des mortels

Les hommes seront éclairés par le rayon de l’Éternel

Et par ma gloire ensoleillée dans leurs pensées

Ils sentiront dans leur cœur la douceur de mon amour

Et dans leurs actes, la marche de mon Pouvoir miraculeux.

Ma volonté sera le sens de leurs jours:

Vivants pour moi, par moi, ils vivront en moi.

Au cœur du mystère de ma création je jouerai le drame de ton âme,

Je graverai le long roman de Toi et Moi.

Je te poursuivrai à travers les siècles

Tu seras hantée à travers le monde par l’amour,

Dépouillée du voile protecteur de l’ignorance

Et sans la couverture de mes dieux rayonnants.

Nulle forme ne t’abritera de mon désir divin,

Nulle part tu n’échapperas à mes yeux vivants.

Dans la nudité de ton moi découvert

Dans la brutale identité avec tout ce qui est,

Dévêtue de ton enveloppe d’humanité

Débarrassée du voile dense de la pensée humaine

Devenue une avec chaque mental, chaque corps, chaque cœur,

Devenue une avec toute Nature et avec le Moi et Dieu,

Résumant dans ta seule âme mon monde mystique

Je posséderai en toi mon univers,

L’univers trouvera en toi tout ce que je suis.

Tu porteras toutes choses pour que toutes choses puissent changer,

Tu empliras tout de ma splendeur et de ma félicité,

Tu rencontreras tout avec mon âme transmutatrice.

Assaillie par mes infinitudes au-dessus

Et frémissante dans les immensités d’en bas,

Poursuivie par moi par la Vastitude sans mur de mon mental,

Océanique avec les houles de ma vie,

Nageuse perdue entre deux mers bondissantes

Par mes douleurs extérieures et mes douceurs intérieures

Explorant ma joie dans mes mystères contraires

Tu me répondras avec chaque nerf.

Une vision commandera le battement de ta respiration,

Ton cœur te conduira sur la roue des œuvres,

Ton mental te pressera à travers les flammes de la pensée

Pour me rencontrer dans les abîmes et sur les hauteurs,

Pour me sentir dans la tempête et dans le calme

Et m’aimer dans le noble et dans le vil,

Dans les choses belles et dans le terrible désir.

Les douleurs de l’enfer seront pour toi mon baiser,

Les fleurs des cieux te convaincront de mon toucher.

Les masques les plus cruels apporteront mes attraits.

La musique te trouvera dans la voix des épées,

La beauté te poursuivra au cœur profond du brasier.

Tu me connaîtras dans le roulement des sphères

Et me croiseras dans les atomes du tourbillon.

Le pivotement de mon univers

Te criera les appels de mon nom.

Le délice déversera ses gouttes par mes lunes de nectar,

Ma fragrance t’enjôlera aux bacs du jasmin,

Mon œil veillera sur toi par le soleil.

Miroir de la Nature créé par mon esprit secret,

Tu refléteras mon cœur de joie cachée,

Tu boiras sans mélange ma douceur

Dans ma pure coupe de lotus frangée d’étoiles.

Mes terribles mains posées sur ta poitrine forceront

Ton être à tremper dans les plus violents courants du désir.

Tu découvriras que ma seule note tremblante

Et mon cri sont la harpe de toutes mes mélodies

Et tu rouleras, telle une vague écumante dans mes hautes mers d’amour.

Même la griffe de mes désastres sera pour toi

L’épreuve contraire de mes formes de ravissement:

Dans la douleur te sourira ma face secrète:

Tu porteras ma brutale beauté impitoyable

Parmi les intolérables égarements du monde;

Écrasée par les violents méfaits du temps

Appelle l’extase de mon toucher de joie.

Tous les êtres seront pour ta vie mes émissaires

Tirés vers moi sur la poitrine de ton ami,

Contraints de me rencontrer dans les yeux de tes ennemis,

Mes créatures me réclameront par ton cœur.

Tu ne repousseras aucune âme sœur.

Tu seras sans recours attirée par tout.

Te voyant, les hommes sentiront mes mains de joie,

Dans les tourments du chagrin, ils sentiront la marche de la joie du monde,

Leur vie éprouvera son choc tumultueux

Dans le besoin mutuel de deux contraires.

Les cœurs touchés par ton amour répondront à mon appel,

Ils découvriront l’ancienne musique des sphères

Dans les accents révélateurs de ta voix

Et s’approcheront plus près de moi puisque tu es:

Amoureux de la beauté de ton esprit

Ils embrasseront mon corps dans ton âme,

Entendront dans ta vie la beauté de mon rire,

Connaîtront l’ivresse de la joie avec laquelle j’ai fait les mondes.

Tout ce que tu as, sera pour la joie des autres,

Tout ce que tu es appartiendra à mes mains.

Je verserai le délice de toi comme d’une jarre,

Je te roulerai tel mon chariot à travers les chemins

J’userai de toi comme mon glaive et comme ma lyre,

Je jouerai sur toi les chants de ménestrels de ma pensée.

Et quand tu vibreras de toute extase,

Et quand tu vivras d’un seul et même esprit avec toutes choses,

Alors je ne t’épargnerai pas mes feux vivants

Mais je ferai de toi un conduit6 de ma force éternelle.

Ma présence cachée t’a conduite inaperçue

À travers la vie et la douleur et le temps et la volonté et la mort,

Depuis ton commencement dans la poitrine muette de la terre

À travers les chocs extérieurs et les silences intérieurs

Tout au long des routes mystiques de l’Espace et du Temps

Jusqu’à l’expérience que cache toute la Nature.

Celui qui me pourchasse et me capture devient mon captif:

Cela, tu l’apprendras désormais avec les battements de ton cœur.

À jamais l’amour, ô belle esclave de Dieu!

Ô lasso de ma corde de ravissement élargi,

Deviens ma corde d’amour universel.

L’esprit enjôlé par toi, force au délice de l’unité de la création,

Douce et sans fond, contraint d’embrasser mes myriades d’unités

Et toutes mes formes sans fin et mes âmes divines.

Ô Mental, emplis-toi de la paix éternelle;

Ô Verbe, crie la litanie immortelle:

La tour d’or est bâtie, le fils du feu est né.”

La Voix du Suprême:

“Descends dans la vie avec celui que ton cœur désire.

Ô Satyavane, ô lumineuse Savitri,

Je vous ai envoyés anciennement sous les étoiles,

Double pouvoir de Dieu dans un monde ignorant,

Dans une création enclose fermée au moi sans bornes,

Pour faire descendre Dieu sur un globe insensible,

Soulever à l’immortalité les êtres terrestres.

Dans ce monde de ma connaissance et de mon ignorance

Où Dieu est invisible et où seul un Nom s’entend

Et la connaissance est piégée dans les frontières du mental,

Et la vie draguée dans les filets du désir

Et la Matière cache l’âme à sa propre vue,

Vous êtes ma Force à l’œuvre pour soulever le destin de la terre,

Moi-même qui meut l’immense remontée

Entre les extrêmes de la nuit de l’esprit et du jour.

Il est mon âme qui grimpe de la Nuit ignorante

À travers la vie et le mental et les Vastitudes de la supra-nature

Jusqu’à la lumière divine du Sans-temps

Et mon Éternité qui est cachée dans le Temps mouvant

Et mon immensité coupée par la courbe de l’Espace.

Il grimpe à la grandeur qu’il a laissée derrière lui

Et à la beauté et la joie d’où il est tombé

Et à la parenté de toutes les choses divines,

À la lumière sans bornes et à la vie illimitable

À la saveur sans fond de l’ineffable félicité

Au toucher de l’immortel et de l’infini.

Il est mon âme qui tâtonne pour sortir de la bête

Pour parvenir aux sommets de l’humanité et à la pensée lumineuse,

Aux abords de la Vérité sublime.

Il est la divinité qui grandit dans les vies humaines

Et dans le corps des formes d’êtres terrestres,

Il est l’âme de l’homme qui grimpe à Dieu

Dans la Nature qui jaillit pour sortir de l’ignorance de la terre.

Ô Savitri, tu es le Pouvoir de mon esprit,

La voix révélatrice de mon Verbe immortel,

La face de la Vérité sur les routes du temps

Aiguillant l’âme des hommes sur les voies de Dieu.

Pendant que l’obscure lumière de l’Esprit voilé parle

Et tombe sur le total sommeil inconscient de la Matière

Comme un pâle rayon de lune sur une clairière dense,

Et que le Mental bouge dans une pénombre parmi de semi-vérités

Et le cœur humain connaît seulement l’amour humain

Et la vie est une force imparfaite qui trébuche

Et le corps compte ses jours précaires,

Tu naîtras dans les heures douteuses de l’homme

En des formes qui cachent la divinité de l’âme

Et tu feras voir à travers les voiles de l’air incertain de la terre

Ma gloire qui s’enfonce comme à travers les nuages d’un soleil

Ou qui brûle comme un rare feu intérieur

Et emplit la vie des hommes de mon influence sans nom.

Pourtant ils lèveront les yeux comme vers les pics de Dieu

Et sentiront Dieu comme un air à l’entour

Et s’appuieront sur Dieu comme sur une base immobile.

Pourtant luira sur le mental telle ma corne de lune

Le premier croissant de la splendeur de l’esprit dans les pâles ciels

Qui éclairera la vie de l’homme sur sa route vers Dieu.

Mais autre chose encore est dissimulé dans l’Au-delà de Dieu

Qui révélera un jour sa face cachée.

Maintenant le mental est le tout avec son incertain rayon

Le Mental est le conducteur du corps et de la vie,

Le Mental est le chariot de l’âme poussé par la pensée

Portant le lumineux vagabond dans la nuit

Vers les horizons d’une lointaine aurore incertaine,

Jusqu’au bout de l’insondable désir de l’Esprit,

Vers son rêve d’absolue vérité et de joie totale.

Il y a des destinées plus grandes que le mental ne peut pas soupçonner,

Fixé au sommet actuel du Chemin évolutif

Le Voyageur maintenant marche dans l’Ignorance,

Inconscient de son pas suivant ne sachant pas son but.

Le Mental n’est pas tout ce que son inlassable grimpée peut atteindre,

Il y a un feu sur l’apex des mondes,

Il y a une maison de l’Éternelle Lumière

Il y a une vérité infinie, un pouvoir absolu.

La toute-puissance de l’esprit jettera son masque,

Sa grandeur qui façonne le cours du monde sera sentie:

Elle sera vue sans voile dans ses propres rayons,

Une étoile qui se lève hors de la nuit de l’Inconscient,

Un soleil qui grimpe au pic de la Supra-nature.

Quittant le douteux Chemin Intermédiaire

Quelques-uns apercevront la miraculeuse Origine

Et sentiront en vous la Force secrète

Et ils affronteront un cheminement sans nom,

Aventuriers dans un Jour plus grand.

Sortant des dimensions limitatrices du mental,

Ils découvriront l’énorme plan du monde

Et entreront alors le Vrai, le Droit, le Vaste.

Vous leur révélerez les éternités cachées,

La respiration des infinitudes pas encore révélées,

Quelque ravissement de la joie qui fit le monde,

Quelque accélération de la force de l’omnipotence de Dieu

Quelque rayon du Mystère omniscient.

Mais quand l’heure du Divin approche,

La Grande Mère prendra naissance dans le Temps

Et Dieu naîtra dans l’argile humaine

En des formes préparées par vos vies humaines.

Alors la Vérité suprême sera donnée aux hommes:

Il y a un être au-delà de l’être du mental,

Un Illimité fondu en maintes formes,

Un miracle de l’innombrable Un,

Il y a une conscience que le mental ne peut pas toucher,

Un langage qu’il ne peut pas exprimer ni sa pensée révéler.

Il n’a pas de demeure sur la terre, pas de centre dans l’homme,

Pourtant il est la source de toutes les choses pensées et faites,

La fontaine de la création et de ses œuvres.

Il est l’originateur de toute vérité ici

L’orbe solaire des rayons fragmentaires du mental,

L’Infinitude des cieux qui verse la pluie de Dieu,

L’Immense qui demande à l’homme d’élargir l’Esprit,

Le vaste But qui justifie ses tentatives bornées,

Un canal pour le peu de félicité qu’il goûte.

Quelques-uns deviendront les réceptacles de la gloire

Et des véhicules du pouvoir lumineux de l’Éternel.

Ceux-là sont les hauts avant-coureurs, les têtes du Temps,

Les grands délivreurs du mental lié à la terre

Les hauts transfigurateurs de l’argile humaine,

Les premiers-nés d’une nouvelle espèce divine.

L’incarné du double Pouvoir ouvrira la porte de Dieu,

L’éternel supramental touchera le Temps terrestre.

Le superhomme s’éveillera dans l’homme mortel

Et manifestera le demi-dieu caché

Ou se transmuera en Lumière de Dieu et en Force de Dieu

Révélant la divinité secrète dans la caverne.

Alors la terre sera touchée par le Suprême,

Sa lumineuse Transcendance illuminera

Le mental et le cœur, et forcera la vie et les actes

À interpréter son inexprimable mystère

Dans un alphabet des signes de la Divinité.

Son esprit cosmique tout vivant enveloppera la terre

Annulant le décret de la mort et de la douleur

Effaçant les formules de l’Ignorance

Par la signification profonde de la beauté et le sens caché de la vie

L’être prêt pour l’immortalité;

Son regard traversant les ondes mystiques de l’infinitude

Redonnera à la Nature sa joie de vivre première

Les battements de cœur rythmique d’un délice perdu

Le cri d’une extase oubliée

La danse de la Félicité première qui a créé le monde.

L’Immanent sera le Dieu témoin

Spectateur sur le trône d’une terre aux mille pétales,

Son être invariable et sa puissance silencieuse

Gouvernant la nature terrestre par la loi de l’Éternité,

Penseur éveillant le monde de l’Inconscient

Centre immobile de maintes infinitudes

Dans son temple aux mille piliers près des mers du Temps.

Alors l’être incarné vivra tel l’un

Qui est une pensée, une volonté du Divin

Un masque ou une robe de sa divinité,

Un instrument et un compagnon de sa Force,

Un point ou une ligne tracée dans l’infini,

Une manifestation de l’impérissable.

Le supramental sera la source de sa nature,

La vérité de l’Éternel façonnera ses pensées et ses actes

La vérité de l’Éternel sera sa lumière et son guide.

Tout changera alors, un ordre magique viendra

Dominera cet univers mécanique.

Une espèce plus puissante habitera le monde des mortels.

Sur les sommets lumineux de la Nature, sur la base de l’Esprit,

Le superhomme régnera comme roi de la vie,

Fera de la terre presque la compagne et l’égale des cieux

Et conduira la terre ignorante de l’homme vers Dieu et la vérité

Et soulèvera sa mortalité vers la divinité.

Une puissance délivrée des limites enveloppantes

Sa hauteur relevée hors d’atteinte de la mort affamée,

Les sommets de la vie flamberont des pensées de l’Immortel,

La Lumière envahira les ténèbres de sa base.

Alors dans le déroulement du Temps évolutif

Tout se dessinera comme un plan unique,

Une harmonie divine sera la loi de la terre,

La Beauté et la Joie refaçonneront sa façon de vivre:

Même le corps se souviendra de Dieu,

La Nature se retirera de la mortalité

Et les feux de l’Esprit guideront la force aveugle de la terre;

La Connaissance apportera à la Pensée aspirante

Une haute parenté avec la Vérité et Dieu.

Le supramental réclamera la Lumière pour le monde

Et vibrera avec l’amour de Dieu dans les cœurs amoureux

Et posera la couronne de la Lumière sur la tête haute de la Nature

Établira le règne de la Lumière sur sa base inébranlable.

Une vérité plus grande que celle de la terre toiturera la terre

Et versera sa lumière ensoleillée sur les routes du mental;

Un pouvoir infaillible conduira la pensée,

Une Puissance qui voit gouvernera la vie et les actes,

Allumera dans les cœurs terrestres le feu de l’Immortel.

Une âme s’éveillera dans la maison de l’Inconscient;

Le mental sera le tabernacle de la vision de Dieu,

Le corps, l’instrument de l’intuition

Et la vie un canal du pouvoir visible de Dieu.

Toute la terre sera la maison manifeste de l’Esprit

Plus jamais cachée par le corps et la vie,

Plus jamais cachée par l’ignorance du mental;

Une Main infaillible façonnera les événements et les actes.

Les yeux de l’Esprit regarderont par les yeux de la Nature,

La force de l’Esprit envahira la force de la Nature.

Ce monde sera le jardin de fleurs visible de Dieu,

La terre sera un champ et un camp de Dieu,

L’Homme oubliera de consentir à la mortalité

Et à sa fragile impermanence incarnée.

L’univers révélera son sens occulte,

Le processus de la création changera sa façade antique,

Une hiérarchie ignorante de l’évolution

Délivrera la Sagesse enchaînée sous sa base.

L’Esprit sera le maître de son monde

Sans se dissimuler dans l’obscurité des formes

Et la Nature renversera la loi de son action,

Le monde extérieur laissera voir la Vérité qu’il voile;

Toutes choses manifesteront le Dieu caché,

Tout révélera la lumière et la force de l’Esprit

Et marchera à sa destinée de félicité.

Même si une force hostile s’accrochait à son règne

Et revendiquait son droit de souveraineté perpétuelle

Et l’homme refusait son haut destin spirituel,

Quand même la secrète vérité dans les choses prévaudra.

Car, dans la marche du Temps où tout est accompli

L’heure doit venir de la volonté du Transcendant:

Tout tourne et s’enroule autour des fins prédestinées

Dans l’inévitable cours immuable de la Nature

Décrété depuis le commencement des mondes

Au sein de l’essence profonde des choses créées:

Il y aura même un haut couronnement de tout,

La fin de la Mort, la mort de l’Ignorance.

Mais d’abord la haute Vérité doit poser ses pieds sur la terre

Et l’homme aspirer à la lumière de l’Éternel

Et tous ses membres sentir le toucher de l’Esprit

Et toute sa vie obéir à une Force intérieure.

Ceci aussi sera, car une vie nouvelle viendra,

Un corps de la vérité du Supraconscient,

Un champ natal des forces de la Supranature:

Elle fera de la base terrestre ignorante une colonie de la Vérité,

Fera même de l’Ignorance une robe transparente

Par où rayonneront les membres lumineux de la Vérité

Et la Vérité sera un soleil sur la tête de la Nature

Et la Vérité sera le guide des pas de la Nature

Et la Vérité regardera dehors du fond de ses abîmes infernaux.

Quand l’homme suprahumain naîtra comme roi de la Nature

Sa présence transfigurera le monde de la Matière:

Il allumera le feu de la Vérité dans la nuit de la Nature,

Il posera sur la terre une loi plus grande de la Vérité;

L’Homme aussi répondra à l’appel de la Vérité.

Conscient de sa possibilité cachée

Conscient de tout ce qui dormait dans son cœur

Et de tout ce que la Nature entendait quand la terre fut formée

Et quand l’Esprit fit de ce monde ignorant sa maison,

Il aspirera à la Vérité et à Dieu et à la Félicité.

Interprète d’une loi plus divine

Et instrument d’un suprême dessein

L’espèce plus haute se penchera pour hisser l’homme.

L’homme désirera grimper à ses propres hauteurs.

La vérité au-dessus éveillera une vérité en bas,

Même la terre muette deviendra une force sensible.

Les sommets de l’Esprit et la base de la Nature

S’approcheront du secret de leur vérité séparée

Et sauront qu’ils sont une seule déité.

L’Esprit regardera par les yeux de la Matière

Et la Matière révélera la face de l’Esprit.

Alors l’homme et le suprahomme ne feront qu’un

Et toute la terre deviendra une vie unique.

Même la multitude entendra la Voix

Et se mettra à communier avec l’Esprit dedans

Et s’efforcera d’obéir à la haute loi spirituelle:

Cette terre vibrera avec des impulsions divines,

L’humanité sera consciente de son moi le plus profond,

La Nature reconnaîtra le dieu caché.

Même le grand nombre fera quelque réponse

Et supportera la splendeur de l’accélération du Divin

Et sa frappe impétueuse aux portes invisibles.

Une passion plus céleste soulèvera la vie des hommes

Leur mental partagera l’ineffable rayon,

Leur cœur sentira l’extase et le feu.

Les corps de la terre seront conscients d’une âme;

Les esclaves enchaînés à la mortalité lâcheront leurs chaînes,

De simples hommes deviendront des êtres spirituels

Et verront tout éveillés la divinité muette.

Les rayons intuitifs toucheront les sommets de la nature

Une révélation secouera les profondeurs de la nature:

La Vérité sera le conducteur de leur vie,

La Vérité dictera leur pensée et leurs paroles et leurs actes,

Ils se sentiront hissés plus près du ciel

Comme un peu plus bas que les dieux.

Car la connaissance déversera ses torrents radieux

Et même le mental obscurci tressaillira d’une vie nouvelle

Et allumera et brûlera du feu de l’Idéal

Et se mettra à échapper de l’ignorance mortelle.

Les frontières de l’Ignorance reculeront,

De plus en plus d’âmes entreront dans la lumière,

Les mentalités allumées, inspirées, entendront l’appel de l’occulte annonciateur

Et les vies flamboieront d’une soudaine flamme intérieure

Et les cœurs deviendront amoureux d’un délice divin

Et les volontés humaines seront à l’unisson de la volonté divine,

Ces moi séparés sentiront l’unité de l’Esprit,

Ces sens deviendront capables d’un sens céleste,

La chair et les nerfs capables d’une étrange joie éthérée

Et les corps mortels capables de l’immortalité.

Une force divine coulera à travers les tissus et les cellules

Et gouvernera la respiration et la parole et les actes

Et toutes les pensées seront une lueur des soleils

Et chaque sentiment une vibration céleste.

Souvent une brillante aurore intérieure viendra

Éclairant les chambres du mental assoupi;

Une soudaine félicité coulera à travers chaque membre

Et la Nature s’emplira d’une Présence plus puissante.

Ainsi la terre s’ouvrira-t-elle à la divinité

Et les natures ordinaires sentiront le vaste soulèvement,

Les actes ordinaires s’illumineront du rayon de l’Esprit

Et trouveront la déité dans les choses ordinaires.

La Nature vivra pour manifester Dieu secret,

L’Esprit gouvernera le jeu humain,

Cette vie terrestre deviendra la vie divine.”

The measure of that subtle music ceased.

Down with a hurried swimming floating lapse

Through unseen worlds and bottomless spaces forced

Sank like a star the soul of Savitri.

Amidst a laughter of unearthly lyres

She heard around her nameless voices cry

Triumphing, an innumerable sound.

A choir of rushing winds to meet her came.

She bore the burden of infinity

And felt the stir of all ethereal space.

Pursuing her in her fall, implacably sweet,

A face was over her which seemed a youth’s,

Symbol of all the beauty eyes see not,

Crowned as with peacock plumes of gorgeous hue

Framing a sapphire, whose heart-disturbing smile

Insatiably attracted to delight,

Voluptuous to the embraces of her soul.

Changed in its shape, yet rapturously the same,

It grew a woman’s dark and beautiful

Like a mooned night with drifting star-gemmed clouds,

A shadowy glory and a stormy depth,

Turbulent in will and terrible in love.

Eyes in which Nature’s blind ecstatic life

Sprang from some spirit’s passionate content,

Missioned her to the whirling dance of earth.

Amidst the headlong rapture of her fall

Held like a bird in a child’s satisfied hands,

In an enamoured grasp her spirit strove

Admitting no release till Time should end,

And, as the fruit of the mysterious joy,

She kept within her strong embosoming soul

Like a flower hidden in the heart of spring

The soul of Satyavan drawn down by her

Inextricably in that mighty lapse.

Invisible heavens in a thronging flight

Soared past her as she fell. Then all the blind

And near attraction of the earth compelled

Fearful rapidities of downward bliss.

Lost in the giddy proneness of that speed,

Whirled, sinking, overcome she disappeared,

Like a leaf spinning from the tree of heaven,

In broad unconsciousness as in a pool;

A hospitable softness drew her in

Into a wonder of miraculous depths,

Above her closed a darkness of great wings

And she was buried in a mother’s breast.

Then from a timeless plane that watches Time,

A Spirit gazed out upon destiny,

In its endless moment saw the ages pass.

All still was in a silence of the gods.

The prophet moment covered limitless Space

And cast into the heart of hurrying Time

A diamond light of the Eternal’s peace,

A crimson seed of God’s felicity;

A glance from the gaze fell of undying Love.

A wonderful face looked out with deathless eyes;

A hand was seen drawing the golden bars

That guard the imperishable secrecies.

A key turned in a mystic lock of Time.

But where the silence of the gods had passed,

A greater harmony from the stillness born

Surprised with joy and sweetness yearning hearts,

An ecstasy and a laughter and a cry.

A power leaned down, a happiness found its home.

Over wide earth brooded the infinite bliss.

END OF CANTO ONE
END OF BOOK ELEVEN

 

1 Selon une connaissance ancienne, il y a eu sept terres avant la nôtre.

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2 Les danseuses du roi des dieux.

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3 Gandharvas, les musiciens célestes qui forment l’orchestre aux banquets des dieux.

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4 Virât, le Vaste, l’Âme universelle.

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5 Hiranyagarbha, ou Brahma, le créateur (celui qui pond l’Œuf d’or).

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6 Mère disait “un tuyau”.

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in Russian

in English