SRI AUROBINDO
Lettres sur le Yoga
Volume 3. Section 4
5. La transformation du subconscient et de l'inconscient
3710
Tant que la transformation supramentale n'est pas entièrement achevée, jusque dans le subconscient, lia nature inférieure garde toujours une emprise sur l'une om l'autre partie de l'être.
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3711
C'est dans le subconscient que réside maintenant la difficulté majeure, parce que dans le cours général de la sâdhanâ c'est là que se livre maintenant toute la bataille. Ce m'est plus dans le vital ou le physique conscient, mais dans le subconscient que s'est massée toute la résistance.
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3712
L'être intérieur n'est pas assujetti au subconscient, mais l'être extérieur y a été soumis pendant des milliers de vies; c'est pourquoi l'être extérieur et la conscience physique ont l'habitude d'obéir au subconscient, ce qui peut (être — et constitue, pour la plupart des sâdhak — un obstacle formidable au progrès. Le subconscient entretient la répétition des anciens mouvements, empêche l'ascension d'être continue et oppose à la descente l'obstacle de l'ancienne nature ou du tamas (absence d'illumination et d'activité).. Ce n'est qu'en vivant totalement, dynamiquement dans l'être intérieur, et en sentant l'être extérieur comme quelque; chose de tout à fait superficiel, que vous pourrez vous débarrasser de l'obstruction ou la réduire au minimum en attendant que la transformation de l'être extérieur soit achevée.
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3713
La région subconsciente est sombre et ignorante; il est donc naturel que les mouvements obscurs de la Nature y soient plus puissants. C'est le cas de toutes les parties inférieures de la nature, depuis le vital inférieur jusqu'en bas. Mais le subconscient envoie aussi des choses positives, bien que ce soit plus rare. Au cours de la sâdhanâ, il doit être illuminé et devenir le soutien de la conscience supérieure dans la nature physique, au lieu d'être la base des mouvements inférieurs instinctifs.
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Le subconscient doit être pénétré par la lumière et devenir une sorte de soubassement de vérité où s'accumulent les impressions justes, les justes réactions physiques à la Vérité. À vrai dire il ne sera plus du tout subconscient; il deviendra une sorte de banque où les vraies valeurs seront conservées, prêtes à l'emploi.
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Ce travail [de la sâdhanâ dans le subconscient] est d'une nature générale et non individuelle, mais chacun ici en est forcément plus ou moins affecté. Si la conscience et la lumière ne sont pas introduits dans le subconscient, la transformation ne pourra pas se faire. Car c'est dans le subconscient que se trouvent en germe tous les vieux instincts, tous les vieux mouvements du vital inférieur, et même s'ils ont été en grande partie éliminés du vital inférieur lui-même, ils peuvent resurgir d'en bas. Le subconscient est aussi la base cachée de la conscience corporelle. Il doit accepter de recevoir en lui la conscience supérieure et la lumière de la Vérité.
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C'est seulement lorsque le mental est silencieux que le subconscient peut être vide. Ce qu'il faut faire, c'est expulser du subconscient tout le vieux fatras ignorant et anti-yogique"
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3717
Si le subconscient s'est vidé, cela pourrait signifier que vous avez dépassé la conscience ordinaire et que le subconscient lui-même est prêt à devenir un instrument de la Vérité.
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[Premiers effets de la lumière pénétrant le subconscient pour le transformer:]
1. Le subconscient commence à laisser apparaître plus aisément ce qu'il contient.
2. Le mental perçoit ce qui en émerge avant que la conscience en soit atteinte ou affectée.
3. Le subconscient est. de moins en moins un refuge pour les mouvements ignorants et obscurs et devient plutôt un pouvoir de réaction automatique de la conscience matérielle à la conscience supérieure.
4. Les suggestions des forces hostiles y trouvent moins facilement un gîte ou un lieu de passage.
5. Il devient plus facile d'être conscient pendant le sommeil et d'avoir en rêve des expériences d'une forme supérieure. On devient capable de s'opposer aux rêves hostiles — par exemple, aux suggestions sexuelles — et de les interrompre pendant le rêve lui-même, en évitant ainsi toute conséquence (par exemple l'éjaculation).
6. La volonté de la conscience éveillée, imposée à l'état de rêve avant de s'endormir, devient de plus en plus efficace.
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3719
Il faut d'abord préparer les parties conscientes: auparavant il est impossible d'agir avec succès sur le subconscient, si ce n'est sur des points de détail. On est comme le musicien qui doit d'abord apprendre correctement le principe et l'exécution de sa musique à l'aide de la perception et de la volonté (esthétiques) du mental et du vital, et entraîner ses doigts à l'exécuter; ensuite le subconscient dans ses doigts apprendra sa tâche et exécutera de lui-même le mouvement juste, par exemple en frappant les bonnes touches sans avoir besoin de les regarder.
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3720
C'est parce que le subconscient est juste au-dessous du physique: le physique illuminé peut agir sur lui plus directement et plus complètement que le mental et le vital, et en agissant ainsi directement il peut aider le mental et le vital à se libérer aussi.
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3721
Il n'est pas exact que les choses sans forme n'ont aucun pouvoir: il suffit qu'elles contiennent une force. Le subconscient influence le corps parce que tout, dans le corps, a évolué à partir du subconscient, et tout en lui n'est encore qu'à moitié conscient; son action peut. pour une grande part, être qualifiée de subconsciente. Le corps, par conséquent, subit bien plus aisément l'influence du subconscient que le mental conscient et la volonté consciente, ou même que le mental vital et la volonté vitale, sauf dans les domaines où l'on a établi une maîtrise consciente, mentale ou vitale, que le subconscient a acceptée. S'il n'en était pas ainsi, la maîtrise de l'homme sur ses actions et ses états physiques serait complète, la maladie n'existerait pas ou, si elle apparaissait, serait aussitôt guérie par l'action du mental. Mais il n'en est rien. C'est pourquoi il faut faire descendre la conscience supérieure, en illuminer le corps et le subconscient et les habituer à obéir à son action.
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3722
Ce que vous m'écrivez est exact. Quand la conscience physique doit être transformée, il est évidemment essentiel d'agir dans le subconscient, puisque celui-ci a une grande influence sur le physique qui lui est très largement soumis. Il se produit naturellement une perte de conscience lorsqu'on commence à agir sur le subconscient. Vous devez veiller à ce qu'elle ne devienne pas une habitude. Si vous réagissez par une volonté de transformer cette tendance (inutile de batailler), elle passera au bout de quelque temps.
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3723
Le subconscient physico-vital n'a aucun contact avec le psychique. Il est plein d'obscurité, inconscient, totalement ignorant.
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3724
Le physique matériel est en majeure partie subconscient; sa conscience à l'état de veille est fonction des parties subtiles de l'être.
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3725
C'est bien. Le vide et le silence de la conscience préparent l'être à vivre au-dedans et non exclusivement à l'extérieur, la conscience extérieure n'étant qu'un moyen de communiquer avec le monde physique et d'agir sur lui.
De même qu'il existe un supraconscient (quelque chose de supérieur à notre conscience actuelle) au-dessus de la fête, d'où la conscience supérieure descend pour pénétrer dans le corps, de même il y a aussi un subconscient (quelque chose d'inférieur à notre conscience) sous les pieds. La matière est soumise à ce pouvoir, parce que c'est de lui qu'elle est issue; c'est pourquoi la matière nous paraît tout à fait inconsciente. Le corps matériel est, pour la même raison, très soumis à l'influence de ce pouvoir; c'est pourquoi la plupart du temps, nous ne sommes pas conscients de ce qui se passe dans le corps. La conscience extérieure descend dans le subconscient pendant notre sommeil et ne perçoit par conséquent rien de ce qui se passe en nous quand nous dormons, à part quelques rêves. Nombre d'entre eux émergent du subconscient et sont faits de vieux souvenirs, d'impressions anciennes, etc., assemblés d'une manière incohérente. Car le subconscient reçoit des impressions de tout ce que nous faisons ou subissons dans la vie, les conserve et nous en envoie souvent des fragments pendant le sommeil. C'est une partie très importante de l'être, mais nous ne pouvons pas en faire grand-chose par la volonté consciente. C'est la Force supérieure à l'œuvre en nous qui, par son mouvement naturel, ouvrira le subconscient et y fera descendre sa domination et sa lumière.
Il est bon que le mental ne parle pas. En général, à ce stade, cela facilite la concentration de l'être.
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3726
Dans ce rêve, ce sont en réalité des formations ou des impressions du passé qui ont surgi de votre subconscient. Toutes nos actions, tous nos sentiments, toutes nos expériences dans la vie laissent dans le subconscient une empreinte, une sorte de souvenir essentiel qui peut surgir dans les rêves même si ces sentiments, ces mouvements ou ces expériences ont depuis longtemps cessé dans l'être conscient, et plus encore s'ils sont récents et viennent tout juste ou tout dernièrement d'être expulsés du mental ou du vital. Ainsi, on peut continuer à rêver de parents ou d'anciens amis longtemps après avoir cessé de penser à eux; c'est de là que proviennent ces rêves. Il en est de même du sexe ou dé la colère: lorsqu'ils ne troublent plus le vital conscient, des rêves de sexe ou des rêves de colère et de conflits peuvent encore surgir. Ils ne cessent que lorsque le subconscient est tout à fait déblayé; dans l'intervalle, ils n'ont pas beaucoup d'importance (à condition que l'on comprenne ce qu'ils sont et que l'on n'en soit pas affecté) tant que l'on ne permet pas aux mouvements anciens de revenir ou de subsister dans l'état de veille.
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3727
L'insincérité dans le vital subconscient ne peut être dangereuse que si elle est acceptée par le mental de veille. Tant qu'elle subsiste dans le subconscient, elle conserve tout de même en germe une possibilité; il faut donc l'expulser complètement.
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3728
Ce qui se passe actuellement est un grand soulèvement du subconscient qui contient en germe ou sous forme de résidus puissants les difficultés habituelles de la nature. Mais ce soulèvement se caractérise par une confusion et une obscurité désordonnées ou dépourvues d'une structure claire, mentale ou autre; c'est un ensemble confus de dépression, de découragement, d'incapacité à progresser; on se demande: "Que faisons-nous? Pourquoi sommes-nous ici? Comment continuer? Arriverons-nous jamais à quelque chose?"; en même temps, d'anciennes difficultés reviennent d'une manière confuse et fortuite, mais souvent violente et pénible.
Vous ne pouvez pas "recommencer"; ce serait trop difficile dans cette confusion. Vous devez retourner au point où vous avez dévié. Si vous pouvez retrouver la Paix qui venait, et en elle aspirer à la liberté et à l'immensité de la conscience du Pourousha qui constitue un point d'appui1 d'où l'on peut se détacher et se séparer de toute cette confusion de la Prakriti subconsciente, vous trouverez un terrain solide d'où vous pourrez repartir. Mais pour cela, votre choix doit être ferme: vous devez refuser de vous laisser bouleverser à tout moment et ne pas vous en laisser détourner.
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3729
Il y a toujours beaucoup à faire dans le subconscient; mais si vous ressentez particulièrement ce besoin [de nettoyer le subconscient], c'est sans doute parce que le moment en est venu. Si les autres parties restent ouvertes et prêtes à réagir positivement, cela ne devrait pas être trop difficile.
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3730
Tout cela émerge sans doute du subconscient; ou le subconscient lui-même est peut-être soumis à une action dont le but est de l'amener à un état de lumière et de paix. Il entre tantôt dans un état de bonheur, tantôt dans un état neutre, et parfois suscite une tristesse sans cause. Les mouvements du subconscient apparaissent même sans la moindre raison, de leur propre chef, par une habitude inhérente à la Nature; c'est pourquoi il vous est impossible de découvrir la cause de votre tristesse. C'est seulement parce qu'elle est dans le subconscient que vous ne pouvez pas la localiser. Quand cette tristesse apparaît, vous devez vous en dissocier et la rejeter, ne pas la considérer comme vôtre, jusqu'à ce qu'elle cesse de venir, et appeler la paix et l'Ânanda de la Mère pour qu'ils descendent et la remplacent.
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3731
C'est bien; nous vous apporterons assurément notre aide, sous la forme que vous demandez.
L'humeur qui vous est venue provient du subconscient, où les choses de l'ancienne nature s'enfoncent quand elles sont rejetées. Lorsque ces humeurs apparaissent ainsi, vous devez rester calme et appeler la Mère jusqu'à ce qu'elles s'en aillent. Au bout d'un certain temps, leur faculté de se répéter automatiquement et sans raison, qui vient du subconscient, s'usera et disparaîtra; alors ces humeurs ne se reproduiront plus.
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3732
C'est très probablement quelque chose qui est venu du dehors et a été recouvert. Cela arrive, à ce stade, lorsque l'action se poursuit dans le physique et le subconscient, car telle est la nature de ces parties de l'être: elles vivent à l'extérieur, l'être intérieur étant caché par une sorte de voile naturel d'obscurité. Lorsqu'on parvient à déchirer ce voile, il a par conséquent tendance à se reconstituer. Quand cela se produit, on doit rester imperturbable et appeler la Force et la Lumière pour qu'elles descendent et éliminent l'obstacle. Il faut continuer jusqu'à ce que l'ouverture devienne permanente et complète, et que rien ne puisse plus se cacher.
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3733
Il en est toujours ainsi des impressions laissées dans le physique subconscient. Un jour elles semblent pâles et lointaines, dénuées de vie; un autre jour elles paraissent acquérir une certaine force. Cela dépend de leur origine, selon qu'elles sont prises dans un courant de force venant du plan universel, ou qu'elles surgissent d'elles-mêmes, sans aucune force si ce n'est celle que leur a laissée le passé.
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3734
Puisque c'est sur la conscience physique que l'action s'exerce en ce moment, toutes les impressions du passé (qui d'habitude restent dans la subconscience pour émerger de temps en temps, et dans l'intervalle influencent à notre insu la pensée, l'action et les sentiments) se sont sans doute levées en masse et jetées sur la conscience. Cela se produit en général pour que le sâdhak puisse les voir et les rejeter, afin de s'affranchir complètement (dans les parties subconscientes comme dans les parties conscientes) de son passé physique. C'est pourquoi vous avez eu ensuite ce sentiment de libération. La gorge est le centre du mental extériorisant (du mental physique).
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3735
Cela vient très probablement du subconscient. Quand ces souvenirs apparaissent, il faut considérer qu'ils sont apparus pour être dissous et écartés, et agir sur eux en conséquence, afin que, grâce à leur dissolution définitive, on ne soit plus attaché au passé par les impressions laissées dans le subconscient (ce qui est le mécanisme du karma), mais libre d'aborder l'avenir sans entrave de l'esprit.
Si vous arrivez à savoir véritablement pourquoi c'est arrivé et à quoi cela a servi, c'est ce qu'il y a de mieux; ainsi cela disparaît facilement.
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3736
Cette récapitulation du passé est un très bon signe: elle vient en général lorsque la conscience physique et le subconscient s'apprêtent à changer. Il ne faut pas regretter les fautes du passé, mais porter sur elles un regard serein et les comprendre, car tout ce qui est arrivé, y compris les fautes, fait partie de l'expérience par où l'être doit nécessairement passer pour apprendre sa leçon et avancer à travers l'erreur vers la Lumière, et à travers les imperfections de la Nature vers la divine perfection.
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3737
Ce que vous décrivez semble être, par nature, une irruption incontrôlée du subconscient sous la forme d'une répétition automatique des pensées, des intérêts ou des désirs du passé qui préoccupent en général le mental physique. Si ce n'était rien de plus, vous n'auriez qu'à les rejeter, vous en détacher et les laisser passer jusqu'à ce qu'ils s'apaisent. Mais d'après ce que vous écrivez, je soupçonne qu'il s'agit là d'une attaque, d'une force obscure qui se sert de ces répétitions pour envahir le mental et le corps et les harceler. Il serait utile que vous me fournissiez une description exacte des principales caractéristiques des pensées qui viennent, des objets et des idées auxquels elles se rapportent, etc. En tout cas, la seule chose à faire est de vous ouvrir à la force de la Mère par l'aspiration, en pensant à la Mère ou par tout autre moyen, et de la laisser repousser l'attaque. Nous vous enverrons constamment la Force jusqu'à ce que ce soit fait. Il serait préférable de nous faire savoir tous les deux ou trois jours comment vous allez, car cela nous aidera à faire agir la Force avec plus de précision.
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3738
Ces envies et ces désirs sont de vieilles habitudes du physique qui lui sont venues de la Nature universelle, et qu'il a acceptées en les considérant comme une partie de lui-même et de sa vie. Quand ces choses sont rejetées par la conscience de veille, elles essaient de se réfugier dans le subconscient ou dans ce que l'on peut appeler la conscience environnante, et de là font pression sur la conscience en tentant de recouvrer leur emprise ou simplement de revenir pendant quelque temps. Si elles sont dans le subconscient, elles émergent le plus souvent dans les rêves, mais elles peuvent aussi surgir dans la conscience de veille. Si elles viennent d'alentour, elles prennent la forme de suggestions mentales, d'impulsions, ou d'une vague pression agitée ou gênante. C'est probablement cette pression environnante que vous sentez. Quand le corps est empli par la nouvelle conscience, faite à la fois de Paix et de Pouvoir, cette pression extérieure se fait sentir, mais elle cesse d'être gênante et finit par s'éloigner; elle ne s'exerce plus directement sur le mental physique ou le corps et disparaît plus ou moins rapidement.
Par conscience environnante, j'entends quelque chose que chaque individu porte autour de lui, hors de son corps, même lorsqu'il n'en est pas conscient, par quoi il est en contact avec les autres et avec les forces universelles. C'est à travers cette conscience que passent les pensées, les sentiments, etc., des autres avant d'entrer en nous, à travers elle aussi que les vagues de la force universelle: désir, sexe, etc., pénètrent en nous et prennent possession du mental, du vital ou du corps.
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3739
Ces pensées qui vous attaquent pendant le sommeil ou dans l'état intermédiaire entre le sommeil (et le réveil n'appartiennent à aucune partie de votre être (conscient, mais viennent soit du subconscient, soit, par son intermédiaire, de l'atmosphère environnante. S'il s'agit de pensées que vous aviez autrefois et que vous avez rejetées; loin de vous, ce sont les impressions qu'elles ont laissées dams le subconscient qui apparaissent; car tout ce que l'on a pensé, senti ou subi laisse des impressions comme celles-ci qui, de là, peuvent émerger pendant le sommeil. Ou les pensées vous ont peut-être quitté pour aller dans la conscience' environnante, c'est-à-dire dans une atmosphère de conscience que nous portons autour de nous et qui nous relie à la Nature universelle; de là, elles peuvent tenter de revenir en vous. Comme il leur est difficile d'y réussir quand vous êtes éveillé, elles profitent de l'absence de contrôle due au sommeil et apparaissent quand vous êtes endormi. Si c'est quelque chose de nouveau qui ne vous appartient pas, alors le cas est .différent et il s'agit de l'attaque d'une Force extérieure.
Puisque vous avez rejeté ces pensées, il faut espérer qu'elles ne reviendront plus; si, cependant, elles reviennent, vous devez, avant de vous endormir, exercer consciemment votre volonté pour les en empêcher. Une formation de ce genre adressée au subconscient est souvent efficace, sinon aussitôt, du moins au bout d'un certain temps; car le subconscient apprend à obéir à la volonté qui lui a été imposée dans l'état de veille.
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3740
Ce qui se passe, cet apaisement de l'éruption des pensées et des mouvements subconscients et de leur pression sur le mental, est exactement ce qui doit être. Ils ne sont ni refoulés, ni renvoyés dans le subconscient, mais expulsés du moi conscient dans lequel ils avaient surgi. Il est vrai que d'autres choses pourront surgir du subconscient, mais ce seront des choses qui n'ont jamais surgi auparavant. Si ce nue vous venez de rejeter n'a pas été anéanti, cela ira non pas dans le subconscient, mais dans la conscience environnante que l'on porte autour de soi; une fois que c'est là, cela ne vous appartient plus en aucune manière et si cela essaie de revenir, ce sera comme un corps étranger que vous ne serez plus obligé d'accepter ou de laisser subsister. Tels sont les deux derniers stades du rejet par lequel on se débarrasse des anciens éléments de la nature: ils descendent dans le subconscient d'où l'on doit les chasser, ou ils sortent dans la conscience environnante où ils ne font plus partie de nous.
L'idée de laisser ce qui s'élève du subconscient se répéter jusqu'à épuisement n'est pas juste. L'état de trouble en serait inutilement prolongé, ce qui pourrait être néfaste. Quand ces choses apparaissent, il ne faut pas les garder, mais les observer, puis les expulser.
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3741
Sri Aurobindo n'a pu répondre plus tôt à votre lettre [...]; il vous répond cependant point par point ci-dessous, car il pense que ces commentaires pourront vous être utiles à l'avenir dans votre sâdhanâ:
1. "Des scènes horribles", etc.:
C'est sans doute quelque chose qui vient du subconscient, car celui-ci contient bien des choses étranges de ce genre; ou alors ce sont des formations projetées sur la conscience vitale inférieure qui émanent du plan correspondant de la Nature universelle où se trouvent des forces qui prennent plaisir à la saleté, à la laideur et à toutes sortes de perversions. Dans un cas comme dans l'autre, il faut réagir par un rejet ferme et détaché.
2. Il n'y a pas d'inconvénient à utiliser son lit comme āsana.
3. Problème sexuel:
Ce phénomène est fréquent lorsqu'on cesse d'avoir une activité sexuelle et qu'on la rejette du mental et du vital conscients. L'impulsion sexuelle se réfugie dans le subconscient où le mental n'exerce pas directement sa maîtrise et apparaît sous forme de rêves qui causent une éjaculation. Cela se poursuit tant que le subconscient lui-même n'a pas été nettoyé. On peut parfois l'éviter en plaçant une forte volonté ou, si possible, un courant concret de Force sur le centre sexuel avant de s'endormir pour que cela ne se produise pas. Le succès n'est pas toujours immédiat, mais si cette intervention est efficace, elle tend d'abord à réduire la fréquence du phénomène et finit par le faire cesser.
Ces facteurs (urine accumulée, nourriture épicée et échauffante, etc.) y prédisposent, ou sont, ou peuvent être des causes accessoires. Ce besoin subconscient suit souvent un certain rythme; il apparaît à une date particulière du mois, ou selon une période fixe (semaine, quinzaine, mois, six mois).
4. Les classifications du samâdhi dans le Védânta:
Dans notre yoga, ces divisions ne sont pas très importantes.
5. Expérience du samâdhi:
Elle n'est pas indispensable à ce stade; si elle vient d'elle-même, on peut la laisser se dérouler. Mais dans notre yoga, l'expérience de veille est plus importante. Le samâdhi aide à atteindre les profondeurs intérieures de la conscience. Grâce à lui, on peut plus aisément pénétrer davantage sous l'être de surface pour avoir un contact direct avec d'autres plans d'expérience supraphysiques, pour entrer dans d'autres mondes et en revenir, pour avoir accès à des événements éloignés dans l'espace et dans le temps, pour voir ce qui est dans le supraconscient et pénétrer dans ce qui, à notre niveau mental, est supraconscient.
6. La Conscience cosmique, le psychique:
Ces sujets ne peuvent être traités d'une manière satisfaisante dans des limites aussi étroites. La conscience ordinaire de l'homme se borne à sa propre individualité, il ne peut pénétrer dans la conscience des autres et de l'univers que par des moyens indirects ou en les appréhendant d'une manière superficielle et incomplète, par l'expérience sensorielle, par une affinité émotive, par les concepts du mental, par une analogie avec ses propres mouvements, par la déduction. À un certain stade du yoga, cette limitation éclate, la conscience s'élargit, perçoit directement le Moi cosmique et reconnaît l'unité du moi individuel avec lui; elle perçoit le mental, la vie, la matière cosmiques et sent d'abord le contact de son mental, de sa vie, de son corps individuels avec eux, puis une unité où sa mentalité, sa vitalité, sa nature physique individuelles ne sont plus ressenties que comme une partie de l'universel, une vague de l'océan, une dynamo qui reçoit et formule les forces universelles. L'individu finit par se fondre dans la Conscience cosmique, on sent le monde entier en soi-même et soi-même diffus dans le monde: c'est la Conscience cosmique, le Mental, la Vie, l'Énergie matérielle cosmiques qui s'expriment par l'intermédiaire de la fonction individuelle. L'ego séparé n'existe plus ou n'est qu'un instrument commode pour l'Esprit universel et son action. Telle est la Conscience cosmique dans toute sa perfection, mais une pareille plénitude est rare et appartient en propre à ce que l'on pourrait appeler la réalisation surmentale; mais une expérience partielle constante et sans cesse grandissante de cette Conscience cosmique, ou un contact de plus en plus étroit avec elle, fait normalement partie du yoga.
Le psychique, dans la terminologie de notre yoga, est l'élément d'âme dans la nature, la pure psyché, le noyau divin qui se tient derrière le mental, la vie et le corps (ce n'est pas l'ego), mais que nous ne percevons que faiblement. C'est une parcelle du Divin qui se perpétue de vie en vie, recueillant l'expérience de la vie au moyen de ses instruments extérieurs. À mesure que cette expérience grandit, elle manifeste de plus en plus une personnalité psychique qui préconise toujours le beau, le bien et le vrai, et finit par devenir assez mûre et assez forte pour orienter la nature vers le Divin. Le psychique peut alors venir complètement au premier plan, briser l'écran mental, vital et physique, dominer les instincts et transformer la nature. La nature ne s'impose plus à l'âme, c'est le Pourousha qui impose ses édits à la nature.
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3742
Votre pratique de la psychanalyse était une erreur; pour le moment du moins, cela a rendu le travail de purification moins facile, plus compliqué. La psychanalyse de Freud est la dernière chose que l'on devrait associer au yoga. Elle se saisit d'une certaine partie de la nature, la plus sombre, la plus périlleuse, la plus malsaine, telles les couches subconscientes du vital inférieur, isole quelques-uns de ses phénomènes les plus morbides et leur attribue une action hors de toute proportion avec leur vrai rôle dans la nature. La psychologie moderne est une science dans l'enfance, à la fois imprudente, maladroite et grossière. Comme toutes les sciences primitives, c'est un débordement du mental humain et de son habitude universelle de s'emparer d'une vérité partielle ou locale et de la généraliser indûment en voulant expliquer toute l'étendue de la Nature par ses termes étroits. En outre, l'exagération de l'importance des complexes sexuels réprimés est une dangereuse fausseté qui peut avoir une influence néfaste et contribuer à rendre le mental et le vital, non pas moins mais plus foncièrement impurs qu'auparavant.
Il est vrai que le subliminal est la partie la plus importante de la nature humaine et qu'il contient le secret des dynamismes invisibles qui expliquent nos activités de surface. Mais le subconscient vital inférieur, et c'est tout ce que la psychanalyse de Freud semble connaître (et encore n'en connaît-elle que quelques coins mal éclairés), n'est rien de plus qu'une portion restreinte et très inférieure de l'ensemble subliminal. Le moi subliminal se tient en arrière et soutient tout l'homme superficiel; il contient un mental plus large et plus efficace derrière le mental de surface, un vital plus vaste et plus puissant derrière le vital de surface, une conscience physique plus subtile et plus libre derrière l'existence corporelle de surface. Et au-dessus d'eux, il s'ouvre à des régions supraconscientes supérieures, de même qu'au-dessous il s'ouvre à des régions subconscientes inférieures. Si l'on veut purifier et transformer la nature, c'est au pouvoir de ces régions supérieures qu'il faut s'ouvrir et s'élever, et, par elles, changer à la fois l'être subliminal et celui de surface. Même cela doit être fait avec soin, ni prématurément ni imprudemment, en suivant une direction supérieure et en gardant toujours l'attitude vraie, sinon la force attirée peut être trop forte pour l'obscure et faible charpente de notre nature. Mais commencer par ouvrir le subconscient inférieur et risquer ainsi de soulever tout ce qui est malpropre et obscur en lui, c'est s'écarter de son chemin et inviter les ennuis. D'abord on doit rendre le mental supérieur et le vital forts, solides et pleins de la lumière et de la paix d'en haut; après cela, on peut ouvrir le subconscient et même y plonger avec plus de sécurité et quelque chance de changement rapide et heureux.
Le système de vouloir se débarrasser des choses par anubhava est également dangereux; car sur cette voie, on peut facilement s'enliser davantage au lieu d'arriver à la liberté. Cette méthode repose sur deux mobiles psychologiques bien connus. L'un, le mobile d'épuisement volontaire, n'est valable que dans quelques cas, spécialement quand certaines tendances naturelles ont une emprise ou une poussée trop fortes pour que l'on puisse s'en débarrasser par vicāra ou par le procédé du rejet en mettant le vrai mouvement à la place. Quand la poussée est excessive, le sâdhak est parfois même obligé de retourner à l'action ordinaire de la vie ordinaire et d'en avoir la vraie expérience avec une mentalité et une volonté nouvelles derrière; puis il revient à la vie spirituelle une fois que l'obstacle est éliminé, ou en tout cas sur le point de l'être. Mais cette méthode de laisser-aller intentionnel est toujours dangereuse, bien que parfois inévitable. Elle ne réussit que quand l'être possède une très forte volonté de réalisation; car alors, l'assouvissement des désirs amène un grand mécontentement, une forte réaction, le vairāgya, et la volonté de perfectionnement peut alors passer dans la partie récalcitrante de la nature.
L'autre mobile de l'anubhava s'applique d'une façon plus générale; en effet, pour rejeter quoi que ce soit de l'être, il faut d'abord devenir conscient de la chose à rejeter, avoir une claire expérience intérieure de son action et découvrir sa place réelle dans le fonctionnement de la nature. Alors on peut agir sur elle pour l'éliminer si c'est un mouvement entièrement mauvais, ou la transformer si c'est seulement la dégradation d'un mouvement supérieur et vrai. C'est cela, ou quelque chose d'approchant, que l'on a essayé grossièrement et abusivement avec une connaissance rudimentaire et insuffisante, dans le système de la psychanalyse. Soulever les mouvements inférieurs jusque dans la pleine lumière de la conscience afin de les connaître et de les manipuler est un procédé inévitable; car un changement complet ne peut pas se faire sans cela. Mais ce procédé ne peut vraiment réussir que si une lumière et une force supérieures interviennent suffisamment pour surmonter, plus ou moins vite, la force de la tendance offerte à la transformation. Bien des gens, sous prétexte d'anubhava, non seulement soulèvent le mouvement adverse, mais le soutiennent de leur consentement au lieu de le rejeter, trouvent des justifications pour le prolonger ou le répéter et ainsi jouent avec lui, se plaisent à son retour et l'éternisent; ensuite, quand ils veulent s'en débarrasser, il a une telle emprise sur eux qu'ils se découvrent impuissants entre ses griffes et ne peuvent être libérés que par un terrible conflit ou une intervention de la Grâce divine. Certains le font par déformation ou perversité vitales, d'autres par simple ignorance; mais dans le yoga, de même que dans la vie, la Nature n'accepte pas l'ignorance comme une excuse justificative. Ce danger est là chaque fois que l'on manipule maladroitement les parties ignorantes de la nature; mais aucune partie n'est plus ignorante, plus périlleuse, plus déraisonnable, plus obstinée dans ses répétitions nue le subconscient vital inférieur et ses mouvements. Le soulever prématurément ou sans la connaissance du procédé, pour en faire l'anubhava, c'est risquer d'inonder aussi de ce flot sombre et sale les parties conscientes de notre être, et ainsi d'empoisonner toute la nature vitale et même toute la nature mentale. Par conséquent, on doit toujours commencer par une expérience positive, et non par une expérience négative, et faire descendre d'abord quelque premier reflet de la nature divine, de la tranquillité, de la lumière, de l'équanimité, de la pureté et de la solidité divines dans les parties de l'être conscient qui doivent être changées; c'est seulement quand ceci a été fait suffisamment et qu'il y a une base positive solide, que l'on peut avec sécurité soulever les éléments adverses cachés dans le subconscient afin de les détruire ou de les éliminer par la puissance de la tranquillité, de la lumière, de la force et de la connaissance divines. Même ainsi, il y aura toujours assez d'éléments inférieurs qui se lèveront d'eux-mêmes pour vous procurer autant d'anubhava qu'il vous en faut afin de vous débarrasser des obstacles; mais dans ce cas, on peut les manipuler avec beaucoup moins de danger et sous une direction interne supérieure.
Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.
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Je trouve difficile de prendre ces psychanalystes au sérieux quand ils essayent de sonder l'expérience spirituelle à la lueur clignotante de leurs lampes de poche; et pourtant, on le devrait peut-être, car le demi-savoir est une chose puissante qui peut être un grand obstacle à l'émergence de la vraie Vérité. Cette nouvelle psychologie me fait l'effet d'enfants qui apprendraient un alphabet sommaire et pas très adéquat, exultant quand ils additionnent l'ABC du subconscient et le mystérieux super-ego" souterrain, et qui s'imaginent que leur premier livre de débutants obscurs, leur b-a ba, est le cœur même de la vraie connaissance. Ils regardent de bas en haut et expliquent les lumières supérieures par les obscurités inférieures; mais le fondement des choses est en haut, non en bas, upari budhna eṣām. C'est le Supraconscient, et non le subconscient, qui est le vrai fondement des choses. Ce n'est pas en analysant les secrets de la boue où il pousse qu'on explique le lotus; le secret du lotus est dans l'archétype divin du lotus, qui fleurit à jamais en haut dans la Lumière. En outre, le domaine que ces psychologues se sont choisi est pauvre, obscur et limité; il faut connaître le tout avant de pouvoir connaître la partie, et ce qui est tout en haut avant de pouvoir comprendre vraiment ce qui est tout en bas. Telle est la promesse de la psychologie future, et quand son heure sera venue, ces pauvres tâtonnements s'évanouiront, réduits à rien.
Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.
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L'incapacité à changer qui affecte en général les sâdhak en ce moment a aussi une autre cause. La sâdhanâ, d'une manière générale, est maintenant, et depuis longtemps, descendue dans l'Inconscient; la pression, l'appel à la transformation porte sur cette partie de la nature qui dépend directement de l'Inconscient: habitudes ancrées, automatismes, répétitions mécaniques de la nature, réactions involontaires à la vie, tout ce qui semble appartenir au caractère immuable de l'homme. Il faut que cela soit fait pour qu'il y ait la moindre chance d'une transformation spirituelle totale. La Force (en général et non individuellement) est à l'œuvre pour que cette transformation devienne possible, sa pression agit à cette fin; car aux autres niveaux, la transformation a déjà été rendue possible (ce qui ne veut pas dire, notez-le bien, qu'elle soit assurée pour tout le monde). Mais ouvrir l'Inconscient à la lumière est une tâche herculéenne; la transformation à d'autres niveaux est beaucoup plus facile. À présent ce travail ne fait que commencer et il n'est pas surprenant que rien ne semble avoir changé dans les choses et les gens. Cela viendra à son heure, mais ce ne sera pas rapide.
Les expériences sont une bonne chose, mais l'ennui est qu'elles ne semblent pas transformer la nature, elles ne font qu'enrichir la conscience; même la réalisation du Brahman, au niveau mental, semble laisser la nature presque telle quelle, sauf chez quelques-uns. C'est pourquoi nous répétons que la transformation psychique est la première nécessité, car elle a vraiment le pouvoir de transformer la nature; et ses principaux instruments sont la bhakti, la consécration, etc.
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On ne peut suivre le chemin ensoleillé que si le psychique est constamment ou habituellement au premier plan, ou si l'on est naturellement enclin à la foi et à la consécration; si l'on a tendance à se tourner habituellement vers le soleil, ou si l'on a une prédisposition psychique (par exemple, si l'on a foi en sa destinée spirituelle); ou encore, si l'on a acquis l'attitude psychique. Non que le sâdhak du sentier ensoleillé ne rencontre aucune difficulté; il peut en rencontrer beaucoup, mais il les contemple avec bonne humeur et comme allant de soi. S'il reçoit une bonne correction, il est capable de dire: "Bon, c'était plutôt bizarre, mais le Divin est évidemment d'humeur bizarre et si c'est là sa manière de faire, il faut croire que c'est la bonne; je suis moi-même encore plus bizarre, et c'était sans doute le seul moyen de m'amender." Mais tout le monde ne peut pas avoir cette tournure d'esprit, et la consécration qui mettrait tout en place est, comme vous le dites, difficile à réaliser. Du moins c'est difficile de la réaliser complètement. C'est pourquoi nous n'exigeons pas dès l'abord une totale consécration; nous nous contentons d'un petit commencement, le reste se développera au fur et à mesure.
Je vous ai expliqué pourquoi tant de sâdhak (mais pas tous, loin de là) se trouvent ainsi dans le marasme, apathiques et découragés. C'est le tamas, l'inertie de l'Inconscient qui s'est emparée d'eux. Mais c'est aussi le petit vital physique qui ne s'intéresse qu'aux petites futilités de la vie ordinaire, quotidienne et mondaine, et à rien d'autre. Autrefois, quand la sâdhanâ se déroulait aux niveaux supérieurs (mental, vital supérieur, etc.), tous étaient pleins de vigueur, de verve et d'intérêt pour le moindre incident survenant dans le travail et la vie de l'Ashram, ainsi que pour la vie intérieure; le vital physique était emporté par ce courant. Mais maintenant, chez beaucoup de sâdhak, tout cela est retombé; ils vivent dans le physique vital insatisfait et trouvent tout désespérément monotone, morne, sans intérêt, sans objet. Dans leur vie intérieure, le tamas venu de l'Inconscient a créé un blocage ou un goulet d'étranglement et ils ne trouvent aucune porte de sortie. Si l'on peut se maintenir dans l'état approprié et l'attitude juste, avec un vif intérêt pour le travail ou la sâdhanâ, alors cela s'apaise. Voilà pour la maladie. Son remède consiste à se maintenir dans cet état et à apporter aussi dans cette partie de l'être, petit à petit ou rapidement si l'on en est capable, la lumière de l'aspiration supérieure, afin que quelles que soient les conditions qui vous entourent, elle puisse elle aussi garder le bon équilibre. Alors le sentier ensoleillé paraîtrait moins irréel.
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L'acuité extrême de vos difficultés vient du fait qu'en descendant, le yoga s'est heurté au soubassement d'Inconscience qui est, dans l'individu et dans le monde, le fondement de toute résistance à la victoire de l'Esprit et à l'Œuvre divine qui mène à cette victoire. Les difficultés elles-mêmes sont générales, dans l'Ashram comme dans le monde extérieur. Le doute, le découragement, la diminution ou la perte de la foi, l'affaiblissement de l'enthousiasme vital pour l'idéal, la perplexité et lia négation de l'espoir en l'avenir sont les caractères généraux de cette difficulté. Dans le monde extérieur, les symptômes sont bien pires: le cynisme se répand, on refuse de croire en quoi que ce soit, l'honnêteté diminue, la corruption est immense, on se préoccupe de nourriture, d'argent, de confort, de plaisir, à l'exclusion de choses plus élevées, et on s'attend généralement à ce que les affaires mondiales aillent de mal en pis. Quelle que soit l'acuité de ce phénomène, il est temporaire et ceux qui connaissent tant soit peu les fonctionnements de l'énergie universelle et ceux de l'Esprit s'y attendaient. Je prévoyais moi-même que ce pire viendrait, l'obscurité de la nuit avant l'aurore; je ne suis donc pas découragé. Je sais ce qui se prépare derrière l'obscurité, et je peux voir et sentir les premiers signes de sa venue. Ceux qui cherchent le Divin doivent rester fermes et persévérer dams leur quête; dans quelque temps l'obscurité se dissipera et commencera à disparaître, et la Lumière viendra.
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Je sais que c'est une période troublée, pour vous et pour tout le monde. Il en est de même dans le monde entier. Partout la confusion, le trouble, le désordre, les bouleversements; telle est la situation générale. Les choses meilleures à venir se préparent ou grandissent derrière un voile, et les pires prévalent partout. La seule chose à faire est de tenir bon et de tenir jusqu'au bout, jusqu'à l'heure où la lumière sera venue.
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Je crains bien de ne pouvoir offrir qu'une maigre consolation — au moins pour le moment — à ceux de vos correspondants qui se lamentent sur l'état actuel des choses. Les choses vont mal, elles vont de pire en pire, et peuvent d'un moment à l'autre devenir pires encore et même pires que pires si c'est possible, et rien — si paradoxal que ce soit — ne semble impossible dans le monde actuel si perturbé. Pour eux, la meilleure chose à faire est de comprendre que tous ces événements étaient nécessaires, parce que certaines possibilités devaient émerger et être éliminées pour que naisse un monde nouveau et meilleur: les retarder n'aurait servi à rien. C'est comme dans le yoga, lorsque certains éléments dans l'être doivent être amenés soit à se manifester activement en pleine lumière, pour que l'on puisse les affronter résolument et les expulser, soit à émerger de leur état latent dans les profondeurs, dans le même but de purification. Ils peuvent aussi se souvenir que, comme dit le proverbe, c'est avant l'aube que la nuit est le plus sombre, et que l'aurore viendra, inévitablement. Mais ils doivent aussi se rappeler que le monde nouveau dont nous envisageons la venue ne sera pas fait de la même texture que l'ancien, qu'il n'en différera pas seulement en son plan, et qu'il doit venir par d'autres moyens, du dedans et non du dehors; la meilleure chose qu'ils aient à faire est donc de ne pas trop se préoccuper des lamentables événements du dehors, mais de grandir eux-mêmes intérieurement pour se préparer au monde nouveau, quelle que soit la forme qu'il puisse revêtir.
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Restez imperturbable pour franchir cette obscurité: la lumière est là et remportera la victoire.
1 En français dans le texte.