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SRI AUROBINDO

Lettres sur le Yoga

Volume 3. Section 4

4. La transformation du physique

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Mépriser l'être physique ne sert à rien: il a été voulu dans la manifestation.

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La raison en est qu'au cours de la sâdhanâ, votre conscience est entrée en contact avec la nature physique inférieure et la voit maintenant telle qu'elle est lorsqu'elle n'est ni réprimée, ni maîtrisée par le mental, le psychique ou la force spirituelle. À l'état brut, cette nature est pleine de désirs obscurs et bas, c'est la partie la plus animale de l'être humain. Il faut entrer en contact avec elle pour en connaître le contenu et le transformer. La plupart des sâdhak de la vieille école se contentent de s'élever dans les régions spirituelles ou psychiques en abandonnant à elle-même cette partie de leur être, mais par là elle demeure inchangée, même si elle est dans l'ensemble apaisée; aucune transformation complète n'est alors possible. Vous n'avez qu'à rester tranquille, à ne pas vous agiter et à laisser la Force supérieure agir pour transformer cette obscure nature physique.

Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre IV.

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C'est là une bien belle théorie, mais dans la pratique on s'aperçoit que l'impureté physique est assez forte pour barrer la route au progrès intérieur et imposer à l'expérience intérieure une limite rigide qui la réduit à une paix passive.

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L'occasion est donnée à ces forces contraires d'agir lorsque le sâdhak est inévitablement conduit par le cours même de la sâdhanâ à descendre des plans du mental ou du vital supérieur pour pénétrer dans la conscience physique. Dans le même temps, invariablement les expériences profondes du début s'estompent et la descente le mène dans l'inertie obscure et neutre qui est l'assise de la nature physique non régénérée. C'est là que la Lumière, le Pouvoir, l'Ânanda du Divin doivent descendre pour tout transformer en chassant à jamais toute obscurité et toute inertie, et en instaurant l'Énergie irradiante, la Lumière parfaite et la Béatitude immuable. C'est là, et non dans le mental ou le vital supérieur, que réside toute la difficulté, mais c'est là aussi qu'il faut remporter la victoire et jeter les bases d'un monde nouveau. Je ne veux pas vous dissimuler la difficulté de cette grande, de cette énorme transformation, ni l'éventualité qui s'ouvre pour vous d'une longue période de dur labeur, mais ne voulez-vous vraiment pas y faire face et prendre part à la grande œuvre? Rejetterez-vous la grandeur de cette entreprise au profit de l'impulsion folle et irrationnelle qui vous pousse vers une tâche immédiate qui vous passionnera davantage, mais pour laquelle aucune partie de votre nature n'a de réelle vocation?

Vous n'avez aucune véritable raison de vous décourager; je n'en trouve aucun motif valable dans tout ce qui s'est passé. Vos difficultés ne sont rien, comparées à celles que d'autres, qui n'étaient pas plus forts que vous, ont éprouvées et ont pourtant vaincues. Tout ce qui est arrivé, c'est que cette descente dans la conscience physique a amené au premier plan la nature humaine extérieure et ordinaire avec ses imperfections élémentaires et ses pulsions subconscientes insatisfaites, et ce sont elles qui sont sollicitées par la force contraire. Le mental et le vital supérieur se sont débarrassés des idées et des illusions qui donnaient à la satisfaction de ces pulsions une justification, une apparence de légitimité ou même de noblesse. Mais leur besoin inné et irrationnel de se satisfaire n'a pas été déraciné; par exemple, c'est là la raison du mouvement sexuel que vous avez ressenti récemment en dormant ou au réveil. C'était inévitable. Tout ce qu'il faudrait, c'est que votre être psychique vienne au premier plan et vous ouvre au contact intérieur direct, réel et constant avec la Mère et avec moi. Jusqu'à présent votre âme s'est exprimée par le mental, ses idéaux et ses élans d'admiration, ou par le vital, ses joies et ses aspirations supérieures; mais cela ne suffira ni à vaincre l'obstacle physique, ni à illuminer et à transformer la Matière. C'est votre âme elle-même, votre être psychique qui doit venir au premier plan, s'éveiller entièrement et opérer la transformation fondamentale. L'être psychique n'aura nullement besoin d'être soutenu par des idées intellectuelles, des signes ou des adjuvants extérieurs. Lui seul peut vous donner le sentiment direct du Divin, la proximité constante, le soutien et l'aide intérieurs. Alors vous n'aurez plus cette impression que la Mère est lointaine, et vous ne douterez plus de la réalisation; car le mental pense et le vital brûle de désir, mais l'âme sent et connaît le Divin.

Rejetez loin de vous ces mouvements de doute, de dépression et tout le reste, qui n'appartiennent pas à votre vraie nature supérieure. Rejetez toutes ces idées d'incapacité et d'inaptitude, tous ces mouvements irrationnels qui vous sont suggérés par une force étrangère à vous-même. Demeurez fidèle à la Lumière de votre âme, même lorsque des nuages vous la cachent. Mon aide sera là, comme celle de la Mère, travaillant en secret, même dans les moments où vous serez incapable de la sentir. La seule chose nécessaire, pour vous comme pour les autres, est de rester, jusque dans l'obscurité de la conscience physique et de ses ténébreux pouvoirs, obstinément fidèle à votre âme et au souvenir de l'Appel divin. Soyez fidèle et vous vaincrez.

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Quand j'ai parlé d'être fidèle à la lumière de l'âme et à l'Appel divin, je ne faisais allusion à rien dans le passé ni à aucun manquement de votre part. J'affirmais seulement le grand besoin, dans toutes les crises et toutes les attaques, de refuser d'écouter aucune suggestion, aucune impulsion, aucun leurre, et de leur opposer à tous l'appel de la Vérité, le signe impérieux de la Lumière. Dans tous les doutes et toutes les dépressions, dire: "J'appartiens au Divin, je ne peux pas échouer." À toutes les suggestions d'impureté et d'incapacité, répondre: "Je suis un enfant de l'Immortalité, choisi par le Divin; je n'ai qu'à être fidèle à moi-même et à Lui, la victoire est certaine; même si je —tombais, je me relèverais." À toutes les impulsions de départ pour servir un plus petit idéal, répliquer: "Celui-ci est le plus grand, il est la Vérité qui seule peut satisfaire mon âme; j'endurerai toutes les épreuves et toutes les tribulations jusqu'à l'aboutissement final du voyage divin." Voilà ce que j'entends par fidélité à la Lumière et à l'Appel.

Les Bases du Yoga, chapitre III. Traduction de la Mère.

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Ces mouvements apparaissent presque inévitablement, avec une plus ou moins grande intensité, à une certaine étape critique que tous ou presque doivent franchir, et dont la durée est en général d'une longueur inconfortable sans pour autant être forcément concluante ou définitive. En général, si l'on persévère, cette période correspond à la nuit plus sombre qui précède l'aurore; tous les aspirants spirituels ou presque doivent en passer par là. Elle est due à la plongée que l'on doit effectuer dans la conscience physique essentielle, sans le soutien d'aucune lumière mentale vraie ni d'aucune joie de vivre vitale, car celles-ci, en général, se retirent derrière le voile, bien qu'elles ne soient pas, malgré les apparences, perdues à jamais. Durant cette période le doute, la négation, l'aridité, la grisaille et toutes sortes de choses similaires surgissent avec une grande vigueur et souvent règnent pour un temps en souverains absolus. C'est seulement lorsque cette étape a été victorieusement franchie que la vraie lumière commence à venir, la lumière qui n'est pas celle du mental, mais celle de l'esprit. La lumière spirituelle, il est vrai, apparaît dès les premiers stades, dans une faible mesure aux uns, aux autres (moins nombreux) dans une mesure considérable, bien que ce ne soit nullement général: car certains doivent attendre d'avoir déblayé le mental, le vital et la conscience physique de ce qui les obstrue, avant d'en recevoir autre chose qu'un contact intermittent. Même dans les meilleures conditions, cependant, cette lumière spirituelle initiale n'est jamais complète tant que l'obscurité de la conscience physique n'a pas été affrontée et surmontée. Si l'on tombe dans cet état, ce n'est pas par sa propre faute; il peut apparaître alors même que l'on fait de son mieux pour avancer. Il n'est pas vraiment l'indication d'une incapacité radicale dans la nature, mais c'est certes une épreuve pénible et l'on doit s'accrocher fermement pour la traverser. Ces choses sont difficiles à expliquer parce que la raison humaine ordinaire a du mal à en comprendre ou à en admettre la nécessité psychologique.

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Il n'y a aucune raison de se décourager. Le fait est qu'après être resté si longtemps dans le plan mental et vital, vous avez commencé à percevoir la conscience physique, et la conscience physique est ainsi chez tout le monde. Elle est inerte, conservatrice, ne veut pas bouger, ne veut pas changer, se cramponne à ses habitudes (que les gens appellent leur caractère), ou bien ses habitudes (ses mouvements habituels) se cramponnent à elle et se répètent avec la persévérance mécanique d'un mouvement d'horlogerie. Quand vous avez plus ou moins nettoyé votre vital, les déblais descendent dans cette conscience physique et s'y incrustent. Si vous êtes devenu intérieurement conscient, vous voyez ce qui se passe, vous exercez peut-être une pression, mais le physique réagit très lentement et tout d'abord semble à peine bouger. Le remède est une aspiration ferme et immuable, un travail patient, la présence du psychique dans le physique, l'appel à la lumière et à la force pour qu'elles descendent dans ces obscures parties de l'être. La lumière fait prendre conscience de ce qui s'y trouve; la force doit suivre pour agir sur ces choses jusqu à ce qu'elles se transforment ou disparaissent.

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Lorsque la conscience physique prédomine, elle produit toujours cet effet, tant qu'elle n'a pas été entièrement transformée: on se sent comme un individu ordinaire, ou pire, tout entier dans la conscience extérieure; la conscience intérieure est voilée, l'action du pouvoir yoguique apparemment suspendue. Cet état apparaît aussi dans les premiers stades, mais il est en général moins absolu parce qu'une partie du mental et du vital continue à agir dans le physique; ou même si la sâdhanâ s'interrompt complètement, cela ne dure pas et on y fait moins attention. Mais lorsqu'après avoir parcouru l'étape mentale et vitale du yoga, on descend au niveau physique, cet état, qui est naturel à la conscience physique, se manifeste pleinement et persiste pendant de longues périodes. Il en est ainsi parce que l'on doit descendre dans cette partie de l'être et y pénétrer pour agir directement sur elle, faute de quoi la nature ne peut pas être entièrement transformée. Il faut comprendre que ce n'est qu'une étape et persévérer dans la foi qu'elle sera surmontée. Si on fait cela, la Force, travaillant d'abord derrière le voile, puis au premier plan, pourra plus aisément faire émerger la conscience du yoga dans cette enveloppe physique extérieure pour la rendre lumineuse et sensible à son influence. Si l'on conserve une foi et une tranquillité constantes, ce sera plus rapide; si la foi est éclipsée ou la tranquillité troublée parce que la difficulté se prolonge, il faudra davantage de temps, mais même dans ce cas ce sera fait; car la Force est là, à l'œuvre, même si on ne la sent pas. On ne peut empêcher cette évolution qu'en interrompant la sâdhanâ ou en l'abandonnant parce qu'en raison des difficultés, on n'a pas la patience d'aller jusqu'au bout. C'est précisément ce qu'il ne faut jamais faire.

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Cela signifie qu'il y a une seule sâdhanâ pour toutes les parties de l'être et non, séparément, une sâdhanâ mentale, une sâdhanâ vitale ou une sâdhanâ physique. La sâdhanâ agit tantôt séparément sur chacune des parties, tantôt au contraire sur le mental et le vital ensemble, ou sur le vital et le physique ensemble, ou sur les trois à la fois, mais c'est toujours la même sâdhanâ.

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3254

Dans mon explication concernant l'inertie physique, je voulais dire que c'était elle qui avait toujours empêché l'élimination des vieux mouvements et leur avait donné la force de revenir après avoir été expulsés, car c'est dans le semi-conscient ou le subconscient matériel que la résistance trouve son assise. Quand cette partie de l'être émerge et apparaît isolément, non soutenue par le mental et le vital, agissant par le pouvoir de sa propre inertie et non avec l'approbation du mental ou du vital, ne faisant que répéter les anciens mouvements par la force d'une vieille habitude, il devient possible d'affronter la résistance à sa racine au lieu d'en couper les fleurs, les fruits et les branches à mesure qu'ils font leur apparition.

C'est précisément de cette répugnance à faire quoi que ce soit qu'il faut se débarrasser; car elle n'est qu'un acquiescement à la force de l'inertie. Si vous ne pouvez rien faire d'autre, les vieilles méthodes de mortification, etc., seront évidemment inefficaces; vous devriez faire appel à la Paix et à la Force divines pour qu'elles descendent, agissent sur l'inertie et vous ouvrent à leur action. Si cette conscience physique obstructrice est amenée à les laisser pénétrer et à accepter leur influence, vous aurez la clé du problème.

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3255

J'ai dit que votre conscience, en descendant, était entrée en contact direct avec la nature physique extérieure qui est toujours pleine de mouvements inférieurs et quand cela se produit, vous les voyez tels qu'ils sont lorsqu'ils ne sont pas dominés par le mental et le psychique. Tous doivent entrer ainsi en contact direct avec cette partie de l'être; sinon elle ne peut pas se transformer.

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3256

Oui, certainement, c'est là-dessus que j'insiste: il faut amener la réalisation dans cette partie physique inerte qui est devenue prépondérante. Quand une partie de l'être s'avance ainsi en laissant apparaître ses défauts et ses limitations — ici, l'inertie ou l'incapacité (apravṛtti), l'obscurité (aprakāśa) ou l'oubli —, c'est pour qu'il y soit mis bon ordre: elle se montre pour subir une transformation initiale ou préliminaire. La paix et la lumière dans le mental, l'amour et la compassion dans le cœur, le calme et le pouvoir dans le vital, une réceptivité et une bonne disposition constantes (prakāśa, pravṛtti) dans le physique, tels sont les changements nécessaires.

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3257

Si vous vous sentez ainsi, c'est seulement parce que vous vous identifiez dans une large mesure à la partie de l'être qui n'a pas encore subi de transformation; vous avez donc l'impression qu'il est difficile et même impossible de changer. Mais bien que cette difficulté existe, l'impossibilité, elle, n'existe pas. Et cette identification peut même être utile, car grâce à elle le changement pourra être radical, qu'il se fasse par une action directe, dans cette partie elle-même, ou par une influence indirecte sur elle, agissant par l'intermédiaire du mental ou du vital supérieur. Reposez-vous, retrouvez vos forces physiques, ouvrez-vous pour que la Force de la Mère puisse agir librement sur vous, pour que tous les ennuis cessent et que commence un mouvement nouveau et plus puissant.

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Ce que vous décrivez est la conscience matérielle. Elle est en grande partie subconsciente; mais même sa partie consciente est mécanique, inertement mue par les habitudes ou les forces de la nature inférieure. Répétant toujours les mêmes mouvements sans intelligence et sans lumière, elle est attachée à la routine et au règne établi de ce qui existe déjà; elle refuse de changer, refuse de recevoir la lumière ou d'obéir à la Force supérieure. Ou si elle en a la volonté, elle n'en a pas la capacité. Et même si elle en a la capacité, elle change l'action inspirée par la Lumière et la Force en une nouvelle routine mécanique, et lui retire ainsi toute âme et toute vie. Elle est obscure, stupide, indolente, pleine d'ignorance et d'inertie, de ténèbres, et de la lenteur du tamas.

C'est dans cette conscience matérielle que nous voulons introduire, d'abord la Lumière, le Pouvoir et l'Ânanda supérieurs (spirituels ou divins), puis la Vérité supramentale qui est le but de notre yoga.

Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.

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3259

Je ne vois pas pourquoi vous doutez que la réalisation puisse s'effectuer dans votre conscience matérielle. Si la foi, la tranquillité, l'ouverture sont présentes dans les autres parties de l'être, la partie matérielle ne pourra que s'ouvrir aussi. Le tamas, l'inertie, l'ignorance, la stupidité, la mesquinerie, l'opposition aux mouvements vrais sont des caractéristiques universelles de la conscience matérielle tant qu'elle n'est pas illuminée, régénérée et transformée d'en haut, et ces caractéristiques ne vous sont pas particulières. Par conséquent le doute que vous exprimez ne repose sur aucune raison, aucune justification suffisante

Quand le supramental sera complètement descendu dans la conscience matérielle, il y créera les conditions appropriées. Il y créera l'unité; l'être matériel sentira sans cesse le contact et la présence, et tout le contact physique nécessaire sera véritablement établi. La tristesse dont vous parlez n'est pas psychique, car cette "envie douloureuse" appartient au vital et non au psychique. Le psychique ne s'attriste pas d'un désir déçu, ce n'est pas sa nature; il peut parfois être chagriné s'il constate que le Divin est rejeté ou que le mental, le vital et le physique, dans l'individu ou dans la nature, se détournent de la Vérité pour s'attacher à la perversion, à l'obscurité ou à l'ignorance. Cependant, lorsque le supramental régnera, la nature vitale extérieure elle-même sera obligée de se transformer; les sentiments de ce genre n'auront par conséquent plus aucune chance d'apparaître.

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Vous êtes devenu conscient de la conscience la plus physique; il en est ainsi chez presque tout le monde. Quand on y entre pleinement ou exclusivement, on la sent comme celle d'un animal, soit obscure et agitée, soit inerte et stupide, et dans les deux cas, fermée au Divin. C'est seulement en y amenant la Force et la conscience supérieures que l'on peut la changer fondamentalement. Quand ces mouvements se montrent, ne soyez pas bouleversé par leur émergence, mais comprenez qu'ils se présentent pour être transformés.

Ici comme partout ailleurs, la tranquillité est la première chose requise. Il faut garder la conscience paisible, ne pas lui permettre l'agitation et le tourbillon; puis, dans la tranquillité, appeler la Force pour qu'elle éclaircisse toute cette obscurité et la transforme.

Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.

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Si j'ai bien compris, votre sâdhanâ passe par une période prolongée d'accalmie ou de vide. C'est fréquent, surtout lorsqu'on est projeté dans la conscience physique et extérieure. Les parties nerveuses et physiques deviennent alors prépondérantes et semblent ramener tout l'être à leur niveau; en même temps la conscience yoguique disparaît et on devient exagérément sensible aux petits incidents de l'extérieur comme ceux que vous décrivez. Un intermède comme celui-ci peut cependant fort bien préluder à un nouveau progrès. Vous devez absolument trouver le temps de méditer — à une heure de la journée où vous serez à peu près sûr de ne pas être dérangé — et par la méditation, rétablir le contact. Comme la conscience physique est au premier plan, ce sera peut-être difficile, mais par une aspiration persévérante, le contact se rétablira. Quand vous sentirez que l'être intérieur est de nouveau relié à l'être extérieur, appelez la paix, la lumière et le pouvoir dans cet être extérieur afin de construire dans l'être et le mental les plus extérieurs la base d'une conscience permanente qui vous accompagnera dans le travail et l'action autant que dans la méditation et la solitude.

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"À la merci des bruits extérieurs et des sensations corporelles externes", "n'ayant pas le pouvoir de quitter la conscience ordinaire à volonté", "toute la tendance de l'être éloignée du yoga" — tout cela s'applique indiscutablement au mental physique et à la conscience physique quand ils s'isolent, pour ainsi dire, et occupent toute la surface en poussant le reste à l'arrière-plan. Quand une partie de l'être est amenée en avant pour être soumise au travail de transformation, ce genre d'émergence qui accapare tout et l'activité prépondérante de cette partie comme si elle existait seule se produisent très souvent; et malheureusement, c'est toujours ce qui doit être changé — les conditions indésirables, les difficultés de cette partie — qui se lève d'abord, occupe tout le champ de la conscience et se répète obstinément. Dans le physique, c'est l'inertie, l'obscurité, l'incapacité, qui montent à la surface avec toute leur obstination. La seule chose à faire dans cette phase désagréable est d'être encore plus obstiné que l'inertie physique et de persister résolument dans sa tentative (une persistance soutenue, sans lutte agitée) afin de faire une large ouverture permanente dans le roc solide de l'obstruction.

Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.

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3263

Cela signifie que vous luttez maintenant corps à corps avec le physique subconscient. Si forte et si lassante que soit la résistance, vous devez persévérer jusqu'à ce que la Paix, la Connaissance et la Force descendent dans cette partie de l'être et y remplacent l'inertie

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3264

La sâdhanâ physique consiste à faire descendre la lumière, le pouvoir, la paix et l'Ânanda des plans supérieurs dans la conscience corporelle, à se débarrasser de l'inertie du physique, des doutes, des limitations du mental physique et de sa tendance à s'extérioriser, des énergies défectueuses du physique vital (des nerfs) et à remplacer tout cela, dans cette partie de l'être, par la vraie conscience afin que le physique devienne un parfait instrument de la Volonté divine. L'attention particulière portée à la nourriture et aux soins corporels n'a pour but que d'arriver à une bonne condition physique; plus tard, ce ne sera plus nécessaire.

[La somnolence:] Ne vous faites pas de souci à ce sujet. Quand on a une forte tendance à s'intérioriser, le corps, n'étant pas encore assez conscient pour participer à l'expérience à l'état de veille, essaie d'assimiler par le sommeil les forces qui descendent. Ce phénomène est fréquent. Quand le corps aura suffisamment assimilé, il sera mieux préparé.

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La différence réside dans le fait que ceux qui font la sâdhanâ vivent dans le plan physique en vue de le transformer, sous la pression d'une Force engendrée par la sâdhanâ qui pousse à cette transformation et doit poursuivre son action jusqu'à son terme. Ceux qui ne font pas la sâdhanâ vivent dans le plan physique non pas pour le transformer, mais pour le perpétuer tel qu'il est; aucune Force de ce genre, aucune pression, aucune nécessité ne les pousse. Ceux qui ne sont pas des sâdhak, mais dont le mental est orienté vers la conscience supérieure, se préparent à la sâdhanâ et feront un jour une sâdhanâ d'un genre ou d'un autre.

Les difficultés physiques prédominent lorsqu'on descend dans le physique, tout comme les difficultés vitales lorsqu'on est dans le plan vital. La transformation entraîne la nécessité d'affronter les difficultés, de transformer ou de surmonter ce qui se soulève dans chaque partie de l'être, afin que cette partie puisse répondre à l'appel d'en haut, mais la transformation complète de l'ensemble ne peut venir que par une ascension dans la Conscience supérieure et une descente de cette Conscience. Le premier pas en est généralement (mais pas toujours) la réalisation du moi au-dessus et la descente de la paix d'en haut dans l'être tout entier, jusqu'au physique le plus matériel.

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[Vivre dans la conscience physique:] Dans la mesure où cet état peut se définir par des signes extérieurs, on peut dire qu'il consiste en une passivité fondamentale où l'on est ce que les forces du plan physique vous font être, où l'on fait ce qu'elles vous font faire. Quand on vit dans le mental, une intelligence mentale et une volonté mentale actives essaient de maîtriser et de modeler l'action, l'expérience, la vie et tout le reste. Quand on est dans le vital, on est plein d'énergie, d'enthousiasme, de passion, de force; ceux-ci peuvent être bons ou mauvais, mais en tout cas débordent de vie. Dans l'inertie physique, tout cela disparaît ou s'atténue; ou ce sont des forces qui agissent de temps en temps sur l'organisme, mais que lui-même ne possède pas. Cet état peut ne pas être absolu, car le mental et le vital sont toujours là, mais c'est lui qui prédomine. Il y a deux manières d'en sortir: l'une consiste à s'élever dans le moi et à voir le physique d'en haut, comme un instrument et non comme soi-même; l'autre consiste à faire descendre la Force divine et à transformer le physique en un instrument de cette Force.

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3267

Tant que vous avez un corps, vous ne pouvez pas vivre sans la conscience physique, mais vous pouvez centrer davantage votre vie sur le psychique et d'autres parties de l'être, et par elles transformer la conscience physique.

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[Les défauts de la conscience physique:] Ils sont nombreux; ce sont principalement l'inertie, l'obscurité, le tamas, une acceptation passive du jeu des forces mauvaises, l'incapacité à changer, l'attachement aux habitudes, le manque de plasticité, l'oubli, la perte des expériences et des réalisations précédemment acquises, le refus d'accepter la Lumière ou de lui obéir, l'incapacité (due au tamas, à l'attachement ou à une réaction passive aux forces d'habitude) de cette conscience physique à faire ce qu'elle reconnaît comme le Juste et le Bien.

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3269

Cette négation est la nature même de la résistance physique, et la résistance physique constitue toute la base de la négation du Divin dans le monde. Tout, dans le physique, est tenace, obstiné, plein d'une force pesante de négation et d'inertie; s'il n'en était pas ainsi, la sâdhanâ se ferait en un rien de temps. Vous devez faire face à ce caractère obstiné de la résistance physique et la vaincre aussi souvent qu'elle se soulèvera. C'est seulement à ce prix que la conscience terrestre pourra se transformer.

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La difficulté de la nature physique n'est pas seulement individuelle, elle est aussi générale et terrestre. La nature physique est lente, inerte, et répugne au changement; elle tend à rester immobile et à exiger beaucoup de temps pour faire le moindre progrès. La volonté, même la plus forte, qu'elle soit mentale, vitale ou même psychique, a la plus grande difficulté à surmonter cette inertie. Ce n'est possible que si l'on fait descendre sans cesse la conscience, la force et la lumière d'en haut. Par conséquent, la volonté et l'aspiration doivent être sans cesse tendues vers cet objectif et vers la transformation; cette volonté doit être soutenue, patiente, et ne pas se lasser même lorsque la résistance de la nature physique atteint son paroxysme.

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3271

Le mental physique est, par nature, obstiné. La nature physique existe par la répétition constante: elle ne fait que se présenter sans cesse elle-même sous des formes différentes. Lorsque la conscience physique est active, cette répétition obstinée fait par conséquent partie de sa nature. Sinon, elle reste lourdement inerte. Quand nous voulons nous débarrasser des anciens mouvements de la nature physique, leur résistance se traduit donc par cette sorte de répétition obstinée. Il faut les rejeter avec une grande persévérance pour s'en débarrasser.

La Nature physique — comme toute Nature — a deux aspects: l'aspect individuel et l'aspect universel. Tout ce qui pénètre en nous vient de la Nature universelle, mais le physique individuel en conserve une partie et rejette le reste, en donnant à ce qu'il garde une forme personnelle. On peut donc dire que ces choses sont en lui et issues de lui, ou créées par lui (parce qu'il leur donne une forme spéciale), mais sont en même temps extérieures à lui et le pénètrent du dehors. Lorsqu'on veut s'en débarrasser, on rejette d'abord dans la Nature environnante tout ce qui est à l'intérieur; la Nature universelle essaie de ramener tout cela à l'intérieur ou d'y introduire pour le remplacer d'autres éléments semblables tirés d'elle-même. Il faut donc repousser sans relâche l'invasion. Par ce rejet constant, la répétition finit par perdre de sa force; l'individu se libère et devient capable de faire pénétrer dans l'être physique la conscience supérieure et ses mouvements.

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3272

La conscience terrestre ne veut pas changer; elle rejette donc ce qui lui vient d'en haut; c'est ce qu'elle a toujours fait. Ce refus ne pourra disparaître que si ceux qui ont entrepris ce yoga sont ouverts et prêts à transformer leur nature inférieure.

L'opposition vient évidemment, comme toujours, de l'ego vital, de son ignorance et de son orgueil ignorant, et de la conscience physique, de son inertie qui s'insurge contre tout appel au changement et y résiste, et de son indolence qui refuse l'effort; celle-ci trouve plus confortable de suivre son chemin en répétant toujours les mêmes mouvements et, au mieux, en s'attendant à ce que tout soit fait pour elle par un moyen quelconque, un jour ou l'autre.

La première chose est d'avoir la bonne attitude intérieure, et vous l'avez; pour le reste, il faut la volonté de se transformer et la vigilance, pour percevoir et rejeter tout ce qui fait partie de l'ego et de l'obstination tamasique de la nature inférieure. Il faut enfin veiller à rester toujours ouvert à la Mère dans toutes les parties de l'être, pour que le processus de transformation ne rencontre aucune entrave.

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3273

L'inertie et la dispersion sont les deux faces de la résistance du physique à la paix et au pouvoir concentré. Elles correspondent à l'inertie et à l'activité chaotique de la Nature physique; c'est cet aspect de la Nature physique qui incite maintenant certains savants à dire que tous les phénomènes sont l'effet du hasard et sont déterminés non par des certitudes, mais seulement par des probabilités.

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3274

L'inertie de la conscience physique est toujours difficile à éliminer; c'est elle, plus encore que les résistances du vital, qui font que les mouvements de l'ignorance continuent à se répéter même lorsqu'on a la connaissance et la volonté de changer. Mais le sâdhak doit faire face à cette difficulté et la surmonter par une volonté tout aussi persévérante. Une flamme régulière doit brûler, aussi régulière que l'obstruction est têtue. Ne vous découragez donc pas si l'ignorance persiste dans son obstruction. La persévérance de votre propre volonté de vaincre, soutenue par la force de la Mère, finira par venir à bout de la résistance.

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3275

Le physique a une très forte tendance à l'inertie; même lorsqu'on a pris l'habitude de vivre dans la conscience supérieure, certaines parties de l'être — en général les parties les plus extérieures ou les plus matérielles — peuvent encore sentir cette pression de l'inertie. L'inertie vient, en général, du subconscient. Elle n'abolit pas la. conscience supérieure dans le physique, mais en atténue l'action, ou encore la fait descendre d'un niveau élevé à un niveau inférieur, par exemple de l'intuition au mental supérieur,ou des régions supérieures du surmental à ses régions inférieures. Par sa résistance, elle empêche pendant quelque temps la siddhi de devenir complète. C'est seulement lorsque la conscience la plus matérielle, le subconscient et la conscience environnante sont complètement libérés que ce retard ou cet abaissement causé par l'inertie fondamentale peut être totalement éliminé.

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3276

Tout peut susciter une réaction: l'inertie peut se propager en vagues, comme le reste.

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3277

Lorsqu'elle s'applique au physique et au subconscient, l'action est toujours plus lente que lorsqu'elle s'effectue dans le mental et le vital, car la résistance de la substance physique est toujours plus pesante, moins intelligente et moins capable de s'adapter; mais en compensation, le travail accompli dans l'être par ce mouvement plus lent est en fin de compte plus complet, plus solide et plus durable.

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3278

L'obstruction physique est moins turbulente [que l'obstruction vitale], mais je ne l'ai trouvée ni moins obstinée, ni moins gênante.

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3279

La difficulté de la nature physique se présente inévitablement au cours du déroulement de la sâdhanâ. Son pouvoir d'obstruction, son inertie, son absence d'aspiration, son immobilisme doivent se montrer avant que l'on puisse s'en débarrasser; sinon ils ne se révéleront jamais, entraveront même la meilleure sâdhanâ et l'empêcheront d'aboutir. Ce soulèvement de la nature physique dure plus ou moins longtemps selon les circonstances, mais il n'épargne personne. Il faut éviter de se troubler, de s'inquiéter ou de s'impatienter; cela ne fait que le prolonger; on doit au contraire placer toute sa confiance en la Mère et persévérer tranquillement dans la foi, la patience et une volonté imperturbable pour que s'opère la transformation complète. C'est dans ces conditions que la force de la Mère peut le mieux agir dans l'être.

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3280

Le premier moyen est de ne pas être bouleversé quand l'inertie apparaît ou s'installe. Le deuxième est de se détacher, non seulement au-dessus, mais aussi en bas, et de ne pas s'identifier. Le troisième est de rejeter tout ce qui est soulevé par l'inertie et de ne pas le considérer comme sien, de ne pas l'accepter du tout.

Si vous en êtes capable, quelque chose en vous restera parfaitement tranquille, même dans l'inertie la plus grande. À travers cette partie tranquille, vous pourrez faire descendre la paix, la force, et même la lumière et la connaissance au cœur de cette inertie.

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3281

L'inertie — ou quoi que ce soit d'autre — doit être ressentie comme quelque chose de séparé et non comme une partie du vrai moi qui est un avec le Divin.

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3282

Les forces adverses sentent qu'en vous quelque chose est décontenancé et rétif parce que l'inertie se prolonge, et elles espèrent, en renforçant leur pression, susciter une révolte. L'important, dans ces circonstances, est de faire en sorte que votre foi, votre soumission et votre samatâ deviennent absolues. C'est un progrès aussi grand et aussi essentiel que d'avoir des expériences supérieures, etc.

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3283

Certains s'en sont servi [de la violence, pour transformer le physique], mais je ne crois pas qu'elle soit utile. Le physique constitue sans aucun doute un obstacle tenace, mais il faut l'illuminer, le persuader de changer et même l'y obliger, mais non le réprimer ou le contraindre par la violence. Ceux qui traitent le mental, le vital et le corps par la violence agissent ainsi parce qu'ils sont pressés, mais j'ai invariablement remarqué que cela entraîne une recrudescence des réactions et des obstacles et non un progrès vraiment solide.

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3284

[L'effet produit par l'obstruction de la conscience physique:] Cela dépend des points faibles de l'individu et du stade qu'il a atteint dans son progrès. D'une manière générale, cette obstruction engendre une inertie qui entrave l'action des Pouvoirs supérieurs. Dans les premiers stades, elle peut bloquer complètement le progrès. Ensuite, elle a pour effet de le ralentir ou de l'entraver par des périodes d'inertie et d'immobilisme. La principale difficulté de la conscience physique est qu'avant d'être transformée, elle est incapable de soutenir la tension de la tapasyâ: elle a besoin de périodes d'assimilation où elle replonge dans la conscience ordinaire pour se reposer; elle a aussi tendance à oublier sans cesse ce qui a été fait, etc.

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3285

Lorsqu'on descend dans la conscience physique,ou que la conscience physique émerge et impose sa présence, l'un de ses premiers effets est d'affaiblir la volonté: auparavant, vous viviez surtout dans le mental et le vital. La conscience physique est pleine d'inertie, elle ne veut pas bouger, mais se laisser mouvoir par n'importe quelles forces; c'est son habitude. Il faut remédier à cette inertie en la mettant en contact avec les forces supérieures appropriées. C'est pourquoi je vous ai demandé d'aspirer à l'immensité, à la pureté et à la paix d'en haut, pour qu'elles viennent emplir le physique et que la vraie Force agisse, à la place des idées et des impulsions qui vous envahissent.

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3286

Cette période où l'on est incapable de faire un effort apparaît en général lorsque la conscience physique prédomine, car elle est par nature inerte; elle est mue par les forces supérieures, par les forces inférieures ou par n'importe quelles forces, mais d'elle-même elle ne bouge pas. Il faut tout de même utiliser l'effort, si l'on en est capable, mais l'essentiel est de pouvoir faire descendre la Force dans le physique — ou alors, demeurer parfaitement tranquille et sans se troubler, attendre sa venue.

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3287

Seule la descente plus constante d'une force dynamique dans une égalité et une paix inaltérables peut extirper la tendance normale de la nature physique.

Normalement, cette nature physique tend à rester inerte et dans cette inertie, à ne réagir qu'aux forces vitales ordinaires et non aux forces supérieures. Si l'égalité et la paix sont parfaites, on peut ne pas être affecté par l'inertie qui se propage et y faire descendre, peu à peu ou rapidement, cette même paix, accompagnée d'une force de la conscience supérieure capable de la modifier. Quand ce sera fait, cette difficulté et les fluctuations du genre de celles que vous subissez en ce moment, et où l'inertie prédomine, ne pourront plus se produire.

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3288

La difficulté est plus grande parce que la sâdhanâ se situe maintenant directement sur le plan physique où une habitude — un mouvement habituel — une fois installée, a une très grande force. Quand la sâdhanâ se déroule dans le plan mental ou vital, il est plus facile de parvenir à la maîtrise ou à la transformation, parce que le mental et le vital sont plus plastiques que le physique. En revanche, sur le plan physique, l'acquis est plus durable et plus complet que lorsque la réalisation ne concerne que le mental ou le vital.

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3289

En 1933, vous faisiez sans doute davantage de tapasyâ, en vous soumettant à une maîtrise vigoureuse? Quoi qu'il en soit, c'était ainsi à une certaine époque. Ensuite, quand vous êtes descendu du mental-vital, vous vous êtes laissé aller pendant quelque temps, et vous avez cessé en grande partie d'exercer cette maîtrise; c'est pourquoi vous éprouvez maintenant une certaine difficulté à la rétablir, à cause de l'habitude de répétition automatique qui caractérise la nature physique. Vous devez maintenant retrouver cette maîtrise autrement, en établissant la paix et en construisant sur elle la conscience supérieure, la maîtrise spirituelle remplaçant celle de la tapasyâ mentale.

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3290

Non, il n'est pas nécessaire de perdre la maîtrise mentale; le mieux est de la remplacer peu à peu par la maîtrise psychique ou spirituelle. Mais de nombreux sâdhak perdent l'une tandis que l'autre n'est pas prête ou est encore imparfaite; alors les forces de la Nature agissent dans une conscience physique possédée tantôt par la Paix ou le Pouvoir supérieur qui descend, tantôt par les forces ordinaires de la Nature. Presque tous subissent cette alternance, au moins à un certain stade, avant que l'état supérieur ne l'emporte.

Il est malsain de ressasser ainsi, avec une sensibilité excessive, les souvenirs des coups reçus autrefois par le vital. Le passé ne devrait pas avoir une telle emprise; il faut au contraire le laisser s'estomper.

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3291

Dans l'être physique, ces impressions laissées par le passé ont un très grand pouvoir, car c'est à force d'impressions répétées que la conscience a été amenée à se manifester dans la matière, et aussi par les réactions habituelles de la conscience à ces impressions; c'est, je suppose, ce que les psychologues appelleraient le comportement. L'une de leurs écoles soutient que la conscience n'est rien de plus, mais c'est là un effet de cette pratique qui consiste à généraliser un détail de la Nature pour en expliquer la totalité.

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3292

La réalisation que vous décrivez est celle dont parle la Guîtâ, où toute action est perçue comme accomplie par la Prakriti. Cette action vous paraît automatique parce que vous êtes dans la conscience physique; là, tout est automatisme. On peut avoir la même expérience sur le plan mental et vital, mais les actions sont alors ressenties comme un jeu de forces. Ce qui vous manque actuellement, c'est l'autre aspect de l'expérience: celle de l'Âtman silencieux ou bien celle du Pourousha témoin, calme, tranquille, libre, pur, non troublé par le jeu de la Prakriti. L'expérience essaie de venir et vous êtes sur le point d'y accéder, mais votre tendance à vous extérioriser est encore trop forte. Cette tendance s'est emparée de vous lorsque vous êtes descendu dans le physique, car la conscience physique ordinaire se précipite, de par sa nature même, dans l'action de la personnalité extérieure. Il vous faut retrouver le pouvoir de la conscience intérieure: en haut l'Âtman, en bas le Pourousha d'abord témoin, puis maître de la nature.

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3293

C'est dû à l'influence de la conscience physique. La conscience physique — du moins dans ses parties les plus extérieures — est, comme je vous l'ai dit, par nature inerte: elle obéit à toutes les forces auxquelles elle a l'habitude d'obéir, mais n'agit pas de sa propre initiative. Quand l'inertie physique exerce une forte influence, ou quand on est descendu dans cette partie de la conscience, le mental, comme la Nature matérielle, a l'impression que la volonté est incapable d'agir. La nature mentale et la nature vitale, au contraire, aiment la volonté et l'initiative; lorsqu'on est dans le mental ou le vital, ou que l'on agit sous leur influence, la volonté se sent par conséquent toujours prête à l'action.

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3294

C'est la neutralité de la conscience physique qui dit: "Je ne bouge que lorsqu'on me fait bouger. Me fasse bouger qui peut."

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3295

Le physique est l'esclave de certaines forces qui créent une habitude et le font mouvoir grâce au pouvoir automatique de l'habitude. Tant que le mental donne son assentiment, l'esclavage passe inaperçu; mais si le mental retire son consentement, alors on sent l'asservissement, on sent une force qui pousse en dépit de la volonté du mental. Cette force est très obstinée et récidive jusqu'à ce que l'habitude — l'habitude intérieure qui se révèle dans l'acte extérieur — soit rompue. C'est comme une machine qui, une fois mise en route, répète le même mouvement. Vous n'avez aucune raison de vous alarmer ou de vous affliger: une aspiration tranquille et persévérante vous mènera au point où l'habitude se rompra et où vous serez libre.

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3296

Dans le physique, l'habitude est obstinée et semble immuable parce qu'elle réapparaît sans cesse, même lorsqu'on la croit partie. Mais elle n'est pas vraiment immuable; si le mental physique se détache, s'en sépare, refuse de l'admettre, l'habitude ancrée dans le physique commence à perdre le pouvoir de se répéter. Tantôt elle disparaît peu à peu, tantôt (mais c'est plus rare) elle cesse d'un coup et ne se répète plus.

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3297

Vous y parviendrez à condition de faire descendre la sâdhanâ dans votre conscience physique et de vivre uniquement pour la sâdhanâ et pour le Divin. Vous devez rejeter activement les mauvaises habitudes que vous avez conservées et ne jamais retomber dans celles qui ont cessé ou se sont interrompues. Les expériences intérieures sont utiles à la transformation du mental et du vital supérieur, mais pour le vital inférieur et l'être extérieur, une sâdhanâ d'auto-discipline est indispensable. Les actions extérieures et l'esprit qui les anime doivent changer; vos pensées et vos actions extérieures ne doivent s'adresser qu'au Divin. Vous devez avoir de la retenue, une véracité entière, et penser sans cesse au Divin dans tout ce que vous faites. C'est le moyen de transformer le vital inférieur. Votre constante consécration et la discipline constante que vous vous imposerez feront descendre la force dans l'être extérieur et le transformeront.

II

3298

Vous avez déjà eu l'expérience de cet état de séparation dont la faculté est présente dans votre être psychique. Naturellement, il n'est là que de temps en temps, parce que la conscience extérieure subit une préparation qui lui permettra d'y prendre part, et c'est seulement lorsqu'elle sera prête que la conscience intérieure pourra se montrer en permanence et s'exprimer dans l'être extérieur.

Vous me demandez si le mental et le vital ne font pas obstacle, autant que le physique. Si, mais lorsque je parle de la conscience physique, j'y inclus le mental physique et le vital physique tout autant que la conscience corporelle proprement dite. Ce mental physique et ce vital physique ont pour champ d'action les petits mouvements ordinaires de la vie et sont gouvernés par une vision très extérieure des choses et par de petites réactions habituelles; ils ne répondent pas aussitôt à la conscience intérieure, non parce qu'ils s'y opposent activement — comme peuvent le faire le mental vital et le vital proprement dit — mais parce qu'il leur est difficile de modifier leurs mouvements habituels. C'est ce que vous ressentez maintenant, et c'est pourquoi vous croyez que l'expérience intérieure éveille en vous peu d'écho. Mais ce n'est pas le cas; votre mental et une grande partie de votre vital recèlent une considérable capacité de répondre à l'appel. Quant au physique, sa difficulté est commune à tous: elle ne vous est pas particulière. Elle est apparue parce qu'elle apparaît toujours dans la sâdhanâ lorsqu'il faut agir sur la conscience physique pour y opérer les changements nécessaires. Dès que ce sera fait, la difficulté que vous éprouvez commencera à diminuer, puis disparaîtra.

C'est cette action qui est en cours; lorsque, en méditation, vous avez senti la lumière blanche dont vous avez continué à ressentir l'effet (fraîcheur de la tête et des yeux, élargissement et immensité partout même après avoir ouvert les yeux), c'était cette action qui se poursuivait dans votre mental physique pour le transformer. Le reste de la conscience physique continuait à subir un autre genre d'action et a par conséquent ressenti de la chaleur, et non cette libération et cet élargissement. Mais par la suite, l'action peut descendre d'abord dans le cœur, puis encore plus bas et dans tout le corps; la même libération, le même élargissement pourront descendre aussi. Pour le moment, ces résultats ne sont naturellement pas permanents, mais passagers; ce sont des expériences et non des réalisations durables. Mais au stade actuel, il ne peut en être autrement. Ces expériences, même passagères, ont pour but de préparer les différentes parties de la nature, et c'est ce qu'elles font.

Je vous ai dit que X a en elle deux éléments différents. C'est son mental extérieur qui veut faire de la broderie, dans l'idée que les autres en font et que cela lui vaudra une faveur spéciale de la Mère, ce qui est faux; c'est lui aussi qui dit Qu'elle fait tout le travail, etc. Si nous la laissons suivre cette pente, ce sera mauvais pour elle, spirituellement, surtout en ce moment où son être intérieur a besoin de se renforcer par la soumission, la consécration et le sacrifice de son ego. C'est pourquoi nous n'avons pas envisagé favorablement ce changement d'activité. Il a déjà été fait une fois et elle s'en est repentie, elle a senti qu'elle avait fait une erreur. Mais le mental physique ne cesse de revenir à ses mouvements habituels et il lui faut du temps pour recueillir la leçon de l'expérience.

Gardez le stylo et utilisez-le. C'est un cadeau de la Mère. Servez-vous-en pour écrire vos expériences et acceptez-le comme un signe de l'amour et de la grâce de la Mère qui agissent en vous.

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3299

Auparavant la volonté mentale, le vital supérieur et le psychique étaient actifs; leur assentiment suffisait à calmer le vital inférieur ou à le neutraliser. Mais maintenant c'est le mental physique qui est actif en vous; or le mental physique attribue une valeur au vital inférieur et par là lui confère un pouvoir qu'il n'avait pas auparavant.

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3300

L'ouverture du physique et du subconscient prend toujours beaucoup de temps, car ils sont faits d'habitudes et d'une constante répétition des anciens mouvements; ils sont obscurs et rigides, et non plastiques, et ne cèdent que petit à petit. Le mental physique peut s'ouvrir et se convertir plus facilement que le reste, mais le physique vital et le physique matériel sont obstinés. Les choses anciennes reviennent en eux sans raison et par la force de l'habitude. Une grande partie du physique vital et la plus grande part du physique matériel sont dans le subconscient ou en dépendent. Une action vigoureuse et soutenue est nécessaire pour y progresser.

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3301

Tant que le physique matériel et le subconscient n'aspirent pas ou du moins ne donnent pas leur plein consentement à l'aspiration et à la volonté de l'être supérieur, aucun changement en eux ne peut être durable.

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3302

Non, cette résistance [du mental physique et du vital physique] n'est pas illimitée. Ou du moins un moment vient où la résistance fondamentale est brisée pour de bon et où il ne reste plus que quelques détails à régler, ce qui n'est pas gênant.

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3303

La conscience corporelle est en grande partie subconsciente: la conscience corporelle et le subconscient sont étroitement liés.

La conscience corporelle et la conscience physique ne sont pas identiques; la conscience corporelle n'est qu'une partie de la conscience physique.

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3304

Le mental physique et le physique vital sont très proches de l'inconscient, à l'exception de la partie du mental physique qui a été entraînée à s'occuper d'objets physiques et de questions matérielles. Mais celle-ci n'est alerte, active, compétente que dans ses propres limites. Lorsqu'elle doit agir dans le domaine supraphysique, elle devient incompétente, souvent stupide et pourtant péremptoire, arrogante et dogmatique dans son ignorance. Pour le reste, la conscience physique est proche de l'inconscient. Elle aussi, dans son propre domaine, est capable de perceptions et d'instincts exacts, si elle est libre d'agir spontanément; d'ordinaire, chez l'être humain, elle n'en a pas la latitude, car le mental et le vital interviennent. L'action du vital physique est complètement irrationnelle; même lorsqu'il a raison, il est incapable d'expliquer pourquoi, car il est fait en majeure partie d'instincts, d'impulsions, de sensations et de sentiments automatiques et habituels. C'est le mental qui explique et Justine ses mouvements, et si le mental se tient à l'écart pour juger et poser des questions, le physique vital ne peut que répondre: "je veux","j'aime", "je déteste", "j'ai envie".

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3305

Persévérez tranquillement et que rien ne vous décourage. Si la tranquillité et la bonne humeur ne sont pas encore constantes, cela n'a rien d'étonnant; il en est toujours ainsi quand l'action commence à s'exercer sur la conscience physique et ses obstructions. Si vous persévérez, cette tranquillité et cette bonne humeur deviendront de plus en plus fréquentes et durables, jusqu'à constituer en vous une base de paix et de bonheur qu'aucun trouble apparaissant à la surface ne pourra plus ni pénétrer, ni ébranler, ni même voiler, sinon peut-être durant un court instant.

Les sautes d'humeur sont aussi assez fréquentes parce que l'action se poursuit en même temps dans le physique vital dont le caractère est, par nature, changeant. Que cela ne vous décourage pas; dès que la base sera plus solide, cela diminuera et le vital deviendra plus stable et plus égal.

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3306

L'instabilité dont vous parlez est naturelle au mental physique humain; presque tout le monde en est affecté, car le mental physique poursuit toutes sortes d'objectifs extérieurs. Fixer la conscience au-dedans, la maintenir concentrée sur le Divin seul est pour tous d'une grande difficulté; c'est pour cette raison que la sâdhanâ exige beaucoup de temps et qu'un lent développement de la conscience est en général nécessaire, du moins au début. Que cela ne vous décourage donc pas. Votre vital intérieur est plein d'une forte volonté et au plus profond de vous-même, dans le psychique, règnent la véritable aspiration et l'amour véritable qui apparaissent lorsque le psychique est actif; à la longue, ils finiront par posséder toute la nature.

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3307

Il est tout à fait normal que l'instabilité du mental physique intervienne et empêche la tranquillité et la foi de s'établir complètement et de devenir permanentes: il en est de même pour tout le monde; mais cela ne signifie pas que cette quiétude et cette foi ne s'établiront pas ou ne pourront jamais s'établir dans la nature. Tout ce que je voulais dire, c'est que vous devriez essayer de vouloir constamment cette tranquillité, de sorte que votre volonté s'oppose aussitôt à l'agitation ou à l'instabilité dès qu'elles s'interposent, ou soit prête à resurgir pour dissiper le trouble. L'agitation, ou l'impatience, deviendrait ainsi plus facile à éliminer; mais de toute façon la force de la Mère est là, agissant derrière les fluctuations de la conscience de surface, et grâce à elle vous en viendrez à bout.

Vos expériences ont apporté de nouveaux aperçus de l'action psychique qui se poursuit sans cesse, même si aucun signe n'en apparaît à la surface. Le glaive d'or était le glaive de la Vérité qui anéantira les difficultés.

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3308

Ces petites choses du mental physique, tout le monde en a, et elles tomberont d'elles-mêmes lorsqu'émergera la conscience vraie et juste. Votre mental comprend, mais ces choses persistent parce qu'en fait elles appartiennent à la petite partie vitale et quand cette partie s'élargira, elles ne pourront plus revenir. On peut les écarter en gardant certaines idées présentes à l'esprit, par exemple: que les choses qui vous agacent appartiennent à la nature et ne peuvent disparaître que par un changement de nature; que l'on doit bien faire son travail, sans être troublé si les autres font mal le leur; qu'il est plus efficace d'appliquer une volonté intérieure tranquille pour qu'ils le fassent bien que d'être agacé et bouleversé par leurs erreurs. Mais fondamentalement, c'est par un élargissement de conscience dans votre mental, votre vital et votre physique que vous vous libérerez complètement de ces petites réactions. Vous n'avez qu'à continuer en laissant agir la Force de la Mère en vous, et tout cela s'aplanira par la suite.

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3309

Ces petits mouvements [bavardages inutiles, etc.] sont les plus difficiles à changer, précisément parce qu'ils sont petits et que l'habitude de s'y laisser aller à tout propos paraît naturelle et sans importance dans la vie de tous les jours. La meilleure chose à faire est d'amener en masse la force, la lumière et la paix dans le mental et le vital supérieur jusqu'à ce qu'elles puissent remplir même le mental physique; alors à travers le mental physique, qui en général soutient plus ou moins ces mouvements, on peut agir sur eux avec davantage de succès.

III

3310

Le sentiment d'impuissance, d'impossibilité d'éliminer l'obstacle, est, comme l'obscurité elle-même, caractéristique de la conscience physique qui est inerte, mécanique et a l'habitude de se laisser mouvoir sans réagir par toutes les forces qui s'emparent d'elle. Mais ce sentiment d'impuissance ou d'impossibilité ne repose sur rien de réel et il est tout à fait possible et très nécessaire de ne pas y céder, de ne pas l'admettre, de le faire disparaître pour surmonter l'obstacle physique qui autrement retarderait considérablement le progrès.

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3311

Oui, cela aussi, c'est la faute de la conscience physique. Elle est obsédée par l'idée que ce qui est doit continuer à être, que le cours des choses est immuable. Ce caractère immuable, elle l'attribue non seulement à ce qui est, mais aussi à ce qu'elle croit être un fait: elle s'ouvre passivement à toute suggestion ou possibilité qui semble être légitimée par le cours des choses. C'est le principal obstacle à la transformation matérielle.

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3312

C'est la stupidité habituelle du mental physique qui vous suggère que je vous mens pour vous encourager; si tel était le cas, ce n'est pas vous qui seriez inapte au yoga, mais moi qui serais inapte à guider quiconque dans la recherche de la Vérité divine. Car si l'on peut conduire quelqu'un d'une vérité moindre à une Vérité plus grande, on ne peut le mener d'un mensonge à la Vérité. Quant à savoir si, oui ou non, vous êtes apte au yoga, votre mental physique ne peut être juge en ce domaine: il juge les choses sur leur apparence immédiate et n'a aucune connaissance des lois qui gouvernent la conscience, ni des pouvoirs qui agissent dans le yoga. En fait, il ne s'agit pas d'être apte ou inapte, mais d'accepter la Grâce. En aucun être humain la conscience physique extérieure — cette partie de vous-même où vous vivez en ce moment — n'est apte au yoga. C'est par la Grâce et par une lumière d'en haut que cette conscience peut en acquérir la capacité et pour cela, il faut être persévérant et l'ouvrir à la Lumière. Nul n'échappe à cette difficulté en entrant dans la conscience physique; on a l'impression que l'on est inapte, que rien n'a été fait, que rien en soi n'a changé depuis qu'on a commencé le yoga; on est alors enclin à oublier tout ce qui s'est passé avant, à croire qu'on a tout perdu ou que tout était irréel ou faux.

C'est, je suppose, la raison pour laquelle vous protestez quand je dis que vous avez déjà bien avancé. Je voulais dire par là que vous avez eu des ouvertures dans le mental pensant, dans le cœur et dans le vital supérieur, et aussi des expériences; que vous aviez vu l'état de votre être et de votre nature avec beaucoup de lucidité, et que vous aviez suffisamment avancé pour que ces parties soient prêtes pour la transformation spirituelle. Restent le physique et la conscience extérieure qu'il faut contraindre à accepter la nécessité de la transformation. C'est, sans aucun doute, la partie du travail la plus difficile à accomplir, mais c'est aussi la partie qui, si l'on y réussit, rend possible la transformation totale de l'être et de la nature. J'ai dit par conséquent qu'ayant déjà bien avancé, il serait absurde de revenir maintenant en arrière et d'abandonner parce que cette conscience physique résiste. Elle résiste toujours chez tout le monde, et elle est aussi très obstinée. Ce n'est pas une raison pour abandonner l'effort.

C'est cette conscience qui s'exprimait dans votre lettre, ou sa partie obscure qui reste attachée à son ancienne attitude. Elle ne veut pas faire la sâdhanâ à moins qu'elle ne puisse par là recevoir ce qu'elle voulait. Elle veut la satisfaction de l'ego, "l'épanouissement personnel", la considération des autres, la réalisation de ses désirs. Elle mesure l'Amour divin aux faveurs matérielles qu'il fait pleuvoir sur elle et regarde jalousement autour d'elle pour savoir qui en reçoit davantage; puis elle dit que le Divin n'a pas d'amour pour elle et en donne des raisons peu obligeantes pour le Divin ou qui, comme dans vos lettres, la rabaissent elle-même et la plongent dans le désespoir. Vous n'êtes pas la seule chez qui cette partie de l'être sent et agit ainsi; presque tout le monde en est là. S'il n'y avait qu'elle en vous, et dans les autres, le yoga serait en effet impossible. Mais bien qu'elle soit forte, elle n'est pas tout: il y a aussi un être psychique, un mental et un cœur que cet être psychique influence et illumine, qui ont d'autres sentiments, une autre vision des choses et un autre but dans la sâdhanâ. Tout cela est maintenant recouvert en vous par cette partie qui se soulève et doit changer. Elle est tamasique et ne veut pas changer, ne veut pas croire à moins que l'on ne puisse la convaincre en rassurant l'ego vital. Mais rien n'est nouveau dans tout cela: c'est une partie de la nature humaine qui a toujours été là et qui a toujours retardé et limité la sâdhanâ. Le fait qu'elle existe n'est pas une raison de désespérer, tout le monde l'a et la sâdhanâ doit être faite malgré elle, malgré le mélange qu'elle introduit, jusqu'au moment où elle devra être définitivement rejetée. C'est difficile à faire, mais parfaitement possible. Je sais tout cela et je le comprends, et c'est pourquoi j'insiste pour que vous persévériez et vous encourage à continuer; ce n'est pas ma description de la situation qui est fausse, c'est le point de vue adopté par cette partie de votre être qui est sans fondement, et qui est une erreur.

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3313

Si cet état dure plus longtemps qu'il ne le devrait, ce n'est ¦ pas parce que vous ne pouvez pas retrouver la vraie attitude, c'est parce que dans une certaine partie de votre mental, vous laissez pénétrer cette fausse suggestion d'incapacité. Une partie de votre conscience physique garde le souvenir des anciens mouvements et a l'habitude de les laisser entrer, les croyant inévitables. Vous devez persister à vouloir la vraie Vérité avec la partie claire de votre conscience et rejeter sans cesse ces suggestions et ces sentiments, jusqu'à ce que Cette partie obscure s'ouvre, elle aussi, et laisse entrer la Lumière.

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3314

Ce sont les forces tamasiques qui, en persistant à suggérer cette difficulté, la créent; et la conscience physique l'accepte. Il n'est jamais vraiment difficile d'aspirer. Le rejet peut ne pas avoir un effet immédiat, mais il est toujours possible d'entretenir la volonté de rejeter et de refuser.

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3315

Qu'appelez-vous des moyens actifs?Le pouvoir de refuser et de rejeter est toujours là dans l'être, et aussi celui de continuer à rejeter jusqu'à ce que le rejet produise son effet. Rien ne peut arrêter une aspiration tranquille, si ce n'est votre propre acceptation de l'inertie.

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3316

Les pensées et les sentiments exprimés dans votre lettre proviennent de votre dépression et, sortis de ce contexte, ils ne correspondent à rien de vrai. En restant ici, vous ne prenez en aucun cas une place qui pourrait être occupée par de meilleurs sâdhak. Un bon sâdhak trouvera toujours une place, d'une manière ou d'une autre. L'incapacité que vous découvrez en vous est simplement la résistance de la nature ordinaire, extérieure et physique, à laquelle personne n'échappe et que nul sâdhak, si bon soit-il, n'a encore été capable de transformer radicalement: c'est la dernière chose qui changera et cette résistance est actuellement aiguë parce que c'est contre elle que s'exerce le pouvoir de la sâdhanâ pour que la transformation puisse s'opérer. Quand cette partie se présente, elle essaie toujours de paraître immuable, incapable de changer, imperméable à la sâdhanâ. Mais il n'en est rien et il ne faut pas se laisser prendre à cette apparence. La peur de la folie n'est qu'une impression nerveuse que vous devez rejeter. Ce n'est pas la faiblesse vitale qui mène à de tels déséquilibres, c'est une obscurité et "ne faiblesse dans le mental physique, accompagnées de "mouvements d'une nature exagérément vitale (par exemple, une ambition spirituelle excessive) qui sont trop forts pour que le mental puisse les supporter. Ce n'est pas votre cas. Vous avez eu une longue expérience de paix et d'élargissement intérieurs, d'Ânanda, une vie intérieure tournée vers le Divin, et lorsqu'on a vécu cela, on ne doit pas parler d'une incapacité générale, quelles que soient les difficultés de la nature extérieure; difficultés qui, sous une forme ou une autre, sont communes à tous.

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3317

Je ne doute pas le moins du monde que vous puissiez faire la sâdhanâ, si vous vous y tenez, certainement pas par vos propres forces et sans aide, car personne ne peut le faire, mais par la volonté de l'être psychique en vous, soutenue par la Grâce divine. Il y a, dans la conscience physique et vitale de tout être humain, une partie qui n'a aucune volonté de faire la sâdhanâ, ne s'en sent pas la capacité, ne se fie à aucun espoir ni à aucune promesse d'avenir spirituel et reste inerte et indifférente devant toute chose de ce genre. À un certain stade de la sâdhanâ, cette partie apparaît et on se sent identifié à elle. C'est ce qui vous arrive en ce moment, mais cela s'accompagne d'ennuis de santé et d'un malaise nerveux qui a transformé cette traversée du physique obscur en une période de désordre sombre et intense. Si vous dormez assez, si vos nerfs se calment et que l'énergie physique revient, cela devrait disparaître et il serait alors possible de faire descendre la Lumière et la Conscience dans cette partie obscure. Ce qu'il vous faut ce n'est pas une concentration intense qui engendre le conflit, mais une attitude très tranquille d'ouverture. Ne faites aucun effort de sâdhanâ en ce moment; ce qui est nécessaire, actuellement, c'est de retrouver le bien-être et la tranquillité pour que la nature recommence à s'ouvrir.

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3318

La raison n'est certainement pas que la Mère a eu envers vous une attitude différente de ce qu'elle est d'habitude, ou vous a tenue à l'écart, mais bien plutôt que vous êtes venue à elle tout enfermée dans cette partie de votre être physique qui se rétracte encore devant la Lumière. C'est cette partie qui a toujours été à la base de toutes vos mauvaises passes et de tous vos mouvements douloureux, même lorsque la difficulté elle-même se situait à un niveau supérieur. Sa nature est de rester attachée aux vieilles habitudes, de se rétracter devant la conscience yoguique, de fermer portes et fenêtres pour empêcher l'aide offerte de pénétrer, et de se lamenter dans le noir quand elle se sent blessée. Tous ceux qui veulent progresser doivent s'en débarrasser. Cessez de vous identifier à elle et de la considérer comme vous-même. Réintégrez votre être intérieur et regardez-la comme une partie minime, mais obstinée, de la nature qui doit se transformer. Car mise à part cette résistance obstinée, il n'y a pas de raison que votre chemin se poursuive dans un désert. Il devrait vous conduire à une conscience vaste et libérée, ouverte au calme, à la paix, au pouvoir, à la lumière, à une conscience plus vaste que la conscience personnelle et où l'ego pourra joyeusement disparaître.

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3319

Ce qui est arrivé à votre sâdhanâ, c'est que vous vous êtes laissé tomber dans une ornière du mental physique et de la nature vitale extérieure; vous vous êtes enfermé dans la répétition constante ou constamment renouvelée des idées et des sentiments qu'ils vous présentent: des sentiments solidement établis de déception, de découragement et de pessimisme quant à vous-même et à votre avenir spirituel, et des idées — ou, si vous me passez l'expression, des lubies — qui viennent étayer ces sentiments et les justifient. Le résultat en est que vous vous fermez au contact et à l'influence, à l'aide spirituelles qu'à une certaine époque vous sentiez venir de nous ou commenciez à sentir. Cela vous ferme aussi à votre moi profond et rend stérile votre effort personnel. Il est assez fréquent qu'un accident de ce genre se produise sur le chemin de l'effort spirituel, et la première chose à faire pour en éliminer les conséquences est de rejeter résolument les idées et les sentiments qui, par leur persistance, vous maintiennent dans l'ornière. Je ne sais pas si vous pourrez revenir à votre état antérieur, car on revient rarement au point où l'on était arrivé précédemment; mais il vous est toujours possible d'aller de l'avant, de retrouver la force propulsive de ce qui a déjà été acquis et qui demeure certainement en vous, assimilé par votre être intérieur. Si vous voulez poursuivre activement certaines parties du yoga par vos efforts et votre aspiration, il n'y a aucune raison que vous n'en retrouviez pas la capacité; mais le premier effort à faire est de rejeter en bloc, avec persévérance et ténacité — et pas seulement pendant un jour ou deux, mais aussi longtemps qu'ils persisteront et reviendront — ces pensées et ces sentiments débilitants qui paralysent en vous tout espoir et toute foi, de ne pas les admettre, de ne pas les justifier, de ne pas leur donner, par votre acceptation, le droit de continuer à jouer toujours cette même note de découragement, d'incapacité et d'échec. Les idées par lesquelles vous les justifiez ne sont, je le répète, que des lubies du mental physique et non des réalités: le fait que vous vous croyez, par exemple, incapable de comprendre une certaine idée (l'accepter ou non intellectuellement, c'est autre chose); or il est parfaitement certain que votre intelligence pensante est bien assez entraînée pour comprendre toute idée qui lui est proposée. Seul le mental physique est limité — même chez les sujets les plus intelligents — et est pris d'accès de stupidité, ou du moins laisse paraître des étendues plus ou moins vastes d'incompréhension totale, face à des idées inhabituelles, à la perspective d'un nouveau champ d'expérience ou à tout ce qui est soit contraire aux habitudes du mental, soit désagréable à une certaine partie du vital. Je suppose que nous avons tous rencontré cet élément incapable dans notre nature et si l'on s'y enferme, il peut même faire paraître difficile des choses qui d'ordinaire nous sembleraient faciles, et impossibles les choses difficiles. Mais pourquoi un mental entraîné à penser laisserait-il cette partie déficiente de lui-même le dominer? De même pour les autres lubies. Rien de ce que n'importe qui d'autre peut faire en matière de yoga ne vous est inaccessible, si vous avez la ferme volonté de le faire; certaines choses prendront peut-être plus de temps à cause du passé: éducation, habitude, associations d'idées, mais rien n'est impossible, rien n'est trop difficile, aucun obstacle n'est en lui-même insurmontable.

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3320

C'est la volonté instinctive (et non mentale) dans l'être extérieur qui est aveugle; le mental intérieur sait et comprend, et quand il émerge, il illumine le reste; ainsi tout devient clair. Par un mouvement faux du vital, ou une acceptation inerte de l'obscurité de la conscience physique ignorante, l'être extérieur laisse entrer de nouveau l'ombre et la confusion, et la connaissance est obscurcie. Mais elle est toujours là et n'a qu'à ressortir. La conscience physique, de par sa constitution, est ignorante; on peut l'amener à comprendre, mais elle passe son temps à oublier et à croire qu'elle n'a jamais rien su, jusqu'à ce que la Force et la Lumière finissent par s'en emparer; alors elle n'oublie plus.

  IV

3321

Ce qui s'est passé, c'est que vous avez pénétré plus avant dans la conscience physique où il faut faire descendre la paix et la lumière de la conscience supérieure. Souvent il en résulte d'abord un relâchement de l'intensité de l'expérience, une dispersion et le retour d'anciens mouvements qui avaient été expulsés des autres niveaux de l'être, mais il "e faut pas s'en décourager. Le remède est de persévérer davantage pour faire descendre les forces supérieures (paix, etc.) dans cette région.

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3322

L'impulsion à s'extérioriser doit toujours être rejetée; c'est, pour la conscience physique, un moyen d'échapper à l'état de sâdhanâ concentrée. Rester dans la conscience intérieure et de là, agir sur l'être extérieur jusqu'à ce qu'il soit prêt lui aussi, est très nécessaire lorsque le travail de transformation s'oriente plus particulièrement vers la conscience physique.

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3323

Le maidān baigné de lune est la conscience spirituelle; vous vous tenez, pour ainsi dire, à ses portes, et vous sentez sa paix et son bien-être.

L'obstacle ou le mur de servitude que vous sentez est simplement celui des habitudes de la conscience physique ordinaire. C'est général: la nature vitale ordinaire, son ego, son désir, ses passions, ses bouleversements, et la nature physique ordinaire, ses habitudes fortement ancrées, sa tendance à l'extériorisation, sont les principaux obstacles qu'il faut surmonter dans la nature. Lorsqu'ils s'apaisent, on entre plus facilement dans la vraie conscience pour s'unir à la Mère. Mais ils ne sont pas habitués à la tranquillité et dès qu'ils la sentent, ils veulent en sortir et reprendre leurs mouvements ordinaires. Cela disparaîtra lorsque la conscience intérieure aura suffisamment gagné sur la conscience extérieure pour la dominer. La conscience intérieure se développera, se manifestera de plus en plus, à mesure que vous sentirez se dessiner le sentier intérieur, et sera un jour assez forte pour gouverner la vie extérieure. Les obstacles que vous sentez, la recrudescence de difficultés anciennes, l'agitation répétée, etc., tout cela est dû à la force de l'habitude dans la nature physique; la nature physique n'existe qu'en reproduisant constamment les choses et les mouvements auxquels elle a été accoutumée dans le passé. L'influence intérieure, à mesure qu'elle émergera, créera peu à peu en elle de nouvelles habitudes de pensée, de sentiments et d'action; alors elle s'y ancrera et abandonnera les mouvements de l'ancienne nature.

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3324

L'étroitesse, etc., dont vous vous plaignez sont normales à la nature physique. C'est la même chose, agissant d'une manière différente, qui fait que X se rebelle contre les conseils, est vexée et se fâche quand on lui fait voir ses fautes. Chez presque tout le monde la nature physique est ainsi: intolérante, irascible, manquant de patience dans ses relations avec les autres. Mais la nature psychique peut venir remplacer cette nature physique et la transformer: vous avez eu l'expérience de ce qu'est cette nature psychique et de sa manière d'agir. Vous savez donc quelle transformation doit s'opérer en vous, et vous savez aussi que cette nouvelle nature est déjà là, en vous, se préparant à sortir. Ayez par conséquent la foi qu'elle viendra à coup sûr; quand le physique apparaît et recouvre tout de ses anciens mouvements, essayez de vous souvenir de cela et rappelez au mental physique que c'est seulement par cette transformation, en vous-même et en tous, que les choses peuvent changer. Ce qui est nécessaire maintenant, c'est que tous fassent de cette transformation psychique leur objectif principal, chacun en ce qui le concerne. Si certains y réussissent, elle se propagera plus rapidement chez les autres. C'est seulement ainsi que la conscience physique, qui dans son état actuel est pleine d'ego et de conflits, pourra devenir ce qu'elle doit être.

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3325

Ce qui est arrivé, c'est que le psychique en vous, qui auparavant était toujours actif dans le mental et le vital, s'est voilé pendant un moment ou a été recouvert par l'ignorance de la conscience physique. C'est par le psychique que vous êtes relié à la Mère, et c'est lui qui oriente vers elle tous les mouvements de votre être; c'est lui qui les a puisés en elle ou les a unis à elle en les rendant dépendants d'elle. Il l'avait fait pour tout votre être mental et vital et ses mouvements, et vous avait préservé de toutes les suggestions fausses du mental et de toutes les attaques du vital, vous faisant distinguer le vrai du faux. Maintenant cet être psychique se manifeste de nouveau en vous et agit aussi dans votre conscience physique. Vous n'avez qu'à vivre en lui et tout votre être sera tourné vers la Mère, restera en union avec elle et sera préservé du doute, de l'erreur et des suggestions fausses; et vous pourrez de nouveau, comme auparavant, progresser vers la pleine réalisation de la sâdhanâ.

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3326

Tout cela est excellent; c'est l'état psychique qui progresse. La paix et la connaissance spontanée sont dans l'être psychique et s'étendent de là au mental, au vital et au physique. C'est dans la conscience physique extérieure que la difficulté essaie encore de persister en portant l'agitation tantôt dans le mental physique, tantôt dans les nerfs, et tantôt dans le corps sous forme de malaises physiques. Mais tout cela peut et doit disparaître. Même les maladies peuvent disparaître si la paix et le pouvoir augmentent dans les nerfs et les cellules du corps: maux d'estomac, troubles de la vue et tout le reste.

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3327

Ces sentiments reviennent par une habitude qui fait partie de la conscience physique, et dans cette conscience physique, l'être humain est toujours faible et incapable de se débarrasser de ses mouvements habituels ou d'y résister. Trois choses l'aident à le faire (mise à part sa volonté mentale, qui n'est pas toujours assez forte). Il y a d'abord l'être psychique; pendant quelques jours, votre psychique était extrêmement actif et repoussait ces mouvements chaque fois qu'ils essayaient de venir, ou ne tardait guère à les rejeter lorsqu'ils entraient. Cette activité du psychique reviendra et à la longue descendra jusque dans la conscience physique; alors la difficulté sera minime. En second lieu, il y a l'éveil constant de la conscience intérieure. Actuellement c'est difficile, car pour maintenir la conscience intérieure sans cesse en éveil, il vous faudra pénétrer de plus en plus profondément en vous-même, afin que le voile qui sépare la conscience extérieure de la conscience intérieure, et qui ne se lève que pendant la concentration, n'existe plus même lorsque vous serez dans un état ordinaire où la concentration est absente. La forte tendance à vous intérioriser que vous ressentez a pour but de vous mener à cet approfondissement. Et troisièmement, la force de la Mère doit être toujours présente et entraîner une réponse immédiate de la conscience physique. Ensemble, ces trois choses peuvent tout accomplir. Les rendre constamment actives toutes les trois à la fois demande du temps, mais cela viendra certainement et grâce à elles, ces difficultés intérieures disparaîtront.

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3328

Il est inévitable qu'au cours de la sâdhanâ on ait à passer par toutes sortes d'états pour atteindre la plénitude de la vraie conscience. Vous êtes maintenant — comme la plupart des sâdhak — dans la conscience physique dont la principale difficulté est la tendance à s'extérioriser et à voiler l'expérience active, de sorte que l'on ne sait pas ce qui se passe à l'intérieur ou que l'on a l'impression qu'il ne s'y passe rien. Quand cela se produit, c'est le signe qu'une certaine partie ou une certaine couche du physique a émergé parce qu'il faut s'en occuper, et quand le nécessaire a été fait — ce qui prend plus ou moins longtemps — l'expérience intérieure active et consciente reprend. Un mental muet n'est pas mauvais en soi; c'est un état favorable au travail intérieur. Vous décrivez aussi quelque chose qui se passe dans la tête: ce doit être une action de la Force à cet endroit; cela donne parfois l'impression d'un mal de tête. Une action se poursuit sans doute dans le mental physique pour le débarrasser d'une difficulté ou pour mieux le préparer à accueillir ce qui vient d'en haut.

Une grande patience est nécessaire pour passer par ces différents états sans agitation ni frayeur, et aussi la confiance que toutes les difficultés seront surmontées.

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3329

Ce n'est pas qu'il y a toujours en vous quelque chose "qui ne va pas", mais il y a encore, dans l'être physique subconscient, une partie qui peut toujours réagir très favorablement aux vibrations de ces pensées et de ces sentiments comme elle avait coutume de le faire. D'ordinaire vous n'auriez nullement laissé apparaître ces vibrations, ni sous forme de pensées, ni sous forme de sentiments — elles ne se seraient manifestées que par un état physique dépressif ou une fatigue — ou si ceux-ci étaient apparus, vous auriez réagi aussitôt et les vibrations seraient retombées et auraient disparu. Mais dans cette atmosphère lourdement surchargée par une invasion de la conscience ordinaire, la conscience physique est moins plastique et ses vibrations ont pu apparaître. C'est une expérience extrêmement fréquente. Il faut se détacher de ces parties encore faibles et les considérer comme un détail à rectifier dans le mécanisme. En outre, en ce qui vous concerne, votre être nerveux (physique vital) est extrêmement conscient et sensible, et tout ce qui ne va pas dans l'atmosphère l'affecte davantage que la plupart des autres sâdhak.

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3330

Cette sensation dans la poitrine était une attaque physique de la vieille Ignorance qui tentait par là de faire revenir l'agitation, la dépression, la confusion vitales; car c'est maintenant sur l'obscurcissement de la conscience physique que celles-ci comptent pour empêcher la Lumière et la Force de venir, pour assombrir leur action, créer le trouble et détruire la tranquillité. Rejetez cette attaque comme vous l'avez fait cette fois-ci, chaque fois qu'elle essaie de venir.

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3331

C'est très bien que tout ait disparu ainsi et que la vraie conscience ait affirmé sa maîtrise dans le physique. Ces incidents sont en fait des attaques dont le but est d'empêcher la maîtrise de s'établir dans l'être physique, comme elle l'a déjà fait dans les parties intérieures. Partout où la conscience physique s'ouvre, la Force peut balayer ce qui risquerait d'entraîner des difficultés. Il lui faut parfois un peu de temps pour surmonter la résistance, mais tout finit par disparaître devant elle.

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3332

C'est en fait la conscience corporelle qui continue à faire des difficultés, mais quand l'agitation et la confusion apparaissent, vous devez aussitôt les offrir et appeler pour que s'ouvre la partie qui résiste. De cette manière, il est possible d'instaurer un état où dès que la difficulté se présente, la Force de contre-attaquer vient aussi. Alors aucune difficulté ne pourra se prolonger très longtemps.

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3333

Pour votre sâdhanâ, il faut tout d'abord ouvrir l'être physique de façon complète et permanente et stabiliser en lui la descente du calme, de la force, de la pureté et de la joie, et aussi le sentiment que la Force de la Mère est présente et active en vous. C'est seulement sur cette base sûre que l'on peut devenir un instrument entièrement efficace pour le travail. Une fois que c'est fait, la transformation dynamique de l'être en un instrument du Divin reste à accomplir, et elle ne peut s'opérer que par la descente d'un pouvoir de conscience de plus en plus élevé dans le mental, le vital et le corps; de plus en plus élevé, c'est-à-dire de plus en plus proche de la Lumière et de la Force supramentales. Mais cela ne peut se faire que sur la base dont j'ai parlé, et il faut que le psychique soit sans cesse au premier plan agissant comme un intermédiaire entre l'instrument mental, vital et corporel et ces plans supérieurs de l'être. Cette stabilisation fondamentale doit donc d'abord être achevée.

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3334

Oui, le moment est venu de persévérer jusqu'à ce que vous ayez définitivement pris position dans la conscience intérieure; la persistance du silence et de la paix indique que c'est maintenant possible. Quand on sent cette sorte de silence, de paix et d'immensité, on peut être sûr que ce sont ceux de l'être vrai, du moi réel, pénétrant dans le mental et le vital et peut-être aussi (si c'est complet) dans la conscience physique. L'agitation du physique est probablement due au fait que la paix et le silence n'ont pas encore pénétré la conscience matérielle et corporelle, bien qu'ils aient atteint la conscience physique. L'ancienne agitation est là, dans le corps, essayant de s'accrocher, bien qu'elle ne puisse envahir ni le mental, ni le vital, ni même — d'une manière générale — la conscience physique dans son ensemble. Si la paix descend jusque là, l'agitation disparaîtra.

La sensation sexuelle vient du subconscient qui l'a emmagasinée durant les heures de veille. Lorsqu'elle ne peut pas se manifester dans la conscience de veille, elle émerge du subconscient pendant le sommeil. Le mental ne doit pas se laisser troubler; cela s'en ira avec le reste.

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3335

Dans le physique, la résistance revêt souvent la forme d'une agitation due à un malaise dans le système nerveux. Si les jambes en sont affectées, cela signifie que la perturbation se situe dans la partie la plus matérielle de la conscience. Puisqu'elle est apparue, il faut l'expulser une fois pour toutes. Cette partie est sans doute devenue assez consciente pour sentir la pression augmenter lorsque la Mère descend, mais pas suffisamment pour être capable de recevoir la descente et de l'assimiler, d'où le malaise et la résistance. Si c'est le cas, cela devrait s'en aller tout seul par une ouverture un peu plus grande à ce niveau.

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3336

Les réactions que vous décrivez — lourdeur, malaise, faiblesse, impression de vieillesse, d'épuisement ou de maladie — sont celles qui apparaissent lorsque l'inertie de la Nature physique résiste à la Lumière; les autres — sentiment de sa propre dignité, respect de soi-même (de son ego) sont des réactions du vital. Il faut refuser de les admettre, les unes comme les autres. Il n'y a qu'un seul but à poursuivre: l'augmentation de la Paix, de la Lumière, du Pouvoir et la croissance d'une conscience nouvelle dans l'être. Avec cette nouvelle conscience viendront la vraie connaissance, la vraie compréhension, la vraie force, le vrai sentiment qui substitueront l'harmonie à la révolte et à la lutte et amèneront l'union avec la conscience et la volonté du Divin.

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3337

Une certaine inertie, une tendance au sommeil, une indolence, une répugnance ou une incapacité à trouver la force de travailler longtemps ou de soutenir un effort spirituel prolongé, tout cela appartient à la conscience physique humaine. Quand on descend dans le physique pour qu'il se transforme (c'est la situation qui prédomine ici depuis longtemps), cet état tend à empirer. Lorsque la pression de la sâdhanâ augmente dans le physique, ou lorsqu'on doit s'intérioriser souvent, il lui arrive même parfois de s'aggraver temporairement: le corps a besoin de se reposer davantage ou transforme le mouvement d'intériorisation en une tendance à dormir ou à se reposer. Vous n'avez cependant pas à vous en inquiéter. Au bout d'un certain temps, tout cela finit par rentrer dans l'ordre; la conscience physique reçoit le vrai calme et la vraie paix dans les cellules et se sent reposée, même en plein travail ou dans l'état le plus concentré, et cette tendance à l'inertie se retire de la nature.

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3338

L'inertie a toujours plus de chances de se manifester la nuit parce que le subconscient joue un grand rôle dans le sommeil; mais à part cela, il faut réagir (intérieurement) contre son apparition. Une tranquillité dans les cellules du corps, et même une sensation d'immobilité (où le corps se sent mû plutôt qu'il ne se meut lui-même), ce n'est pas la même chose, et c'est facile à distinguer de l'inertie. L'influx de paix apporte en général une grande descente du Brahman statique dans la conscience, jusqu'au physique, de sorte que l'on sent le "immobile il se meut" de l'Oupanishad.

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3339

À ma connaissance, aucun moyen extérieur n'est efficace pour se débarrasser de l'inertie. Certains, aux heures où ils ne peuvent pas pratiquer la sâdhanâ, consacrent leur temps à d'autres occupations: ils lisent, écrivent ou travaillent et n'essaient pas du tout de se concentrer. Mais je soupçonne que ce qu'il vous faut, c'est un corps plus vigoureux.

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3340

Il est tout à fait vrai que l'exercice physique est très nécessaire pour écarter le tamas. Je suis heureux que vous ayez commencé et je compte bien que vous continuerez.

Le tamas physique ne peut être extirpé que par la descente et la transformation, mais l'exercice physique et une activité corporelle régulière peuvent toujours empêcher un état tamasique d'envahir le corps.

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3341

Un mental, une force de vie et un corps solides sont nécessaires dans la sâdhanâ. On doit tout spécialement faire le nécessaire pour rejeter le tamas et pour amener la vigueur et la force dans la structure de la nature.

La voie du yoga doit être une chose vivante et non un principe mental ni une méthode fixe à laquelle on s'accroche en dépit de toutes les variations nécessaires.

Les Bases du Yoga, chapitre I. Traduction de la Mère.

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3342

La faiblesse corporelle doit être guérie et non négligée. Elle ne peut être guérie qu'en faisant descendre la force supérieure et non par une simple contrainte exercée sur le corps.

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3343

Une tension excessive ne fait qu'accroître l'inertie: la volonté mentale et vitale peut contraindre le corps, mais le corps ressent de plus en plus la tension et finit par reprendre ses droits. C'est seulement si le corps ressent lui-même la volonté et la force de travailler qu'on peut augmenter la tension.

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3344

La première règle est que le sommeil et le repos doivent être suffisants: ni trop, ni trop peu.

Le corps doit être entraîné à travailler; il ne faut pas aller au-delà des limites de sa résistance.

Les procédés extérieurs ne sont pas efficaces sans les procédés intérieurs. Par un entraînement progressif on peut, jusqu'à un certain point, rendre le corps capable de travailler davantage. Mais l'important, c'est de faire descendre dans le corps la force du travail et le rasa du travail. Le corps fera alors ce qui lui est demandé, sans rechigner ni ressentir de fatigue.

Même dans ce cas, même si l'on a la force et le rasa, on doit conserver son sens de la mesure.

Le travail est un moyen de se donner au Divin, mais il doit être fait avec la conscience intérieure nécessaire, où le vital et le physique extérieurs ont eux aussi leur part.

Un corps paresseux n'est certes pas un instrument adapté au yoga: il doit cesser d'être paresseux. Mais un corps fatigué et rétif n'a pas non plus une bonne réceptivité et ne peut pas être un bon instrument. Ce qu'il faut, c'est éviter les extrêmes.

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3345

Si, après le travail, votre corps est endolori, c'est peut-être parce que vous travaillez au-delà de vos forces physiques et exigez trop de votre corps. Quand vous travaillez, la Force descend en vous, prend la forme d'une énergie vitale et soutient votre corps de sorte que sur le moment, il ne ressent pas la tension; mais quand vous vous arrêtez, le corps retrouve son état normal et sent les effets: il n'est pas encore assez ouvert pour être capable d'emmagasiner la Force. Vous devez voir si cet effet douloureux se prolonge; s'il disparaît, tout va bien; sinon, vous devez veiller à ne pas vous surmener.

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3346

Cette impression de légèreté et cette puissance de travail vous viennent de votre bon état psychique, car vous êtes ouvert à la Force de la Mère et c'est elle qui travaille en vous; alors il n'y a pas de fatigue. Auparavant, vous sentiez la fatigue après le travail, parce que votre vital était ouvert et que l'énergie vitale était l'instrument du travail, mais la conscience corporelle n'était pas tout à fait ouverte et ressentait une certaine tension. Cette fois-ci le physique semble s'être ouvert, lui aussi.

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3347

La douleur, la sensation de brûlure, l'agitation, les larmes, l'incapacité à travailler que vous ressentez apparaissent lorsqu'on rencontre une difficulté ou une résistance dans une partie quelconque de la nature. Quand cela se produit, appelez la Mère et rejetez tout cela; tournez-vous vers elle pour que la paix et la tranquillité reviennent dans votre mental et s'établissent dans le cœur de sorte qu'il n'y ait plus de place pour toutes ces réactions.

V

3348

L'attachement à ce que l'on mange, l'avidité et la convoitise qui font de la nourriture une partie indûment importante de la vie sont contraires à l'esprit du yoga. Être conscient qu'un aliment est agréable au palais n'est pas une faute; seulement on ne doit en avoir ni désir ni envie, ni exultation de l'avoir, ni regret ou déplaisir de ne pas l'avoir. Il faut être calme et égal, sans trouble ni mécontentement quand la nourriture est insipide ou peu abondante, et manger la quantité nécessaire — ni plus ni moins. Il ne doit y avoir ni envie ni répugnance.

Penser tout le temps à la nourriture et en préoccuper le mental, est une manière tout à fait mauvaise de se débarrasser du désir de la nourriture. Mettez l'élément nourriture à sa vraie place dans la vie, dans un petit coin, et ne vous concentrez pas sur lui mais sur d'autres choses.

Les Bases du Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.

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3349

Il n'est certes pas très yoguique de se laisser tourmenter à ce point par les insatisfactions du palais. Je remarque que ces petits désirs, que beaucoup de gens qui ne sont en rien des yogis ni des aspirants au yoga savent mettre à leur place, semblent prendre ici une importance démesurée, dans la conscience des sâdhak (pas tous, certes, mais beaucoup). En cela, comme en beaucoup d'autres domaines, ils ne semblent pas se rendre compte que si l'on veut faire le yoga, on doit adopter de plus en plus et dans tous les domaines, petits ou grands, l'attitude yoguique. Dans notre chemin, cette attitude n'est pas celle de la répression par la violence, mais du détachement et de l'égalité vis-à-vis des objets du désir. La répression violente1 se situe au même niveau que l'assouvissement sans frein: dans les deux cas, le désir persiste; dans l'un, il se perpétue par l'assouvissement, et dans l'autre il reste latent et s'exaspère par la répression. C'est seulement lorsqu'on prend du recul, que l'on se sépare du vital inférieur, en refusant de considérer ses exigences et ses désirs comme siens, et que l'on cultive vis-à-vis d'eux une égalité et une équanimité complètes dans la conscience, que le vital inférieur se purifie peu à peu et devient calme et égal. Chaque vague de désir, lorsqu'elle vient, doit être observée aussi tranquillement et avec un détachement aussi imperturbable que si l'on observait un événement extérieur à soi, et on doit la laisser passer, la rejeter de la conscience, et la remplacer fermement par le vrai mouvement, la vraie conscience.

Et si les gens se rappelaient qu'ils sont ici pour faire le yoga, s'ils en faisaient le sel et la saveur de leur existence et acquéraient la samatā du goût? Alors, selon mon expérience, tous ces ennuis disparaîtraient et même, il n'y aurait plus de problèmes à la cuisine et la nourriture y gagnerait.

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3350

Ne laissez pas votre mental se préoccuper de la nourriture. Prenez-en la quantité nécessaire (ni trop ni trop peu) sans convoitise ni répulsion, comme le moyen que vous donne la Mère pour entretenir le corps, dans le véritable esprit, en offrande au Divin en vous. Alors la nourriture ne créera pas de tamas.

Les Bases du Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.

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3351

Il faut manger suffisamment et ne plus y penser, en ne considérant la nourriture que comme un moyen d'entretenir l'instrument physique. Mais s'il ne faut pas trop manger, il ne faut pas non plus diminuer inconsidérément la quantité de nourriture: la réaction va à l'encontre du but recherché, qui est de ne permettre ni à l'avidité pour la nourriture, ni au lourd tamas du physique qu'engendre un excès de nourriture d'entraver la concentration sur l'expérience spirituelle et le progrès. Si le corps n'est pas assez nourri, il pensera plus encore à la nourriture.

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3352

Ces difficultés continuent à se manifester en vous parce qu'elles ont longtemps prédominé, et parce qu'en ce qui concerne la première, vous l'avez étayée à une certaine époque par de nombreuses justifications mentales. Si la conscience supérieure continue à croître, elles disparaîtront certainement. Mais si elles apparaissent, ne les entretenez pas. Votre attitude à l'égard de la gourmandise n'a peut-être Pas été exactement celle qu'il fallait. Il faut surmonter la gourmandise, mais il ne faut pas trop y penser. La bonne attitude, en ce qui concerne la nourriture, est une certaine égalité. La nourriture est faite pour entretenir le corps et à cette fin, on doit en absorber suffisamment, selon les besoins du corps; si on lui en donne moins, le corps en ressent le besoin et devient avide; si on lui en donne trop, c'est céder au vital. Quant aux préférences du goût, l'attitude du mental et du vital devrait être: "Si on me donne ce que j'aime, je prends; sinon, je m'en passe." Le mieux est de ne pas trop penser à la nourriture: ni trop manger, ni se priver inconsidérément.

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3353

Si l'on mange trop, le corps devient lourd et matériel; si l'on ne mange pas assez, il devient faible et nerveux; on doit trouver la véritable harmonie, le bon équilibre entre les besoins du corps et la nourriture absorbée.

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3354

Tout dépend de ce que vous pouvez digérer. Si vous pouvez digérer, il n'y a aucun mal à manger davantage, puisque vous avez faim. Tout cela dépend des besoins véritables du corps qui peuvent varier, selon le cas, avec la constitution du corps et la quantité de travail ou d'exercice physique. Peut-être avez-vous exagérément diminué la quantité de nourriture; vous pouvez donc essayer de manger davantage.

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3355

Mais c'est tout naturel. L'exercice a toujours été censé augmenter l'appétit, puisque le corps a besoin d'une plus grande quantité de nourriture pour compenser la dépense supplémentaire d'énergie. Normalement, plus le corps travaille physiquement et plus il a besoin de nourriture. Le travail mental, au contraire, n'exige aucune augmentation de la quantité de nourriture; des expériences scientifiques l'ont prouvé L'appétit peut augmenter pour d'autres raisons, mais s'il apparaît alors qu'on vient de commencer à pratiquer un sport ou un exercice physique intense, cela suffit à l'expliquer.

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3356

Il est vrai qu'à mesure que l'on avance en âge, il peut devenir souhaitable de diminuer la quantité de nourriture.

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3357

Ne négligez pas cette tendance de la nature (le désir de nourriture), mais n'en faites pas trop de cas. On doit s'en occuper, la purifier et la maîtriser, mais sans y attacher trop d'importance. Il y a deux manières de la conquérir. L'une est le détachement: apprendre à considérer la nourriture comme une simple nécessité physique et ne donner aucune importance à la satisfaction vitale du palais et de l'estomac. L'autre est d'être capable de prendre sans insistance et sans recherche la nourriture qui vous est donnée, quelle qu'elle soit, et d'y trouver (que les autres la trouvent bonne ou mauvaise) un égal rasa, identique en tout, non pas de la nourriture en elle-même, mais de l'universel Ânanda.

Les Bases du Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.

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3358

Dans un sens comme dans l'autre, ces généralisations n'ont pas grande valeur. Il est inutile de se mettre à détester la nourriture pour se débarrasser de la gourmandise. Par ailleurs, cultiver le dégoût de certaines choses peut aider à les rejeter; mais ce remède n'est pas toujours efficace, car il leur arrive de persister malgré le dégoût.

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3359

Négliger le corps et le laisser s'épuiser est une erreur; le corps est l'instrument de la sâdhanâ et doit être gardé en bon état. Il ne faut pas avoir d'attachement pour lui, mais pas de mépris non plus, ni de négligence pour la partie matérielle de notre nature.

Le but de ce yoga n'est pas seulement l'union avec la conscience supérieure, mais la transformation de la conscience inférieure, y compris la nature physique, par le pouvoir de la conscience supérieure.

Il n'est pas nécessaire d'avoir de la gourmandise ni un désir de nourriture pour manger. Le yogi ne mange pas par désir, mais pour entretenir son corps.

Les Bases du Yoga. chapitre IV. Traduction de la Mère.

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3360

L'attachement à la bonne nourriture doit être abandonné, comme l'attachement personnel au rang social et à la domesticité; mais à cette fin il n'est pas rigoureusement indispensable de suivre un régime ascétique ou d'abandonner tout moyen d'action comme l'argent et la domesticité. Le yogi doit devenir niḥsva, c'est-à-dire sentir que rien ne lui appartient. mais que tout appartient au Divin, et être à tout moment prêt à tout abandonner au Divin. Mais tout dilapider afin de devenir extérieurement niḥsva, sans raison impérieuse, n'a pas de sens.

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3361

Je suppose que vous avez commencé à percevoir le principe de la faim dans le physique vital. Ce n'est ni en le satisfaisant, ni en le niant avec violence que vous pourrez vraiment le faire disparaître; c'est en lui imposant une volonté de changer et en faisant descendre une conscience supérieure qu'il pourra se transformer.

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3362

Il n'est pas bon de réprimer ainsi la faim, cela suscite souvent des désordres. Je doute que quand on est en bonne santé, le fait d'être gros ou mince dépende de la quantité de nourriture absorbée: il y a des gens qui mangent bien et restent minces, et d'autres qui ne font qu'un repas par jour et restent gros. On peut maigrir par sous-alimentation (c'est-à-dire en mangeant moins que le corps n'en a réellement besoin), mais alors on n'est plus en bonne santé. Les médecins disent que cela dépend du fonctionnement de certaines glandes. Quoi qu'il en soit, l'important est maintenant de revigorer le système nerveux.

Quant au foie, manger peu, là non plus, ne sert pas à grand-chose; très souvent le foie devient paresseux et fonctionne moins bien. Contre les troubles du foie, il est recommandé d'éviter les aliments gras et les excès de sucreries, et c'est aussi une façon d'éviter de grossir. Mais il n'est pas bon de manger trop peu; ce qui peut être nécessaire dans certaines maladies de l'estomac ou de l'intestin ne vaut rien dans le cas d'un simple mal du foie.

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3363

Les sannyâsî ont mis un interdit sur ces désirs, dans le domaine de la nourriture comme dans d'autres; ils ont pour principe de manger une nourriture ascétique; mais cela n'anéantit pas forcément la gourmandise; elle reste refoulée, et si l'interdit ou le principe est retiré, elle peut réapparaître plus forte qu'avant, car le refoulement sans élimination renforce souvent ces désirs au lieu de les annihiler.

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3364

J'ai toujours remarqué que lorsque le désir de manger a été réprimé, le corps ressent pendant quelque temps une forte avidité pour la nourriture, ou un besoin de manger beaucoup, comme pour compenser ce qui lui a manqué.

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3365

La première chose que je dis aux gens qui veulent cesser de manger ou de dormir est qu'on ne saurait faire le yoga sans une quantité suffisante de nourriture et de sommeil (voir sur ce point la Guîtâ). Le jeûne et l'insomnie mettent les nerfs dans un état d'excitation maladive, affaiblissent le cerveau et produisent des hallucinations et des fantasmes. La Guîtâ dit que le yoga n'est pas pour celui qui mange ou dort trop, ni pour celui qui ne mange pas et ne dort pas, mais que si l'on mange et dort convenablement (yuktāhārī yuktanidraḥ), on peut alors le pratiquer dans les meilleures conditions. De même pour tout le reste. J'ai dit et répété qu'une vie trop retirée me paraît suspecte et qu'une sâdhanâ où l'on ne fait que méditer est une sâdhanâ déséquilibrée et donc chancelante!

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3366

L'idée de cesser de manger est une mauvaise inspiration. On peut subsister avec une petite quantité de nourriture, mais pas sans nourriture du tout, sauf pour un temps assez court. Souvenez-vous de ce que dit la Guîtâ: "Le yoga n'est pas pour celui qui mange avec excès, ni pour celui qui s'abstient complètement de manger." L'énergie vitale est une chose à part: on peut en absorber beaucoup sans nourriture, et souvent elle augmente avec le jeûne; mais la substance physique est d'un autre ordre: sans elle, la vie perd son support.

Les Bases du Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.

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3367

On peut faire descendre la force, mais il faut veiller aussi à ce que le corps ait assez de nourriture, de sommeil et de repos; leur absence entraîne une tension nerveuse et si les nerfs sont tendus, le corps se sent fatigué et s'affaiblit.

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3368

Ne pas manger pour se débarrasser de la gourmandise, c'est la méthode ascétique. La nôtre est l'équanimité et l'absence d'attachement.

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3369

C'est un fait que par le jeûne, si le mental et les nerfs sont solides et si la force de volonté est dynamique, on peut obtenir momentanément un état d'énergie intérieure et de réceptivité très séduisant pour le mental, et les réactions habituelles de faim, de faiblesse, de dérangement intestinal, etc., peuvent être entièrement évitées. Mais le corps souffre de la diminution de nourriture, et le vital manifeste facilement une condition morbide de surtension, due à l'irruption de plus d'énergie vitale que le système nerveux ne peut en assimiler ou en coordonner. Les gens nerveux doivent éviter la tentation du jeûne; il s'accompagne souvent ou est suivi d'aberrations et d'une perte d'équilibre. En particulier, s'il a pour motif la grève de la faim, ou s'il s'y mêle quelque élément de ce genre, le jeûne devient périlleux, car alors on cède à un mouvement vital qui peut facilement devenir une habitude pernicieuse, nuisible à la sâdhanâ. Même si toutes ces réactions sont évitées, le jeûne n'a tout de même pas une utilité suffisante car l'énergie et la réceptivité supérieures devraient venir, non pas par des moyens artificiels ou physiques, mais par l'intensité de la conscience et par une forte volonté de sâdhanâ.

Les Bases du Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.

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3370

Jamais je n'en ai entendu parler; mais le jeûne prolongé conduit précisément à une mauvaise réalisation. Les nerfs entrent dans un état d'excitation et de tension (à moins qu'ils ne lâchent) et inventent des réalisations ou vous ouvrent à une Force mauvaise. Du moins c'est souvent le cas.

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3371

Je crois qu'obéir à cette suggestion et se priver de nourriture n'est pas sans danger, car parfois cela ouvre la porte à une force de jeûne qui s'empare du mental, et les ennuis commencent. Cela peut facilement arriver parce que l'être intérieur n'a évidemment pas besoin de nourriture et certaines forces essaient de projeter aussi sur le corps cette absence de besoin; mais le corps ne saurait suivre une aussi charmante loi. Mieux vaut laisser cet état [de concentration et de paix] s'intensifier jusqu'à ce qu'il puisse se prolonger même pendant le repas et au-delà. Je suppose que ce n'est pas vraiment le fait de manger qui dérange, mais plutôt l'extériorisation de la conscience qu'il est un peu difficile d'éviter lorsqu'on va prendre son repas; mais avec le temps on peut surmonter cela.

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3372

Vous ne devez pas laisser ce mouvement [tendance à réduire la quantité de nourriture] aller trop loin. C'est l'un des dangers de la sâdhanâ, dû à la tendance ascétique des yogas d'autrefois: avec les expériences vient la suggestion que la nourriture, le sommeil, etc. ne sont pas nécessaires; le corps peut avoir aussi un penchant à ne pas manger ou à ne pas dormir. Mais si l'on y cède, les conséquences sont souvent désastreuses. Il ne faut pas admettre cela, pas plus que l'inertie.

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3373

Si vous souffrez beaucoup, vous pouvez vous abstenir de travailler pendant un jour ou deux, jusqu'à ce que les douleurs s'apaisent. Évidemment, si vous sentez que toute nourriture non liquide vous fait mal, la question est réglée. Vous ne pourrez absorber que de la nourriture liquide, et si vous ne prenez rien d'autre, vous n'aurez pas assez de force pour travailler. Mais en général, toutes ces questions dépendent, dans une large mesure, de l'idée qu'on s'en fait. Le mental a l'impression que toute nourriture solide provoquera des douleurs et le corps lui emboîte le pas; alors naturellement, toute nourriture solide commence vraiment à faire souffrir.

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3374

La vigueur mentale ou vitale ne dépend pas — ou pas forcément — de la nourriture; c'est le physique qui, au bout d'un certain temps, commence à se fatiguer s'il n'est pas suffisamment nourri.

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3375

La transformation à laquelle nous aspirons est trop vaste et trop complexe pour se produire d'un seul coup; il faut lui permettre de se faire par étapes. Le changement physique est la dernière de ces étapes, et il se fait lui-même par un processus progressif.

La transformation intérieure ne peut pas s'obtenir par des moyens physiques, qu'ils soient de nature positive ou négative. Par contre, le changement physique ne peut s'accomplir que par une descente de la plus haute conscience supramentale dans les cellules du corps. Jusqu'à ce moment-là du moins, le corps et les énergies qui le soutiennent doivent être partiellement entretenus par les moyens ordinaires: nourriture, sommeil, etc. La nourriture doit être prise dans le vrai esprit, avec la vraie conscience; le sommeil doit progressivement se changer en repos yoguique. Des austérités physiques prématurées et excessives (tapasyâ) peuvent compromettre la marche de la sâdhanâ en amenant un dérangement et des forces anormales dans les différentes parties du système. Une grande énergie peut se déverser dans les parties mentales et vitales, mais les nerfs et le corps risquent d'être surtendus et perdent la solidité nécessaire pour supporter l'action de ces énergies supérieures. C'est pourquoi des austérités physiques extrêmes ne font pas partie de la sâdhanâ ici et n'en sont pas un élément substantiel.

Il n'y a pas de mal à jeûner de temps à autre pendant un ou deux jours ni à réduire la nourriture à une quantité petite mais suffisante; cependant, une entière abstinence pour une longue période n'est pas à recommander.

Les Bases du Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.

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3376

Je crois qu'on a accordé une importance exagérée, du point de vue spirituel, à la nourriture sattwique. Les questions de nourriture relèvent plutôt de l'hygiène et bien des sanctions et des interdits édictés par les anciennes religions avaient un motif plus hygiénique que spirituel. Les définitions de la Guîtâ semblent aller dans ce sens: elle semble dire que la nourriture tamasique est celle qui est rance ou pourrie, et qui a perdu toute vertu; que la nourriture radjasique est celle qui est trop acide, trop piquante, etc., qui échauffe le sang et nuit à la santé; que la nourriture sattwique est celle qui est agréable, saine, etc. Il se pourrait bien que ces différentes sortes d'aliments nourrissent l'action des différents guṇa et soient ainsi, indirectement, salutaires ou nuisibles, mise à part leur action physique. Mais on ne peut guère s'aventurer plus loin. Quant à savoir quels aliments particuliers sont ou non sattwiques, c'est une autre affaire et c'est bien plus difficile à déterminer. D'un point de vue spirituel, je dirais que l'effet de la nourriture dépend plus de l'atmosphère et des influences occultes qui l'entourent que du contenu même de la nourriture. Le végétarisme est une tout autre affaire; il repose, comme vous le dites, sur la volonté de s'abstenir de nuire aux formes de vie les plus conscientes pour satisfaire l'estomac.

L'exercice qui consiste à prendre toutes sortes d'aliments pour y trouver un égal rasa n'est pas nécessaire et n'est pas le vrai moyen d'y parvenir. Il faut acquérir l'égalité intérieure dans la conscience et à mesure que cette égalité s'accroît, on peut retendre ou l'appliquer aux divers domaines d'activité de la conscience.

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3377

On peut dire, je crois, que les oignons sont d'un caractère rajo-tamasique. Ils sont lourds et matériels, et en même temps éveillent certaines forces vitales-matérielles puissantes. Si l'on veut vaincre les passions physiques et que l'on est encore très soumis à la nature corporelle et à tout ce qui l'affecte, il est évidemment préférable de ne pas se laisser aller à une débauche d'oignons. Ce n'est sans importance que pour ceux qui se sont élevés au-dessus de la conscience corporelle et l'ont maîtrisée, et que ces questions ne concernent plus; le fait d'absorber ou de désirer tel ou tel aliment est sans effet sur eux. Je dois ajouter qu'il ne suffit pas de s'abstenir de nourritures radjasiques ou tamasiques pour être délivré des désirs qu'elles contribuent à stimuler. Les végétariens, par exemple, peuvent être aussi sensuels et passionnés que les mangeurs de viande; un individu peut s'abstenir de consommer des oignons sans s'améliorer en rien à cet égard. C'est un changement de conscience qui est efficace et ce genre d'abstinence n'y contribue que dans la mesure où elle tend à créer une conscience physique moins Jourde, plus raffinée, plus plastique, sur laquelle la volonté supérieure pourra agir. C'est quelque chose, mais ce n'est pas tout; la transformation de la conscience peut se faire même sans privation.

La consommation des oignons est autorisée à l'Ashram parce que le palais des sâdhak exige quelque chose qui donne du goût à la nourriture. Nous n'accordons pas d'importance à ces détails et nous n'en faisons pas une règle absolument stricte, car ici l'accent est mis davantage sur un changement intérieur dont le changement extérieur est une conséquence. Nous insistons seulement sur ce qui est essentiel à l'organisation et à la discipline intérieure et extérieure, et à l'acquisition d'une indispensable maîtrise de soi. Tous sont enjoints de surmonter la gourmandise, mais cette victoire doit, en dernier ressort, être remportée de l'intérieur, tout comme la victoire sur les autres passions et les autres désirs de la nature inférieure.

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3378

La suppression totale du goût, rasa, ne fait pas partie de notre yoga. Ce qu'il faut rejeter, c'est le désir vital et l'attachement, la gourmandise, l'exultation quand on a la nourriture que l'on aime, le regret et le mécontentement quand on ne l'a pas, et l'habitude de lui donner une importance excessive. En ceci, comme en bien d'autres choses, l'égalité est la pierre de touche.

Les Bases du Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.

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3379

Non, le goût n'est pas un esclavage, s'il n'y a pas d'attachement. Le goût est naturel et tout à fait admissible, tant que l'on n'est pas l'esclave de son palais. On peut certes faire l'offrande des plaisirs du goût. Je ne crois pas que l'expression de la Guîtâ: "Renonce aux fruits de l'action" s'applique à l'action de manger.

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3380

Le goût n'est pas plus un péché quelle vue ou l'ouïe. C'est le désir qu'il éveille qui doit être rejeté.

Il est possible de se débarrasser du goût, comme Chaïtanya, car il est tributaire de la conscience; on peut donc l'inhiber. On s'est aperçu par des expériences d'hypnotisme qu'une suggestion pouvait donner au sucre un goût amer et aux aliments amers un goût sucré. Berkeley et la physiologie ont tous deux raison. Il y a une certaine relation fixe et habituelle entre la conscience dans le palais et le guṇa de la nourriture, mais la conscience peut modifier à volonté cette relation ou l'inhiber complètement. De même certains yogis se rendent insensibles à la douleur, ce qui peut se faire aussi par l'hypnose.

Une autre méthode consiste à trouver tous les aliments agréables au goût sans s'attacher à aucun.

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3381

Mieux vaut être prudent en ce qui concerne la nourriture, etc., car votre sâdhanâ passe par un stade où la sensibilité, dans la partie physico-vitale de l'être, est considérable et peut aisément être dérangée par une mauvaise influence ou un mauvais mouvement, un excès de nourriture par exemple.

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3382

Quand la conscience physique est devenue sensible, une nourriture trop lourde ou trop abondante l'incommode.

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3383

C'est le subconscient matériel qui ressent par habitude un besoin artificiel créé par le passé et ne se soucie pas des effets nuisibles ou gênants qui peuvent ou non se répercuter sur les nerfs. Telle est la nature de tous les stupéfiants (vin, tabac, cocaïne, etc.): à cause de ce besoin artificiel (il n'est pas réel) les gens continuent même quand les effets délétères se sont manifestés, et même après que tout le plaisir qu'ils en retirent a disparu. La volonté doit se saisir de cette persistance subconsciente et la dissoudre.

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3384

Ces stupéfiants [chanvre indien, etc.] vous mettent en relation avec un monde vital où ces choses [musique, chants, etc.] existent.

VI

3385

Notre yoga n'est pas de ceux où l'on doit pratiquer des austérités physiques pour elles-mêmes. Le sommeil est nécessaire au corps, tout comme la nourriture. La durée du sommeil doit être suffisante, sans excès. Par suffisante, j'entends celle dont le corps a besoin.

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3386

Si vous ne dormez pas assez, votre corps et votre enveloppe nerveuse s'affaibliront; or le corps et l'enveloppe nerveuse sont la base même de la sâdhanâ.

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3387

C'est sans doute le manque de sommeil qui entretient dans votre système nerveux cette tendance à la faiblesse; ne pas dormir assez est une grande erreur. Le minimum requis est de sept heures. Quand le système nerveux est très fort, on peut réduire à six, parfois même à cinq, mais c'est rare et il ne faut pas tenter de le faire sans nécessité.

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3388

On dit que la durée normale du sommeil est de sept ou huit heures, sauf à un âge avancé où elle serait moindre. Si l'on dort moins (cinq ou six heures, par exemple), le corps s'en accommode tant bien que mal, mais dès que la contrainte ne s'exerce plus, il veut aussitôt combler son déficit par rapport aux huit heures normales. Il en est de même lorsqu'on a cherché à subsister en ne mangeant pas assez: si la contrainte cesse, le corps devient souvent très vorace jusqu'à ce qu'il ait soldé son compte de profits et pertes. Du moins c'est souvent le cas.

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3389

On ne peut pas faire du corps ce que l'on veut du premier coup. Si l'on ordonne au corps de ne dormir que deux ou trois heures, il obéira peut-être, à condition que la volonté soit assez forte; mais ensuite il sera peut-être excessivement fatigué et même s'effondrera faute d'un repos suffisant. Les yogis qui réduisent leur sommeil à un minimum n'y réussissent qu'après une longue tapasyâ où ils apprennent à maîtriser les forces de la Nature qui gouvernent le corps.

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3390

Tant pour les fièvres que pour les troubles mentaux, le sommeil est d'un grand secours et son absence est très indésirable: on perd un agent de guérison.

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3391

Certaines forces agissent et certaines parties de la personnalité les utilisent. Dans la conscience ordinaire, ces fragments de personnalité sont voilés et les forces sont limitées par le mental extérieur, mais quand on passe derrière le voile cette limitation disparaît, l'action des forces s'élargit et réalise automatiquement ce qui doit être fait.

Mais chacune de ces forces se concentre sur son propre travail et ne se soucie de rien d'autre; par exemple, dans le cas présent, elles ne tiennent aucun compte des besoins du corps en ce qui concerne le repos et le sommeil, ce qui est mauvais. La conscience centrale doit intervenir pour dire: "Non, maintenant c'est l'heure de dormir et non de s'occuper de cela; ces activités auront leur place à un autre moment."

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3392

C'est le manque de sommeil lui-même qui provoque ces malaises. L'action de la sâdhanâ ne peut, par elle-même, amener ce genre de réaction: c'est seulement lorsque le corps subit une tension par manque de sommeil, insuffisance de nourriture, surmenage ou excitation nerveuse que ces symptômes apparaissent. Si vous avez du mal à dormir, c'est sans doute parce que vos nerfs sont tendus pendant la journée et que vous n'arrivez pas à vous détendre pour vous sentir à l'aise.

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3393

C'est votre agitation qui vous empêche de rester endormi, intérieurement ou extérieurement. Pour bien dormir, il faut apprendre au vital, au physique et aussi au mental à se détendre et à rester tranquilles.

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3394

Veillez à prendre assez de repos. Vous devez vous méfier de la fatigue, car elle peut provoquer le relâchement et le tamas. Un bon repos n'est pas le tamas, contrairement à ce que certains imaginent; on peut se reposer dans la conscience juste, pour entretenir l'énergie du corps: c'est ce que fait le Hathayogi énergique en śavāsana.

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3395

Cette lecture [d'un roman, avant d'aller au lit] vous a évidemment jeté dans une conscience tamasique, et par conséquent vous avez dormi d'un sommeil lourd, dans une subconscience épaisse; d'où la fatigue.

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3396

Le sommeil, en raison de sa base subconsciente, amène généralement une chute à un plan inférieur, à moins que ce ne soit un sommeil conscient. Le rendre de plus en plus conscient est le seul remède permanent; mais tant que l'on n'y est pas parvenu, on doit toujours, au réveil, réagir contre cette tendance à l'abaissement et ne pas permettre à l'effet des nuits lourdes de s'accumuler. Mais ces choses nécessitent toujours une discipline et un effort soutenus et elles prennent du temps, parfois beaucoup de temps. Il n'est pas bon de se refuser à l'effort sous prétexte que l'on n'obtient pas des résultats immédiats.

Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.

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3397

Tâcher de rester éveillé la nuit n'est pas une bonne méthode; la suppression du sommeil nécessaire rend le corps tamasique et incapable de la concentration voulue pendant les heures de veille. La vraie manière est de transformer le sommeil et non de le supprimer, et surtout d'apprendre à être de plus en plus conscient dans le sommeil même. Si l'on y parvient, le sommeil se change en un mode interne de conscience, où la sâdhanâ peut continuer autant qu'à l'état de veille, et en même temps on devient capable d'entrer en d'autres plans de conscience que le physique et de disposer d'un immense champ d'expériences informatrices que l'on peut utiliser.

Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.

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3398

Les expériences qu'il a maintenant sont les vraies expériences spirituelles et psychiques et non celles du plan vital qu'ont la plupart des sâdhak au début. Les expériences du plan vital (qui contiennent une grande part d'imagination et de fantaisie) sont utiles pour ouvrir la conscience; mais le vrai progrès commence quand elles font place à la conscience spirituelle et psychique.

La plupart des sâdhak ont du mal à rester conscients pendant la nuit, parce que c'est l'heure du sommeil et de la détente et que le subconscient émerge. La vraie conscience vient d'abord à l'état de veille ou en méditation, elle prend possession du mental, du vital, du physique conscient, mais le vital et le physique subconscients demeurent obscurs et cette obscurité émerge dans les moments de sommeil ou de détente inerte. Quand le subconscient est illuminé et pénétré par la vraie conscience, cette antinomie disparaît.

La femme pishâtcha qui essayait d'entrer est la fausse Shakti vitale et impure, et la voix était celle de l'être psychique. Son psychique, s'il le maintient éveillé et au premier plan, le protégera toujours contre ces forces obscures, comme il l'a fait cette fois-ci.

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3399

Vous ne devez pas essayer de vous passer de sommeil pendant la nuit; si vous vous y obstinez, les effets néfastes n'apparaîtront peut-être pas tout de suite, mais le corps se fatiguera et l'effondrement qui en résultera risquera de détruire ce que vous avez acquis par votre sâdhanâ.

Si vous voulez rester conscient pendant la nuit, entraînez-vous à rendre conscient votre sommeil: non à l'éliminer complètement, mais à le transformer.

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3400

Le sommeil ne peut pas être remplacé par autre chose, mais il peut être changé: vous pouvez devenir conscient dans le sommeil. Si vous êtes conscient ainsi, la nuit peut être employée à une activité supérieure — pourvu que le corps ait le repos dont il a besoin, car le but du sommeil est le repos du corps et le renouvellement de la force vitale physique. C'est une erreur de priver le corps de nourriture et de sommeil, comme certains le veulent par idée ou impulsion ascétique; ceci ne fait qu'user le support physique, et bien que l'énergie yoguique ou vitale puisse faire fonctionner longtemps un système physique surmené ou déclinant, vient un temps où cette sorte de tirage n'est plus si facile, ni même peut-être possible. On doit donner au corps ce dont il a besoin pour l'efficacité de son fonctionnement. Une nourriture modérée, mais suffisante (sans gourmandise ni désir), un sommeil suffisant mais non d'un genre lourd et tamasique, telle devrait être la règle.

Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.

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3401

Il n'y a pas la moindre raison que l'intensité de la sâdhanâ empêche de dormir suffisamment.

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3402

La sâdhanâ peut se poursuivre durant le rêve ou le sommeil tout autant que dans l'état de veille.

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3403

La conscience de rêve ou de sommeil ne peut pas se convertir tout entière et d'un seul coup en une sâdhanâ consciente. Cela doit se faire peu à peu. Mais le pouvoir de samâdhi conscient doit s'accroître pour que ce soit possible.

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3404

On ne peut pas agir avec efficacité sur la conscience de sommeil tant que le mental de veille n'a pas accompli un certain progrès.

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3405

En général, c'est seulement lorsque la sâdhanâ est très active pendant la journée qu'elle se prolonge aussi pendant le sommeil.

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3406

Une fois qu'on est en pleine sâdhanâ, le sommeil en fait¦ partie tout autant que la veille.

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3407

C'est très bien. C'est le signe que la sâdhanâ devient continue, que vous êtes conscient et que vous utilisez une volonté consciente pendant le sommeil autant qu'à l'état de veille. Ce pas en avant est très important dans la sâdhanâ.

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3408

Lorsqu'après avoir été dans un bon état de conscience, on a sombré pendant la nuit dans le subconscient, on s'aperçoit que cet état de conscience a disparu, et il faut faire un effort pour le retrouver. Au contraire, si le sommeil est de meilleure qualité, on peut s'éveiller dans un bon état de conscience. Évidemment, si l'on en est capable, mieux vaut rester conscient pendant le sommeil.

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3409

Il y a chez presque tout le monde une solution de continuité entre la nuit et le réveil d'une part, et de l'autre la conscience ordinaire (la conscience "ordinaire" varie évidemment en fonction du progrès); mais il est inutile de chercher à être conscient en dormant; vous devez prendre l'habitude de retrouver le fil du progrès dès que possible et pour cela, il faut se concentrer un peu après s'être levé.

Vous n'avez pas besoin de méditer aussitôt [après vous être réveillé le matin], mais prenez pendant quelques instants une attitude concentrée, en appelant la présence de la Mère pour qu'elle vous accompagne pendant la journée.

Le soir, il faut passer de la concentration au sommeil; vous devez être capable de vous concentrer les yeux fermés, couché, et la concentration doit s'approfondir jusqu'au sommeil; c'est-à-dire que le sommeil doit devenir une intériorisation concentrée qui s'éloigne de l'état extérieur de veille. Si vous le jugez nécessaire, vous pouvez rester assis pendant un moment, mais ensuite couchez-vous en maintenant la concentration jusqu'à ce que l'intériorisation se fasse.

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3410

[Pour devenir conscient pendant le sommeil:] Vous devez commencer par vous concentrer avant de vous endormir, avec toujours une volonté ou une aspiration particulière. La volonté ou l'aspiration peut mettre un certain temps à atteindre le subconscient, mais si elle est sincère, forte et imperturbable, elle le rejoint au bout d'un moment, si bien qu'une conscience et une volonté s'établissent automatiquement durant le sommeil et font le nécessaire.

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3411

Ce n'était ni un demi-sommeil ni un quart de sommeil ni même un seizième de sommeil que vous avez eu; c'était une intériorisation de la conscience, qui dans cet état reste consciente mais fermée aux choses extérieures et ouverte seulement à l'expérience intérieure. Vous devez clairement distinguer ces deux conditions, qui sont tout à fait différentes; l'une est nidrā, l'autre le commencement au moins de samâdhi (pas le nirvikalpa, bien entendu!). Ce retrait à l'intérieur est nécessaire parce que le mental actif de l'être humain est tout d'abord trop tourné vers les choses extérieures; il doit rentrer complètement au-dedans afin de vivre dans l'être interne (mental interne, vital interne, physique interne, psychique). Mais avec de l'entraînement, on peut arriver au point où l'on reste conscient extérieurement tout en vivant dans l'être intérieur et où l'on entre à volonté dans l'état de retrait ou dans celui d'expansion. Vous pourrez alors avoir la même immobilité dense et le même influx d'une conscience plus grande et plus pure à l'état de veille autant que dans ce que vous appelez à tort le "sommeil".

Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.

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3412

Vous êtes plus conscient quand vous dormez que lorsque vous êtes éveillé. C'est parce que la conscience physique n'est pas encore assez ouverte; elle est tout juste en train de commencer à s'ouvrir. Quand vous dormez, l'être intérieur est actif et en lui, le psychique peut influencer plus activement le mental et le vital. Quand la conscience physique sera spirituellement éveillée, vous ne sentirez plus comme maintenant ce trouble et cette obstruction et vous serez aussi ouvert dans la conscience de veille que pendant le sommeil.

C'est la bonne attitude: avoir la foi et ne pas se préoccuper des difficultés. Des difficultés — et de graves difficultés —, il ne peut manquer d'y en avoir sur le chemin du yoga, parce qu'il n'est pas facile de changer d'un seul coup toute la conscience humaine ignorante et d'en faire une conscience spirituelle ouverte au Divin. Mais avec la foi, on n'a pas à se préoccuper des difficultés; la Force divine est là pour les surmonter.

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3413

Le sommeil que vous décrivez où règne un silence lumineux, ou le sommeil qui donne l'Ânanda dans les cellules, sont évidemment les états les meilleurs. Les autres heures (celles dont vous êtes inconscient) peuvent être des périodes de sommeil profond où vous êtes sorti du physique pour entrer dans le mental, le vital ou d'autres plans. Vous dites que vous étiez inconscient, mais il se peut simplement que vous ne vous souveniez pas de ce qui s'est passé; car au retour, il y a une sorte de renversement de conscience, une transition ou un changement qui fait que tout ce dont on a eu l'expérience pendant le sommeil (sauf peut-être ce qui s'est passé en dernier ou bien un événement très impressionnant) se retire de la conscience physique, et tout devient comme vide. Il y a un autre état similaire, un état d'inertie qui n'est pas seulement vide mais lourd aussi et sans souvenir, mais il ne se produit que quand on s'enfonce profondément et épaissement dans le subconscient. Ce plongeon souterrain est très indésirable; il obscurcit, abaisse, et souvent fatigue plus qu'il ne repose; c'est tout le contraire du silence lumineux.

Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.

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3414

Pendant le sommeil, on passe très souvent par une longue succession d'états de conscience de plus en plus profonds, jusqu'à ce qu'on atteigne le psychique pour s'y reposer, ou par des niveaux de conscience de plus en plus élevés jusqu'à ce qu'on atteigne un repos silencieux et paisible. Ces quelques minutes de repos constituent le vrai sommeil réparateur: sans lui, on ne se repose qu'à moitié. C'est quand on s'approche de l'un de ces domaines de repos que l'on commence à avoir ces rêves d'essence supérieure.

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3415

Selon une théorie médicale récente, le dormeur passe par de nombreuses phases jusqu'à ce qu'il parvienne à un état fait de repos et de silence absolus. Cet état ne dure qu'une dizaine de minutes; le reste du temps, on se dirige vers cet état et on en revient vers l'état de veille. Je suppose que ces dix minutes de sommeil peuvent être appelées suṣupti dans le Brahman ou le Brahmalôka, le reste étant un svapna ou passage à travers les autres mondes (plans ou états d'existence consciente). Ce sont ces dix minutes qui restaurent les énergies de l'être, et sans elles le sommeil n'est pas réparateur.

Selon l'expérience et la connaissance de la Mère, on part de l'état de veille et on traverse une succession d'états de la conscience de sommeil qui sont en fait autant de mondes que l'on pénètre et par lesquels on passe pour arriver à l'état de pur Satchidânanda fait de repos complet, de lumière et de silence; ensuite on revient sur ses pas jusqu'à l'état physique de veille. C'est cette période de Satchidânanda qui donne au sommeil tout son pouvoir réparateur. Ces deux descriptions — la description scientifique et la description spirituelle et occulte — sont pratiquement identiques. Mais la première n'est qu'une découverte récente de ce que la connaissance spirituelle et occulte savait depuis longtemps.

Les gens se font les idées les plus fausses au sujet du "sommeil profond". Ce qu'ils appellent un sommeil profond est simplement une plongée de la conscience extérieure dans une subconscience complète. Ils appellent cela un sommeil sans rêves; mais ce n'est qu'un état où la conscience superficielle de sommeil, prolongement subtil de la conscience extérieure qui reste active même pendant le sommeil, est incapable d'enregistrer les rêves et de les transmettre au mental physique. En fait le sommeil tout entier est plein de rêves. C'est seulement durant le bref moment où l'on est dans le Brahmalôka que les rêves s'interrompent.

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3416

Un sommeil ininterrompu et prolongé est nécessaire parce que ce n'est que pendant une dizaine de minutes que l'on pénètre dans un vrai repos, une sorte d'immobilité de la conscience analogue à celle du Satchidânanda, et c'est cela qui a un effet vraiment réparateur sur l'organisme. Le reste du temps se passe d'abord à traverser les différents états de conscience jusqu'à celui-là, et ensuite à en sortir pour revenir à l'état de veille. Certains médecins ont constaté l'existence de ces dix minutes de véritable repos, mais évidemment ils ne savent rien du Satchidânanda!

VII

3417

Tout sommeil est plein de rêves. Pourquoi y aurait-il une différence entre le sommeil diurne et le sommeil nocturne?

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3418

Durant la nuit, la conscience descend presque toujours au-dessous du niveau atteint par la sâdhanâ dans la conscience de veille, à moins que l'on n'ait des expériences spéciales d'un caractère élevant pendant le sommeil ou que la conscience yoguique acquise soit assez forte dans le physique lui-même pour contrecarrer l'attraction de l'inertie subconsciente. Dans le sommeil ordinaire, la conscience qui reste dans le corps est celle du physique subconscient, qui est une conscience diminuée; elle n'est pas éveillée et vivante comme le reste de l'être. Le reste de l'être se retire en arrière et une partie de sa conscience sort et s'en va en d'autres plans, d'autres régions, et y a des expériences qui se traduisent par des rêves comme celui que vous avez raconté. Vous dites que vous allez en de très mauvais endroits et que vous y avez des expériences comme celle que vous relatez; mais ce n'est pas nécessairement le signe qu'il y a quelque chose de mauvais en vous. Cela veut dire simplement que vous allez dans le monde vital, comme tout le monde; or le monde vital est plein d'endroits et d'expériences de ce genre. Ce que vous devez faire, ce n'est pas tant d'éviter tout à fait d'y aller, car on ne peut pas complètement l'éviter, mais d'y aller avec une pleine protection, jusqu'à ce que vous obteniez la maîtrise des régions de la Nature supraphysique. C'est l'une des raisons pour lesquelles vous devriez vous souvenir de la Mère et vous ouvrir à la Force avant de vous endormir, car plus vous en prendrez l'habitude et réussirez à le faire, plus la protection sera avec vous.

Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.

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3419

C'est le mental de veille qui pense, exerce sa volonté et domine plus ou moins la vie à l'état de veille. Dans le sommeil, ce mental n'est pas là et aucune surveillance ne s'exerce. Ce n'est pas le mental pensant qui voit les rêves, etc., et qui est conscient — avec une certaine incohérence — pendant le sommeil. C'est en général ce que l'on appelle le subconscient qui émerge alors. Si le mental de veille était actif dans le corps, on ne pourrait pas dormir.

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3420

Vous confondez des choses complètement différentes, c'est pourquoi vous n'arrivez pas à comprendre. J'expliquais simplement la différence entre la conscience ordinaire de veille et la conscience ordinaire de sommeil, telles qu'elles fonctionnent dans l'être humain, qu'il soit ou non un sâdhak, et cela n'a rien à voir avec le vrai moi ou l'être psychique. Le sommeil et la veille sont déterminés non par le vrai moi ou l'être psychique, mais par l'état éveillé ou l'activité du mental pendant la période de veille; quand cet état ou cette activité cessent pendant quelque temps, c'est le subconscient qui est à la surface, et l'on dort.

Là aussi c'est différent: c'est dans la conscience yoguique que l'on sent le subconscient situé sous les pieds, mais son influence ne se fait pas sentir seulement à cet endroit; elle s'étend à tout le corps. À l'état de veille, il est supplanté par l'intellect et le vital conscients, et par le mental physique conscient, mais dans l'état de sommeil il vient à la surface.

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3421

C'est le subconscient qui est actif dans les rêves ordinaires. Mais dans les rêves où l'on sort pour aller dans d'autres plans de conscience (mental, vital, physique subtil), c'est en général une partie de l'être intérieur (mental, vital ou physique intérieurs) qui est active.

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3422

Ces rêves ne sont pas tous de simples rêves; ce ne sont pas tous des constructions fortuites, incohérentes ou subconscientes. Beaucoup d'entre eux sont des notations ou des transcriptions d'expériences du plan vital, où l'on entre pendant le sommeil; certains sont des scènes ou des événements du plan physique subtil. Souvent, on y subit des circonstances ou s'y livre à des activités qui ressemblent à celles de la vie physique, avec le même entourage et les mêmes gens, quoique généralement il y ait dans l'arrangement et les formes une certaine différence, parfois considérable. Mais on peut aussi entrer en contact avec d'autres entourages et d'autres personnes que l'on ne connaît pas dans la vie physique ou qui n'appartiennent pas du tout au monde physique.

À l'état de veille, vous n'êtes conscient que d'un certain champ, d'une certaine action limitée de votre nature. Pendant le sommeil, vous pouvez devenir intensément conscient de ce qui est au-delà de ce champ: une nature vitale ou mentale plus vaste derrière l'état de veille, ou un physique subtil, ou une nature subconsciente qui contient une grande part de ce qui est en vous, mais qui n'est pas active d'une façon discernable à l'état de veille. Tous ces sentiers obscurs doivent être clarifiés sinon Prakriti ne peut pas être changée. Vous ne devriez pas vous laisser troubler par la multitude de rêves du vital ou du subconscient (la plus grande part des expériences de rêve vient en effet de ces deux endroits), mais aspirer à être délivré de ces choses et des activités qu'elles révèlent, à être conscient et à rejeter tout ce qui n'est pas la Vérité divine; plus vous toucherez cette Vérité et vous vous attacherez à elle à l'état de veille, rejetant tout le reste, plus ce tissu de rêves inférieurs s'éclaircira.

Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.

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3423

Je parlais de votre état de conscience: plus vous deviendrez conscient, plus les rêves que vous ferez auront de valeur.

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3424

À moins qu'il ne s'agisse de rêves vraiment significatifs, l'étude des rêves est une perte de temps.

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3425

Vous semblez attacher trop d'importance aux rêves. N'encombrez pas votre mental et votre vital de veille; plus tard, vous pourrez vous occuper des rêves qui ne seront plus alors que des souvenirs issus du subconscient.

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3426

Tous les rêves de ce genre sont évidemment des formations comme l'on en rencontre souvent sur le plan vital, et plus rarement sur le plan mental. Parfois, ce sont les formations de votre propre mental ou de votre vital; parfois, les formations du mental d'un autre avec une transcription exacte ou modifiée dans le vôtre; parfois viennent des formations faites par des forces ou des êtres non humains de ces autres plans. Ces formations ne sont pas vraies et ne deviennent pas nécessairement vraies dans le monde physique; mais elles peuvent tout de même avoir de l'effet sur le plan physique si elles ont été formées avec cette tendance ou dans ce but, et si on le leur permet, elles peuvent réaliser leurs événements ou leur signification (car elles sont le plus souvent symboliques ou schématiques) dans la vie intérieure ou extérieure. Avec elles, la méthode à suivre est simplement d'observer et de comprendre, et si elles viennent d'une source hostile, de les rejeter ou les détruire.

Il y a d'autres rêves, qui n'ont pas le même caractère; ils sont la représentation ou la transcription de choses qui se passent réellement en d'autres plans, d'autres mondes, en d'autres conditions que les nôtres. Là aussi, il y a des rêves qui sont purement symboliques, et d'autres qui indiquent des mouvements et des propensions qui existent en nous, familiers ou inconnus du mental de veille, ou qui exploitent de vieux souvenirs, ou font surgir des choses emmagasinées passivement ou qui sont encore actives dans le subconscient — toute une masse de matériaux variés qu'il faut changer ou chasser à mesure que l'on s'élève à une conscience supérieure. Si l'on apprend à les interpréter, on peut acquérir par les rêves, une grande connaissance des secrets de sa propre nature et de la nature des autres.

Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.

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3427

Ces personnages qui vous apparaissent et ces communications que vous recevez en rêve peuvent avoir trois origines différentes:

(1) Il peut s'agir d'êtres que vous rencontrez dans le monde supraphysique et qui s'intéressent à vous;

(2) Il peut s'agir de Forces de la Nature — de la nature mentale ou de la nature vitale — qui revêtent ces apparences humaines et vous transmettent, par un rêve symbolique, une formation issue du Mental universel ou de la Vie universelle. Ces messages peuvent prendre la forme de communications ou d'avertissements concernant des événements futurs. La femme était sans doute l'une de ces Forces de la Nature, car son enfant et la boîte qu'elle portait sont évidemment des symboles: l'enfant représentait une de ses créations ou de ses formations qu'elle voulait vous faire accepter et conserver dans votre conscience, la boîte symbolisait certaines habitudes que cette Force voulait aussi vous faire adopter. En vous offrant de prendre soin de vous, elle ne faisait que manifester sa volonté de vous asservir. Vous avez bien fait de dissoudre tout cela.

(3) Il peut s'agir de constructions de votre propre mental qui vous transmettait ainsi, sous forme de rêves, des communications ou des perceptions qu'il avait reçues d'une force de la nature et qu'il voulait, comme dans le dernier rêve, faire rejeter par l'être intérieur.

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3428

C'est l'exemple d'un rêve où la prémonition s'est révélée exacte dans le domaine physique. Le pouvoir de faire des rêves de ce genre est relativement rare: en général, ces prémonitions se manifestent sous forme de visions intérieures et non dans le sommeil. Il arrive souvent que des formations mentales et vitales se produisent dans les rêves et elles se réalisent parfois en essence, mais pas avec cette précision dans le détail.

[Cette indication exacte du passé et de l'avenir] n'est donnée que par une certaine catégorie de rêves. Les rêves cohérents sont pour la plupart symboliques; sinon ils indiquent des événements qui se passent sur le plan mental ou vital plutôt que sur le plan physique.

C'est le signe d'un pouvoir d'émettre consciemment des formations mentales. Les pensées ont un pouvoir effectif, en général parce qu'elles créent une atmosphère ou des tendances; ainsi, dans l'entourage d'un malade, il ne faut pas émettre des pensées de mauvais augure, de chagrin ou de peur, car elles vont à l'encontre de la guérison; mais la faculté d'émettre consciemment des pensées formatrices est un pouvoir spécial et peu répandu. Il peut être acquis ou venir de lui-même par la sâdhanâ.

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3429

Les rêves de ce genre viennent du subconscient. On est rarement aussi embarrassé, dans la poursuite du yoga, que lorsqu'on découvre avec quelle obstination le subconscient retient ce qui, dans les régions supérieures de la conscience, a été réglé et éliminé. Mais précisément pour cette raison, les rêves donnent souvent une indication utile, car ils nous permettent de poursuivre ces choses jusqu'à leurs obscures racines dans ce monde souterrain et de les extirper. Non, cela n'indique pas que dans une certaine partie de votre conscience, vous considérez votre poursuite actuelle du yoga comme une occupation temporaire, mais simplement que les vieilles tendances et les vieilles activités vitales sont toujours là, dans ces limbes subconscientes mystérieuses et obscures, et que leurs fantômes peuvent venir voleter à la surface quand la volonté consciente est inactive. Si c'était un rêve ordinaire, il semblerait montrer que ce fantôme n'était pas un puissant démon comme les revenants2 combatifs des sagas norvégiennes, mais une ombre sortie de quelque Hadès sans substance.

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3430

Il arrive souvent que lorsqu'un mouvement est expulsé de la conscience de veille, il continue à se produire en rêve. Cela arrive de deux façons. Dans le premier cas, le mouvement est parti, mais il a laissé dans le subconscient un souvenir et une impression qui reviennent durant le sommeil sous forme de rêve. Ces phénomènes subconscients en rêve n'ont aucune importance; ce sont des ombres plutôt que des réalités. Dans l'autre cas, les rêves se produisent dans le vital pour vérifier ou pour témoigner jusqu'à quel point, dans une certaine partie de l'être intérieur, l'ancien mouvement persiste ou est vaincu. Car dans le sommeil, la domination de la conscience de veille et de la volonté est absente. Si, malgré cela, on est conscient pendant le sommeil et que l'on ne sent pas l'ancien mouvement lorsque les circonstances qui le déclenchaient autrefois se répètent en rêve, ou qu'il est rapidement vaincu et rejeté, on doit comprendre que là aussi, on a remporté la victoire. Votre rêve, qui semble avoir reflété quelque chose de réel, était une véritable expérience de ce genre; l'ancien mouvement est bien venu par habitude, mais vous êtes aussitôt devenu conscient et l'avez rejeté. C'est un signe encourageant et la promesse d'une élimination complète dans très peu de temps.

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3431

Ces rêves, qui se forment à partir d'impressions subconscientes combinées au hasard (mental, vital ou physique subconscient), ou bien n'ont aucune signification, ou bien en ont une qu'il est difficile de découvrir et qui, même si on la découvre, ne vaut guère la peine d'être connue. D'autres rêves sont simplement des événements dans les mondes du mental, du vital ou du physique subtil, ou appartiennent aux plans plus vastes du mental, du vital ou du physique subtil, et ont une signification que les personnages du rêve essaient de transmettre.

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3432

Quand on est dans la conscience physique, le sommeil a plutôt tendance à être du genre subconscient, souvent lourd et peu reposant; les rêves aussi sont du genre subconscient, incohérents, dépourvus de sens, ou s'ils ont une signification, les symboles du rêve sont si confus et si obscurs qu'il est impossible de la saisir. C'est en apportant la Lumière de la Mère dans le subconscient que cette confusion peut être dissoute; le sommeil devient reposant ou lumineux et conscient.

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3433

Ces expériences sont normales quand la conscience intérieure se développe et devient de plus en plus la résidence naturelle de l'être; c'est la connaissance intuitive et spontanée de cette conscience intérieure qui devient prédominante et non plus le fonctionnement ordinaire du mental extérieur qui dépend des données sensorielles et des événements extérieurs. C'est la substance de la conscience qui commence à percevoir les choses, et non une partie extérieure qui lui sert d'instrument.

Durant le sommeil, une partie de la conscience sort pour aller dans d'autres plans de l'être où elle voit et sent ce qui s'y passe. Il est tout à fait possible que la conscience témoin suive ces événements qui, en général, se communiquent par une transcription cohérente à la partie endormie de la conscience; celle-ci les reçoit et ils apparaissent comme des rêves clairs et pleins de sens, par opposition aux rêves incohérents du subconscient. Ou bien la conscience témoin peut se sentir là observant les événements, et en même temps ici. C'est sans doute ce qui va se développer dans quelque temps.

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3434

Le mental physique (ou bien le subconscient) intervient presque toujours dans le rêve pour donner sa propre version. C'est seulement lorsqu'une expérience claire se produit dans le plan mental ou vital qu'il n'essaie pas d'intervenir.

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3435

Dans ces rêves, qui appartiennent aux plans du mental et du vital supérieur, les événements ne se produisent pas au même rythme qu'ici et les forces agissent plus librement, mais certains sont formateurs de phénomènes et d'événements qui se produiront ici; non que ces rêves se réalisent exactement comme des prophéties, mais ils créent des forces qui les aident à se réaliser.

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3436

Il n'y a pas de lien substantiel [entre l'état de veille et l'état de rêve], mais il peut y avoir un lien subtil. Les événements de l'état de veille influencent souvent le monde du rêve, pourvu qu'ils aient assez de répercussion sur le mental ou le vital. Les formations et les activités des plans de rêve peuvent projeter quelque chose d'elles-mêmes ou de leur influence dans l'état physique de veille, bien qu'elles s'y reproduisent rarement d'une manière exacte. C'est seulement lorsque la conscience de rêve a atteint un très haut degré de développement qu'on peut voir fréquemment en rêve des choses qui sont ensuite confirmées par ce que d'autres pensent, disent ou font, ou par des événements dans le monde physique.

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3437

Ce sont des rêves du plan vital où ce plan s'empare de l'expérience spirituelle pour essayer d'en transformer le contenu en formes de l'ego et ensuite de suggérer une perte de pouvoir et de conscience, puis une chute. Vous ne devez attacher aucune importance à ces rêves, sauf dans la mesure où ils donnent une indication sur votre nature dans l'état de sommeil.

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3438

Ils veulent simplement dire que lorsqu'ils reviennent à eux, ils n'ont pas conscience d'avoir rêvé. Pendant le sommeil, la conscience va dans d'autres plans où elle a des expériences, et quand celles-ci sont transcrites — parfaitement ou imparfaitement — par le mental physique, on les appelle des rêves. Ces rêves se déroulent tout au long du sommeil, mais tantôt on s'en souvient, tantôt on n'en garde aucun souvenir. Il arrive aussi que l'on descende très profondément, dans le subconscient, et que les rêves s'y déroulent, mais ils sont si profondément enfouis que lorsqu'on en sort, on n'a même pas conscience d'avoir rêvé.

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3439

Il est naturel d'être tantôt silencieux, tantôt très disert lorsque l'être physique subit une action venant de l'intérieur. Quand le sommeil est, si l'on peut dire, plus éveillé, on fait des rêves de toutes sortes; quand on ne perçoit pas les rêves, c'est que le sommeil du corps est plus profond; les rêves se déroulent, mais la conscience corporelle ne les remarque pas ou ne se souvient pas de les avoir faits.

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3440

Cela dépend de la relation entre les deux états de conscience au moment du réveil. En général, un renversement de conscience fait disparaître plus ou moins subitement l'état de rêve et efface l'impression fugitive laissée par les événements du rêve — ou plutôt par leur transcription — sur l'enveloppe physique. Si le réveil se fait plus progressivement, est moins abrupt, ou si l'impression est très forte, on garde au moins le souvenir du dernier rêve. Dans ce dernier cas, le souvenir du rêve peut même persister longtemps, mais en général dès qu'on s'est levé les rêves s'estompent. Ceux qui veulent se souvenir de leurs rêves s'exercent parfois à rester immobiles et à remonter le cours des rêves, en les retrouvant un par un. Quand l'état de rêve est très léger, on peut se rappeler davantage de rêves que lorsqu'il est pesant.

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3441

[Pendant le sommeil,] le subconscient reste dans le corps. En réalité l'être sort pour aller dans différents plans de conscience, mais ses expériences ne sont pas conservées par la mémoire parce que la conscience qui les enregistre est trop profondément enfouie pour pouvoir en communiquer le récit au mental de veille.

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3442

Oui,certainement, les expériences en rêve peuvent être d'une grande valeur et communiquer des vérités qu'il n'est pas si facile de recevoir dans l'état de veille.

Cela se passe souvent de la façon suivante. Un changement ou un renversement de conscience se produit et la conscience de rêve, en disparaissant, emporte avec elle ce qu'elle a vu et éprouvé. On peut parfois éviter cela si, au lieu de se précipiter dans l'état de veille ou de se lever rapidement, on reste tranquille pendant quelque temps pour voir si le souvenir du rêve subsiste ou revient. Sinon la mémoire physique doit apprendre à se souvenir.

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3443

La plupart des dormeurs se promènent surtout dans le vital parce que ce plan est le plus proche du plan physique et c'est celui où il est le plus facile de s'attarder. On pénètre en effet dans les plans supérieurs, mais on y passe rapidement ou on ne s'en souvient pas. Car en revenant à la conscience de veille, on repasse par le vital inférieur et le physique subtil, et comme c'est là qu'ont eu lieu les derniers rêves, il est plus facile de s'en souvenir. On ne se remémore les autres rêves que (1) s'ils ont fortement imprégné la conscience qui enregistre les rêves; (2) si l'on s'éveille aussitôt après l'un d'eux; (3) si l'on a appris à être conscient pendant le sommeil, c'est-à-dire que l'on suit consciemment le passage de plan en plan. Certains s'entraînent à se souvenir de leurs rêves en restant immobiles au moment du réveil et en remontant le fil des rêves.

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3444

Ce qui s'est exprimé venait du plan psychique, et la musique appartenait à ce domaine. Très souvent, lorsqu'on sort d'un sommeil conscient comme celui-ci, la conscience intérieure (celle qui entendait la musique) persiste pendant quelques secondes, même après le réveil, avant de s'en retourner et d'être entièrement recouverte par le mental de veille. Dans ce cas, ce que l'on a vu ou entendu pendant le sommeil persiste pendant les quelques secondes qui suivent le réveil.

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3445

Dans les rêves du plan vital, le fait physique est toujours déformé par rapport à la norme; cela tient parfois à ce que le vital est un domaine où les formes jouent librement, mais d'autres fois ce n'est qu'une formation fantaisiste soit dans le vital lui-même, soit dans le mental subconscient qui transcrit les incidents du rêve et parfois les modifie par ses propres adjonctions.

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3446

Les personnes que l'on rencontre en rêve sont très souvent différentes de ce qu'elles sont dans la vie. Tantôt c'est le véritable individu qui apparaît sur un autre plan, tantôt c'est une pensée, une force, etc. qui revêt son apparence par une association d'idées ou pour une autre raison.

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3447

Ce rêve, contrairement à bien d'autres, est un rêve symbolique sur le plan vital. Mais il est difficile d'interpréter ces rêves symboliques du vital à moins qu'ils ne fournissent leur propre clé; leurs formes sont des sortes de hiéroglyphes. Une fois qu'on a la clé, certains peuvent être chargés de sens; d'autres sont évidemment assez banals.

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3448

Très peu de rêves peuvent s'expliquer de cette façon [par des stimuli extérieurs] et souvent l'explication est tout à fait arbitraire ou ne s'appuie sur aucune preuve. Les rêves provenant d'impressions subconscientes du passé, sans aucun stimulus extérieur, sont bien plus nombreux. La grande majorité des rêves dont se souviennent ceux qui vivent principalement dans le mental appartiennent à cette catégorie. D'autres rêves traduisent certains mouvements et certaines tendances du vital dont la nature est coutumière et sont des formations personnelles sur le plan vital. Mais quand on commence à avoir une vie intérieure, les rêves sont souvent des transcriptions d'expériences sur le plan vital; et au-delà s'étend le vaste domaine des rêves, symboliques et autres, qui n'ont rien à voir avec la mémoire. Évidemment il a été prouvé qu'un rêve très long et plein de détails peut se dérouler en quelques secondes, de sorte que l'objection à ce que dit Bergson ne tient pas. Mais il y a aussi des rêves prophétiques et bien d'autres. La mémoire assure le lien entre toutes les expériences, mais il est absurde d'identifier la conscience (même au sens étroit qu'on donne à ce mot en Europe) à la mémoire. Cette théorie de la mémoire fait partie de la conception fondamentale de Bergson selon laquelle le Temps est tout. Quant au mot spirituel, la plupart du temps, en Europe, aucune distinction n'est faite entre le spirituel et le mental ou le vital.

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3449

Beaucoup de gens font des rêves de ce genre. C'est l'être vital qui sort pendant le sommeil et qui, en se promenant dans les mondes du vital, a cette sensation de flotter dans l'air dans son propre corps (vital). Les vagues d'un océan couleur d'éclair étaient sans doute l'atmosphère d'une certaine région vitale. Je sais que certains sâdhak, lorsqu'ils sortent du corps pour la première fois d'une manière consciente, se croient véritablement en lévitation, tant est saisissante la perception de ce mouvement, mais c'est seulement le corps vital qui sort.

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3450

Ces rêves sont des expériences sur le plan vital, des contacts véritables avec la Mère et moi dans votre être intérieur; bien qu'ils puissent contenir certains éléments symboliques, ils ne sont pas eux-mêmes symboliques, mais expriment des relations, des influences ou des échanges entre notre conscience et la vôtre. Le second rêve contient des éléments symboliques. L'échelle représente évidemment une ascension d'étape en étape. Le serpent indique une énergie parfois bonne, plus souvent mauvaise (vitale ou hostile). Cette énergie était peut-être assoupie et n'avait par conséquent rien d'alarmant, mais en la touchant pour voir ce qu'elle était, vous l'avez éveillée et vous vous êtes rendu compte qu'il était dangereux de la manipuler. La nature de cette énergie n'est pas clairement indiquée. Ces expériences que l'on fait en rêve ne sont pas liées aux pensées de veille comme les rêves subconscients ordinaires, qui ne sont que des rêves et non des expériences. Elles ont une vie, une structure, une organisation, des formes, des significations qui leur sont propres; mais elles sont souvent liées à l'état intérieur et aux expériences ou aux mouvements de la sâdhanâ. Quant à la fleur que vous avez donnée, rien n'indique clairement si cet incident était symbolique ou se déroulait simplement dans le plan intérieur. Il aurait peut-être été possible de le dire si l'on avait su de quelle fleur il s'agissait.

Ces mauvaises passes sont dues à une chute (dont la cause est souvent tout à fait insignifiante); vous êtes tombé de l'équilibre intérieur dans la conscience extérieure. Quand cela arrive, n'en soyez pas ému, mais restez calme, appelez la Mère et retournez à l'intérieur.

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3451

Les rêves que vous décrivez sont très clairement des rêves symboliques sur le plan vital. Ces rêves peuvent symboliser bien des choses: le jeu des forces, la structure et la trame souterraines de choses faites ou éprouvées, d'événements réels ou potentiels, de mouvements ou de changements vrais ou suggérés dans la nature interne ou externe.

La timidité, exprimée par l'appréhension dans le rêve, ne correspondait probablement à rien dans le mental conscient ni dans le vital supérieur, mais à quelque chose de subconscient dans la nature vitale inférieure. Cette partie se sent toujours petite ou insignifiante, elle a très facilement peur d'être submergée par la conscience plus vaste; une peur qui chez certains, au premier contact, va jusqu'au saisissement ou à la terreur panique.

Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.

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3452

Ces expériences appartiennent au plan vital; elles ont un sens, si l'on sait les interpréter. Celle-ci indique la possibilité de fortes attaques sur le plan vital, mais promet en même temps la protection. Ce sont des formations du plan vital qui essaient parfois de se réaliser, mais n'y réussissent pas forcément. On peut les observer et les comprendre, mais il ne faut pas les laisser influencer le mental: souvent les forces adverses essaient en effet d'influencer le mental au moyen de ces expériences de rêve.

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3453

J'ai dit que ce,rêve était un incident réel sur le plan vital et non une formation. Si quelqu'un vous attaque dans la rue, ce n'est pas une formation. Mais si quelqu'un vous hypnotise et vous suggère que vous êtes malade, cette suggestion est une formation introduite par l'hypnotiseur.

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3454

Ce sont des rêves du plan vital; ils ont sans doute un rapport avec quelque chose qui se passe dans votre vital, mais ces rêves ne peuvent être interprétés avec précision à moins qu'un indice apparaisse clairement à la surface, ou que vous puissiez vous-même établir un lien avec un incident vécu dont vous êtes conscient. Les images de l'ascension et de l'eau qui descend (la conscience ou quelque autre don d'en haut) sont fréquentes et le sens général est toujours le même, mais ici la signification précise n'est pas claire.

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3455

C'est un rêve du plan vital. Dans ces rêves, les personnages de la vie physique prennent une autre forme et une autre signification, et la conscience qui vit et agit parmi eux n'est pas la conscience physique extérieure, mais une certaine partie vitale intérieure de l'être. L'insurrection des soldats français symbolise un certain bouleversement sur le plan vital qui veut se produire et affecter la vie intérieure. L'importance de ce rêve réside dans la promptitude avec laquelle la conscience vitale intérieure a placé sa confiance en la Mère et a pris refuge en elle contre tous les bouleversements ou tous les périls possibles de la vie intérieure.

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3456

Oui, votre sentiment au sujet de la protection est tout à fait juste.

Le rêve concernant X, où vous alliez voir la Mère, était l'expérience de quelque chose qui s'est passé sur le plan vital. Dans ce plan, des événements ont lieu qui ont un certain rapport avec la nature et la vie de ce plan-ci, mais ils se déroulent autrement parce que là, les gens ne se rencontrent pas dans leur être physique mais dans leur être vital. On peut se faire une idée de la nature de son propre être vital intérieur, souvent très différent de la personnalité physique qui agit en surface dans le corps. Grâce à la conscience qui agit dans ces rêves, les parties intérieures de l'être commencent à être plus actives et à avoir davantage d'influence sur la nature extérieure. D'après ce que vous me dites des expériences que vous avez eues en rêve, votre vital intérieur semble être très fort, fidèle, lucide, résolu, capable de faire face aux forces hostiles et à leurs activités et d'agir à bon escient.

Quand on a l'impression d'aller quelque part, cela signifie qu'une partie de la conscience va dans un autre plan, différent du plan physique. Les hommes que vous avez vus, et aussi la vision qui a suivi, appartenaient à ces mondes supraphysiques. La vision semble être symbolique de quelque chose qui venait d'en haut, mais de quoi, ce n'est pas tout à fait clair d'après les détails. L'or est la couleur de la Vérité qui vient d'en haut.

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Le monde physique n'est pas le seul; il y en a d'autres dont nous devenons conscients par la transcription qu'en donnent les rêves, par les sens subtils, par les influences et les contacts, par l'imagination, l'intuition et la vision. Dans certains mondes la vie est plus vaste et plus subtile que dans le nôtre, ce sont les mondes du vital; dans d'autres, le Mental construit ses formes et ses personnages, ce sont les mondes du mental; d'autres sont des mondes psychiques qui sont la demeure de l'âme; enfin il y en a d'autres, plus élevés, avec lesquels nous avons peu de contacts. En chacun de nous il y a un plan de conscience mental, un plan psychique, un plan vital, un plan du physique subtil, outre le plan physique et matériel. Les mêmes plans se retrouvent dans la conscience de la Nature générale. Quand nous pénétrons dans ces autres plans ou entrons en contact avec eux, nous établissons une relation avec les mondes situés au-dessus du monde physique. Quand nous dormons, nous quittons le corps physique en n'y laissant qu'un résidu subconscient, et nous entrons dans tous les plans et dans toutes sortes de mondes. Dans chacun nous assistons à des scènes, nous rencontrons des êtres, nous prenons part à des événements, nous nous heurtons à des formations, des influences, des suggestions qui appartiennent à ces plans. Même lorsque nous sommes éveillé, une partie de nous-même se meut dans ces plans, mais leurs événements ont lieu derrière un voile; notre mental de veille n'en est pas conscient. Souvent les rêves ne sont que des constructions incohérentes de notre subconscient, mais il y en a d'autres qui sont des récits (souvent très frelatés et déformés) ou des transcriptions d'expériences qui ont lieu dans ces plans supraphysiques. Quand nous faisons la sâdhanâ, les rêves de ce genre deviennent très fréquents; les rêves subconscients cessent alors de prédominer.

Les forces et les êtres du monde vital ont une grande influence sur les êtres humains. Le monde vital est, par l'un de ses aspects, un monde de beauté: le poète, l'artiste, le musicien sont en contact étroit avec lui; mais c'est aussi un monde de pouvoirs et de passions, de désirs, sexuels et autres: nos propres désirs, nos passions, nos ambitions peuvent nous mettre en relation avec les mondes vitaux, leurs forces et leurs êtres. C'est donc aussi un monde plein de choses obscures, dangereuses, horribles. Les cauchemars, comme ceux de X,sont des contacts avec cet aspect du plan vital. Ses influences sont aussi, en grande partie, à l'origine de ce qui, dans l'homme, est démoniaque, sale, cruel et bas.

Dans cette expérience, X est entrée en contact avec quelque chose qui appartient au mauvais aspect du plan vital. Ses visions de dieux, de déesses, etc., sont des expériences appartenant à l'autre aspect de ce plan. Ici, une force vitale tentait de prendre sur elle une certaine emprise en se servant pour cela de sa frayeur. Si elle n'avait pas peur, cette force ne pourrait pas l'envahir. Si, lorsqu'elle est éveillée, elle est en proie à des désirs ou à des découragements et des dépressions, cela aussi peut contribuer à la faire entrer dans ces mondes pendant son sommeil ou à entretenir un lien avec eux. Ses expériences, telles que vous les avez relatées, montrent qu'elle possède à un très haut degré le pouvoir de pénétrer dans le bon côté du plan vital; ces expériences qu'elle a en rêve sont l'autre côté du même plan. Comme il s'agit de rêves, elles ne sont pas aussi dangereuses qu'une expérience similaire qui se produirait en méditation, mais elles sont tout de même tout à fait indésirables.

Si une tentative d'invasion comme celle-ci se produit, la seule chose à faire est de lutter jusqu'au bout, comme elle l'a fait, tout en appelant la Mère. Elle devrait avoir pour règle d'appeler la Mère avant de s'endormir, de se concentrer sur elle, d'essayer de sentir la protection de la Mère autour d'elle et d'entrer, ainsi entourée, dans le sommeil. Il faut prendre l'habitude d'appeler la Mère pendant le rêve lui-même, lorsqu'on est en difficulté ou en danger; de nombreux sâdhak le font. Ne permettre en aucune manière à aucun pouvoir ou à aucun être, que ce soit en rêve, en méditation ou autrement, à aucune force si ce n'est la Force divine de vous envahir, c'est rejeter l'invasion, ne jamais y consentir, que ce soit en lui prêtant attention ou par faiblesse. Elle peut couper le contact par la volonté intérieure, par une volonté de rejet, par une concentration sur les choses supérieures à celles du plan vital, et aussi par le rejet des désirs vitaux, des découragements ou des dépressions, si elle en est affectée. Qu'elle aspire surtout aux expériences spirituelles supérieures: l'ouverture psychique, le calme, la paix, la pureté, l'ouverture à la lumière, à la force, à la béatitude, à la connaissance d'en haut.

Encore une chose. Elle ne devrait pas mener une vie trop retirée; une certaine ouverture au monde physique est nécessaire, et aussi une activité intellectuelle normale et saine.

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C'est du monde vital que ces rêves lui sont envoyés. Elle doit cultiver trois choses en ce qui les concerne:

(1) prendre l'habitude d'appeler la Mère immédiatement, pendant le rêve même;

(2) ne pas avoir peur; si l'on n'a pas peur, les forces de cet autre monde deviennent impuissantes;

(3) ne pas croire que les formations de ce genre sont réelles et les considérer seulement comme des suggestions revêtues d'une forme, tout comme lorsqu'on imagine avec terreur que tel ou tel événement va se produire alors que la raison sait que ce n'est rien d'autre qu'une création de l'imagination et ne s'en émeut pas.

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Votre expérience de la paix dans le corps était très positive. Quant au mauvais rêve, c'était une formation hostile venue du monde vital, une suggestion envoyée sous forme de rêve pour vous troubler. Il faut chasser cela; vous devriez vous dire en vous-même: "C'est faux, rien de tel ne peut arriver" et rejeter cela comme vous rejetteriez une suggestion fausse à l'état de veille.

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Ces incidents qui vous effraient sont simplement des impressions projetées sur vous par de petites forces vitales qui veulent vous empêcher (en agissant sur vos nerfs) de faire avancer votre sâdhanâ. Ils ne peuvent en réalité vous faire aucun mal, à condition que vous rejetiez toute peur. Gardez cette pensée sans cesse présente à l'esprit lorsqu'un de ces incidents se produit: "La Mère me protège, rien de néfaste ne peut arriver", car l'ouverture psychique et la foi en la Mère suffisent à vous en protéger. De nombreux sâdhak apprennent à prononcer le nom de la Mère tout en rêvant, lorsqu'ils font des rêves angoissants, et les apparitions qui les menacent deviennent impuissantes ou se dissipent. Vous devez par conséquent refuser de vous laisser intimider et rejeter ces impressions en les traitant par le mépris. Si quelque chose d'effrayant apparaît, faites appel à la protection de la Mère.

La sensation de chaleur venait sans doute d'une difficulté qui empêchait la force de descendre au-dessous du centre situé entre les sourcils, où elle avait agi jusqu'à présent. Quand des sensations de ce genre apparaissent — ou bien un malaise comme celui que vous avez déjà eu, ou quelque chose de similaire — vous ne devez pas vous alarmer, mais rester tranquille et laisser passer la difficulté.

L'expérience qui a précédé — le clair de lune sur le front — traduisait cette action sur le centre situé à cet endroit, entre les sourcils: centre du mental, de la volonté et de la vision intérieurs. Le clair de lune que vous avez vu est la lumière de la spiritualité; c'est elle qui pénétrait dans votre mental par ce centre et avait pour effet d'élargir le cœur en un ciel plein de lumière lunaire. Ensuite un effort a été fait pour préparer la partie inférieure du mental — dont le centre se trouve dans la gorge — à se joindre au mental intérieur et à s'ouvrir; mais une difficulté s'est présentée, comme c'est très souvent le cas, et a produit cette chaleur. C'était sans doute le feu de tapas, Agni, qui essayait d'ouvrir la voie vers ce centre.

Cette expérience où l'on a l'impression d'être soulevé jusqu'au ciel est très fréquente et signifie que la conscience s'élève dans un monde supérieur de lumière et de paix.

L'idée que vous devez vous intérioriser de plus en plus et vous tourner totalement vers la Mère est tout à fait juste. C'est lorsqu'il n'y a pas d'attachement aux choses extérieures pour elles-mêmes, que tout n'existe que pour la Mère, et que la vie, à travers l'être psychique intérieur, est concentrée sur elle, que sont réunies les meilleures conditions de la réalisation spirituelle.

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Ce rêve était de ceux que l'on a souvent dans le plan vital, où l'on s'enferre dans des difficultés inextricables jusqu'au moment où tout à coup on trouve le moyen d'en sortir. Le Gujerat du rêve n'était pas le Gujerat, mais symbolisait une région du monde vital opposée à la vie spirituelle et pleine de pouvoirs vitaux qui font obstruction par la force ou par la ruse. Ces rêves donnent des indications sur certaines parties de la nature vitale (non de la nature vitale individuelle, mais de la Nature vitale générale) qui constituent des obstacles à l'accomplissement spirituel. Quand on va dans ces régions et qu'on en devient le maître, on est libéré de toute possibilité d'intervention de ces parties de la Nature dans la sâdhanâ.

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Ces rêves sont tout à fait symboliques des forces vitales qui viennent vous attaquer. Si vous les affrontez avec courage, elles sont réduites à l'impuissance. Je crois que ce n'est nullement votre père ou votre frère que vous rencontrez, bien que ces forces aient pu profiter de certains de leurs sentiments hostiles pour revêtir leur forme; elles ont pu aussi le faire pour créer en vous un mouvement de sympathie et vous empêcher d'agir contre elles. Mais à part cela, les images des parents physiques, ou des proches, symbolisent très souvent la nature physique ou héréditaire, ou en général la nature ordinaire où nous sommes nés.

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Dans ces rêves, les parents ou les proches représentent les forces ordinaires de la conscience physique (l'ancienne nature).

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Ces rêves appartiennent au plan vital. Ceux où vous rentrez chez vous viennent d'une partie du vital qui conserve encore le souvenir des relations passées et y retourne pendant le sommeil. Les rêves concernant la Mère relatent des rencontres avec elle sur le plan vital. Vous devez rejeter les premiers dès le réveil et ne pas laisser votre vital en conserver l'empreinte. Les expériences que vous avez eues là (la Mère descendant dans le cœur et vous adressant la parole) avaient un caractère psychique et n'appartenaient pas à la catégorie des rêves du vital.

La difficulté que vous rencontrez dans votre sâdhanâ vient peut-être du mental vital ou physique qui devient actif. Cela se produit souvent après les premières expériences de calme et de silence. Il faut se détacher de ces activités lorsqu'on médite, prendre l'attitude du témoin et rappeler le calme pour qu'il descende aussi dans ces parties de l'être. Mais cela peut prendre du temps. Si l'on peut, en méditation, s'isoler assez de l'entourage et s'intérioriser, la tranquillité vient plus vite.

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Quand on pratique le yoga, la conscience s'ouvre et on commence à percevoir — surtout en dormant — des objets, des spectacles, des êtres, des événements appartenant à d'autres mondes (non physiques) où l'on pénètre soi-même pendant le sommeil pour y agir. Très souvent ces choses sont importantes pour la sâdhanâ. Vous n'avez donc pas lieu de vous affliger lorsque vous voyez tout cela pendant le sommeil ou la méditation.

Mais en aucun cas vous ne devez avoir peur. Il est bon que vous ayez été capable de détruire vos adversaires (qui étaient des êtres d'un monde vital hostile) car cela prouve que votre nature vitale contient quelque part de la force et du courage. De plus, en utilisant le nom de la Mère et revêtu de sa protection, vous ne devriez avoir peur de rien.

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La fuite [en rêve] symbolise, dans une partie de l'être, l'inertie qui permet aux forces de vous envahir et fait que l'on se retire devant elles et qu'on perd du terrain au lieu de leur faire face et de les détruire.

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Il est évident que l'expérience de X était simplement ce que l'on appelle un cauchemar: une attaque émanant d'une certaine force du monde vital, pendant le sommeil, à laquelle il s'est sans doute ouvert d'une manière ou d'une autre, peut-être en répondant dans la rue à cet homme qui transportait autour de lui la pire des atmosphères vitales. L'image de la femme n'était qu'une forme donnée par son mental subconscient à cette force. Ces forces sont partout autour de nous, et pas seulement dans une pièce ou une maison en particulier, et si on leur ouvre la porte, elles entrent, où que l'on soit. Cela n'aurait aucune importance si X ne s'était pas laissé aller à cette réaction nerveuse de terreur irrationnelle. Pour qui veut faire la sâdhanâ, il n'est pas question de se laisser aller à de telles paniques; si l'on ne peut pas se débarrasser de cette faiblesse incompatible avec les exigences du yoga, il est plus prudent de ne pas s'aventurer dans cette voie.

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La dépression qui s'est abattue sur vous alors que vous dormiez est probablement due à l'une des deux causes suivantes. Il se pourrait que ce soit la trace laissée par une expérience désagréable dans une région déplaisante des mondes vitaux, et des endroits de ce genre, il y en a là des quantités. Cela ne peut guère être une attaque, car si quelque chose s'était passé, cela aurait sûrement laissé une impression plus nette, même si vous n'en aviez gardé aucun souvenir; mais le simple fait de pénétrer dans certains endroits, de rencontrer leurs habitants ou d'entrer en contact avec leur atmosphère peut avoir un effet déprimant ou épuisant, à moins d'être un lutteur né et de prendre un plaisir agressif à affronter ces épreuves et à les surmonter. Si telle est la cause, il s'agit alors soit d'éviter ces endroits, ce que l'on peut faire par un effort de volonté une fois que l'on sait que c'est cela qui se passe, soit de s'entourer d'une protection spéciale pour se garantir du contact de cette atmosphère. L'autre cause possible est une plongée dans un sommeil trop subconscient et trop obscur; l'effet en est parfois celui que vous décrivez. Quoi qu'il en soit, ne vous laissez pas décourager par des incidents de ce genre; ce sont des phénomènes fréquents auxquels on ne peut manquer de se heurter dès que l'on commence à passer derrière le voile et à entrer en contact avec les causes occultes des événements psychologiques qui se produisent en nous. Il faut apprendre quelles sont ces causes, prendre note de la difficulté et y faire face, et toujours réagir, ne jamais admettre la dépression qui s'abat sur vous, mais réagir comme vous l'avez fait la première fois. S'il y a sans cesse aux alentours des forces dont le but est de déprimer et de décourager, il y a toujours d'autres forces, au-dessus et autour de nous, auxquelles nous pouvons puiser et nous abreuver pour nous restaurer, nous emplir à nouveau de force, de foi, de joie, et de ce pouvoir qui persévère et remporte la victoire. Il faut en fait prendre l'habitude de s'ouvrir à ces forces salutaires et les recevoir passivement, ou puiser activement en elles, car on peut faire l'un ou l'autre. C'est plus facile si vous les concevez comme étant au-dessus et autour de vous, si vous avez foi en elles et si vous avez la volonté de les recevoir, car ainsi vous en avez l'expérience, vous les sentez concrètement et vous devenez capable de les recevoir quand vous voulez ou quand vous en avez besoin. Il s'agit d'habituer votre conscience à entrer en contact avec ces forces salutaires et à rester en contact avec elles, et pour cela vous devez vous accoutumer à rejeter les impressions que les autres forces cherchent à vous imposer: dépression, manque de confiance en vous, mécontentement et autres troubles similaires.

Quant à la faculté de maîtriser véritablement une situation par les pouvoirs occultes, elle ne peut venir que par la pratique et l'expérimentation, tout comme on développe la force musculaire par la culture physique, ou que l'on met au point un procédé en laboratoire; c'est en utilisant un pouvoir que l'on découvre comment il peut et doit être appliqué au domaine dans lequel il opère. Il est inutile d'attendre d'en avoir la force avant d'essayer: elle viendra par des essais répétés. Vous ne devez pas non plus redouter l'échec ni en être découragé; ces tentatives ne réussissent pas toujours du premier coup. Il faut apprendre, par l'expérience personnelle, comment entrer en contact avec les forces cosmiques, comment relier notre action individuelle à la leur ou mettre les deux à l'unisson, comment devenir un instrument de cette Conscience souveraine que nous appelons le Divin.

Votre attitude a quelque chose d'un peu trop personnel; je veux parler de votre obstination à considérer la force ou la faiblesse personnelle comme un facteur déterminant. Après tout, qu'il s'agisse des plus grands ou des plus petits d'entre nous, la vigueur n'est pas nôtre, elle nous est donnée pour le jeu qui doit se jouer, pour le travail que nous avons à faire. La vigueur peut s'être formée en nous, mais sa formation actuelle n'est pas définitive, qu'elle soit formation de pouvoir ou formation de faiblesse. À tout moment cette formation peut changer; à tout moment l'on voit, surtout sous la pression du yoga, la faiblesse se transformer en pouvoir, l'incapable devenir capable, la conscience, lentement ou subitement, atteindre, en tant qu'instrument du Divin, une stature nouvelle ou développer ses pouvoirs latents. Au-dessus de nous, en nous, autour de nous est la Vigueur universelle et c'est à elle que nous devons nous en remettre pour notre travail, notre évolution, notre transformation. Si nous avons foi en notre travail, en notre capacité, en tant qu'instrument, à accomplir ce travail, en ce Pouvoir qui nous en a chargés, alors pendant cette mise à l'épreuve, tandis que nous affrontons et surmontons les difficultés et les échecs, la vigueur viendra et nous découvrirons notre aptitude à contenir, dans la mesure exacte de nos besoins, cette Vigueur universelle dont nous devenons des réceptacles de plus en plus parfaits.

 

1 Le jeûne entre dans cette catégorie; il n'est d'aucune utilité dans ce domaine. Abandonnez complètement cette idée (Note de Sri Aurobindo).

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2 En français dans le texte.

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